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Tout baigne

Mots clés : tout baigne ! bain, douche, immersion, aspersion, santé, sensualité jeux, frayeurs, Merry Delabost Bonne-Nouvelle
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Le monde entier sous la douche 

Le SIAAP, Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne, a présenté aux Parisiens  le coup d'œil de 40 photographes dans 19 pays. Une exposition qui s'est tenue en grand format, à ciel ouvert et en accès libre, pour décider enfin : bain ou douche ?

SIAAPphotos extraites de l'expo Tout Baigne !
commissaire : terrebleue

ouverture : la photo de mode vue par Martin Parr. (Nice, 2005) Martin Parr / Magnum Photos
À Nice, en 2005, un retraité et un playboy approximatif se retrouvent sous la douche
h2o – décembre 2011

J’ai ma brosse à poils durs pour laver mes
oreilles, la pierre ponce pour mes pieds et mes
jolis orteils, la lotion pour ma barbe, et, pour
mes belles moustaches, mon sirop de pistache.

Ah c’qu’on est bien quand on est dans son bain
Franck Thomas, Jean-Michel Rivat et Christian Sarrel
interprétée par Henri Salvador. (1971)

Cinq minutes ! En cinq minutes, la fatigue s’évapore, les soucis de la journée s’effacent, le corps se détend. "Je prends une petite douche" est devenue une phrase banale, évidente. L’assainissement de l’eau a révolutionné notre vie quotidienne. En 1820, un Parisien prenait en moyenne un bain par an. Depuis le milieu du XIXe siècle, la pratique du bain s’est répandue comme une traînée de poudre grâce à l’augmentation considérable du volume d’eau potable distribuée, à la construction massive d’égouts et aux efforts de dépollution de l’eau sale (la douche et le bain représentent un volume important d’eau à dépolluer chaque jour, une eau chargée de savon, mousse, sels, cheveux…) avant qu’elle soit rejetée propre dans nos rivières. La douche est arrivée plus tardivement, très précisément en 1872, mise au point par le médecin des prisons de Rouen.

Comme les toilettes, la salle de bains est un lieu intime. Mais elle est aussi le temple de la socialisation. Car la propreté, la bonne odeur sont aujourd’hui une exigence absolue. On aurait peine à imaginer la puissance des odeurs corporelles à Paris jusqu’en 1850.

Le but hygiénique bien sûr n’échappe à personne. On se baigne, on se douche, avant tout pour se laver. Mais aussi pour se délasser, pour se défatiguer, pour ouvrir la journée ou pour la fermer. On se baigne tout habillé comme John Lennon ou dans la mousse comme Marilyn Monroe. On s’y purifie, on se rafraîchit, on se disperse (quand la douche est donnée par les canons à eau de la police à l’issue d’une manifestation). On y meurt même comme le personnage de Psychose, le film de Hitchcock. On y joue, on se douche à plusieurs, par contrainte comme en prison, par solidarité comme dans la "salle des pendus" des mines où chacun frotte le dos du voisin. On se douche sous la grue d’eau d’une locomotive à vapeur ou sous la pluie de mousson. Et parfois on ne se douche pas. Un tiers de l’humanité, essentiellement dans les grandes agglomérations, ne peut pas bénéficier d’une hygiène correcte. Pour ceux-là qui luttent contre les parasites, les maladies… non tout ne baigne pas ! Une douche pour eux, ce n’est pas cinq minutes, mais une heure pour aller au point d’eau, une heure d’attente et une heure pour en revenir.

Tout baigne ! est là aussi pour rappeler que le développement de l’assainissement permet de lutter contre de nombreuses maladies liées à l’eau. Et pour apprécier la liberté d’en bénéficier.

