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Dessin de tracé de fleuve

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Arbres de pluie

Mots clés : arbres de pluie, eaux pluviales, fonctionnement biologique, principe hydrologique, système par ruissellement, système par drainage
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Stormwater to Street Tree – EPA

ARBRES DE PLUIE
Bien plus que poétiques

Leur nom est poétique, presque mystérieux. De fait, plantés plus généreusement dans nos villes, les arbres de pluie pourraient grandement améliorer notre cadre de vie car leurs pouvoirs sont immenses. Bruxelles leur consacre déjà plusieurs alignements. Les détails avec Wallonie Environnement.

WALLONIE ENVIRONNEMENT
illustrations EPA – United States Environmental Protection Agency 
H2o – mai 2022

 

Les conditions de croissance et de développement qui sont offertes par la ville à la végétation urbaine sont extrêmes. L’arbre doit dans ce milieu hostile trouver de la place pour ancrer ses racines et disposer d’une réserve hydrique, développer un vaste réseau aérien pour que ses feuilles puissent respirer, transpirer et synthétiser, et surtout échapper aux pollutions, aux chocs et blessures, aux sels de déneigement. Toutefois, des plantations d’arbres bien conçues peuvent permettre à ces derniers de pousser à leur taille maximale avec de larges canopées offrant dans les zones urbanisées des bénéfices environnementaux tels que l’amélioration du cadre de vie, l’amélioration de la qualité de l’air (réduction du taux de dioxyde de carbone), un habitat pour la faune et la flore et l’amélioration du microclimat en été. Associés à la promenade et au repos, les arbres sont facteurs d’équilibre psychique et relaxant ; ils jouent également un rôle éducatif et pédagogique pour les enfants par l’apprentissage des cycles naturels, du respect du vivant… Les arbres améliorent ainsi la qualité de vie, d’autant plus là où l’urbanisme est dense et ne laisse qu’une place trop rare à la nature, à savoir dans les quartiers centraux ou dans les quartiers plus précarisés socioéconomiquement. Parmi toutes ces fonctions, l’habilité innée des arbres à absorber et à détourner les eaux de ruissellement est sous-utilisée. Les arbres protègent la qualité de l’eau en filtrant et en récupérant les eaux pluviales. Cette capacité à absorber les eaux de pluie réduit la charge de traitement sur le réseau d’assainissement traditionnel, qui à son tour réduit également les coûts de traitement ainsi que les nécessités d’installations. Ainsi, l’eau de pluie et les arbres sont intimement liés : les arbres ont besoin d’eau pour se développer et, tout en valorisant l’eau pluviale, ils en améliorent la qualité. 

La fonction de l’arbre de pluie est de retenir temporairement les eaux pluviales avant de les laisser s’infiltrer dans le sol et/ou de les rejeter à un débit régulé vers un exutoire. En fonction de sa capacité d’interception, la canopée de l’arbre va elle-même retenir une partie de l’eau de pluie qui sera directement évaporée dans l’atmosphère.

Source Stormwater to Street Tree – EPA Le fonctionnement biologique de l’arbre et ses besoins en eau

L’arbre est un végétal vivant qui se développe et fonctionne selon les  quatre grands principes physiologiques : 1. l’absorption de l’eau et des sels minéraux – le système racinaire de l’arbre absorbe l’eau, les éléments minéraux et les oligo-éléments nécessaires à la fabrication de sève brute ; 2. la transpiration et la circulation de la sève brute – l’évaporation de l’eau par les feuilles est le moteur de la circulation de la sève brute. La transpiration permet également à l’arbre de réguler sa température ; 3. la photosynthèse et la circulation de la sève élaborée – les feuilles de l’arbre captent l’énergie lumineuse et transforment le dioxyde de carbone et l’eau en sucres et oxygène. Ces sucres sont ensuite distribués sous forme de sève élaborés à toutes les parties vivantes de l’arbre ; 4. la respiration – les arbres respirent et dégradent les sucres à partir de l’oxygène absorbé en produisant du CO2, de la vapeur d’eau et de l’énergie.

