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Dessin de tracé de fleuve

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Nouakchott – Mauritanie
Défis pour un cinquantenaire

Mots clés : Infrastructures, Environnements urbains, Nouakchott, Mauritanie, Défis pour un cinquantenaire, eau, eau potable, eaux usées, h2o
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Dossier de
Bakari SÉMÉGA
  
February 2006
Index du dossier
1. Nouakchott, défis pour un cinquantenaire
2. Nouakchott vers la privatisation de l'eau
3. Les femmes, gardiennes des terroirs
4. La desserte en eau à Nouakchott
5. L'assainissement à Nouakchott I.
6. L'assainissement à Nouakchott II.
7. L'assainissement à Nouakchott III.
8. L'accès à l'eau sur le littoral mauritanien I.
9. L'accès à l'eau sur le littoral mauritanien II.
10. ResSources

L'accès à l'eau sur le littoral mauritanien :
I. ENJEU DE SURVIE

Bakari Mohamed SÉMÉGA

quotidien HORIZON 02-02-2006
H2o – janvier 2007

 

L’accès à l’eau, incontournable facteur de développement

Partout où manque l’eau, le dilemme de la survie et de la subsistance des êtres, des hommes, se pose et de manière aigue suivant le degré d’insuffisance. En Mauritanie et sur le littoral, avant et encore plus, après les décennies consécutives de sécheresse, les ressources ‘‘utiles’’ en eau sont rares et difficilement mobilisables. L’approvisionnement en eau dans ce contexte souffre de l’acuité des conditions hydroclimatiques défavorables à la pérennité des ressources.

Dans les sociétés humaines, aucun développement ne saurait prendre un essor véritable sans la maîtrise effective de l’accès à l’eau. Dans le contexte du littoral, la mobilisation des ressources en eau de plus en plus rares et leur disponibilisation pour les besoins communs, demandent des expertises objectives, une technologie adaptée à la conjoncture agressive de la côte et des moyens importants. En matière de planification, de conception et de gestion des eaux, on ne finit de se débattre dans une problématique maintenue par l’existence de contraintes, telles que la faiblesse à l’absence de la ressource, les difficultés d’accès et l’insuffisance de la qualité. Autrement, les conditions de l’alimentation en eau potable restent précaires par manque notoire et quasi-permanent de la ressource et une insuffisance de qualité de l’eau desservie, peu sure et dont les circuits d’acheminement jusqu’à l’utilisateur peuvent encore altérer sérieusement. Ainsi, l’accès à l’eau est l’un des obstacles majeurs de l’aménagement du littoral et constitue un véritable frein à l’essor des activités socio-économiques et industrielles de la zone. Avec l’arrivée du pétrole sur le littoral qui aura pour effets de drainer vers la côte plus de populations de travailleurs et ainsi la création de nouveaux sites urbains, la problématique de l’accès à l’eau, si elle ne trouve pas de solution appropriée, ira en s’amplifiant et continuera de constituer l’inconvénient majeur de l’habitabilité du littoral.


Le contexte hydroclimatique du littoral

Les facteurs hydroclimatiques dans la zone littorale mauritanienne traversée par les climats sahélien et saharien atténués par rapport à l’intérieur des terres, se caractérisent par des variations assez marquées. Les conditions naturelles, défavorables à des précipitations abondantes, font que les pluies, liées à des dépressions d’origine tempérée en hiver et d’origine tropicale en été, sont faibles en intensité qui augmente avec le déplacement vers le sud (le bas delta) bénéficiant de conditions plus propices. Les températures, d’écarts thermiques faibles, fraîches et adoucies par l’influence de la mer, présentent tout de même des maxima élevés avec la pointe à Nouakchott, diminuant vers le nord ou vers le sud . Le régime des vents est très variable, l'alizé maritime (vitesse moyenne de 6 à 10 m/s), frais et humide, abaisse les températures, par contre, l'alizé continental (harmattan ou irifi), chaud et sec, les élève et la mousson humide, apporte les pluies. L’évaporation (2,5 m/an au niveau du fleuve Sénégal) et l’évapotranspiration sont élevées par l’effet de l’aridité du climat, mais atténuées en raison de la proximité de la mer. À cause de cette proximité, l’humidité est relativement importante dans la zone qui reste globalement très humide toute l’année, mais subit cependant une forte insolation avec une durée d’ensoleillement moyenne de 8 heures par jour et des maxima pouvant avoisiner les 10 heures au mois de mai.

