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Dessin de tracé de fleuve

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Canada – Québec
Impossible de connaître la quantité d’eau prélevée par les embouteilleurs

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Dossier de
la rédaction de H2o
  
20/06/2022

Il est impossible de savoir quel volume d’eau est prélevé au Québec par les entreprises qui l’embouteillent pour la vendre. La Cour du Québec a donné raison aux multinationales qui affirment que ces informations sont de nature confidentielle, au terme d’une action en justice lancée par le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) et l’organisme Eau Secours.

Les entreprises Amaro, Pepsi, Coca-Cola, Naya et Eska, notamment, n’auront pas à dévoiler les volumes d’eau qu’elles pompent au Québec en vue de la vendre. Cette information existe, puisqu’elle est transmise au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC). Mais ce dernier ne la rend pas publique. Le CQDE avait lancé en 2018 des démarches afin d’obtenir l’accès à ces informations. Mais le MELCC, suivi par la Commission d’accès à l’information, avait refusé de transmettre les données sur les volumes prélevés. En janvier 2021, la cause a donc été portée en appel devant la Cour du Québec. Dans une décision rendue récemment, la Cour du Québec a confirmé ce refus de la Commission d’accès à l’information de transmettre les informations au CQDE et à Eau Secours. Le jugement rappelle que la Commission d’accès à l’information a conclu que lesdites informations sont "de nature commerciale" et présentent "un caractère objectivement confidentiel puisque l’ensemble de l’industrie traite ces renseignements de manière confidentielle et qu’elles ne font pas partie du domaine public." Le jugement souligne aussi "le caractère hautement compétitif de l’industrie des embouteilleurs en raison de la très mince marge de profit et que les entreprises se livrent à une compétition serrée." Pour l’avocat du CQDE, Marc Bishai, il serait pourtant essentiel que les citoyens puissent savoir quelle quantité d’eau est puisée par les entreprises au Québec. "L’eau n’est pas une ressource inépuisable. Il est donc essentiel d’en faire une gestion responsable, d’autant plus dans un contexte de changements climatiques. On voit déjà des sécheresses, par exemple, et des pénuries d’eau dans certains contextes. Cet enjeu de transparence est toujours d’actualité." Le CQDE souhaite maintenant interpeller le public afin que les Québécois exigent une révision du cadre juridique pour "lever le secret", ce qui semble impossible dans le contexte actuel. Interpellé par Québec Solidaire lors de l’étude des crédits du MELCC, le ministre Benoit Charette a refusé de prendre un tel engagement. Il a simplement évoqué l’idée que le ministre de l’Environnement d’un futur gouvernement du Québec pourrait s’intéresser au dossier. Plus tôt cette année, le Parti libéral et le Parti québécois ont réclamé la révision à la hausse de la tarification pour l’utilisation de l’eau, inchangée depuis 2010. En 2018, on rapportait notamment que 2 milliards de litres d’eau embouteillée au Québec avaient généré moins de 150 000 de dollars CAN de revenus au Trésor québécois. La même année, l’Ontario avait touché 23 millions pour l’eau prélevée. Au Québec, le taux de la redevance de base est de 2,50 dollars par million de litres d’eau. Il existe cependant un tarif de 70 dollars par million de litres d’eau pour l’eau en bouteille, la fabrication de boissons, de certains produits minéraux et chimiques, de pesticides, ou l’extraction de pétrole et de gaz. En comparaison, l’Italie exige 2 000 dollars par million de litres et le Danemark, 10 000 dollars par million de litres, rappelle l’article qui précise que le Règlement du Québec sur la redevance exigible pour l’utilisation de l’eau vise toutes les industries qui prélèvent ou utilisent 75 000 litres d’eau et plus par jour.

Alexandre Shields – Le Devoir