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Transport fluvial : Le retour en grâce

Mots clés : transport fluvial, logistique, aménagement du territoire, gestion de l'eau, adaptation au changement climatique
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LE RETOUR EN GRÂCE
Porté par l'obligation d'adaptation au changement climatique

Longtemps délaissé, à l'instar fret ferroviaire, le transport fluvial revient peu à peu dans la tête des opérateurs de transport et Voies navigables de France (VNF, opérateur du réseau) voit son budget d'investissement repartir sensiblement à la hausse, jusqu'à dépasser les 300 millions d'euros. Un effort que l'établissement espère voir pérennisé sur les prochaines années afin de garantir les capacités du réseau face au vieillissement des infrastructures. Mais à sa vocation historique de gestion du patrimoine fluvial, vient progressivement s'ajouter une seconde, elle-même contrainte par le changement climatique : celle de la gestion d'une partie du "patrimoine" hydraulique national.

Martine LE BEC
illustrations Voies navigables de France
H2o – mars 2023

 

Deux priorités : la régénération des infrastructures et la modernisation de l'exploitation

Pour rattraper progressivement les effets d’un sous-investissement historique, VNF consacre une part importante du budget d’investissement à la régénération du réseau. Il y consacrera en 2023 plus de la moitié de son budget d’investissement. Cela se traduit très concrètement par des opérations sur les digues classées, les écluses ou encore les barrages qui régulent le niveau d’eau sur l’ensemble du territoire. Cette régénération concerne l’ensemble du réseau composé à la fois d’ouvrages robustes mais très anciens, construits au XIXe siècle, notamment sur le réseau à petit gabarit et des ouvrages des années 1960-70 le plus souvent sur le grand gabarit dont les équipements industriels présentent des signes de vieillissement qu’il convient de régénérer.

L’établissement porte en parallèle un ambitieux programme pluriannuel de modernisation du réseau intégrant le pilotage des ouvrages, les bâtiments d’exploitation, l’automatisation de la gestion hydraulique et la pose de fibre optique permettant, entre autres, l’intégration du numérique dans les modes de travail qui permettront une gestion du réseau plus moderne, un service plus réactif et performant et des conditions de travail plus sûres pour les personnels. Sur le grand gabarit, la commande et le contrôle des ouvrages (écluses et barrages) sont progressivement centralisés ; c’est ce qu’on appelle la télé-conduite qui est actuellement mise en place sur le réseau du Nord et du Pas-de-Calais. Sur le petit gabarit, le réseau est automatisé pour rendre l’offre plus attractive, donner plus de souplesse quant aux horaires de navigation et faciliter l’exploitation. C’est ce qui est par exemple mis en place sur l’ensemble de l’itinéraire du Canal de la Marne au Rhin (Est et Ouest) avec l’installation de la fibre et l’automatisation de l’itinéraire. En 2023, ce sont ainsi plus de 40 millions d’euros qui seront engagés pour les études et les travaux de modernisation.

L’ambition de VNF est de développer la part de fret fluvial en renforçant le recours au report modal, Les itinéraires logistiques permettant le transport de marchandises à grand gabarit sont concernés par un programme ambitieux en matière d’investissements pour la régénération et la modernisation. On notera par exemple les travaux d’envergure menés aux écluses de Gambsheim. Il s’agit de renforcer l’efficience économique et environnementale d’un axe européen majeur pour le transport fluvial. On comptabilise 17 millions de tonnes aux écluses de Gambsheim du côté français en 2021, soit une soixantaine de passages par jour. Aujourd’hui, l’économie en CO2 que peut entraîner le recours au transport fluvial est de près de 60 gCO2 /t.km, uniquement pour le Rhin. Cela en fait un atout majeur dans la volonté d’un recours à un transport plus propre, en cohérence avec les enjeux de la transition écologique. 

Un autre axe logistique européen en développement est la liaison Seine-Escaut qui consiste en la réalisation d'une liaison fluviale à grand gabarit entre la France, la Belgique et les Pays-Bas pour le passage de bateaux pouvant transporter jusqu'à 4 400 tonnes de marchandises (l'équivalent de 220 camions). Sur un territoire de 40 millions d'habitants, ce réseau de 1 100 kilomètres de voies navigables favorisera la mobilité des biens et des personnes, le développement économique et la transition écologique grâce au report modal vers la voie d'eau.

Dans le cadre du Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe (MIE 2), et compte tenu du très bon avancement des projets, l’Union européenne a acté l’attribution d’une nouvelle enveloppe de 142 millions d’euros à VNF. Ces financements supplémentaires vont permettre à l’établissement de poursuivre en 2023 la réalisation de nombreux chantiers. VNF, avec l’appui de l’Europe et des Régions, aura ainsi investi près de 400 millions d’euros sur la période 2014-2023 pour le développement et la modernisation des 735 kilomètres de son réseau au sein de la liaison Seine-Escaut.