Vraisemblablement, bien que certains facteurs climatiques, notamment l’humidité, militent pour le maintien de l’eau dans la nature, leur conjugaison est défavorable à l’existence de réseau hydrographique organisé pérenne et à la réalimentation conséquente des aquifères. Ce fait est dû au déficit hygrométrique important de l’air induisant la voracité de l’atmosphère qui a tendance à absorber toute trace d’humidité au dépend du sol et des eaux de surface. Tous ces facteurs joints à la position subsaharienne de la région et à la sécheresse qui y sévit depuis des décennies, concourent au maintien d’un équilibre écologique précaire et d’un contexte d’aridité et au passage vers un climat plus saharien et désertique. L’écosystème du littoral est très particulier, mais vulnérable à l’image des écosystèmes exceptionnels qu’il comporte : la mangrove relictuelle de Mamghar, les bancs de vasières et de sable et les hauts fonds d’herbiers de phanérogames du PNBA, le domaine estuarien du bas delta et la biosphère de Chott M’Boul.


Ressources en eau sur le littoral

À l’extrême sud du littoral, on rencontre le fleuve Sénégal dont les aménagements récents, les barrages de Diama et de Manantali, ont permis de réguler le débit et d’empêcher en saison sèche son invasion par les eaux salées marines. Il constitue au niveau du delta, la principale ressource d’eau douce littorale qui, à cause de cette intrusion saline, se détériorait et continue de l’être actuellement en aval du barrage de Diama. Avant celui-ci et pendant la longue période d’étiage, la ressource du fleuve, en raison de la forte salinité de l’eau due aux influences marines sur plusieurs dizaines de kilomètres de l’embouchure, s’apprêtait mal aux besoins des populations riveraines.

D’autres réserves d’eaux s’accumulent également dans des lacs (Chott M’Boul) ou des dépressions (sebkha de Drahmcha et de l’Aftout Es Sahéli) qui se remplissent à la faveur de crues ou de pluies abondantes. Ces réserves, en raison des fortes salinités résiduelles des terrains traversés ou lessivés, se retrouvent toujours fortement minéralisées. Dans la zone littorale, exception faite des eaux du fleuve et des crues qu’il occasionne pendant l’hivernage dans les zones d’inondation, il n’existe pas d’autres eaux de surface pouvant être destinées à une utilisation courante.

Comme ressources souterraines en eau, on rencontre au littoral, dans le contexte hydrogéologique du bassin sédimentaire côtier et dans le continental terminal, du nord au sud, plusieurs nappes aquifères, les nappes de Boulanouar, de Bénichab et du Trarza et les nappes alluviales du fleuve Sénégal. Une revue sommaire de leurs potentialités pouvant s’offrir comme alimentation en eau du littoral, notifie une indisposition de ressources ‘utiles’ dans la proximité. En effet, le long de la côte et dans son proche immédiat jusqu’à quelques dizaines de kilomètres à une centaine de kilomètres par endroits, il n’existe, toutes nappes confondues, que des eaux souterraines salées, quelque fois même, plus salées que l’eau de mer. Les eaux de la zone de bordure immédiate de l’océan atlantique sont donc inexploitables en raison de leurs salures prohibitives. D’autre part, l’existence d’un gradient piézométrique décroissant vers le continent, induit la pénétration des eaux côtières salées vers celles continentales douces qui se salinisent progressivement. Les nappes douces se minéralisent de proche en proche et la contamination saline, d’origine multiple (invasion marine, imprégnation saline, altération minérale, dissolution de sels évaporites résiduels de l’encaissant, etc..), minimise avec le temps, les ressources des eaux douces.

