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PICRI 2007
Substituts de l’atrazine, quelle toxicité et quel devenir ?

Mots clés : alachlore, atrazine, bentazone, eaux superficielles, eaux souterraines, écotoxicologie, métolachlore, nappes phréatiques, pesticides, produits phytosanitaires, toxicologie
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Dossier de
la rédaction de H2o
  
November 2010
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SYNTHÈSE SUR LES MOLÉCULES DE SUBSTITUTION DE L’ATRAZINE : LEUR TOXICITÉ ET LEUR DEVENIR
Application d’une même méthodologie d’évaluation des risques sur l’atrazine et sur la ou les molécules de remplacement

Virginie BALOT Sophie BOURON Loïc ESNAULT Stéphanie POULIQUEN
Master Sciences et Génie de l’Environnement
en collaboration avec
Nature Environnement Fresnes


projet multidisciplinaire dans le cadre du programme
Partenariat Institutions Citoyens pour la Recherche et l’Innovation
du Conseil régional d'Île-de-France – PICRI 2007
École des Ponts ParisTech – PIREN Seine – Île-de-France Environnement – H2o
H2o – novembre 2010

 

Les pesticides aussi appelés "produits phytosanitaires" sont des produits dont les propriétés chimiques contribuent à la protection des végétaux. Ils sont destinés à détruire, limiter ou repousser les éléments indésirables à la croissance des plantes, tels que les insectes, parasites et autres plantes. Les herbicides, dont l’atrazine qui fait partie de la famille des organo-azotés et plus précisément des triazines, sont destinés à lutter contre certains végétaux (les "mauvaises herbes"), qui entrent en concurrence avec les plantes à protéger en ralentissant leur croissance.

La France occupait en 2004, en quantités de substances vendues, le 3ème rang mondial sur le marché des produits phytosanitaires et le premier rang européen. Les herbicides représentent 34 % du volume total de pesticides utilisés. La France est aussi le premier producteur de maïs en Europe.

Depuis plus de 20 ans, la communauté européenne se dote progressivement de législations visant la protection de la santé des consommateurs et la préservation de l'environnement, en édictant des normes de contamination (potabilité de l'eau, résidus dans les produits alimentaires), des procédures d'autorisation d'utilisation des produits potentiellement dangereux et, plus récemment, des obligations concernant l'état écologique des milieux aquatiques. La réglementation sur l’eau potable exige un renforcement de la surveillance de la qualité de l’eau et la mise en place de programmes d’amélioration de la qualité de l’eau distribuée en cas de dépassement des seuils (0,1 μg.L-1 par substance et 0,5 μg.L-1 pour l’ensemble des pesticides mesurés).

Le rapport sera composé de quatre parties. Tout d’abord, une première partie sera consacrée à l’atrazine et ses nouvelles molécules de substitution. Puis une seconde partie sera consacrée aux procédures d’homologation des substances actives. Une troisième partie traitera des résultats environnementaux et toxicologiques des substances actives. Enfin dans une dernière partie, une comparaison entre les molécules de substitution elles-mêmes et l’atrazine sera faite d’un point de vue toxicologique et écotoxicologique.

L'atrazine agit en bloquant la photosynthèse des végétaux. Elle est utilisée principalement comme désherbant du maïs et du sorgo. Le maïs est un gros consommateur d'herbicides. Il a besoin d'être désherbé au départ mais aussi pendant les 90 jours de la végétation. L'atrazine a donc été très couramment utilisée pendant quarante ans, entre son introduction en 1960 jusqu'à son interdiction, décidée en 2001.

Cependant, sa toxicité est avérée sur le milieu aquatique. La molécule a un effet inhibiteur sur les plantes aquatiques, et la toxicité aiguë apparaît à faibles doses. La dose létale varie beaucoup selon les espèces mais est majoritairement élevée. Pour l'homme, l'atrazine est classée comme "produit nocif" et non cancérigène par le Centre international de recherches sur le cancer (CIRC) depuis 1998.

Le produit a été homologué en 1959, mais les restrictions d'usage se sont multipliées au cours des années 1990 tant en raison des inquiétudes sur ses effets à long terme sur la santé qu'en raison de sa présence généralisée et parfois massive, dans les cours d'eau et les eaux souterraines voisines des lieux d'épandage. L'interdiction totale a été décidée fin 2001. Jean Glavany, ministre de l’Agriculture et de la Pêche de l’époque, a engagé la procédure de retrait de l’homologation de l’atrazine et d’autres herbicides dérivés, de la famille des triazines. Les principaux motifs de cette décision sont : la présence généralisée dans les eaux de surfaces et profondes, des teneurs en atrazine et de ses produits dérivés supérieurs à 0,1 μg.L-1 de façon continue. A cela s’ajoute le fait que les précédentes mesures de restrictions d'usage n'ont pratiquement eu aucun effet sur les concentrations observées dans les eaux. L'atrazine était présente pratiquement partout. Les limitations apparaissantes inefficaces, il a donc été décidé un arrêt total.

