Magazine H2o | Balade urbaine au fil de l'eau | Infrastructures-Environnements urbains

Dessin de tracé de fleuve

Accueil > Dossiers > Infrastructures > Balade urbaine au fil de l'eau
logo lien vers www.lemeeb.net

Balade urbaine au fil de l'eau

Mots clés : Bagnolet, balade urbaine, voir et oser l'eau dans la ville
Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail

202403_bagnolet_itl.jpg

Balade urbaine au fil de l'eau

Samedi 16 mars, Édith Félix, maire-adjointe de Bagnolet et co-présidente de la Coordination Eau Île-de-France, et Juliette Elleboode, chargée de projets "Eau dans la ville" à la Régie publique de l'eau et de l'assainissement d'Est Ensemble, ont animé une balade urbaine au fil de l'eau, organisée par la Ville à la veille de la journée mondiale. L'occasion pour le public de découvrir cette présence de l'eau dans la ville, la plupart du temps passée inaperçue, et aussi de s'informer sur les projets en cours. Les promeneurs étaient spécialement accompagnés de tous les experts requis : urbaniste, paysagiste, ingénieurs et techniciens. Tout un panel avait été mobilisé.

Martine LE BEC
H2o – avril 2024

 

Rendez-vous en face de la mairie pour prendre immédiatement la rue Raoul Berton dont la bonne pente a été récemment aménagée avec des noues pour un volume de stockage généreux puisque conçu pour une pluie vingtennale. D'un côté le ruissellement, le réseau de collecte unitaire, ses débordements, les transferts de pollution et, sur l'autre versant, la restauration du cycle naturel de l'eau, la renaturation, le cadre de vie et les îlots de fraîcheur… Alexandre Nezeys, principal auteur du plan PariPluie, apporte les réponses et s'attarde sur des solutions encore peu pratiquées comme la déconnexion des gouttières.    

Point-étape suivant : tout juste plus bas vient la rue commerçante Sadi Carnot, s'étant retrouvée le 11 juin 2023 sous 20 centimètres d'eau. Bagnolet est un vallon, qui correspond à un bassin versant : l'eau qui y tombe ruisselle et se concentre dans le creux du vallon, jusqu'à son exutoire situé au carrefour de Sadi Carnot avec les rues adjacentes. Fabio Piccioli, paysagiste et professeur à l'ESAJ (École supérieure d'architecture des jardins et des paysages) et Alban Morand, qui vient d'y achever ses études, imaginent ici mettre en scène le ruissellement pour l'intégrer dans un paysage retravaillé à partir des reliefs. Pour celà, Alban Morand a étudié les coupes de terrain selon leurs pentes et identifié les surfaces pouvant accueillir l'eau. Comme l'explique André Baraglioli, ingénieur à la direction de l’eau et de l’assainissement de Seine-Saint-Denis, sous le carrefour un réservoir enterré accueille les eaux des fortes pluies qui sont plus tard intégralement rejetées dans le réseau d'assainissement avec un débit contrôlé. L'idée serait donc de transformer l'ouvrage en un élément de valorisation paysagère. Un peu plus "en amont", Alban Morand imagine encore "monter d'un cran" en transformant lors des épisodes pluvieux l'escalier du haut d'une ruelle en petite cascade. Rue du Moulin, à vent (évidemment) ou à eau, l'endroit est de toute façon prédestiné. 

202403_bagnolet_1.jpg 202403_bagnolet_2.jpg

 

Le plateau de Romainville, également désigné comme le plateau de Montreuil ou de Bagnolet, est une butte-témoin culminant à 131 mètres sur le territoire de la commune des Lilas et à 119 mètres sur celui de Bagnolet. Principalement formé de marnes et d’argiles affleurant en plusieurs endroits sur ses pentes, le massif a très tôt été creusé de carrières pour l'exploitation du gypse, qui servit notamment, sur ordre de Louis XIV, à plâtrer les façades des maisons en bois parisiennes afin de lutter contre les incendies. Les plâtrières ont constitué une activité importante dans le secteur du XVIIIe siècle jusqu'au début du XXe siècle. Mais ce n'est pas tout puisqu'à l'ouest, les hauteurs de Belleville, de Ménilmontant et du Pré-Saint-Gervais avaient aussi des sources, désignées comme les "sources du Nord" qui furent captées dès le Moyen Âge pour alimenter Paris en eau potable. Deux aqueducs souterrains, dont il reste quelques regards, acheminaient l'eau : l'un vers la léproserie Saint-Lazare, l'autre vers Saint-Martin-des-Champs. Le premier alimenta la première fontaine publique de la capitale : la fontaine des Halles. Un troisième aqueduc alimenta, à partir du XVIIe siècle, l'hôpital Saint-Louis.

Mais encore, au nord un ruisseau prenait naissance non loin du cœur du village de Romainville et de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, qui alimentait le village de Noisy-le-Sec. À l'est, le ru de la Fontaine du Vaisseau et le ru Coin, qui prenaient naissance sur le coteau entre Fontenay-sous-Bois et Montreuil, mêlaient leurs eaux puis s'écoulaient en contrebas du plateau avant de rejoindre la mare à Guillaume, puis la Marne. Au sud, les couches d'argile imperméable qui affleurent à flanc de coteau sont aussi à l'origine des nombreuses sources qui ont d'ailleurs donné son nom à la ville de Fontenay-sous-Bois. Au Moyen Âge, ces ruisseaux servaient même à alimenter les douves du château de Vincennes.

Nombre de ces ruisseaux ont disparu avec l'urbanisation et l'assainissement au cours du XXe siècle. Seule la toponymie rend encore compte de ce réseau hydrographique oublié. Afin de ne pas perdre l'auditoire dans ces méandres hydrogéomorphologiques, Emmanuel Dumont, responsable thématique Eaux souterraines et aménagement au CEREMA et également expert à l'Association des Sources du Nord – Études et Préservation (ASNEP), était là avec ses cartes. 

À Bagnolet, les sources du plateau de Romainville servaient pour le maraîchage et pour l'agrément des jardins de Françoise-Marie de Bourbon, duchesse d'Orléans, dont le château se trouvait sur le site de l'actuel Novotel. Le parc de 80 hectares abritait trois pavillons d’agrément dont l'Ermitage. Son étang était vraisemblablement approvisionné par une conduite sous le sentier de la Tranchée, selon Sylvain Piron, historien, professeur à l'EHESS. S'inspirant de ses recherches, les édiles espèrent un jour profiter des quelques restes de ces magnificences pour offrir à la ville une respiration arborée reliant ses différents parcs.

Arrivés à ces altitudes, les promeneurs pourront bientôt prendre la "Promenade des Hauteurs" ou le "Grand Chemin", ce projet de ceinture verte porté par Paris et l'intercommunalité Est Ensemble : 55 kilomètres de tracé reliant les principaux parcs de l'est parisien, des Buttes-Chaumont (Paris) au parc Montreau (Montreuil), en passant par l'Île de loisirs de la Corniche des Forts (Romainville) ou le parc Jean-Moulin – Les Guilands à Bagnolet. Baptiste Hervy-Jeulin, ingénieur paysagiste, chef de projet à l'Agence Thierry Maytraud, était là pour détailler le projet. .