Les réserves d’eaux douces, essentiellement fossiles, ne se renouvellent qu’en proportion faible et à vitesse relativement lente. Leur réalimentation directe qui pouvait se faire par infiltration des eaux de pluie, ne s’opère pas en raison de la faible pluviosité de la zone, toujours inférieure à 400 mm (valeur limite de pluviométrie engendrant une infiltration efficace pour la recharge des nappes souterraines dans la zone subsahélienne). La réalimentation se fait par drainage des nappes localisées (nappes du Brakna et de l'Amchetil) dans les zones de ruissellement des eaux de pluie et également par infiltration dans des zones privilégiées de dépressions de la surface topographique où peuvent se concentrer et stagner les eaux de pluies pendant plusieurs jours voire des semaines. Actuellement, la recharge en eau douce des réservoirs proviendrait principalement du fleuve, des rivières intermittentes du Gorgol, du Saverel et de Ketchi et des lacs endoréiques d’Aleg et de R’Kiz qui peuvent apporter en période d’activité jusqu’à 105 m3 par jour.

Cette situation montre que le littoral est dépourvu de ressources de proximité, mobilisables pour son alimentation en eau potable. Seuls le fleuve Sénégal et les lentilles d’eau douce parsemées le long de la dune côtière, sont disponibles, mais ne répondent pas ou ne répondaient pas toujours aux exigences d’une alimentation en eau potable, surtout destinée à une forte concentration humaine.


Le cordon dunaire littoral, réservoir d'eaux douces

Le massif dunaire du cordon littoral joue dans le maintien de l’équilibre mer-continent, plusieurs rôles prépondérants qui ne sont plus à démontrer. Morphologiquement, il constitue la barrière naturelle qui protège des agressions de la mer lors des hautes eaux et des houles, la ville de Nouakchott comme toutes les terres basses du littoral. D’autre part, le cordon littoral participe à l’assainissement de la côte, des plages en résorbant les déchets de pêche et de la mer par enfouissement sous du sable mobile.

Un rôle assez particulier est celui de permettre la formation en son sein des nappes perchées, donc de favoriser la constitution de réserves d’eau douce dans un contexte de salinités extrêmes d’eaux et de sols. Ces réserves, parsemées sur toute sa longueur, permettent quoique limité, le développement de vie humaine et animale dans des conditions véritablement austères. L’importance de la capacité de réserve d’eau de ces lentilles et de leur densité, est intimement liée à la hauteur de pluie annuelle que reçoit la zone concernée. Aussi, la rencontre de ces lentilles sera d’autant plus fréquente sur le littoral à mesure que l’on se déplacera vers le sud. Les caractéristiques physico-chimiques de leurs eaux seront fonction de la nature et de l’ampleur des diverses interactions que celles-ci établissent avec leur environnement immédiat.

La dune côtière est par excellence un réservoir d’eau douce littorale, mais fragile dans son équilibre et vulnérable dans la modifications de ses propriétés. Dans ce contexte, la découverte d’eau douce, revêt une importance capitale dans la mesure où elle participe à solutionner le problème primordial de rareté de l’eau de consommation. Ainsi, les populations habitant le long du littoral, ont acquis des facultés de localiser les réserves d’eau douce qui leur assurent le ravitaillement en eau en permanence ou à défaut de manière temporaire. Dans certains campements, les dispositions de la ressource permettent la réalisation de plusieurs points d’eau dont la nature détermine l’utilisation comme eau de boisson, de maraîchage, d’abreuvage des animaux, de lessive, de bain, etc. Elles peuvent fournir des quantités importantes pour alimenter en eau pendant plusieurs mois des dizaines voire une centaine de personnes. Cependant, le renouvellement des eaux étant tributaire de la pluviosité (très aléatoire) de la zone, leur exploitation doit être prudente pour ne pas entraîner leur épuisement d’autant plus que les caractéristiques globales de leur gîte restent encore mal connues. 


