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Tripoli, Libye – juin 2002
Eaux souterraines, les ressources cachées de la planète

Mots clés : Afrique, aquifères, atelier, eaux souterraines, gestion partagée, systèmes aquifères, Tripoli, Unesco
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Dossier de
Martine LE BEC
  
June 2002
Index du dossier
1. Eaux souterraines, les ressources cachées de la planète
2. Les ressources en eau douce, enjeu stratégique, l'interview de Alice Aureli
3. La question des aquifères, méconnue des instances internationales, l'interview de Shammy Puri
4. Pour une coopération régionale renforcée, l'interview de Omar Salem
5. Nous sommes tous gestionnaires de l'eau, l'interview de Gordon J. Young
6. ResSources

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Les instances internationales ont jusqu'à présent très peu porté d'attention à la question des aquifères

 

Shammy PURI
Président de la Commission sur les aquifères transfrontaliers – IAH
Coordinateur du projet Internationally Shared Aquifer Resource Management – ISARM

propos recueillis par Martine LE BEC-CABON

 

Sous quel statut sont placés les systèmes aquifères transfrontaliers ?

Sous aucun statut. C'est le vide juridique absolu au point qu'un juge international a refusé de prendre en compte les critères environnementaux dans une décision qui opposait la Hongrie et la Solvaquie au sujet de l'aquifère de Nagymaros-Gabcikovo. Sa décision a en conséquence uniquement été fondée sur des critères économiques et historiques. S'agissant aussi de systèmes beaucoup plus complexes que ceux des eaux de surface, les législations ne sont absolument pas transposables. De plus, les instances internationales ont, jusqu'à récemment, très peu porté d'attention à la question. Un seul programme de coopération est aujourd'hui financé par le Fonds pour l'environnement mondial (GEF, en anglais) ; il concerne le système de Guarani, chevauché par le Brésil, le Paraguay, l'Argentine et l'Uruguay.

Cette méconnaissance des systèmes aquifères ne constitue-t-elle pas leur principale menace ?

Tout à fait. Cette méconnaissance n'est pas d'ailleurs seulement juridique, elle est en premier lieu technique. Alors qu'une population ou un pays peut dépendre étroitement de cette ressource, l'activité d'un pays voisin peut avoir des effets irréversibles sur celle-ci, de façon même inconsciente. D'où l'importance d'identifier parfaitement chacun de ces aquifères, avec notamment ses caractéristiques de recharge et de flux, et – plus loin – d'obtenir la reconnaissance de chaque pays, non seulement sur la valeur pour lui-même de la ressource, mais aussi pour ses voisins. La Commission économique des Nations Unies pour l'Europe vient ainsi d'achever le recensement de 100 aquifères transfrontaliers : la majorité de ceux-ci ne sont à ce jour reconnus que par un seul État.

Le potentiel de cette ressource apparaît énorme. Qu'en est-il exactement ?

Les volumes de ces aquifères sont effectivement gigantesques et l'on peut à proprement parler de mers souterraines. L'aquifère de Guarani pourrait ainsi alimenter en eau potable toute la population mondiale pendant au moins 200 ans. En réalité, les aquifères renferment 90 % des ressources mondiales en eau douce. Il s'agit néanmoins de systèmes particulièrement sensibles. Alors que l'aquifère des Guarani est aujourd'hui par endroits exploité pour ses qualités thermales, d'importants forages mettraient évidemment en péril ces qualités. C'est pour cela que nous devons aussi encourager des scénarios à très long terme : sur plusieurs centaines, voire milliers d'années, ce qui équivaut au temps de formation de ces systèmes ; l'intérêt de telles projections est de permettre l'intégration de données essentielles comme les changements climatiques.

En quoi l'enjeu de ces aquifères devient aujourd'hui de plus en plus pressant ?

Certaines régions – au premier rang desquelles l'Afrique du Nord et le Proche-Orient – vont dépendre de plus en plus largement – voire quasi-exlusivement comme c'est déjà le cas pour la Libye – de ces ressources. Parallèlement les progrès techniques en ont facilité l'exploitation. Il s'agit de définir de nouveaux équilibres. Attendre plus serait accepter de mettre en péril certaines régions. .

 

ISARM – INTERNATIONALLY SHARED AQUIFER RESOURCE MANAGEMENT

Initié en mars 2000, par l'IAH, l'UNESCO et le FAO, en coopération avec les Commissions économiques des Nations unies pour l'Europe et l'Afrique, l'ISARM vise à développer la connaissance et la gestion des systèmes aquifères partagés en prenant en compte les aspects aussi bien techniques que institutionnels.

D'ici 2006, l'ISARM va recenser les aquifères transfrontaliers et – pour la première fois – les cartographier à l'échelle planétaire. Un des points-clé du programme repose sur l'étude des systèmes de gestion possibles ; il devra permettre de dégager un modèle adapté et transposable à l'ensemble des systèmes.

Internationally Shared Aquifer Resource Management – ISARM