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Habit de mousse
Marilyn Monroe sur le tournage de Sept ans de réflexion, réalisé par Billy Wilder. (Hollywood, 1955)
Sam Shaw / Collection Shaw family – archives LTD

 

L’eau est aujourd’hui parée de toutes les vertus
Ça n’a pas toujours été le cas

Les bains de Marie-Antoinette faisaient jaser la cour. L’eau à cette époque avait la réputation de pénétrer le corps par les pores que la chaleur ouvrait. L’eau livrait donc l’organisme aux mauvaises "humeurs" extérieures, amolissait l’être, le dissolvait. On y croyait si fermement que les bains étaient indiqués pour dissoudre les calculs rénaux ! De grandes études furent même entreprises pour additionner à l’eau du bain des produits divers et variés pour lui conférer la même nature que le corps. L’eau pénètre dans notre organisme ? Qu’à cela ne tienne, il suffit que l’eau soit déjà du corps. Ce fut un échec. Mais peut-être doit-on voir là l’origine des herbes, des sels, des mousses qu’on utilise aujourd’hui pour enrichir l’eau du bain.

Le rôle actuel de l’eau était tenu par le linge. Ce n’est pas comme aujourd’hui l’immersion ou l’aspersion qui nous rendaient propres, mais le frottement. La chemise avait cette fonction. Totalement dissimulée, contrairement à aujourd’hui, elle nettoyait la peau. Laver son linge c’était se laver. Mais on restait loin de la fréquence actuelle. Le peuple ne se changeait pas souvent. Les nobles guère plus.

L’eau qu’on soupçonnait de transporter les épidémies était également synonyme de mauvaises moeurs. Les bains publics et étuves se sont développés à Paris sur la Seine jusqu’au XVIe siècle. Des jours réservés aux femmes, des jours aux hommes… De charmantes demoiselles pouvaient vous attendre dans ces saunas archaïques. Ces établissements furent fermés au XVIIe et l’eau vouée à l’enfer pour deux siècles.

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Douche dangereuse
Janet Leigh dans la scène culte de Psychose d’Alfred Hitchcock. (États-Unis, 1960)

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Depuis Psychose, tout le monde sait qu’il faut éviter de descendre dans un motel tenu par un jeune homme qui conserve sa mère momifiée dans un fauteuil à bascule. Cette célèbre scène a exigé sept jours de tournage avec l’impératif de ne pas trop dévoiler le corps de l’actrice. Autant qu’un apogée érotique, cette séquence est un chef d’œuvre graphique, conçu par Saul Bass, auteur des plus grands génériques d’Hitchcock.


Le triomphe de l’eau

Il est difficile d’imaginer à quel point notre rapport à l’eau est moderne. C’est-à-dire qu’aucune civilisation n’avait connu avant le XXe siècle une relation aussi… limpide. Un Parisien n’avait accès en 1837 qu’à un peu plus de 7 litres d’eau par jour (en moyenne bien sûr). Les eaux sales n’étaient pas traitées. Elles partaient directement à la rivière.

Le SIAAP dépollue aujourd’hui 280 litres d’eau par jour et par habitant ! La majorité d’eau domestique, le reste en eau industrielle ou en eau de pluie. L’évolution des techniques de potabilisation de l’eau (Paris connut des épidémies hydriques meurtrières jusqu’à la fin du XIXe siècle), la maîtrise ou du moins la compréhension après Pasteur de l’invisible, c’està-dire du monde microbien, l’équipement des logements (de certains en tout cas) en matériel sanitaire, le recueil et le transport des eaux usées par les égouts, leur traitement, et même l’apprentissage massif de la nage ont révolutionné l’image de l’eau. D’élément ambigu (vital et dangereux), elle est devenue l’indispensable alliée de l’homme sur la Terre.

Vectrice de santé, de sensualité, de jeux, de spectacle (Louis XIV l’avait bien vu à Versailles), elle est le fluide miraculeux et prodigue, celui sans lequel la vie n’aurait pu se développer, celui sans lequel nos jours perdraient beaucoup de saveur. On ne chanterait plus sous la douche.