La problématique de l’eau au quotidien

L’alimentation en eau sur le littoral souffre de l’absence quasi-totale de ressources en eau exploitables, tant superficielles que souterraines et de l’acuité de la salinité permanente des eaux. Les eaux de surface, très temporaires, sont dans la plupart des cas, polluées bactériologiquement ou/et fortement salées. Les eaux souterraines, par conjugaison de diverses actions, évaporation, imprégnation saline, altération minérale, intrusion marine, etc., présentent sur la côte une salinité extrême. À cet égard, l'alimentation en eau potable des populations dans ces zones ne peut se faire que par le transport d'eaux provenant d'autres zones, par traitement d’eaux de surface afin de les potabiliser et par dessalement d’eau de mer ou d’eaux souterraines salées pour diminuer le taux de sel et éliminer la pollution bactérienne.

Le littoral, exception faite des grands centres urbains de Nouakchott et Nouadhibou, se caractérise par l’absence de concentrations humaines dont la constitution est fortement tributaire des possibilités d’accès à l’eau qui est, plus que partout ailleurs, un facteur militant et limitant. Cette situation est à lier principalement à l’absence de l’eau et à la difficulté de sa mise à disposition qui n'incitent pas la fixation des populations dans ce terroir. Le littoral connaît globalement, à des degrés divers selon la zone et le site, des problèmes aigus d’approvisionnement en eau. Ce dernier est crucial partout, à Nouakchott, à Nouadhibou et encore plus dans les petites localités le long de la côte où l’eau doit être amenée par des efforts considérables. Dans le sud, dans la zone de l’Aftout es Sahéli jusqu’à Diago, l’approvisionnement en eau pour la plupart des sites, se fait essentiellement à partir du puits ou du puisard ou encore du fleuve pour les sites qui en sont voisins.

Dans le nord littoral, l’utilisation de la denrée eau, beaucoup plus rare que dans le sud, est d’une parcimonie qui dénote là, la hantise du manque d’eau que vivent quotidiennement les populations. L’insuffisance en quantité est telle que la préoccupation de qualité est souvent occultée. L’essentiel est de trouver de l’eau pour satisfaire les besoins de première nécessité et quelque soit la provenance, les moyens et les voies mis en œuvre pour parvenir à cette fin. Aussi, afin de s’assurer le minimum de provision d’eau, plusieurs modes d'approvisionnement sont mis en oeuvre, le réseau de distribution dans les centres urbains, le transport par véhicule et par charrette dans les zones péri-urbaines et les zones éloignées des points de distribution de réseau, le transport sur dos d’animal, pratiqué lorsque les conditions ne permettent pas l’accès par véhicule, l’exhaure dans des puits peu profonds et puisards captant des lentilles localisées d’eau douce et l’utilisation de l’eau de mer déminéralisée. L’acuité du manque d’eau est tel qu’un seul mode n’est jamais suffisant à lui seul pour assurer la desserte convenable de la population qui vit dans la psychose d’une rupture de ravitaillement. Ce dernier souffre du manque de conditions de salubrité dû au transport, au moyen et à la durée de stockage ou à l’environnement immédiat de la source d’eau. Les diverses sources (réseau de distribution, forage, puits, puisards, de station de dessalement) sont souvent complémentaires du fait de l’insuffisance notoire d’une seule source.

Dans le littoral, on s’accommode toujours de la ressource en eau, pour essayer d’en tirer profit au maximum. Dans les grandes villes littorales, après la traversée de situation d’alimentation en eau potable, analogue à celle que vivent aujourd’hui les petites localités, après maintes investigations, l’alternative d’approvisionnement, finalement adoptée en raison de besoins quantitatifs énormes et rapidement croissants, est l’exploitation de la nappe souterraine dans des zones où les influences des phénomènes divers de salinisation sont peu conséquentes sur les variations des propriétés des eaux. Les sites d’exploitation se situent en général à plusieurs dizaines de kilomètres de la ville. La production est acheminée gravitairement (en amélioration par surpression) dans des canalisations où des pertes de charges importantes ne permettent pas d’assurer des débits de réseau de distribution, acceptables. Les pénuries d’eau sont donc monnaie courante. Un diagnostic sommaire de la desserte en eau, révélerait divers problèmes à divers niveaux. La consommation journalière moyenne en eau par habitant, estimée à 17 litres/jour à Nouakchott, reste en de ça de la norme de l’Organisation Mondiale de la Santé pour la quelle la quantité d’eau minimale nécessaire pour une personne est de 20 litres/jour.

