Magazine H2o | Agronomes "sous influence" | Brèves - Amériques

Dessin de tracé de fleuve

Accueil > Brèves > Amériques > Agronomes "sous influence"


Canada
Agronomes "sous influence"

Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
Dossier de
la rédaction de H2o
  
01/07/2019

Le sous-ministre de l’Environnement est inquiet de ce qu’il a découvert

Le sous-ministre Marc Croteau a révélé devant la commission parlementaire sur les pesticides que, l'an dernier, un petit groupe d'agronomes liés à l'industrie a été responsable de la moitié des prescriptions du pesticide le plus à risque pour la santé et l'environnement, l'atrazine. "Je trouve ça très préoccupant", a déclaré, sans filtre, le sous-ministre du ministère de l’Environnement devant les députés. Il précise que 127 agronomes ont délivré 1 500 prescriptions d’atrazine à des agriculteurs. Parmi ces agronomes, 15 ont été responsables de plus de la moitié des prescriptions. "Ce constat est d’autant plus préoccupant qu’il s’agit d’agronomes employés principalement par des fabricants ou des distributeurs de pesticides", a expliqué le sous-ministre.

Radio-Canada avait récemment révélé que la majorité des agronomes qui conseillent les agriculteurs sur l'utilisation des pesticides sont des salariés des entreprises qui vendent ces produits. Mais ce n'est pas tout. La plupart touchent des primes, bonis ou commissions à la vente, une pratique interdite par le code de déontologie des agronomes. L’atrazine est classée au Québec comme le pesticide le plus à risque pour la santé et l’environnement. Ce produit est interdit en Europe depuis une quinzaine d’années. Depuis 2018, la province encadre son utilisation en obligeant les agriculteurs à obtenir une prescription d’un agronome avant de pouvoir en épandre. C’est grâce à ces déclarations que le ministère a pu recueillir des données. Le sous-ministre s’est ainsi rendu compte que des agronomes omettent d’identifier le problème justifiant l’utilisation de l’atrazine ou bien ne proposent pas à l’agriculteur de solutions de rechange. Pressé de questions par la porte-parole libérale en matière d’Environnement et d’Agriculture, Marie Montpetit, le sous-ministre a expliqué que ce sera à l’Ordre des agronomes d’inspecter le travail de ces 15 professionnels pour comprendre ce qu’il s’est passé.

La commission parlementaire sur les pesticides a été mise en place dans la foulée du congédiement de l’agronome du ministère de l’Agriculture Louis Robert qui a dénoncé l’influence du lobby des pesticides sur les centres de recherche. Au début du mois, Louis Robert a tenté de se faire élire à la présidence de l’Ordre des agronomes du Québec en proposant d’interdire à un agronome de prescrire des pesticides s’il est rémunéré par une entreprise qui fabrique, vend ou distribue ces produits. Le lanceur d’alerte a perdu par une très courte marge de 15 voix. Durant sa prise de parole, le sous-ministre Marc Croteau s’est permis de critiquer une décision des membres de l’Ordre des agronomes qui, lors d’une assemblée générale, en 2017, avaient "malheureusement" rejeté une proposition pour interdire la prescription d’atrazine à des agronomes recevant des bénéfices d’une compagnie commercialisant ce produit. La Commission parlementaire reprendra ses travaux à la fin de l’été. Son mandat officiel est d’examiner les impacts des pesticides sur la santé publique et l’environnement, ainsi que les pratiques de remplacement innovantes disponibles et à venir dans les secteurs de l’agriculture et de l’alimentation, et ce, en reconnaissance de la compétitivité du secteur agroalimentaire québécois.

Thomas Gerbet – Radio-Canada