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Fou d’eau
Jack Nicholson interrompt une partie de Monopoly dans Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman.
(États-Unis, 1975)

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Beaucoup d’eau dans cette révolte d’un asile d’aliénés menée par McMurphy (Jack Nicholson) qui s’est fait interner pour échapper à la prison. On y pêche sans autorisation, on est douché de force… pour être parti pêcher sans autorisation… Ici Nicholson arrose quatre joueurs de Monopoly pour les sortir de leur torpeur.
L’eau est métaphorique. Elle incarne la liberté mais également la limite : McMurphy n’arrivera pas, comme il s’en était vanté, à arracher le bloc sanitaire à la simple force de ses bras.

 

La douche ou le bain ?

Toutes les collectivités territoriales confrontées au coût de l’eau et de son traitement, confrontées également à la sècheresse, vantent le choix de la douche plutôt que du bain. Une douche courte (une vingtaine de litres d’eau) est effectivement plus économique qu’une baignoire remplie (entre 100 et 300 litres).

La douche est perçue comme revigorante, active. Ne restet-on pas debout sous le pommeau quand on est allongé dans un bain ? La douche est une dynamique, le bain un sommeil.

Les Japonais distinguent bain et propreté. Dans les osen, ces bains publics d’eau volcanique comme dans les salles de bains particulières, on se lave et on se rince méticuleusement, assis sur un tabouret, avant de plonger dans l’eau. L’immersion est un moment mental et sensuel, et non hygiénique. La baignoire ne se vide pas, l’eau étant parfaitement propre après le bain. Et les Japonais sont très choqués des pratiques occidentales : salir l’eau du bain ? ah non, jamais !

Ce clivage, bien qu’estompé, est présent en Occident. Pour beaucoup de femmes, le bain est un rituel de délassement, un moment de soin du corps davantage que d’hygiène. Il n’est pas quotidien, dépend des circonstances. Pour une Parisienne qui ne dispose, entre le travail, les enfants et la maison que de quelques minutes "pour elle" chaque jour, la douche s’impose le plus souvent. Le bain est un événement.
Le docteur Merry Delabost avait évalué la consommation d’eau d’une douche à 16 litres. Avec cette quantité, il prétendait pouvoir venir à bout de n’importe quelle saleté corporelle.

Merry Delabost était le médecin de la prison Bonne-Nouvelle de Rouen. Il est considéré comme l’inventeur de la douche. En 1872, le ministère de l’Intérieur s’inquiète des conditions sanitaires des prisons françaises. Merry Delabost répond à l’appel à projets en inventant la douche. Il s’agit d’une salle où plusieurs détenus peuvent se laver (sans séparation et sous le regard d’un surveillant) sous une pluie d’eau chaude. Delabost étudie le système d’adduction, de chauffage, le volume d’eau nécessaire, l’aération de la salle de douches… Il croit avoir amélioré le sort des prisonniers – ce qui est exact –, mais il a également révolutionné notre vie quotidienne.
 

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Bain méditatif
Mère et enfant dans un onsen, bain public traditionnel au Japon. (2000) Françoise Huguier / agence VU’

La petite machinerie de Doisneau
La douche à Raizeux. (1949) Robert Doisneau / Rapho

 

Immergez ou aspergez votre stratum corneum et frottez-la vigoureusement

Si nos ancêtres du XVIe et XVIIe siècles craignaient que l’eau ne pénètre dans le corps, c’est qu’ils ignoraient le rôle de la fameuse stratum corneum ou couche cornée, nom scientifique de la surface de la peau. Elle est formée de 4 à 20 couches de cellules mortes constamment renouvelées par desquamation.

Le film hydrolipidique enveloppe cette cornée. Il constitue la première barrière du corps humain aux intrusions microbiennes ou virales. Le film hydrolipidique, extrèmement fin, est une émulsion de cellules mortes, de sécrétions diverses (sueur...) et de kératine. Il assure l’étanchéité régulée du corps, ne laissant passer que l’eau nécessaire à l’hydratation de l’épiderme et du derme. Des lavages trop fréquents altèrent ce film et assèchent la peau.