Illustration Stormwater to Street Tree – EPA

 

L’arbre de pluie en alignement est similaire aux arbres traditionnels d’alignement, à la différence que la fosse de plantation est modifiée de manière à accepter et traiter les eaux de ruissellement et fournir ainsi un milieu de plantation amélioré pour l’arbre. Une fosse de plantation adaptée pour recevoir les eaux pluviales possède un volume de sol plus grand qu’une plantation habituelle, une irrigation continue et un système de drainage favorisant la croissance de l’arbre. Les arbres de pluie peuvent donc jouer un rôle important dans la gestion des eaux pluviales en réduisant la quantité d’eau de ruissellement qui aboutit à l’exutoire.

Source Stormwater to Street Tree – EPA
Les fosses d’eau pluviale agissent comme de mini-réservoirs au pied des arbres de pluie.
Illustration Stormwater to Street Tree – EPA

 

Les systèmes de gestion des averses par des arbres d’alignement peuvent être regroupés dans deux familles. L’eau peut être directement acheminée par ruissellement depuis les surfaces environnantes, auquel cas l’eau alimente l’arbre par infiltration en pied d’arbre ; il s’agit donc des systèmes de ruissellement tels que les pavements perméables et les fosses d’eau pluviale. L’eau peut être drainée des surfaces environnantes, auquel cas l’eau est acheminée directement dans la fosse de plantation sous l’arbre ; il s’agit donc des systèmes de drainage tels que les trottoirs suspendus et les sols structuraux.


Système par ruissellement

Les arbres de pluie avec système par ruissellement sont les moins invasifs dans le sol urbain. Le système par ruissellement consiste à récolter par ruissellement les eaux des surfaces environnantes et de les acheminer en surface jusqu’au pied des arbres. L’eau est ensuite stockée soit en surface (fosse d’eau pluviale), soit dans le sol (pavement poreux). Cette eau sert ensuite à l’alimentation de l’arbre et sera donc évacuée par évapotranspiration et infiltration dans le sol si cela est autorisé et éventuellement par débit régulé. Les fosses d’eaux pluviales agissent comme de mini-réservoirs locaux absorbant, détournant et purifiant les eaux pluviales. Les fosses d’eau pluviale peuvent être implantées de manière à augmenter la quantité d’eau gérée et purifiée. De plus, leur connexion entre plusieurs fosses d’eau pluviale permet d’augmenter également le volume d’eau collectée. Le système de ruissellement avec les pavements poreux ou perméables fait référence à une large variété de revêtements de surface qui permet une infiltration rapide de l’eau en pied des arbres. Ces systèmes incluent un sous-sol ou un réservoir (sol perméable) pouvant stocker l'eau de ruissellement jusqu’à ce qu’elle s’infiltre plus en profondeur. Ces systèmes permettent donc d’infiltrer l’eau directement là où elle tombe tout en réduisant le ruissellement. Ces matériaux de surfaces peuvent également servir à protéger le pied des arbres. Les matériaux perméables augmentent donc l’infiltration, aident les arbres à recevoir une eau oxygénée et réduisent le ruissellement de surface. L’eau est stockée dans la fosse de plantation avant d’être évapotranspirée et/ou infiltrée, voire éventuellement rejetée à débit régulé. Différents types de revêtements existent : les revêtements suspendus tels que les grilles et les platelages en bois ; les revêtements posés tels que les pavages ou les dalles ; les revêtements coulés tels que les stabilisés ou les agrégats ; les revêtements végétalisés tels que les pelouses, les plantes, les arbustes ainsi que les mulchs végétaux ou minéraux. 


