Magazine H2o | 1. Le contexte géographique et écologique | Le projet de développement de la rivière Tumen | Géopolitique-Conflits régionaux

Dessin de tracé de fleuve

Accueil > Urgences > Géopolitique > Le projet de développement de la rivière Tumen
logo lien vers www.lemeeb.net


Utopie ou réalité ?
Le projet de développement de la rivière Tumen

Mots clés : tigre de Sibérie, léopard de l'Amour, baie de Pos'yets, Chine, Mont Paektu, Russie, Moscou-Vladivostock, Tuman-gang, Tumen, Yalu
Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
Index du dossier
1. Le contexte géographique et écologique
2. Le contexte historique
3. Le contexte politique et économique
4. Le projet de développement et ses acteurs
5. Conclusion
6. ResSources

199902_tumen_1.jpg Bernadette d'ARMAILLÉ
REVUE STRATÉGIQUE – n°63 janvier 1999
Institut de Stratégie Comparée, Éditions Économica
H2o – février 1999

 

Rotterdam de l'Extrême-Orient, Hong-kong du Nord, Triangle d'or ! Ces qualificatifs brillants s'adressent à une rivière connue des seuls spécialistes des confins de la Chine et de la Russie : la rivière Tumen. Pourtant, depuis quelques années, une littérature de moins en moins confidentielle s'est emparée de l'histoire et du développement de ce cours d'eau pour en décrire un avenir qui, si les obstacles étaient franchis, pourrait être très prometteur.

 

Le contexte géographique et écologique

 

3 703 kilomètres délimitent la frontière orientale entre la Chine et la Russie. La rivière Tumen, qui, par un coup de l'histoire, ne fait pas partie de cette frontière puisqu'elle n'en est que la prolongation n'a, elle-même, aucun intérêt : trop étroite pour être navigable, sauf sur 80 kilomètres, elle étire des flots limoneux sur quelque 516 kilomètres (c'est la 41ème rivière chinoise) au sein d'un bassin d'environ 41 000 km2.

En revanche, son emplacement, son parcours et surtout son estuaire ne sont pas tout à fait banals. Elle prend sa source au Mont Paektu, ancien volcan situé entre la Chine et la Corée (lieu sacré puisqu'il serait selon la légende, le berceau du peuple coréen et objet de différends frontaliers et de partage administratif avec le voisin du Nord). Sa sœur jumelle, la rivière Yalu (version chinoise du nom Amnok-kang en coréen), née au même endroit, court d'est en ouest pour former la partie ouest de la frontière sino-coréenne. La rivière Tumen (Tuman-gang en coréen), elle, coule d'ouest en est et forme tout du long la frontière entre la Chine et la Corée du Nord.

Sur la fin de son parcours, la rivière oblique brusquement vers la mer du Japon. Le territoire chinois se resserre, jusqu'à n'être plus qu'une mince bande de terrain coincée entre la Russie et la Corée du Nord. L'estuaire, sur 15 km, sert alors de frontière entre ces deux pays et c'est cet emplacement, sur un espace de quelques kilomètres carrés où trois pays à l'histoire chargée se touchent, qui attire la curiosité. C'est le seul point de contact physique entre la Russie et la Corée : un pont de fer, le pont de l'amitié selon Pyongyang, sert de lieu de passage uniquement par voie ferrée. C'est également le terminal transsibérien Moscou-Vladivostock, fenêtre russe sur l'Asie-Pacifique, zone militaire stratégique, n'étant qu'à 120 kilomètres plus à l'est, au-delà de la baie de Pos'Yets. Sur la rive russe, le lac de Khasan et les marais avoisinants constituent un écosystème fragile où une faune et une faune rares doivent être protégées. Le delta sert d'abri à nombre d'oiseaux : 100 000 canards, oies sauvages ou cygnes y ont établi leurs quartiers. C'est aussi une halte entre l'Australie et l'Arctique russe, pour une multitude d'oiseaux migrateurs. Une partie de la baie de Pos'yets et de ses environs ont été déclarés "Réserve de haute protection" pour une faune maritime diversifiée. On ne peut éviter de parler du tigre de Sibérie (il n'en reste qu'environ 200 spécimens) et du léopard de l'Amour, très confidentiel puisqu'il n'existerait plus que 30 ou 40 sujets. Ces deux espèces vivent dans des réserves ou dans la forêt aussi luxuriante que riche, elle aussi, en mammifères et oiseaux de toutes sortes. Les gouvernements sont conscients du devoir de protection qui leur incombe mais ce n'est malheureusement pas le cas des autochtones qui polluent et défrichent sans vergogne. Nombre d'associations écologistes surveillent toutes les avancées à la fois du projet Tumen, mais aussi des politiques locales. Ils espèrent faire du bassin un modèle de développement écologique intégré.

Enfin, il n'est qu'à regarder la carte pour comprendre que la proximité de la mer du Japon, ses débouchés pour toute la province de Jilin et au-delà toute la région qui tend à y descendre naturellement et le nœud de transit qu'elle représente (Japon, Corée du Sud), sont pour la Chine une tentation permanente de retrouver à nouveau cet accès à la mer. Le port japonais de Niigata, par exemple, est à une journée de traversée, alors que le transit par le port de Dalian (province de Liaoning) demande un temps de transport terrestre plus long et une journée et demie de traversée.