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Dessin de tracé de fleuve

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Salins-les-Bains
La cité de l'or blanc

Mots clés : Salins-Les-Bains, Jura, or blanc, le sel, eaux chlorurées sodiques
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Un site unique en Europe. Les eaux chlorurées sodiques de Salins-Les-Bains, dans le Jura, avec une minéralisation de 330 grammes de sel par litre, représentent un phénomène géologique rare, qui fit autrefois la fortune de la cité, et constitue aujourd’hui un attrait touristique majeur.

Pierre MAIN
illustrations musée des techniques et cultures comtoises Salins-les-Bains
Éditions Cellard – Bron
H2o – septembre 2003


La station s’allonge dans une vallée ouverte, protégée par deux forts, Saint-André, construit par Vauban au 17ème siècle, et le fort Belin, édifié au 19ème. Une petite rivière, dénommée La Furieuse, calme en été, tumultueuse au printemps, l’accompagne. La jolie ville de Dôle est distante de 44 kilomètres.

Tout au long du Moyen-Âge, Salins-du-Jura, surnommée la Cité de l’Or Blanc, occupe le rang de deuxième ville de Franche-Comté. Une enceinte fortifiée protège sa richesse : le sel. Une denrée rare et recherchée, indispensable à l’alimentation humaine et animale. A Salins, ni mines, ni marais, mais une source, inépuisable.

330 grammes par litre !

La particularité du site réside dans une couche de sel gemme d’environ 40 mètres d’épaisseur, située dans le trias supérieur, à 240 mètres de profondeur, et protégée de toute pollution par une gangue de marnes. Les eaux d’infiltration, dans leur voyage séculaire, descendent jusqu’à 800 mètres sous la couche de sel, puis remontent, l’atteignent, se chargeant de chlorure de sodium et d’éléments minéraux. La source principale, celle du puits d’Amont, présente une minéralisation totale proche de la saturation, à 330 grammes de sel par litre. Une teneur en sel plus forte que les eaux de la Mer Morte !

 

   Eau vierge Source
Mer
Composition des eaux de Salins-les-Bains en comparaison à l'eau de mer
CATIONS (en mg/l)  
 
Sodium  122 200  9 300
 10 750
Potassium  330 3 620
387
Calcium  720 230
413
Magnésium  1 870
180
1 294
OLIGO-ELEMENTS (en mg/l) 
 
Fer  0.01  0.2  0.05
Zinc
 0.59  0.19  0.005
Nickel  3.76  0.6  0.0001
Manganèse  0.002  0.024  0.005
Cuivre  0.02  0.024  0.005
Iodures  8  0.8 
 0.061
Fluorures  0.013  0.5  1.4
Bromures  120 
 –  6

 

Cathédrale romane en sous-sol

La découverte de la salinité daterait de 4 000 ans, elle aurait été le fait, dit-on, de peuplades sédentarisées ayant remarqué que les bovins préféraient s’abreuver à certaines sources plutôt que d’autres. Ils remarquèrent alors leur goût fortement salé. L’idée d’extraire le sel présent dans l’eau fut plus tardive.

L’exploitation est cependant fort ancienne. En effet, les galeries souterraines des Grandes Salines, lieu de la principale exploitation, offrent à la vue des visiteurs une architecture colossale, menée de main de maître par des moines, au 13ème siècle. Les imposantes voûtes de facture romane culminaient alors à 22 mètres ! Aujourd’hui, du fait de remblais dus aux travaux successifs, le sol n’est plus qu’à 12 mètres des voûtes.

L’édification souterraine de deux grands puits, reliés par une longue galerie, et d’un plus petit, sous l’établissement thermal actuel, et relié par un couloir souterrain que les Allemands s’empressèrent de combler pendant l’Occupation, témoigne de la richesse octroyée par l’exploitation du sel.

C’est là que, dans des conditions dont la pénibilité est difficile à concevoir, la saumure était puisée au moyen d’une roue à godets, mue par la traction animale. Elle était ensuite versée dans d’énormes chaudrons pour être chauffée et récolter la fleur de sel par évaporation. L’atmosphère qui régnait dans ces puits et ces galeries, qui font parfois penser aux Prisons de Piranèse, baignant dans la chaleur humide des foyers, pouvait donner un avant-goût de l’Enfer, selon Dante.

L’utilisation du bois pour les foyers des chaudrons provoqua le déboisement progressif des alentours de Salins. Ce déboisement nécessita la modernisation de installations et le recours à une autre forme d’énergie : le charbon.