Le fondement scientifique est ténu, dans la mesure où l'atrazine n'a que très peu d'impact avéré sur la santé et que les normes internationales n'imposaient nullement l'interdiction. Cependant, il s’avère que le produit reste utilisé dans de nombreux pays. A priori, cette décision peut être assimilée à un signal politique fort. Elle appelle à une prise de conscience concernant la nécessité de changements de pratiques agricoles.

Fortes des expériences passées et conscientes des enjeux environnementaux, les autorités ont renforcé les processus de mise sur le marché de nouvelles substances actives ayant des propriétés similaires à celles de l’atrazine.

La réglementation sur les produits phytosanitaires a pour objectif de garantir l'efficacité des préparations mais aussi, leur innocuité pour le consommateur et l'environnement en les autorisant pour certains usages seulement et en fixant les conditions d'application. Compte tenu de l’impact non négligeable des produits phytosanitaires sur l’environnement, leur vente résultant d’une autorisation de mise sur le marché AMM (ou homologation) suit désormais une procédure rigoureuse en 2 phases :

  • Au niveau européen
    La 1ère phase de l’homologation est prévue par la directive 91/414/CEE
    Chaque nouvelle substance active doit faire l’objet d’études aux laboratoires et aux champs afin de mesurer les impacts sur la santé de l’homme et l’environnement. D’autre part, des expérimentations sont réalisées pour vérifier l’efficacité, la sélectivité et l’innocuité vis-à-vis de la culture concernée. L'ensemble des études à conduire pour un dossier de substance active est listé dans l'annexe II de la directive 91/414/CEE du 15 juillet 1991.
    Au vu des résultats, l’ensemble des États membres (représentés par des experts regroupés dans le Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé) décident d’inscrire ou non la nouvelle molécule sur la liste positive communautaire appelée aussi annexe I pour une durée de 10 ans renouvelable. Le principe de la liste a été établi en 1993 afin de répondre aux exigences de la directive citée auparavant.
    De ce fait, les substance actives, autorisées antérieurement à cette date et soutenues
    par les firmes, seront réexaminées et réévaluées en appliquant les nouveaux critères
    toxicologiques d’acceptation. À la suite de leur instruction, soit la substance est inscrite à nouveau sur l’annexe I, soit son inscription est refusée et les autorisations antérieures de
    mise sur le marché sont retirées.
    Chaque autorisation de mise sur le marché porte sur un seul usage et en fixe précisément les conditions de mise en oeuvre qui devront être indiquées sur l’emballage du produit. En effet, suivant l’inscription sur la liste positive, chaque substance active se voit attribuer un classement toxicologique.
  • Au niveau national
    L’homologation communautaire est la première étape nécessaire, mais non suffisante. En effet, le dossier des spécialités commerciales contenant les substances actives nouvellement inscrites reste à l’appréciation des États membres. Les autorisations de mise sur le marché qui suivront seront donc nationales. Ainsi, une spécialité peut être autorisée en France, mais pas dans un autre État, et inversement.
    En France, l’AMM des produits relève de la compétence de la Direction générale de l’alimentation (DGAL) rattachée au Ministère de l’Agriculture qui s’appuie sur plusieurs instances. Sur la base des tests effectués, une commission d’étude de toxicité et un comité d’homologation, après expertise, émettent ou non un avis favorable sur la commercialisation. Au final, l’AMM est accordée ou non par le ministre de l’Agriculture.
    En revanche, ces autorisations sont provisoires. En effet, l’État peut décider de limiter les usages pendant certaines périodes ou sur certains lieux, voire de retirer l’autorisation de vente, ce qui fait cesser la commercialisation et interdire l’usage de certains produits.

La réglementation dans ce domaine évolue régulièrement, d’une part, en fonction des connaissances sur les dangers de ces préparations, et d’autre part, en fonction des moyens de détection des résidus dans les végétaux et l’eau.

Suivant cette réglementation, seules les molécules inscrites à l’annexe I peuvent être commercialisées. Dans notre étude, nous nous intéressons principalement à sept molécules : l’acétochlore, le S-métolachlore, la mésotrione, le bentazone, l’alachlore, le métolachlore et la sulcotrione.

Toutes les substances actives que nous étudions agissent différemment sur les végétaux. Certaines ont une action foliaire (sur les feuilles), racinaire ou anti-germinative. Elles peuvent cumuler certaines ou toutes ces fonctions. Étant donné leur domaine d’action, ces molécules ont été étudiées afin de connaître leur impact sur l’environnement et sur la santé humaine.

