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Dessin de tracé de fleuve

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L'Université de l'Eau 2002 Val-de-Marne
De l'eau pour tous

Mots clés : Festival de OH!, Val-de-Marne, Université de l'Eau
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Dossier de
Martine LE BEC et Martin SEIDL
  
April 2002
Index du dossier
1. Réflexions autour de l'eau par Christian Favier
2. Colloque universitaire du CEREVE
3. Débat public : La démocratie est-elle soluble dans l'eau ?
4. Débat public : L'eau pour tous ! Quelles solutions ?
5. Journées de la coalition : L'eau, un enjeu global
6. ResSources

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L'eau pour tous ! Quelles solutions ?

 

Débat public

 

Le Conseil général du Val-de-Marne, organisateur de l'Université de l'eau qui s'est tenue du 15 au 24 mai aux portes de Paris, a pris l'initiative d'un face à face inédit entre Riccardo Petrella, membre fondateur de l'ACME, Association pour le Contrat Mondial de l'Eau, et Gérard Payen, directeur général de l'eau chez Suez. Pour la première fois en France, il y avait aussi, tant à la tribune que dans la salle, un nombre significatif de représentants étrangers et notamment d'Amérique latine.

La "vraie bataille de l'eau", nouveau leitmotiv de Suez

Responsable depuis mi-janvier des actions liées à la "vraie bataille de l'eau" chez Suez, Gérard Payen est un connaisseur avisé du sujet. Estimant que les politiques de développement relatives à l'eau sont très insuffisantes ou inadaptées, le groupe a lancé en octobre 2001 un cri d'alarme : une lettre a été envoyée à 1 500 chefs d'État et responsables politiques, afin de leur faire prendre conscience de la gravité du problème. Première initiative d'un industriel dans le domaine. Pour le coup, Suez a aussi décidé de s'attaquer en premier lieu à un certain nombre d'idées reçues : comme, par exemple, relier les populations pauvres au réseau existant coûterait trop cher. "Non seulement, il existe des moyens économiquement viables, mais, en plus, l'eau leur coûte jusqu'à cinquante fois moins cher que celle achetée aux revendeurs. Elle est en outre de meilleure qualité et accessible 24 heures sur 24". Autre idée reçue : la privatisation est le seul moyen d'intervention du secteur privé. "Les expériences de gestion déléguée, de partenariats public-privé (NDLR. Le fameux PPP prôné par la Banque mondiale), prouvent le contraire. À La Paz ou à Buenos Aires, les gens participent à la gestion de leurs ressources en eau. L'entreprise privée reste l'employée du service public et les résultats sont là. Les habitants des bidonvilles sont fiers de payer leur facture d'eau, qui devient souvent un justificatif de domicile et un premier pas vers l'intégration sociale". L'industriel précise aussi que sur les 120 millions de consommateurs qu'il dessert, 9 millions vivent en-dessous du seuil de pauvreté.

Un discours "mystifiant"…

Cet élan d'éthique – très en vogue – ou de prévenance à l'égard de l'humanité laisse perplexe. "Le discours est mystifiant", estime Riccardo Petrella, "derrière tout cela, se profile l'idée que seul l'investissement privé est en mesure de fournir l'accès à l'eau à toutes les populations. En réalité, les investissements des entreprises, tels qu'ils sont réalisés dans le cadre de programmes multilatéraux pilotés par la Banque mondiale, ne sont qu'une avance de caisse en contrepartie de laquelle les industriels obtiennent une garantie de bénéfices énormes sur 30 ans. Dans les faits, le PPP devient une "planification pour la privatisation des profits", profits pas toujours réinvestis dans l'eau". Droit humain et social, bien commun, démocratie ou participation… le défenseur du contrat mondial de l'eau se félicite de ce soudain élan d'humanitarisme mais s'insurge contre l'usurpation des mots.

… qui finit par masquer un débat politique

À l'issue de la joute oratoire, Daniel Marcovitch, parlementaire français, rapporteur de la loi sur l'eau, a tenu à rappeler que si le secteur privé ne dessert aujourd'hui que 5 % des habitants de la planète, son objectif n'ira jamais au-delà des 15 ou 20 %, faute de solvabilité des autres. "Eau privée – eau publique, là n'est pourtant pas le débat ; le combat de demain se jouera sur les investissements requis et sur les modes de gouvernance à imaginer. Aux États et aux responsables politiques de retrouver ici la plénitude de leurs pouvoirs : non pas forcément en gérant l'eau, mais en adoptant les lois qui permettront de définir les politiques et d'assurer la participation des usagers". Participation encore trop souvent illusoire.

"Dans tous les cas, quelle société sommes-nous pour accepter que d'ici vingt ans, près de trois milliards de personnes n'auront pas accès à l'eau ?" s'est interrogé Riccardo Petrella, avant de lancer un avertissement : "Si on laisse s'effacer la frontière entre public et privé, c'est l'essence même de la société que l'on perd". .