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Dessin de tracé de fleuve

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Contes de l’eau et de la pluie

Mots clés : Asie, Europe, contes soufis, ermite Unicorne, légendes juives, maîtres du Tamuld, Nasr Eddin Hodja, Tiki
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Index du dossier
1. Dix Malices de Nasr Eddin Hodja
2. Six Contes soufis
3. Six Légendes juives
4. Trois Contes d'Asie et du Pacifique
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Six Contes soufis

Le Mesnevi, Contes soufis – Djalâl al-dîn Rûmî
Le jardin des roses – Saadi
Albin Michel

 

La mare

Un jour, un faucon dit à un canard :
- Viens habiter dans la prairie. Tu y connaîtras le bonheur. Quitte ta mare pour venir avec moi !
Le canard répond :
- Va-t’en ! Pour ceux de mon espèce, l’eau est le château fort de la joie.
Pour le canard de notre ego, Satan est comme le faucon. Regardes-y à deux fois avant de quitter ta mare !

Le ruisseau de la lune

Un troupeau d’éléphants s’est installé sur le bord d’un ruisseau et les autres animaux se lamentent car cette présence les prive du libre accès au cours d’eau. Chacun se met à chercher un stratagème pour les faire déguerpir car il est clair qu’aucune force n’est suffisante pour les y obliger.
Le premier jour de la lune, un vieux lapin grimpe sur un monticule et crie aux éléphants :
- Ô sultan des éléphants ! Je suis un messager, le messager de la lune ! Si tu veux avoir la preuve de mes dires, écoute ceci : dans quatorze jours, la lune se montrera dans l’eau. Et voici le message que la lune vous envoie : "Ce ruisseau nous appartient et il est interdit à quiconque de s’en approcher sous peine de devenir aveugle". Croyez-moi, si vous restez près de ce ruisseau, vous serez aveuglés par des étincelles. Et si vous osez vous y désaltérer, la lune frémira dans l’eau pour montrer sa colère !
Au huitième jour de la lune, le sultan des éléphants va boire au ruisseau, mais quand il trempe sa trompe, il voit frémir la lune à la surface. Alors il commence à croire ce que lui a dit le vieux lapin, mais les autres éléphants le rassurent :
- Nous ne sommes pas assez sots pour nous enfuir parce que la lune a bougé !

Pleurs

Un jour, un disciple rend visite à son maître. Il le trouve en train de pleurer et se met, lui aussi, à pleurer encore plus fort.
Quand deux amis se taquinent, celui qui a de bonnes oreilles rit une seule fois, mais le sourd rit deux fois car son premier rire n’est qu’une imitation. Sans comprendre, il rit avec tout le monde. Puis, quand on lui explique la cause de l’hilarité générale, il rit une seconde fois.
L’imitateur est comme un sourd. Il vit dans le plaisir et dans la joie sans savoir ce que sont le plaisir et la joie. La lumière du maître se reflète dans son cœur. La joie du disciple dérive de celle de son maître. Ceux qui croient que cet état leur est propre sont comme un panier sur l’eau. Quand on le sort de l’eau, il se rend compte que l’eau appartient à la rivière.

La souris et la grenouille

Une souris se promenant le long d’un ruisseau se lie d’amitié avec une grenouille. Elles se réunissent toutes deux, chaque jour à heure fixe, sur le lieu de leur première rencontre, afin de se raconter des histoire et de se divertir.
Un jour, la souris dit à la grenouille :
- Ô toi, le plus noble des animaux ! Depuis longtemps, je désire te confier un secret. Toi, tu viens de l’eau et c’est là que tu retournes. Et moi, lorsque je t’appelle du bord du ruisseau, je n’obtiens pas de réponse parce que tu ne m’entends pas. Mon cœur ne se satisfait pas de nos rencontres quotidiennes. Je suis dans l’égarement lorsque je ne vois pas ton visage. Pour moi, tu es la lumière du jour et la paix de la nuit. Mon cœur souhaite être avec toi chaque instant. Mais toi, tu ignores tout de mon état. Ô ma sœur ! Moi, je viens de la terre et toi, tu viens de l’eau. Il m’est impossible de plonger dans l’eau. Il faut que nous trouvions un moyen pour que mes appels te parviennent.
Et elle propose cette solution :
- Nous allons prendre une ficelle très longue et chacune de nous attachera l’une de ses pattes à l’une de ses extrémités. Ainsi, quand je voudrais te voir, il me suffira de tirer la ficelle.
Cette solution ne plaît guère à la grenouille et elle refuse.
Si la grenouille de l’âme est liée à la souris du corps, elle est sans cesse importunée par cette dernière qui tire la ficelle.
La souris insiste tellement que la grenouille finit par céder. Elles se relient donc par une longue ficelle et, chaque fois que la souris tire sur elle, la grenouille remonte du fond de l’eau pour converser avec son amie.
Or, un jour, un énorme corbeau attrape la souris et s’envole. Il soulève la souris et la grenouille à sa suite, la souris dans son bec et la grenouille au bout de la ficelle. Les gens, qui voient ce spectacle, se disent alors :
- Voilà bien une chose étonnante ! Une grenouille, créature aquatique, pourchassée par un corbeau !
Quand à elle, la grenouille se dit :
- Quiconque se lie d’amitié avec une créature qui n’est pas de sa sorte mérite, certes, la punition que je subis.

Le prix de l’eau

Un Arabe, perdu dans le désert, est réduit à la dernière extrémité par la soif et dit :
- Ô qu’il me soit possible, avant que la mort ne me saisisse, de réaliser mon rêve : être plongé jusqu’à la ceinture dans l’eau courante d’une rivière, où je ne cesserais de remplir ma gourde !
Un autre voyageur, également perdu, a épuisé sa nourriture et son eau, mais possède encore quelques pièces d’argent dans sa ceinture. Bien qu’il cherche de toutes les façons, il ne parvient pas à trouver la piste et meurt. Un groupe de voyageurs, tombant par hasard sur son corps, trouve l’argent à côté de lui ainsi que ces mots tracés sur le sol :
- Avec tout l’or le plus pur de Jaafer, un voyageur sans eau n’atteint pas son but. Car un pauvre homme, dans le désert, a plus besoin d’un peu d’eau que d’argent vierge.

Le poisson récalcitrant

Un poisson vigoureux tombe dans le filet d’un pêcheur chétif qui n’a pas suffisamment de force pour le retenir. Le poisson arrache le filet des mains du pêcheur et s’échappe. Le pêcheur, surpris, dit :
- Un esclave va puiser de l’eau dans un ruisseau. Et c’est l’eau qui afflue et l’emporte au loin. D’habitude, c’est le filet qui ramène le poisson. Cette fois, c’est le poisson qui est parti avec le filet.
Les autres pêcheurs sont désolés et le blâment :
- Un poisson de cette taille, pris dans ton filet, et tu n’as pas su le retenir !
Le pêcheur répond :
- Mes frères, que pouvais-je faire ? Il n’était pas destiné à faire mon souper car il lui restait encore quelques jours à vivre.
Les Sages disent :
- Un pêcheur ne prend pas de poisson dans le Tigre si tel n’est pas son destin, et un poisson, dont l’heure n’a pas sonné, ne mourra pas sur la terre ferme.