Une pompe hydraulique

C’est vers 1750 que les deux principaux puits, le puits d’Amont et le puits d’Aval, sont équipés d’une pompe hydraulique. Une grande roue à augets, alimentée par l’eau de la rivière La Furieuse, animait une bielle dont le mouvement était transmis à un très long bras de bois, terminé par une "tête de cheval" pompant la saumure. Cette pompe hydraulique est toujours en exercice dans le puits d’Amont, la roue en bois ayant été remplacée par une roue en fer. Elle alimente en eau vierge l’établissement thermal. Celle du puits d’Aval a été démontée il y a déjà longtemps.

Le débit de cette exploitation étant très supérieur aux anciennes roues à godets, une nouvelle saline fut construite en 1770. Elle alimentait en saumure, via une canalisation de 21 kilomètres les chaudières de la célèbre Saline Royale d’Arc-et-Senans, universellement connue pour sa magnifique architecture utopiste, due à Charles-Nicolas Ledoux, architecte des Lumières.

Au cours du 19ème siècle, le forage initial fut approfondi. La pompe du 18ème siècle puise désormais l’eau vierge de Salins directement dans la couche de sel gemme, à 246 mètres de profondeur.

Sel et gabelle

L’ampleur de ces travaux ne donne qu’une idée incomplète de la richesse née du sel. Salins-les-Bains en conserve certes la trace, avec d’imposants hôtels particuliers, austères mais superbes, la maison du Directeur des Salines (aujourd’hui casino où règnent les bandits manchots), mais il convient, pour être plus explicite, de rappeler ce que fut la gabelle, l’impôt sur le sel.

En 1789, avant sa suppression, la gabelle du sel représentait le plus important des impôts indirects, couvrant un dixième de toutes les recettes fiscales de la monarchie. Dès le règne de Philippe VI de Valois (1328-1350), la vente du sel était réservée aux greniers royaux, le sel étant indispensable pour la conservation et le transport des viandes et des poissons, donc vital. Mais le royaume est destiné à s’agrandir. Les provinces ultérieurement annexées conservèrent la gabelle au taux qu’elles connaissaient ou bénéficièrent de privilèges. Il en résulta une grande inégalité de traitement qui divisa la France en pays de grande gabelle (taux élevé) et pays de petite gabelle (taux faible, voire nul). Pour donner un exemple, la taxe allait, en 1789, de 12 à 13 sous la livre dans les premiers à 4 à 6 deniers la livre dans les seconds, soit 30 à 40 fois moins.

La gabelle fut un impôt honni. De par son inégalité, et de par ses contraintes : il fallait acheter une quantité minimale de sel, obligatoirement dans les greniers royaux, tandis que le gouvernement l’utilisait comme un pactole, jouant sur les prix, les poids, le reclassement des régions. Turgot tenta un moment d’unifier cette taxe, mais il se heurta à l’opposition des provinces les plus favorisées (comme la Vendée et… la Franche-Comté) et aux besoins financiers de la royauté. L’inégalité de la gabelle fut à l’origine d’une vaste contrebande, sévèrement réprimée, mais devenue populaire : le faux-saunage. Nombre de paysans, faux-sauniers par nécessité, y trouvèrent l’occasion d’améliorer leur ordinaire.

Le plus impopulaire des impôts de l’Ancien Régime fut aboli en 1790.

Saunier : un travail de forçat

La fin de la gabelle a curieusement coïncidé avec le déclin du sel, en tant que rareté. L’offre se fit plus abondante, puis, dans la seconde moitié du 19ème siècle, le développement des transports, la découverte de nouveaux moyens de conservation, mirent un terme à la forte rentabilité du site de Salins. Celle-ci se dégrada progressivement, malgré des charges salariales faibles. L’exploitation de la Grande Saline persista cependant jusqu’en 1962, avec un petit nombre d’employés. Sa fermeture définitive mettait fin à l’un des métiers les plus durs qu’on puisse concevoir : saunier.

Jusqu’en 1962, le mode d’exploitation demeura inchangé. La saumure puisée était conduite et récupérée dans d’immenses "poêles" rectangulaires, composées d’épaisses plaques de tôle rivetées à chaud, accueillant 40 000 litres d’eau salée, soit un poids énorme. Posées sur des quilles de fonte et des murets, les poêles étaient chauffées par en dessous au moyen de foyers alimentés au charbon. D’abord d’origine nationale, le charbon fut ensuite importé, et le coût du kilo de charbon finit par rejoindre le prix de revient du kilo de sel !

