Alerte rouge |
Dossier de la rédaction de H2o   |
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June 2008 | ||||
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Appel à toutes les unités
reportage de Martine LE BEC H2o – juin 2008
Mardi 10 juin, rue Pont Yblon à Dugny, 8h45 – Un agent de la direction de l'eau et de l'assainissement (DEA) de Seine-Saint-Denis vient de lancer l'alerte : deux de ses collègues sont en difficulté dans le réseau primaire. Depuis plusieurs minutes déjà, c'est le silence radio, ils ne répondent plus à ses appels. Le risque pressenti est le plus redouté des égoutiers : le H2S. L'hydrogène sulfuré ou sulfure d'hydrogène est un composé chimique de soufre et d'hydrogène ; sa formule chimique (H2S) vous était peut-être inconnue, mais sûrement pas l'odeur, celle d'œuf pourri. Produit par la dégradation des protéines contenant du soufre, l'hydrogène sulfuré est responsable d'une grande partie de l'odeur fétide des excréments et des flatulences. Naturellement présent dans le pétrole, le gaz naturel, les gaz volcaniques et les sources chaudes, le gaz peut résulter de décomposition bactérienne de matières organiques et à ce titre survenir dans divers process industriels : lors de la transformation de produits alimentaires, dans les haut-fourneaux, les papeteries, les tanneries et évidemment lors du traitement des eaux usées. À fortes concentrations, le H2S entraîne la dégénérescence du nerf olfactif, rendant impossible sa détection, alors même que quelques inhalations suffisent à entraîner la perte de connaissance et la mort – 1. Le dernier accident mortel en France a eu lieu en juin 2006 à Poissy, lorsque quatre égoutiers pourtant expérimentés d’une entreprise privée étaient descendus dans le réseau sans équipement. À supposer que les deux agents de Dugny aient eu le temps d'enfiler leurs masques auto-sauveteurs, ils ont une vingtaine de minutes d'autonomie. Il faut agir vite. Il n'y a non plus aucune indication précise de leur emplacement : 150 mètres de linéaires souterrains séparent les deux regards d'égout jusque la chambre de dépollution qu'ils devaient curer. Longeant l'aéroport du Bourget, le secteur est du ressort du 1er groupement d'intervention de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris – BSPP qui dépêche immédiatement sur place deux engins-pompe, soit deux équipes de 5 personnes, immédiatement rejoints par le véhicule de commandement de Montmartre. La DEA leur transmet les plans du réseau, ainsi que ses estimations notamment sur le niveau de remplissage du bac de désablement. La cellule NRBC (de lutte contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques) est en train de s'installer lorsqu'une première équipe de plongeurs arrivent, la plus proche, celle de Pantin. Dix minutes plus tard, ils sont rejoints par l'équipe de Créteil et un véhicule de soutien, appelés au cas où la recherche se prolongerait. Deux plongeurs sont déjà en tenue. Emmitouflés dans leurs combinaisons sèches, sous plusieurs couches de protection (des chandails, des gants fixés avec de l'adhésif, des bonnets de bain, etc.) et flanqués de leurs bouteilles d'oxygène, ils s'engouffrent par le regard le plus proche de la chambre, tels des Bidendum Michelin, avec tout juste ce qu'il faut de place. Deux minutes leur suffisent pour retrouver les deux corps, à peine cinq minutes de plus pour les remonter. Un des plongeurs restera néanmoins une vingtaine de minutes supplémentaires dans le réseau, le temps d'une ultime inspection. Les deux corps inaminés et suintants sont abandonnés sur le bas-côté. Inutile de mettre en branle toute l'équipe médicale : la direction de l'eau et de l'assainissement explique que les deux mannequins ont été discrètement déposés dans le réseau la veille au soir. L'exercice a été imaginé avec le spécialiste de la prévention des risques, Apave. Ammoniac, méthane, monoxyde de carbone ou cyanure sont également parfois présents dans les égouts, et les risques ne se limitent pas là cela : à toutes ces émanations possibles s'ajoutent les risques d'infections microbiennes, les risques d'explosion et bien sûr tous les risques habituels (de chute, de noyade et même d'électrocution – un agent est ainsi décédé, électrocuté, en août 2007 dans le Val-de-Marne). La DEA de Seine-Saint-Denis regroupe 300 collaborateurs, parmi lesquels 150 agents des équipes d'intervention qui descendent quotidiennement dans le réseau. Pour améliorer leur sécurité, la direction a fait appel à Apave avvec pour mission de définir et mettre en place un système de management de la prévention adapté aux spécificités de ses métiers. En 2006, Apave a analysé les supports de consignation des installations du réseau primaire afin d'améliorer les procédures d'intervention. Le consultant a aensuite formé l'ensemble du personnel – l'encadrement et le personnel technique, mais aussi les administratifs, sur les évolutions du règlement départemental de sécurité. Le travail s'est poursuivi l'an passé par une analyse détaillée des situations de travail dans l'ensemble du réseau. Il va notamment en résulter une amélioration de la signalétique existante sur le site (en cours de réalisation). Le Centre départemental d'entraînement aux réseaux (CDER) constitue un interlocuteur privilégié de Apave. Disposant d’un ancien égout qui a été a muré en amont et en aval, le centre a aménagé 450 mètres de linéaires souterrains, plus une chambre de dépollution et divers accès, afin de proposer tous les exercices possibles. Outre le personnel de la DEA, tenu de passer deux fois par an par la case CDER, ils sont 750 stagiaires à fréquenter annuellement l’équipement dont la mise en service remonte à 1990. Une visite à ne pas manquer pour ceux qui en auraient l'occasion. Les lieux sont tellement propres qu'ils ont été investis par les... grenouilles. L'expédition est donc sans aucun risque. .
1. Les tests effectués sur des souris montrent que l'inhalation durant
cinq minutes de sulfure d'hydrogène les plonge dans un état de vie
suspendue. Des chercheurs de l'Université de Washington à Seattle ont exposé des souris à un air contenant une faible
concentration de sulfure d'hydrogène. En quelques minutes, les souris ont perdu connaissance et leur température a chuté de 37° C à 15° C. Leur respiration s'est aussi ralentie, passant de 120 à moins de 10
respirations par minutes : leur métabolisme tournait au ralenti,
leurs cellules consommaient moins d'oxygène. Après 6 heures, les souris
ont été re-exposées à un air normal et se sont réveillées en bonne
santé. Les chercheurs n'ont noté aucun effet secondaire évident. Cela
indique qu'il est possible de baisser le niveau métabolique à la
demande. La santé pourrait être le premier secteur à bénéficier de cette maîtrise, mais dont les applications pourraient aller beaucoup plus loin... jusque dans l'exploration spatiale.
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