Magazine H2o | Eaux de baignade | Quotidien-La qualité de l'eau

Dessin de tracé de fleuve

Accueil > Dossiers > Quotidien > Eaux de baignade
logo lien vers www.lemeeb.net

Eaux de baignade

Mots clés : baignade, eaux de mer, eaux douces, qualité, vulnérabilités, prévention, profils, modélisation, Seine-Normandie
Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
Dossier de
AESN
  
May 2012

201206_baignade_itl.jpg

LA QUALITÉ DES EAUX DE BAIGNADE
Vulnérabilités, prévention et préservation
Le cas de la Seine-Normandie

Les activités domestiques humaines, les activités agricoles et agro-alimentaires, le tourisme peuvent conduire à la pollution microbiologique  de la mer et des eaux douces. Quels sont les actions de prévention et de préservation engagées ? À quelques jours des grandes migrations estivales, retour sur cette problématique avec l'exemple du bassin de Seine-Normandie.

Jean DUCHEMIN, chargé de mission Eau et santé
Mathieu ESCAFRE, chef de service Littoral
Agence de l’eau Seine-Normandie

ouverture – camping de Normandie Le Fanal
H2o – juin 2012

 

Les critères de qualité des eaux de baignade et la nouvelle directive "baignade"

La directive Eaux de baignade de 1976 avait besoin d’être révisée afin, notamment, de répondre aux exigences accrues en matière de santé environnementale pour la population de l’Union européenne, et de renforcer la fiabilité d’interprétation des suivis microbiologiques. La directive 2006/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 février 2006 concernant la gestion de la qualité des eaux de baignade et abrogeant la directive  76/160/CEE est progressivement transposée en droit français. Ainsi les dispositions du Code de la santé publique ont été modifiées par décrets dont celui du 18 septembre 2008 qui modifie aussi le Code de l’Environnement. Deux arrêtés complètent ces aménagements.

Une meilleure prise en compte du risque sanitaire avec un renforcement des normes – De nouvelles mesures microbiologiques sont mises en place, qui évaluent la présence dans l’eau de baignade de virus, bactéries et parasites responsables principalement de gastroentérites, mais aussi de maladies respiratoires et ORL. L’eutrophisation dans les sites à "marée verte" atteints par les macroalgues et en eau douce par des plantons toxiques comme les algues bleues est prise en compte. L’analyse statistique de 40 à 80 résultats sur 4 saisons remplace les 10 à 20 résultats du classement annuel préalable. D’une manière générale, sans cibler le littoral normand, ces nouvelles normes vont permettre de réduire le risque sanitaire pour un baigneur en eau "conforme" à moins de 8 %, (qualité "suffisante) voire à moins de 4 % (bonne ou excellente qualité) au lieu des 8 à 12 % liés aux seuils en "germes indicateurs de contamination fécale" de l’ancienne directive (2000 E. coli/100 ml). Si cette directive exigeante était appliquée en totalité aujourd’hui certaines plages normandes seraient classées en qualité "insuffisante", même si une grande majorité de celles-ci sont en qualité "excellente" ou "bonne" dans les simulations.

Une analyse sur 4 ans des plages permettant un classement plus objectif – Dès 2013, le classement sera établi sur 4 années d’analyses permettant de "lisser" les pics très accidentels de pollution et traduisant mieux la qualité habituelle des eaux de baignade sur un site (le "bruit de fond"). Cette nouvelle forme d’analyse statistique limite l’effet "roulette russe" provoqué par le dépassement du seuil de qualité (parfois pour quelques germes) en classement annuel sur 10 ou 20 analyses.

Une gestion active des plages et des actions préventives hiérarchisées – Une fermeture préventive d’une plage est possible dans le cas d’un risque de pollution (en cas d’orage par exemple) afin d’éviter les risques sanitaires pour les baigneurs. Dans ce cas le classement de la plage ne tiendra pas compte des analyses effectuées pendant cette fermeture, qui ne doit pas excéder 72 heures ni intervenir plus de 15 % du temps.