Dans certaines zones, du fait de l’éloignement de la nappe souterraine douce, l’on ne rencontre comme disposition en eau que la nappe côtière extrêmement salée et l’eau de mer dont l’alternative à leur exploitation pour de l’eau de consommation, reste le dessalement. L’utilisation de l'eau de mer comme source d'eau potable exige un traitement préalable pour l’adoucir. La déminéralisation de l’eau est réalisée, pour les stations pilotes du littoral, par osmose inverse, procédé (comme d’ailleurs tout autre procédé du genre) dont la mise en place nécessite d'importants investissements, tant pour la construction des installations, leur fonctionnement et leur entretien que pour l’alimentation en énergie qui peut être pourvue ici par énergie solaire et/ou éolienne. Dans cette situation, le ravitaillement en eau est souvent assuré par plusieurs modes conjoints : la desserte par camions citernes à partir de forages environnants, par vedettes amenant de l’eau de Nouakchott ou de Nouadhibou et par la station de dessalement d’eau de mer.

Dans d’autres zones encore où la nature est plus clémente, existent dans la proximité la nappe douce (à quelques dizaines de kilomètres) et des lentilles d’eau douce temporaires, nappes localisées peu profondes et de petites tailles, pouvant renfermer des ressources appréciables, produire des débits faibles et être exploitées par des puisards et même par des puits. Les lentilles se constituent par infiltration au travers d’horizon sableux (véritable lit filtrant) des eaux de pluie dans des dépressions où elles peuvent se concentrer, stagner pendant plusieurs jours à plusieurs semaines. Elles se forment presque toujours en surplombant la nappe généralisée salée dont les interactions à travers la roche encaissante, peuvent modifier conséquemment la qualité de l’eau par accroissement de la minéralisation. Ces interactions s’opèrent par percolation du réservoir supérieur vers celui inférieur, par diffusion ionique suivant le gradient de concentration ou par remontée capillaire. L’ampleur de tous ces processus qui peuvent avoir lieu individuellement ou simultanément, est fonction de la puissance et des caractéristiques de l’horizon de séparation (hétérogénéité, perméabilité, taux de présence de résidus évaporites de sels etc..) entre la lentille et la nappe généralisée et du temps de séjour des masses d’eau, l’une par rapport à l’autre dans le contexte sédimentaire. Ceci montre la vulnérabilité de cette ressource qui peut être dans certains cas, primordiale car constituant la source principale d’approvisionnement. Les lentilles d’eau douce peuvent fournir suivant la saison des volumes importants à nuls.

Avec ces dispositions, la population bénéficie d’un double apport supplémentaire des eaux de forage et après la saison de pluie, de l’appoint des eaux de puisards qui se dégradent au fur et à mesure de leur exploitation et de leur épuisement. L’exploitation de cette ressource doit donc s’accompagner de mesures prudentes car la perturbation préjudiciable de l’équilibre du système est vite provoquée et la pollution des eaux est facilitée par le mode même de formation de cette réserve. L’infiltration à travers l’horizon sableux peut amener jusqu’à l’eau divers polluants et entraîner une contamination anthropique notable. Comme dans toutes les autres situations, les eaux restent insuffisantes en quantité et en qualité qui est altérée pour les eaux de forage, généralement lors du long transport et de l’absence de précautions de sa sauvegarde et pour les eaux de puisards par phénomène de salinisation due au séjour des eaux pluviales dans le contexte salé et aussi par évaporation.