Afin d’évaluer les molécules de substitution de l’atrazine, il convient de s’intéresser à leurs propriétés chimiques ainsi qu’à la nature de leurs interactions avec l’environnement. D’une manière générale, il est bien connu que seule une petite quantité d’herbicide (ou de pesticide) atteint la cible initialement visée. En effet, il existe plusieurs voies de perte du pesticide dans l’environnement :

  • dériver vers l’atmosphère avant même d’avoir atteint le sol ;
  • atteindre le sol et se volatiliser par évaporation de l’eau, être emportés par ruissellement et s’infiltrer ou non vers les nappes souterraines ;
  • atteindre des organismes non cibles qui absorbent les pesticides et les rejettent par évapotranspiration.

La volatilisation d’un herbicide est évaluée grâce à la constante de Henry. Cependant, la possibilité du transfert du pesticide vers les eaux est difficile à évaluer car elle dépend de nombreux paramètres chimiques (vitesse d’hydrolyse de l’eau, temps de dégradation DT50, mobilité dans le sol estimée grâce au coefficient Koc ou encore solubilité dans l’eau).

Le temps de dégradation est un paramètre essentiel pour évaluer la potentielle contamination des eaux souterraines. Mais la dégradation d’une substance (biotique ou abiotique) dépend évidemment des caractéristiques de la substance active, de la nature du sol et de l’historique de traitement (plus le sol reçoit la substance, plus il la dégradera vite). Il est donc nécessaire de connaître quelques propriétés physico-chimiques essentielles de chaque molécule. Certaines caractéristiques sont déjà répertoriées sur les étiquettes des conteneurs de ces produits : formule brute, masse molaire, risques pour l’homme et l’environnement.

En comparant l’atrazine avec ses sept molécules de substitution, on constate qu’elles sont toutes plus solubles dans l’eau. Cela signifie donc une forte tendance à contaminer les eaux (superficielles ou souterraines). La plupart de ces molécules (exceptées la mésotrione et la sulcotrione) ont une plus forte tendance à se volatiliser que l’atrazine.

Il est également possible d’estimer la mobilité des substances actives et donc leur transfert vers les nappes phréatiques. On constate alors que l’alachlore et l’acétochlore se distinguent des autres molécules par leur "faible" potentiel de contamination des nappes souterraines. Les substances restantes ont un degré de mobilité semblable à celui de l’atrazine.

Pour l’écotoxicologie, nous nous intéressons aux tests effectués sur les oiseaux, les poissons, les daphnies, les algues et les abeilles. Il a été démontré que toutes ces substances actives ont un impact sur l’environnement, même si certaines, comme l’alachlore sont plus toxiques que les autres. Il ne faut pas non plus oublier les métabolites de ces molécules même s’ils sont considérés comme moins toxiques que la molécule mère. Par exemple, pour la sulcotrione, il est difficile de connaître les impacts de ces métabolites car ils diffèrent suivant les conditions pédoclimatiques et les pratiques culturales.

En ce qui concerne la toxicologie, de nombreuses études tentent de démontrer que les agriculteurs sont plus exposés au risque de cancer que le reste de la population. Cependant, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classe ces substances actives comme potentiellement cancérogènes, le lien n’est donc pas établi. Les tests de l’annexe II montrent quand même que ces molécules agissent sur les fonctions hépatiques en cas d’exposition prolongée. De plus, certaines précautions doivent être respectées lors de l’utilisation des ces substances actives car elles sont souvent irritantes pour la peau et les yeux.

En comparant la toxicologie et l’écotoxicologie, on peut dire que l’alachlore est aussi toxique que l’atrazine. La mésotrione serait la molécule de substitution la moins nocive pour l’homme et pour l’environnement.

Après l’arrêt de l’atrazine, de nouvelles molécules ont été synthétisées et utilisées avec un impact sur l’environnement plus ou moins important. Selon les critères physicochimiques, environnementaux et les tests écotoxicologiques et toxicologiques, les molécules de substitution à l’atrazine sont plus ou moins nocives. Seule la mésotrione paraît intéressante à utiliser. Elle est moins toxique, moins mobile et s’applique en pré et postlevée.

En étant réaliste, on peut prédire que toute utilisation de molécules de substitution à long terme se traduira par une présence voire une contamination des eaux de surfaces et souterraines. Le bilan des herbicides retrouvés dans les eaux superficielles et souterraines entre 2003 et 2004 indique que quatre types de substances actives (atrazine, bentazone, métolachlore et alachlore) ont été quantifiées parmi celles qui sont le plus retrouvées dans les eaux superficielles et souterraines. L’atrazine et le métolachlore font partie des principales molécules déclassantes dans les eaux superficielles (supérieur à 2 μg.L-1). En revanche, seule l’atrazine fait partie des paramètres déclassants (selon SEQ-eau) concernant la qualité des eaux souterraines.

D’autre part, une décision de la commission européenne du 18 décembre 2006 concernant la non inscription de l’alachlore à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil entraîne le retrait des autorisations accordées aux produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active. .

 

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  • pdf Synthèse sur les molécules de substitution de l’atrazine, leur toxicité et leur devenir – document PDF 55 pages

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  • illustration Scuba Matt
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