Les simulations faites en 2006 montraient que les exigences de cette nouvelle directive risquaient de déclasser brutalement, suite à des étés pluvieux, 20 à 30 % des plages normandes (hors "gestion active" limitant ce risque), entraînant un manque à gagner important, outre la nécessaire progression dans la protection sanitaire des estivants. Il convenait, par conséquent, après des investissements lourds dans les années 1990 sur les stations d’épuration, d’engager une seconde vague de travaux pour fiabiliser les réseaux d’assainissement urbains et réduire les pollutions diffuses des fleuves côtiers par temps de pluie, ce qui a été entrepris, avec un fort investissement de la part de l’Agence de l’eau.

201206_baignade_01.jpg  201206_baignade_02.jpg


Qu’est-ce qui rend vulnérable les eaux de baignade ?

Les activités domestiques humaines, les activités agricoles et agro-alimentaires, une mauvaise gestion de l’assainissement collectif et non collectif (ANC) peuvent conduire à la pollution microbiologique de la mer et des eaux douces. Un travail préventif est essentiel pour limiter ce type de pollution.

Des pollutions microbiologiques venues de la côte – Les usages domestiques de l’eau constituent une source de pollution importante des eaux de baignade. Le raccordement des habitations à une station d’épuration est essentiel mais également la fiabilité des branchements et des réseaux. Une maison non reliée pollue autant que 100 maisons reliées à une station avec traitement secondaire. Un programme concerne  l’amélioration de l’assainissement individuel (assainissement non collectif) chez les particuliers non raccordés à une station d’épuration, en parallèle avec la mise en place des services publics d’assainissement non collectif – SPANC. La "cabanisation" (les ça’m suffit) constitue également un problème avec les mobil-home ou cabanes sur le littoral dont les eaux ne sont pas assainies. La recherche de germes "témoins de contamination fécale" (Eschérichia coli, entérocoques intestinaux, qui constituent notre flore digestive ; 1 gramme de selles de mammifère en contient plusieurs millions) est une démarche importante car ces bactéries témoins indiquent un risque quant à la présence d’autres bactéries, pathogènes, ou de virus (de conjonctivite gastro-entérites par exemple), dans les eaux de baignade.

L’élevage constitue un problème majeur pour la pollution des eaux de baignade, via la contamination des fleuves côtiers par temps de pluie, ou la submersion des herbus de présalés – Les animaux d’élevage en pâture et s’abreuvant dans une rivière (et donc y laissant des excréments) constituent une importante source de pollution. D’où la pose de barrières ou d’abreuvoirs déportés, encouragée par l’Agence de l’eau via des contrats territoriaux. L’épandage de fumier sur les terres agricoles peut également polluer les eaux de baignade après une pluie ; la terre étant lessivée et le lisier aboutissant dans la rivière. Des mesures préventives existent : bandes enherbées, talus/fossés, zones humides-tampon, couverture des sols, etc.

Les profils de vulnérabilité – Des profils dits de "vulnérabilité", introduits par la nouvelle Directive, décrivent les eaux de baignade et les facteurs menaçant leur qualité en identifiant les risques de pollution. Ces profils servent, à la fois de source d'information pour les citoyens et d'outils de gestion pour les autorités responsables qui, ainsi, peuvent décider de la fermeture d’une plage et surtout de mesures préventives hiérarchisées

Le profil d’une plage va faire un historique de qualité, corrélé avec les conditions de pluie, vent et marée. Il va recenser les sources chroniques ou potentielles de pollution microbiologiques sur la "zone d’influence" (jusqu’à 20-30 km en amont dans le bassin versant), dont les rejets de station d’épuration, déversoirs d’orage et postes de refoulement d’eaux usées avec surverse ; les villages sans assainissement; les zones d’élevage dense avec rejets diffus. Il indiquera également la sensibilité du site à l’eutrophisation (macroalgues vertes, cyanobactéries toxiques en eau douce, etc.).

La modélisation (si nécessaire en 3D) va décrire la dispersion de chaque panache de pollution dans les eaux de baignade et son évolution en fonction des courants de marée, du basculement du vent, de rejets ponctuels ou continus, de la survie des germes (elle varie pour E.coli de quelques heures, en eau claire et au soleil, à plus de 48 heures). L’ensemble du littoral normand a fait l’objet d’une modélisation courantologique 2D à maille fine (25 à 50 mètres), soutenue par l’Agence de l’eau.