Système par drainage

Dans les systèmes de drainage, les eaux pluviales sont acheminées dans la fosse de plantation des arbres via un réseau de drainage. Les eaux sont récoltées sur les surfaces adjacentes et sont ensuite envoyées via des drains dans la fosse de plantation pour alimenter les arbres. Deux types de système par drainage existent : les trottoirs suspendus et les sols structuraux. Dans le système des trottoirs suspendus, le revêtement de surface est supporté par un réseau de pilier. Le système de suspension supporte le poids du pavement de surface et permet ainsi au sol de ne pas être compacté, de favoriser le développement des racines et la gestion des eaux de ruissellement. Ce système de trottoirs suspendus est intéressant pour le développement d’arbres de grande taille nécessitant un grand volume de sol et une fosse de plantation conséquente. L’eau est acheminée via un réseau de drains depuis les surfaces avoisinantes dans le massif de sol sous les trottoirs suspendus. L’eau est ensuite évacuée par évapotranspiration, infiltration et éventuellement à débit régulé.

Source Stormwater to Street Tree – EPA
Alimentation des arbres par drainage selon le principe des trottoirs suspendus (à gauche) et selon le principe des sols structuraux (à droite).
Illustrations Stormwater to Street Tree, Engineering Urban Forests for Stormwater Management – EPA


Dimensionnement

La réserve en eau utilisable par les arbres dépend du volume de la fosse de plantation de l’arbre et particulièrement de la porosité (pourcentage d’espace libre dans le sol) du sol mis en place dans la fosse. La fosse est donc l’espace souterrain aménagé en milieu urbain qui permet l’ancrage et l’alimentation hydrique et minérale des arbres. Le volume de la fosse doit être adapté à l’essence de l’arbre mais doit être en général de 10 à 15 m3. La profondeur de la fosse de plantation ne peut pas dépasser 1,5 mètre. Au-delà, les racines ne se développent pas correctement. Pour les arbres de pluie, les fosses doivent être continues, c’est-à-dire qu’il faut faire en sorte qu’elles se succèdent sans interruption. Une tranchée continue sous le pavement connecte les arbres entre eux. Le trou de plantation quant à lui est l’espace de la fosse de plantation destiné à recevoir l’arbre planté. Il varie de 1 à 6 m3 en fonction du besoin racinaire de l’espèce.

Photos Architecture et Climat
Arbres de pluie implantés sur le boulevard de Berlaymont à Bruxelles – Les eaux de pluie et de ruissellement sont collectées via un petit canal, implanté sur le trottoir et qui relie l’ensemble des arbres sur un alignement continu.
Photographies Architecture et Climat

 

Les arbres de pluie contribuent à améliorer la qualité des eaux pluviales et de ruissellement. Par phytoremédiation, les arbres absorbent depuis le sol des quantités infimes de produits chimiques nocifs comprenant des métaux, des composés organiques, des carburants et des solvants. Au sein de l’arbre et en collaboration de leurs micro-organismes associés, ces produits chimiques peuvent être transformés en substances moins nocives et/ou stockés dans la biomasse (racines, tiges, feuilles). Toutefois, l’infiltration de l’eau génère à long terme un faible risque de pollution des sols par concentration des dépôts de pollutions. Si les arbres de pluie participent à l’alimentation des nappes phréatiques, cette infiltration de l’eau dans le sol engendre en contrepartie un faible risque de pollution des nappes. En revanche, les arbres de pluie ont un impact positif sur la qualité de l’air car ils augmentent l’humidité relative de l’air et diminue les températures en été. De plus, ils fixent certaines pollutions (mono et dioxyde de carbone et d’azote). 

Les passants n'auront probablement pas idée de la complexité de la mise en œuvre de tels alignements d'arbres de pluie, mais ils en ressentiront instinctivement les agréments et bienfaits. ▄

 

Wallonie Environnement
ResSources
L’arbre de pluie – Bruxelles Environnement/Wallonie Environnement
Stormwater to Street Tree, Engineering Urban Forests for Stormwater Management – EPA
En France, la Métropole de Lyon expérimente les arbres de pluie depuis novembre 2021 – vidéo sur la stratégie "Ville perméable"