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Heureuse eau
Dina Vierny, modèle de Maillol, Matisse et Bonnard, photographiée par Pierre Jamet aux alentours de 1936.
Pierre Jamet / Collection Corinne Jamet-Vierny

 

Laver les mots

Mettre quelqu’un dans le bain, c’est le mettre tout de suite en situation, l’immerger dans de nouvelles responsabilités. Mettre au parfum, c’est mettre dans le secret. Le bain de jouvence nous rajeunit. Et si "Tout baigne !", c’est que tout va bien. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain car c’est ne pas faire de distinction entre le bon et le mauvais. Un bain de sang est un massacre.

L’expression "douche froide" revient quotidiennement dans la presse : une équipe de football qui prend un carton, des actionnaires apprenant les mauvais résultats d’une entreprise prennent des douches froides. La douche écossaise était pratiquée au XIXe siècle dans les établissements thermaux écossais. Elle consistait à projeter sur le curiste des jets d’eau successivement froids et chauds. Les thermes écossais ont fermé depuis mais ils ont laissé un sens imagé : la "douche écossaise", est la mauvaise surprise après la bonne, croire qu’on a gagné à la loterie avant de se rendre compte que non, être accueilli chaleureusement par quelqu’un un jour, très froidement le lendemain…

Le mot douche vient du latin doccia qui signifiait tuyau, conduite. Le mot bain vient du latin balneum, bain.


Pourquoi l'eau lave ?

Grâce à sa polarité (positif-négatif), l’eau dissout facilement les composés polaires comme les acides ou les sels. Elle est par contre désarmée face aux graisses et doit faire appel à une molécule tensio-active dotée d’une tête qui aime l’eau (la tête hydrophile) et d’une tête qui aime la graisse (la tête hydrophobe). Une tête s’accroche à l’eau, l’autre à la graisse. C’est le savon.

Le savon préfère l’eau la moins dure, c’est-à-dire la moins minéralisée. Il y mousse mieux et y travaille sans frein.


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Douche à vapeur
Un homme se douche sous la grue à eau destinée à alimenter les bouilleurs des locomotives à vapeur. (Bangladesh, 1983)
Steve McCurry / Magnum Photos

Ces grues à eau servent à remplir les réservoirs des chaudières des locomotives. Accessoires fréquents des westerns, on les retrouve partout où les motrices à vapeur sont encore en activité, comme ici au Bangladesh où elle fait le bonheur d’un passant.

 

La baignoire peut déborder (ou pas)

Les molécules d’eau en contact avec l’air s’accrochent très fermement à leurs voisines d’à côté et d’en dessous. Si fermement que le niveau de l’eau peut se trouver au-dessus du bord supérieur de la baignoire sans que l’eau ne s’écoule. Légèrement au-dessus, un à deux millimètres, pas plus !

Dans le film Adieu l’Ami, Charles Bronson plongeait délicatement des pièces de cinq francs dans un verre déjà plein sans le faire déborder. Ce petit miracle s’appelle la tension superficielle de l’eau. L’autre loi qui gouverne la pratique du bain est celle d’Archimède qui spécifie que si vous rentrez dans une baignoire pleine à ras bord il est très probable qu’un volume d’eau équivalent à votre corps se déversera sur le sol. .

 

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Le SIAAP dépollue quotidiennement 2,4 millions de mètres cubes d’eau usée produite par 8,5 millions de personnes ainsi que les eaux pluviales et industrielles. Il réunit, depuis 1970, Paris, les trois départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Val-de-Marne et Seine-Saint-Denis) et 180 communes du Val d’Oise, de l’Essonne, de la Seine-et-Marne et des Yvelines.

Service public, le SIAAP poursuit une mission essentielle : rendre au milieu naturel une eau propre tout en assumant les besoins d’une population en progression continue.

SIAAP