Ce profil est mis à jour selon la qualité des eaux de baignade : en cas de dégradation pour les eaux d’excellente qualité, tous les quatre ans pour les eaux de bonne qualité, tous les trois ans pour les eaux de qualité suffisante et, enfin, tous les deux ans pour les eaux de qualité insuffisante.

Des risques spécifiques en eau douce – Les nutriments (azote et phosphore des engrais, lessives, déjections humaines et animales) entraînent le développement de macroalgues, mais aussi de phytoplanctons, dont des cyanobactéries toxiques. Ces dernières se développent dans l’eau douce et peuvent toucher les baigneurs et pratiquants dans les bases de loisirs aquatiques. Les baigneurs, s’ils sont trop nombreux dans un espace confiné où l’eau stagne, peuvent se contaminer avec des germes cutanéo-muqueux ; une surface d’environ 10 m2/baigneur est recommandée, ou la création d’un mouvement d’eau. Par ailleurs la proximité de faune sauvage peut apporter des leptospires, hôtes habituels des rongeurs, pouvant créer des infections graves chez l’homme, mais également des cercaires, parasites des canards et des cygnes, dont les larves émises via un coquillage provoqueront chez le baigneur des démangeaisons et prurits, heureusement passagers. Ces risques nécessitent des mesures préventives particulières, sur le suivi des cyanobactéries, les apports de nutriments, le renouvellement d’eau (ou limitation de fréquentation), et le maintien à distance des concentrations de faune sauvage.

La notion de "cycle de l’eau" est plus que jamais à prendre en compte lorsque l’on parle des eaux de baignade. L’interaction entre les activités des hommes et les conséquences sur ces mêmes hommes, devenus baigneurs, est forte et rapide.

201206_baignade_03.jpg  201206_baignade_04.jpg


Politique de préservation du littoral et réduction des pollutions microbiologiques des villes et des champs

Avec notamment 150 sites de baignade, la Normandie est une destination majeure pour le tourisme. La nouvelle directive "eaux de baignade" va permettre de renforcer l’identification des sources de pollution et de hiérarchiser les travaux à réaliser.

Les actions préventives pour éviter les risques de pollution – Les actions à mener pour le littoral s’inscrivent dans la palette des mesures préventives : collecte des effluents dans les réseaux (dont les eaux pluviales) ; qualité des canalisations et des raccordements ; fiabilisation des postes de relèvement des eaux usées ; gestion efficace des stations d’épuration ; désinfection terminale ou réutilisation ; maîtrise des réseaux d’eaux pluviales souillées ; bassins-tampons et zones d’infiltration ; réhabilitation groupée de l’ANC ; mesures dans des zones d’élevage dense ("pompes à nez" et abreuvoirs déportés, stockage lisiers et fumiers, clôtures, zones-tampon, etc.). Ces actions exigent, dans les zones conchylicoles, d’être parfaitement effectuées car elles ont des conséquences sanitaires directes sur l’homme. Les autres usages de l’eau peuvent tolérer des germes en "eau brute" : l’eau potable est traitée, l’eau de refroidissement n’a pas d’impact sanitaire sur une usine, etc.

Informer et faire participer le public – La nouvelle directive sur les eaux de baignade garantit au grand public la mise à disposition d’informations. En particulier, les avis interdisant ou déconseillant temporairement la baignade devront être clairs et précis, et mentionner la durée prévisible de cette interdiction. Les suggestions, remarques et réclamations du public seront prises en compte. Des symboles simples vont permettre d’indiquer la qualité de l’eau, et un descriptif simplifié du profil de la baignade (poster) sera disposé à l’accès aux plages, indiquant les sources de risques et mesures préventives mises en place.

Le développement de l’information en direction du grand public, l’utilisation d’internet pour renforcer la transparence, devraient inciter les citoyens à s’inscrire dans une démarche interactive plus grande et à émettre des avis sur la qualité des eaux de baignade. .

 

201206_baignade_05.jpg  201206_baignade_06.jpg

 

aesn.gif
ResSources
Agence de l'eau Seine-Normandie
Eaux de baignade – Santé France
Les résultats des suivis sont mis à disposition par les ARS et la DGS toutes les semaines en saison.