 

UNE MUTATION PROGRESSIVE DES TRAFICS FRET

Le mode fluvial a transporté 49,4 millions de tonnes de marchandises en 2022, soit l’équivalent de 2,5 millions de camions évités sur les routes et 19 300 tonnes de CO2 en moins. Les trafics conteneurs et céréales ont porté l’activité en réalisant de belles performances. L’activité liée au BTP bien qu’elle reste la première filière utilisatrice du réseau navigable (les matériaux de construction représentants à eux seuls 40 % des volumes transportés) enregistre une baisse notable en 2022 et fait chuté l’activité du fret fluvial au global. Au-delà des chiffres, "l’année 2022 montre par ses caractéristiques la transformation majeure dans laquelle évolue le mode fluvial. Il est marqué à la fois par une réduction de l’activité sur les vracs comme les matériaux de construction, notamment liée à la conjoncture économique et énergétique. Nous observons parallèlement une nette hausse des transports de produits à plus haute valeurs ajoutées, illustrant les transformations à l’œuvre des modes de production et de consommation, via les échanges de conteneurs ou encore par l’intérêt grandissant que porte les entreprises aux solutions de logistique fluviale urbaine qui permettent d’entrer finement au cœur des villes", analyse Thierry Guimbaud.

La sécheresse aura eu un impact limité sur le transport de marchandise avec une baisse observée de 1,5 % des volumes à l’échelle national du fait de restrictions d’emports sur certains réseaux transfrontaliers. Toutefois, la navigation ayant pu être maintenue sur 85 % du réseau au global et même sur 99 % du réseau à grand gabarit, le réseau fluvial a ainsi vu en 2022 un retour important des touristes avec, sur le réseau grand gabarit, une hausse de 5 % de l’activité des paquebots fluviaux par rapport à 2019, année de référence. Sur la Seine, cette hausse s’élève même à 15 % en raison de reports de clientèles initialement positionnées sur le Rhin et le Danube, fortement affectés par la sécheresse. Sur le réseau petit gabarit, l’activité de location de bateaux habitables sans permis a progressé, elle, de 5 à 7 % par rapport à 2021. VNF a pu y anticiper les situations sensibles pour que les acteurs touristiques puissent se repositionner, lorsque cela était possible, sur les réseaux en activité.

 

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Une préoccupation nouvelle : la gestion hydraulique

Face aux enjeux de résilience climatique, en particulier de préservation des équilibres hydrauliques, le bon état des ouvrages du réseau navigable contribue à préserver la ressource en eau et ses usages : la navigation mais aussi l'irrigation agricole, production d’hydroélectricité, la production industrielle, l'alimentation en eau potable… Le long de "ses" 6 700 kilomètres de voies d’eau, VNF entretient 352 barrages qui contribuent à la gestion hydraulique du réseau.

Le remplacement des barrages manuels à aiguilles construits au XIXe siècle par des barrages automatisés constitue pour VNF un enjeu majeur en termes de navigabilité, sécurité et biodiversité. VNF poursuit également ses investissements pour améliorer la supervision des niveaux d’eau afin de mieux anticiper la gestion quantitative de la ressource. À titre d’exemple, VNF met actuellement en place des capteurs de supervision des niveaux d’eau, la mécanisation et la télégestion des ouvrages hydrauliques sur l’ensemble du Canal des Deux Mers (canal du Midi et canal de Garonne reliant ensemble la Méditerranée à l'océan Atlantique) ; l'opération s'achèvera en 2025.

L’établissement mènent enfin des actions relatives à la sécurité des ouvrages hydrauliques et notamment le renforcement de ses barrages-réservoirs qui permettent de stocker de l’eau. VNF dispose de 50 réserves de ce type connectées aux canaux par un réseau de rigoles d’alimentation qui permettent d’acheminer l’eau. Au total, les retenues VNF représentent aujourd’hui environ 165 millions de mètres cubes de réserve. Cette capacité pourrait atteindre 190 millions de mètres cubes en renforçant l’infrastructure de certains barrages-réservoirs. ▄

 

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Avec l'accélération du changement climatique, les épisode de crue et de sécheresse s'intensifient. Pour assurer une gestion économe et partagée de la ressource afin de mieux anticiper ces crises, la mission Gestion hydraulique de VNF se modernise. Un réseau de capteurs connectés équipe progressivement le linéaire et son système d'alimentation. Ce suivi au plus fin et en temps réel des stocks, des flux et des niveaux d'eau permet une adaptation permanente et partagée des consignes de gestion.

 

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ResSources
Fort de plus de 4 000 personnels mobilisés au service du fluvial, Voies navigables de France entretient, exploite et développe le plus grand réseau européen de voies navigables, totalisant 6 700 km de fleuves, canaux et rivières canalisées (2 400 km de voies à grand gabarit et 4 300 km de voies à petit gabarit), 4 000 ouvrages d’art (écluses, barrages, pont-canaux…) et 40 000 hectares de domaine public fluvial. 

Voies navigables de France

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