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Les dix ans de Mocopée

Mots clés : Mocopée, MOdélisation, Contrôle et Optimisation des Procédés d’Épuration des Eaux, innEAUvation, SIAAP
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LES DIX ANS DE MOCOPÉE
MOdélisation, Contrôle et Optimisation des Procédés d’Épuration des Eaux


La seconde édition du colloque Mocopée, programme de recherche coordonné par le SIAAP, l’UTC et l'INRAE, s’est tenue le 26 mars à la Cité de l'Eau et de l'Assainissement de Colombes (Hauts-de-Seine) où le SIAAP dispose de l'une de ses six usines de traitement. L'évènement a rassemblé plus de 250 scientifiques et opérateurs des services d’eau et d’assainissement autour de François-Marie Didier, président du SIAAP, Claire Rossi, directrice de l’UTC et Nathalie Touze, présidente du centre INRAE Île-de-France. Initié en vue de promouvoir un assainissement performant et durable, le programme Mocopée fêtait en même temps ses dix ans d’existence et le lancement de sa phase III, orientée vers le déploiement industriel.

Martine LE BEC
illustrations SIAAP
H2o – avril 2024

 

Mocopée (MOdélisation, Contrôle et Optimisation des Procédés d’Épuration des Eaux) a été créé en 2014 par le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP) en partenariat avec l’Université de Technologie de Compiègne (UTC) et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE). Ses objectifs sont d'accroître la maîtrise et le niveau d’optimisation des filières de traitement, de progresser sur les questions relatives au vieillissement des ouvrages et d'accompagner l’adaptation de l’usine d’épuration aux enjeux de la transition écologique et énergétique du territoire francilien.

Mocopée s’inscrit dans la démarche innEAUvation portée par le SIAAP et ses partenaires scientifiques et techniques avec pour ambition de transformer les résultats scientifiques en solutions opérationnelles pour les exploitants des usines de traitement des eaux usées.

L’effort d’innovation porte aujourd’hui sur les pratiques d’exploitation et de maintenance des systèmes industriels. Les fruits de la R&D doivent notamment permettre d’accroître la maîtrise et le niveau d’optimisation des filières de traitement, de progresser sur les questions relatives au vieillissement des ouvrages, et d’accompagner le changement de rôle de l’usine d’épuration, aujourd’hui pôle de dépollution, demain pôle de transformation de matière. Le programme recouvre quatre thématiques : 1. la métrologie et le traitement du signal ; 2. la modélisation et le pilotage des procédés d’épuration ; 3. la préservation de l’intégrité des systèmes de transport et de traitement ; 4. les concepts innovants dans le domaine du traitement des eaux usées (recherche amont, valorisation des ressources, dimension prospective). 


LA DÉMARCHE
Transformer les résultats scientifiques en solutions opérationnelles

Deux zones dites innEAUvation ont été créées sur l’usine Seine Aval du SIAAP afin de mettre à l’épreuve du terrain des solutions scientifiquement matures. Ces zones permettent aussi d’acquérir des données, de tester des méthodes et des innovations dans des conditions industrielles, avec des matrices réelles, dans des situations d’exploitation du quotidien.

C'est ainsi qu'est étudié, par exemple, le vieillissement des membranes utilisées pour le traitement des eaux usées. Plusieurs usines du SIAAP dont celle de Seine Aval sont équipées de bioréacteurs à membranes. Au total, les deux sites équipés totalisent 650 000 mètres carrés de surfaces membranaires, représentant un investissement de 80 millions d'euros pour une durée de vie relativement courte puisque de 5 à 10 ans. Pour garantir la gestion optimisée des ouvrages, des travaux de recherche ont été entrepris afin d’étudier le vieillissement de ces membranes et optimiser leur durée de vie. Le prototype industriel a été développé en partenariat avec le Laboratoire de génie chimique (LGC, CNRS/INP/Université Toulouse III), l'INRAE et les sociétés Polymem et Arkema. Il permet de projeter sur une période de 12 mois le comportement des membranes sur une durée de vie de 10 ans. Le pilote permet par ailleurs de tester des membranes innovantes qui pourraient s’avérer plus performantes. 