Sous l’effet de l’évaporation, le sel apparaît à la surface des poêles. Les sauniers le récolte avec un râble (râteau) pour le déposer ensuite sur le "manteau", sorte de petit toit en bois couvrant les poêles. Là, sel s’égoutte, tout en restant humide et malléable, dans une atmosphère de sauna, entre 50 et 60 °C ! Il est ensuite transporté dans les ateliers de conditionnement pour confectionner des pains de 15 kilos ou des sacs de 1 kilo à usage domestique.

Soumis à des écarts de température de l’ordre de 70 à 90 °C au plus rude de l’hiver, brûlés par le sel, prenant des risques évidents lors de l’entretien des foyers ou de la réparation des poêles, les sauniers ne faisaient pas de vieux os. On peut avancer que la disparition de ce métier ne fut pas regrettée.

Le relais thermal

La création de l’établissement thermal date de 1854. Il participe de l’essor important du thermalisme au cours du Second Empire, et apporte un relais économique appréciable au déclin des Salines. Salins-du-Jura, devenu Salins-les-Bains, va faire partie, avec d’autres stations des Vosges et du Jura (Plombières, Vittel, Contrexeville, Luxeuil…), des principaux groupes de stations françaises.

L’analogie de l’eau de Salins avec l’eau de mer (voir la composition donnée ci-avant) intéresse le corps médical, d’autant que certains oligo-éléments y plus fortement représentés. Ainsi, le couple Potassium-Magnésium possède un effet antalgique sur les douleurs articulaires, et le manganèse présente un rôle modificateur du terrain arthrosique. Si l’iode est absente, l’apport de iodures est supérieur à celui de l’eau de mer. Enfin, la forte présence de bromures confère une action sédative.

Pour ces raisons, l’indication principale des eaux de Salins est la rhumatologie, avec, comme indications secondaires, la gynécologie et les troubles de développement de l’enfant.

Aujourd’hui, l’établissement thermal est alimenté en eau vierge par la séculaire pompe hydraulique du puits d’Amont, et en eau de source par le puits à Muyre, situé sous les thermes, à l’emplacement des Petites Salines. L’eau titrée à 32-33 g/l de sel est puisée à 22 mètres de profondeur par une pompe électrique, assistée de deux pompes annexes pour refouler les eaux de ruissellement. C’est un dosage de ces deux eaux qui est proposé au curistes. Il n’est évidemment guère possible de les baigner dans la saumure ! Le dosage eau vierge/eau de source donne une eau thermale dont la teneur moyenne est de 80 grammes de sel par litre. Cette teneur est variable en fonction des soins.

Qu’il s’agisse des baignoires d’hydromassage ou de la piscine de mobilisation, la présence de sel allège le poids du corps, augmentant la sensation de détente ou facilitant les mouvements indiqués par le thérapeute.

Thermalisme et remise en forme

Le Centre Thermal a depuis plusieurs années ajouté aux cures classiques de 21 jours des soins de remise en forme, trois formules :

  • VITAsaline (tonique)
  • VITAdos
  • VITAminceur
  • et une formule "à la carte" répartissent 21 à 24 soins en 6 après-midi.

C’est le complément "forme" mis en place par nombre de stations pour utiliser au mieux les installations. L’établissement a en outre investi dans un logiciel spécifique, Medicare, pour la formule minceur et dans la méthode Relaxial (méthode personnalisée utilisant les sons, les images et les couleurs) pour le stress. Un accès direct a été aménagé entre l’hôtel des Bains et le Centre. La grande piscine d’eau salée est spacieuse, comporte un jacuzzi intégré, et dispose d’un petit hammam et d’un sauna. L’environnement ne pourra que plaire aux amateurs de nature et de randonnées, la Franche-Comté étant considérée comme l’une des régions les plus vertes de France, et la proximité d’Arc-et-Senans étant un attrait supplémentaire.

La station n’a plus toutefois la renommée qu’elle avait acquise dans la seconde moitié du 19ème siècle. Malgré l’originalité du site, elle est peu connue et manque de notoriété. Ses coûts d’exploitation sont élevés ; coûts de chauffage, mais aussi coûts d’entretien car le sel est extrêmement corrosif, la pompe de la source thermale, par exemple, doit être changée tous les six mois.

Enfin, l’exploitation est partagée entre plusieurs sociétés, dont la société mixte du Centre, qui appartient à la Commune de Salins. Un défaut de coordination entre l’établissement, l’hôtel et les restaurants, patent, est à corriger. La grande piscine thermale est ainsi gérée et administrée par l’hôtel, ce qui est peu cohérent pour les curistes.

Il y a donc un effort à accomplir sur le plan de l’accueil, de l’organisation et de la communication. Mais le site, en lui-même, reste unique et à découvrir. .