Question quantité mais aussi de qualité

L’acquisition et la sauvegarde de la potabilité de l’eau à consommer, quelque soit la situation, représentent un défi de tous les jours. Souvent, la contamination de l'eau de boisson n'est détectée qu'après une situation de crise sanitaire ayant entraîné des maladies ou des morts de personnes qui ont bu de l'eau non potable. S'assurer à tous les niveaux, gîte de la ressource, moyens d’exhaure, moyens de stockage, réseau de distribution, etc.., que les risques de contamination par les déchets humains et animaux ou par toute autre source de pollution, sont annihilés, est une garantie de pérennité de la qualité. La prévention peut avoir un impact beaucoup plus important que la simple riposte à un problème dans le maintien de la qualité de l'eau de boisson.

La qualité des eaux sur le littoral, si elle peut être requise dans le réseau de distribution (centres urbains), est passable à médiocre pour la consommation humaine pour les diverses eaux que l’on rencontre avec les multitudes provenances (puits, puisards, circuits de revente, transports divers, etc.). Le puits est en général sujet de contamination anthropique importante due au mode d’extraction de l’eau et aux insuffisances de protection de l’ouvrage contre les facteurs potentiels de pollution. Les eaux des puisards, d’origine pluviale, acquièrent avec le temps de séjour dans le contexte salé, d’évaporation, d’imprégnation saline et de remontée capillaire de l'eau salée, une minéralisation importante et comme des eaux du puits, se retrouvent polluées avec la pression humaine et animale dont elles sont l’objet. Pour les eaux transportées, les vecteurs de contamination sont multiples : moyen de stockage, conditions d’acheminement et transvasements peuvent conduire à des modifications réelles des propriétés de l’eau. Le manque d’eau en quantité s’accompagne pratiquement toujours d’une insuffisance de qualité dont la conséquence est le maintien de situation à risques évidents de maladies hydriques et diarrhéiques, encourus par les consommateurs des eaux. Cette absence de qualité peut conduire aussi à une situation de réelle prévalence de ces maladies. La diversité et la multiplicité des types d’apports d’eau peuvent se conjuguer pour accroître les risques engendrés par la qualité médiocre de l’eau.

Les maladies liées à l’eau contaminée par des déchets humains, animaux ou chimiques ou encore par des polluants divers, sont une tragédie humaine. Environ 2,3 milliards de gens souffrent de maladies dues à une insuffisance de la qualité de l’eau. Environ 60 % de la mortalité infantile dans le monde est due à des maladies infectieuses ou parasitaires (choléra, typhoïde, polio, méningite, hépatite A et E, diarrhée,…) dont la plupart sont liées à la mauvaise qualité de l’eau. Un à deux millions de morts sont dues à des maladies diarrhéiques, attribuables au facteur de risque ‘eau, assainissement et hygiène’. Ces maladies peuvent, dans la plupart des cas, être évitées si l’eau est traitée avant d’être utilisée. Certaines autres maladies hydriques, telles que la trachome et la tuberculose, se développent dans des situations de pénurie des régions où l’eau est rare et les systèmes d’assainissement faibles.

Au vu de tous ces aspects concourant hautement à la problématique de l’accès à l’eau surtout dans sa dimension ‘qualité’, on admet que l’accès à l’eau, ce n’est point le seul problème de mise à disposition de l’eau en quantité. Satisfaire le besoin quantitatif sans se préoccuper de la dimension de qualité, c’est comme donner des champignons toxiques à quelqu’un qui a faim. Au bout du compte, il aura assouvi sa faim, mais il se serait créé plus de maux que ne lui provoquait sa faim primaire. Résolvons le problème de l’accès à l’eau dans ces aspects de quantité aussi bien de qualité. Laisser à la traîne cette dernière (véritable problématique de la face cachée) équivaudrait à une résolution partielle au tiers, du problème de l’approvisionnement dont la face apparente est la disposition quantitative. L’accès à l’eau, ce n’est pas seulement avoir de l’eau en quantité. Lorsque nous consommons de l’eau, beaucoup d’eaux, nous produisons des eaux usées, beaucoup d’eaux usées et il se pose alors le problème d’assainissement et d’hygiène. Aussi, toute résolution effective de l’accès à l’eau doit prendre en compte le trio indissociable eau-assainisssement-hygiène dont la maîtrise garantit le cadre de vie adéquat et salubre.

