Autres catégories
Canada – Québec |
![]() |
![]() |
![]() |
Dossier de la rédaction de H2o   |
|
12/06/2025 | |
Même si les limites maximales permises ne sont pas dépassées, les scientifiques craignent les effets cumulatifs de ces polluants sur la santé humaine. Une récente étude québécoise montre que les pesticides sont toujours présents dans l’eau potable, même après le passage par une usine de traitement. Dans certains cas, les concentrations de pesticides sont plus élevées dans l’eau destinée à la consommation humaine que dans l’eau de la rivière où elle est puisée. C’est ce qui ressort de l’étude intitulée "Temporal trends of 46 pesticides and 8 transformation products in surface and drinking water in Québec, Canada", parue dans la revue Water Research. Pour cette étude, le chercheur Sébastien Sauvé, professeur de chimie environnementale à l’Université de Montréal, et son équipe ont analysé l’eau de la rivière Châteauguay avant et après son traitement à l’usine d’eau potable d’une municipalité en Montérégie. Des échantillons d’eau ont été récoltés pendant plus de 800 jours, d’avril 2021 à août 2023 – soit la plus longue étude du genre au Québec. La fréquence de l’échantillonnage, deux fois par semaine, leur a permis d’avoir un portrait précis des concentrations de pesticides au fil du temps. Les chercheurs ont ciblé 46 pesticides parmi les plus utilisés en agriculture et les insecticides néonicotinoïdes, plus 8 métabolites (molécules résultant de la dégradation des pesticides). Les analyses permettent de constater qu’un système de traitement des eaux standard, pourtant tout à fait conforme à la réglementation en vigueur au Québec, est incapable d’éliminer les pesticides. Dans le cas de 19 molécules sur 54, le traitement de l’eau n’entraîne aucune diminution des concentrations. C’est le cas notamment de l’imidaclopride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes. Dans le cas de 12 autres molécules, dont l’atrazine, un herbicide très persistant dans l’environnement et interdit en Europe depuis 2003, les concentrations étaient même significativement plus élevées dans l’eau du robinet que dans les eaux de surface, nous apprend cette étude. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette hausse post-traitement, par exemple le fait que les particules, emprisonnées dans le filtre, soient peu à peu relarguées quand celui-ci atteint sa capacité maximale d’adsorption. Pris individuellement, aucun échantillon ne dépassait les seuils permis au Canada, mais l’étude avance que l’exposition à long terme à de multiples pesticides et à leurs métabolites pourrait avoir des effets toxiques cumulatifs ou synergiques posant des risques pour la santé. Professeure de santé environnementale à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS), Maryse Bouchard voit dans cette étude, à laquelle elle n’a pas pris part, un rare portrait des concentrations de pesticides, de la rivière jusqu’au robinet. "C'est troublant de voir la quantité de molécules différentes de pesticides, plusieurs avec une toxicité avérée", affirme-t-elle. "La présence simultanée de tous ces produits dans l'eau de consommation humaine […] nous met devant l'évidence que c'est vraiment nécessaire de mieux estimer les risques de cet effet cocktail", prévient la professeure.
Radio-Canada
|