Une autre zone innEAUvation est dédiée à l'évaluation et la modélisation des émissions de protoxyde d'azote. Produit lors des étapes de traitement biologique par biofiltration, le protoxyde d’azote (N2O) contribue de manière significative aux émissions de gaz à effet de serre de la filière de traitement de l’eau. Comprendre les mécanismes à l’origine de son apparition et préciser les conditions opératoires favorisant sa production est donc crucial pour mettre en place une stratégie de limitation. Le prototype installé en partenariat avec l'INRAE vise à reproduire le fonctionnement d’un biofiltre à échelle industrielle et à dresser une cartographie précise des émissions en fonction des pratiques d’exploitation. Ces données alimenteront un modèle mathématique estimant les émissions en fonction des conditions d’exploitation. Ce modèle d’aide à la décision permettra, à terme, d’objectiver les choix d’exploitation selon un ensemble de critères qu’ils soient économiques, environnementaux ou de performance.


LA MÉTHODE
recherche > pré-déploiement > déploiement

L'analyse opérationnelle de la programmation scientifique – Chaque année, les actions du programme Mocopée sont systématiquement analysées. Cette première phase vise à recenser les différentes solutions innovantes développées puis à évaluer précisément leur maturité scientifique et technique, la complexité ainsi que le coût de mise en œuvre de la solution sur un site opérationnel. L’objectif est de sélectionner des solutions suffisamment matures pour

Le pré-déploiement de la solution innovante sur site industriel – Cette deuxième de phase de pré-déploiement sur site industriel a deux objectifs. Elle permet de tester la solution in situ et de valider son utilisation via des essais techniques. Cette phase est pilotée par la Mission Mutations Technologiques (MMT) en lien avec la direction Innovation du SIAAP. La MMT est implantée sur les sites opérationnels et s’appuie sur un réseau de référents aptes à garantir l’opérationnalité du programme. Cette étape permet également d’évaluer en parallèle le cadre juridico-administratif comme les questions de propriété intellectuelle ou encore les compétences ou formations nécessaires à l’utilisation de la solution afin d’anticiper au mieux sa mise en œuvre.

Le déploiement industriel – Sur la base des retours d’expériences techniques et juridico-administratifs, un arbitrage est réalisé. Les solutions jugées pertinentes pourront alors être déployées sur l’ensemble des sites industriels.

"La démarche engagée par le SIAAP et ses partenaires scientifiques pour transformer les idées innovantes en solutions opérationnelles, est inédite. La force de cette démarche tient à sa dimension collective et à son ancrage dans le paysage opérationnel", déclare Vincent Rocher, directeur délégué Innovation, Stratégie et Environnement. 


EXEMPLES CONCRETS

Deux exemples concrets issus de la recherche scientifique du SIAAP et de ses partenaires ont été présentés au colloque. 

Mise en place d’une unité de désinfection des eaux usées par acide performique en vue de la baignade en Seine – Au sein de Mocopée, une action de recherche a été lancée entre 2017 et 2019 pour étudier les solutions innovantes visant à réduire les concentrations bactériennes dans les rejets d’usine d’épuration, en particulier la désinfection par utilisation d’acide performique. Pendant trois ans, cette étude impliquant près d’une vingtaine de chercheurs a permis de vérifier les performances de désinfection de la solution, ainsi que son innocuité environnementale. Ces travaux ont ainsi éclairé les choix des décisionnaires en termes de désinfection des rejets. Concrètement, ils se sont traduits par la construction d’une unité de désinfection par acide performique sur l’usine Seine Valenton (Val-de-Marne). Celle-ci est opérationnelle depuis juin 2023.