 

 Sites du PNBA 1999-2002 – Consommation moyenne en eau par mois et par jour
Sites
Nb. hab.
Consommation par village (m3/mois) Consommation par habitant (litres/jour)
1999 2001 2002 1999 2001 2002
R’Gueiba
111
6 5.9 3.3 1.8 1.8 1
Teichott
121
10 5.8 2.6 3 4.6 1
Tessot
70
10 9 2.1 4.7 4.3 1
Iwik
131
40 5.9 3.9 10.2 1.5 1
Ten Alloul
64
- 6 1.92 - 3.12 1
Arkeiss
46
3 à 6 3 1.38 2.1 à 4.3 2.17 1

 

Si peu d’eau et à quel prix

Avec l’absence d’eaux superficielles et souterraines douces et mobilisables, les villes côtières de Nouakchott et de Nouadhibou assurent leur alimentation à partir de champs captants d’Idini et de Boulanouar, relativement éloignés et situés en dehors du contexte de la frange des eaux salées. Dans ces centres, le coût de l’eau reste relativement abordable, comparé à ce qui se pratique ailleurs dans le littoral. Le prix de l’eau à Nouakchott qui dispose d’un réseau de distribution et d’autres systèmes de desserte parallèle, varie en moyenne de 200 UM/m3 au robinet, de 300 à 1 000 UM/m3 avec les camions citernes et quelque fois plus avec la distance, de 500 à 1 000 UM/m3 à la borne fontaine et de 1 000 à 2 000 UM/m3 auprès du charretier. Dans la zone littorale, au nord de Nouakchott, l’inadéquation des eaux à la consommation, oblige les populations à s'approvisionner en eau potable au moyen de transport par vedettes, par camions citernes, par véhicules de liaison, véhicules de coopération et de missionnaires, à dos de chameaux et à dos d’ânes. Malgré l’adoption de tous ces modes de ravitaillement, les besoins restent globalement non pourvus. La consommation journalière par habitant, bien au dessous de la recommandation de l’OMS, est insignifiante et en plus se détériore d’une année à l’autre (tableau 1) en raison sûrement des difficultés d’approvisionnement à travers l’irrégularité de la desserte qui se dégrade également d’année en année.

Cette situation de pénurie permanente et surtout lorsqu’elle s’amplifie pour une raison ou une autre, entraîne une hausse de prix de l’eau, déjà exorbitant. Le coût de l’eau, fonction de considérations comme la provenance et le moyen de transport, est très variable, le tableau 2 donne des exemples de prix pratiqués dans quelques sites du PNBA et de Nouakchott. Le prix d’un fût de 200 litres, va de 700 UM (soit 3 500 UM/m3) pour de l’eau déminéralisée à 2 000 UM (soit 10 000 UM/m3) pour de l’eau de forage. Le prix de l’eau est en moyenne 10 fois plus cher dans le PNBA qu’à Nouakchott où les possibilités financières sont largement supérieures à celles en milieu rural littoral. L’acuité du problème de l’eau est là sans commune mesure.

Avec l’eau, la vie au littoral n’est pas que chère, elle est impossible et inaccessible. Pourtant on se démène et on s’en sort et comment on s’en sort ? Grande question à laquelle chacun a sa formule magique pour y répondre !

 

Littoral mauritanien – Coût de l'eau au m3
Agglomération Coût du m3 (UM) Provenance
Mamghar 10000 Rodha
3500 Unité de dessalement
R’Gueiba 7 500-10000 Rodha
Ten alloul 7 500-10000 N'kheila
Teichott 6000-7500 N'kheila
Tessot 10000 Rodha
Arkeiss 5000-10000 N'kheila
Agadir 7500 N'kheila
7500-10000 Nouadhibou
Nouakchott 200 Réseau de distribution
300-1000 Camions citernes
500-1000 Bornes fontaines
1000-2000 Charretier

 

Ce qui se profile à l'horizon

Si aujourd’hui, la densité de populations comme des aires de vie occupées sur le littoral, sont faibles par rapport à d’autres pays, c’est parce que la condition essentielle à leur élan, qui est l’accès à l’eau, reste cette problématique épineuse et pressante. La disponibilisation de l’eau en quantité et en qualité et de manière pérenne pour les populations du littoral, ne peut être assurée que par les sources d’approvisionnement suivantes que permettent les dispositions des ressources littorales en eau, toutes confondues :

  • à partir de la mer, par dessalement d’eaux marines à saumâtres ;
  • à partir d’eaux souterraines d’aquifères situés au delà de la frange salée de la nappe côtière ;
  • à partir d’eau du fleuve Sénégal, mise en adéquation par des traitements appropriés.

