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Dessin de tracé de fleuve

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Baïkal-Bangkok

Mots clés : Asie, Baïkal, Bangkok, Gange, Gobi, Himalaya,Mékong, Zanskar
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Dossier de
Caroline RIEGEL
  
April 2004
Index du dossier
1. Baïkal-Bangkok, un voyage aux confins des contrées où l'homme vit et subit les caprices de l'eau
2. Lac Baïkal, une eau potable en bonne santé ?
3. Un pipeline pour irriguer le Gobi, rêve ou réalité
4. Zanskar : un canal pour Karsha
5. Le Gange, inondations bienfaitrices

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ZANSKAR
Un canal pour Karsha

Caroline RIEGEL – Baïkal-Bangkok H2o – septembre 2005

 

25 décembre 2005, monastère de Karsha, vallée du Zanskar, Himalaya indien - Et pas une trace de neige. Un scénario qui semble se répéter cette année encore, après trois années de carence et qui menace sérieusement l'agriculture et par conséquent les réserves alimentaires des villages les plus exposés. Le village de Kumik par exemple, qu'aucun torrent de glaciers ne traverse, n'a pu cultiver ses champs durant toutes ces dernières années de faibles précipitations. Le gouvernement s'est alors vu dans l'obligation de subvenir aux besoins élémentaires, et de fournir riz, farine et herbe afin de compenser le manque de récoltes.

Enjeux de l'aménagement

Le Ladhak et le Zanskar, à extrémité sud-est du plateau tibétain, subissent en effet le même climat aride que la partie occidentale de son grand voisin chinois. Les principales précipitations surviennent l'hiver sous forme de neige car, en été, les nuages de mousson arrivent épuisés et presque asséchés, ne déversant à peine 15 à 20 mm au mois d'août et entre 50 et 100 mm par an à Leh. Les rares pâturages naturels se trouvent à plus de 4 000 mètres, les précipitations étant plus importantes en altitude. On y mène les troupeaux durant les trois ou quatre mois d'été uniquement car y vivre l'hiver serait trop rude.

Toute l'agriculture locale est donc basée sur des systèmes d'irrigation propres à chaque village et adaptés à la disponibilité en terre et en eau. Des réseaux de canaux en pierre ou en terre amènent l'eau gravitairement, parfois sur des kilomètres, jusqu'aux parcelles organisées de façon à permettre une distribution équilibrée. Au début du printemps, on épand de la terre sur la neige afin d'accélérer la fonte et permettre à l'eau de mieux pénétrer la terre. Les précipitations hivernales et la fonte des neiges sont de première importance et quand elles se font rares, le fragile équilibre qui lie l'homme et la nature s'ébranle.

Aujourd'hui, l'histoire se répète. La neige s'oublie, mais la situation a évolué. À Tungri, bien que la surface des terres cultivées n'ait presque pas augmenté - les habitations nouvelles étant principalement construites sur les terrains privés – le gouvernement a réquisitionné une importante surface de terre pour des plantations d'arbustes. Le débit de la rivière suffit encore à Tungri, mais ne saurait plus être partagé. De plus, ce débit apparaît "à bout de souffle" : "L'eau est parfois trouble alors elle était auparavant toujours claire" me confirme un ancien du village, conscient de la diminution des ressources naturelles mais tout de même persuadé que le glacier générateur est inépuisable !

Pourtant, les caprices et changements climatiques, l'augmentation de la population, des conditions de vie meilleures et l'arrivée du tourisme ont accru les besoins en eau et remis à jour le projet de canal. Un projet de plus grande envergure et qui s'inscrit dans le développement de la région devrait être financé par le gouvernement du Jammu-et-Cachemire. D'une longueur de 25 kilomètres sur 10 mètres de large, le canal traversera une dizaine de villages - et des terres agricoles - pour conduire de l'eau du fleuve Stot.

Les difficultés ne sont pas apparemment ni techniques ni financières, mais tout simplement humaines. En effet, Karsha ne sollicite plus l'eau de ses voisins mais a besoin de terres. Les compensations proposées par le village sont largement honnêtes : elles offrent deux fois plus de terres sur le domaine de Karsha en sus des compensations gouvernementales (115 % du coût des terres après le Tasildar, juge, du Zanskar). Mais à Tungri, comme à Rantaksha, le scepticisme est de mise, surtout chez les vieilles personnes, réticentes à céder leurs terres. "Ce canal nous privera des deux tiers de nos meilleures terres", "Ce canal sera un danger pour nos enfants et les bêtes qui pourraient tomber dedans" me glisse-t-on à l'oreille... De plus, un canal mal construit, il y a une vingtaine années, sur la rive d'en face et jamais utilisé renforce les doutes.

Une délégation regroupant des membres du village, et surtout des lamas du monastère, s'est constituée à Karsha, où on ne ménage pas les efforts de communication pour parvenir à une solution à l'amiable et une bonne compréhension du projet (trop souvent mal interprété). "Pour donner du poids, de l'importance et plus de respect" répond Sonam quand je l'interroge sur le rôle des lamas dans cette délégation. Réunions dans les villages, offrandes de beurre et de kataks (écharpes blanches) pour favoriser la chance... Mais le maire de Karsha regrette le manque d'effort de ses voisins : "Le maire de Tungri n'est même pas venu à la réunion et ne semble pas être en mesure de prendre une décision pour son village" regrette Toukstan. Il sait néanmoins que le gouvernement mettre un terme à l'affaire en se portant acquéreur des terres nécessaires. "Une solution à l'amiable serait tout e même préférable, nous voulons vivre en paix et en bon voisinage... mais que faire s'ils refusent ?"

Un espoir pour le canal se profile toutefois à travers la politique, puisque Sonam Namgyal, a été élu karshapa, conseiller général à Kargil, préfecture du Zanska. "Il saura trouver une solution et compenser les plus lésés" m'assure Puntsok Tashi, directeur de la PWD de Padum.

Le Zanskar, petite vallée qui, de tradition, a toujours vécu en paix et parfaite harmonie avec son environnement... Mais le monde change. .