Désinfection des eaux usées par injection d'acide performique (doc. SIAAP, photo Franck Beloncle)
Désinfection des eaux usées par injection d'acide performique – Obtenu par réaction entre eau oxygénée et acide formique, le procédé permet de désinfecter les rejets des usines d'épuration.
Dans le cadre de la programmation scientifique innEAUvation plus de 15 chercheurs ont mené des expérimentations pendant 3 ans en laboratoire et à l'échelle industrielle sur l'usine de Seine Valenton avec des résultats très concluants. Elles ont permis de montrer une efficacité supérieure aux autres désinfectants chimiques à faible dose pour l'élimination des bactéries indicatrices fécales avec une disparition rapide du désinfectant dans le milieu. Ces études ont également démontré son absence d'effets sur l'environnement (faune et flore).

 

Pré-déploiement de la sonde Fluocopée – Pour garantir un traitement des eaux usées optimal, il est indispensable de pouvoir évaluer la charge polluante à travers la demande chimique en oxygène (DCO) et la demande biologique en oxygène (DBO). La direction Innovation du SIAAP et le Laboratoire Eau Environnement et Systèmes urbains (LEESU, École des Ponts ParisTech/Université Paris-Est Créteil) ont collaboré pour développer un capteur utilisant la fluorescence 3D pour quantifier et qualifier la matière organique présente dans l’eau. Six années de travail collaboratif ont ensuite été nécessaires pour passer du concept à un prototype adapté à une utilisation industrielle. L’intérêt opérationnel de ce capteur Fluocopée réside dans la possibilité de mesurer, in situ et à haute fréquence, la DCO et la DBO en 4 minutes, là où les mesures en laboratoire sont chronophages, de deux heures à cinq jours. Depuis 2022, la sonde est testée par la MMT sur l’usine Seine Aval avec l’objectif de perfectionner le prototype pour ensuite l’industrialiser. Un brevet a été déposé. Le SEDIF (Syndicat des Eaux d'Île-de-France) a lui-même installé deux protoptypes sur ses prises d'eau à Choisy-le-Roi et Neuilly-sur-Marne, cette fois donc pour mesurer la matière organique dans la ressource en eau utilisée pour la production d’eau potable. ▄

Sonde Fluocopée (doc. SIAAP, photo Franck Beloncle)
La sonde Fluocopée analyse en temps réel et à haute fréquence les différentes formes de matière organique présente dans l’eau. Testée au préalable à Seine Aval afin de mieux caractériser la charge de pollution dans les eaux usées et adapter les procédés de traitement, la sonde va désormais être également utilisée pour les eaux de surface et la production d’eau potable.


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ResSources
innEAUvation – actualité de la recherche au SIAAP
Engagé dans le cadre du projet SIAAP 2030, le processus innEAUvation vise à : 1. Placer les sujets industriels au coœur de la programmation scientifique pour mener les actions de recherche avec/et sur les sites industriels ; 2. Permettre l'accès aux avancées scientifiques par leur déclinaison en outils experts mobilisables dans le cadre d'études ; 3. Permettre l'accès aux avancées scientifiques par leur déclinaison en outils opérationnels (pratiques innovantes, solutions métrologiques et solutions numériques), transférables sur les sites industriels ; 4. Permettre l'accès à la connaissance scientifique par la diffusion de documents à visée opérationnelle et l'organisation de manifestations dédiées au partage et à la discussion autour de la programmation scientifique et de son opérationnalité.

Colloque Mocopée – présentations de la journée du 26 mars


Ouvrage – Innover dans les pratiques de maintenance et d’exploitation pour l’assainissement de demain. Enseignements scientifiques et techniques de la phase II du programme Mocopée (2018-2022), paru aux Éditions Johannet (2023) 

Les Fiches innEAUvation
#1 Désinfecter les eaux usées par acide performique - Performance et innocuité environnementale #2 La Seine face à un dysfonctionnement du système d’assainissement francilien - Retour sur l’incendie à l’usine Seine Aval le 3 juillet 2019 #3 Le protoxyde d’azote en usine d’épuration : des mécanismes d’apparition aux stratégies de limitation #4 Évolution des populations piscicoles sur les grands axes franciliens