Des critères, allant de la proximité de la ressource exploitée, à la facilité de mise en place et de maîtrise du système d’exploitation, au coût de revient et à la qualité du produit proposé, doivent guider à faire un choix judicieux entre ces différentes possibilités. Pour la ville de Nouakchott, le choix n’y était pas, car nous pouvons dire que le temps du choix ne nous était pas donné ou laissé : dans l’urgence ou dans la précipitation, aucune de ces trois alternatives n’a pu être étudiée de manière efficiente, car il fallait coûte que coûte pourvoir une demande en eau qui devenait de plus en plus pressante avec l’avènement de l’urbanisation de la ville. Les deux possibilités de dessalement de l’eau de mer et de l’exploitation des eaux souterraines ont fait les frais et l’objet d’investigations et d’explorations, parfois très tâtonnantes. Les résultats sont ceux que nous vivons, apprécions ou déplorons aujourd’hui.

L’accès à l’eau, a-t-il effectivement trouvé solution à Nouakchott ? Nous vous laissons la réponse ! Mais permettez nous un simple point de vue d’analyse ! Ne diabolisons pas ces alternatives comme incapables de résoudre notre problème d’approvisionnement en eau potable ! Si nous jugeons la situation catastrophique, ne rejetons pas toute la faute aux seules conditions naturelles ou à celles d’une conjoncture difficile qui nous omnibilait par son ampleur. Notre responsabilité n’est pas minime ! Nous posons-nous la question : ‘‘Avons-nous utilisé à bonne essence les ressources en question et avons-nous optimisé leur exploitation pour qu’elles puissent répondre à nos attentes’’ ? Aussi en réponse toute simple, ne voyons pas trop la responsabilité de l’autre, plutôt la nôtre, si infime puisse-t-elle être. Autrement dit ‘eau de mer’, ‘eau souterraine’ ou ‘eau du fleuve’, peu importe ! Si nous pouvons mettre à profit les dispositions de la ressource, elle (pour dire la source que nous aurons choisie avec les critères les plus pertinents, étudiée et maîtrisée dans ses moindres détails et exploitée avec une gestion rationnelle, rigoureuse et consciencieuse) et elle finit toujours par faire notre affaire ou nous finissons par lui faire faire notre affaire.

Aujourd’hui, nous abordons une étape importante et tant attendue pour étancher notre soif d’eau et de consolation pour les situations ardues que nous avions vécues avec la problématique de l’eau. Nous sommes las et à bout de souffle de ce manque d’eau qui perdure depuis des éternités ! Nous sommes maintenant à un tournant décisif de l’accès à l’eau sur Nouakchott et à grande échelle sur le littoral. Tous nos espoirs et espérances sont portés sur la dernière source non exploitée : l’eau du fleuve. Les expériences et explorations passées doivent être des leçons d’or pour nous. Elles doivent nous guider à trouver la meilleure résolution non pas seulement pour la ville de Nouakchott, mais pour toute la ‘sous région’ littorale. Cette résolution ne doit pas se focaliser, ni se borner sur la seule alternative du fleuve, les autres possibilités ne sont pas encore des solutions ‘crevées’, elles restent actuelles et leur bien fondé dépendra de la conduite et de la mise en route de la solution. Les infrastructures en cours d'exécution, la route Nouakchott-Nouadhibou et le projet Aftout es-Sahéli constituent des appuis véritables à la recherche de solution objective et adéquate de l’accès à l’eau sur le littoral mauritanien. .