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La France, quelque part entre sécheresse et pluie

Mots clés : agronomie, météo agricole, pilotage de l'irrigation
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photo Romuald Augé, Sud-Ouest

SITUATION HYDRIQUE
La France, quelque part entre sécheresse et pluie

L’hiver sec a fait et fait encore parler de lui. Malgré la pluie tombée début mars, le bilan reste mitigé selon les régions. Quels sont les risques pour les cultures ? À quoi doit-on s’attendre pour la saison qui arrive ?

Emmanuel BUISSON
directeur Recherche & Innovation, Weenat
Pierre GIQUEL
ingénieur agronome, Weenat

photo Romuald Augé – Sud Ouest
H2o – mars 2023

 

Weenat
Écart à la normale des cumuls de précipitations (en %) entre le 1er octobre 2022 et le 14 mars 2023
L’écart avec les normales saisonnières, qui permet de comparer les données météorologiques obtenues à un endroit avec ce qui y a été observé auparavant pour une période donnée, est donné dans ce baromètre sur une période de 10 ans. (Carte et données générées par la technologie Météo Vision développée par Weenat)


Un hiver très hétérogène

La pluie d'un côté – Quand on regarde cette carte, on se dit que la situation hydrique de la France est plutôt positive. La majorité de la carte est bleue, indiquant un cumul de précipitations supérieur à la moyenne des 10 dernières années. En effet, la France enregistre 24 jours avec une pluviométrie efficace pour les sols (c’est-à-dire que la quantité d’eau tombée est supérieure à 5 mm). C’est 1 journée de plus que pour la normale décennale. Par ailleurs, on enregistre seulement 9 % de pluie en moins qu'à la normale. Toutefois, si une majorité du territoire présente une pluviométrie excédentaire, certaines régions indiquent un fort (même très fort) déficit pluviométrique.

La sécheresse de l’autre – C’est le cas notamment du pourtour méditerranéen, de Perpignan jusqu’à Nice. Sur plusieurs zones, on enregistre plus de 60 % de déficit de pluie par rapport à la normale, pendant la période du 1er octobre 2022 au 14 mars 2023. En Occitanie, dans les départements des Pyrénées-Orientales, de l’Aude, de l’Hérault et du Gard, on comptabilise 97 jours sans pluie. Et la situation est semblable dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Une partie de la Corse, le sud de la Nouvelle-Aquitaine et la pointe du Finistère sont également en stress hydrique.

Weenat
Cumul des précipitations hivernales des 3 dernières années (1er octobre - 14 mars)
(Données générées par la technologie Météo Vision développée par Weenat)

Après une année 2022 lourde de conséquences

Au global, la situation hydrique de la France entre le 1er octobre 2022 et le 14 mars 2023 semble néanmoins rassurante. Il a d’ailleurs davantage plu cet hiver que l’hiver dernier. Alors pourquoi parle-t-on partout de sécheresse hivernale ? Tout simplement parce que 2022 a été particulièrement sèche et chaude.

En effet, à l’été 2022, plus de 9 départements sur 10 ont été soumis à des mesures de restriction de l’eau et de l’irrigation. Les sols sont devenus secs en profondeur de telle sorte, qu’à l’automne, les pluies n’ont pas pu s’infiltrer. Il a plu trop rapidement et en trop forte quantité, suffisamment pour remplir les cours d’eau en surface mais sans recharger les nappes phréatiques. Or, pour que les nappes se remplissent il faut une pluie stratiforme : 10 à 15 mm de pluie, en continu, pendant longtemps. Les sols fonctionnent comme des éponges : l’eau doit d’abord réhydrater les couches superficielles, au fur et à mesure, avant de pénétrer les sols de plus en plus profondément puis s’écouler jusque dans les nappes phréatiques.  Au 1er novembre, le BRGM  indiquait d’ailleurs qu’environ 2/3 des nappes phréatiques étaient en-dessous des normales mensuelles. En résultat, malgré un déficit pluviométrique faible, de 9 % entre le 1er octobre 2022 et le 14 mars 2023, le France est en état de sécheresse.

Quel impact sur l’agriculture ? Seuls les sols en surface ont pu stocker de l’eau et pourront alimenter les cultures. Les agriculteurs vont donc devoir s’adapter au fil de la saison. Car avec pour seule réserve, l’eau stockée dans le sol, ils n’ont pas vraiment de marge de manœuvre. 


Une lueur d’espoir : les prévisions saisonnières des prochains mois

Si la pluie était très attendue cet hiver, c’est finalement au printemps qu’elle pourrait être la plus intense. Le mois de mars a été excédentaire comme l’indiquaient les prévisions saisonnières. Pour la suite, le mois d’avril est indiqué comme proche des normales. Puis le mois de mai serait très pluvieux, avec peu d’ensoleillement et des températures en-dessous des normales saisonnières.

Si cela apparaît, dans un premier temps, comme une bonne nouvelle, la prévision entraîne de nouveaux risques pour les cultures. Une pluviométrie trop excédentaire, à cette période de l’année n’est pas forcément bon signe pour l’agriculture. En effet, au cours de son cycle végétatif, la plante a besoin d’eau, mais aussi de chaleur et de soleil pour grandir. Le risque dans ce scénario c’est que les cultures développent des maladies comme le mildiou pour la pomme de terre, ou la tavelure du pommier, affectant la qualité et le rendement des récoltes.

Bien sûr, ces prévisions ne sont que des tendances qui seront confirmées, ou non, au fil de la saison. Si les prévisions saisonnières évoluent différemment, et que des épisodes de sécheresse arrivent, le risque sera tout autre, et cela dépendra encore des régions : un stress hydrique intense pourra être envisagé, encore plus dans des régions déjà sous tension, et pour des cultures gourmandes en eau.

En conclusion, peu importe la météo au cours des prochains mois, les agriculteurs devront encore (et toujours) s’adapter pour protéger leurs cultures : économiser l’eau en pilotant leur irrigation, optimiser les intrants en suivant précisément la météo…

 

NOUVELLE-AQUITAINE

La Nouvelle-Aquitaine a été marquée par un hiver sec, comme le reste de la France. Néanmoins, les épisodes pluvieux de début mars ont pu changer la donne. En effet, entre le 1er octobre 2022 et le 14 mars 2023, la région Nouvelle-Aquitaine a enregistré seulement 6 % de précipitations en moins qu’en moyenne sur les 10 dernières années (450 mm contre 483 mm). Sur la même période l’année dernière, les précipitations enregistrées étaient 30 % plus faibles que la normale décennale comme le montre l’infographie Baromètre eau de Nouvelle-AquitaineDe plus, la région Nouvelle-Aquitaine comptabilise 30 jours de pluies dites efficaces, c’est-à-dire avec une pluviométrie supérieure à 5 mm. C’est exactement le même nombre de jours de pluie que la normale sur les 10 dernières années. Pour autant les nappes phréatiques ne sont pas rechargées et il est maintenant trop tard pour qu’elles le soient en 2023. En effet, une fois la reprise de la végétation, c’est elle qui se sert en premier lors des épisodes de pluie. Seuls les sols en surface ont pu stocker de l’eau et pourront alimenter les cultures. Les agriculteurs de la région vont donc devoir s’adapter au fil de la saison.

Quels risques pour les cultures dans les prochains mois ? Pour les viticulteurs et arboriculteurs de Nouvelle-Aquitaine, aucun risque n’est à prévoir pour le moment. Les précipitations excédentaires par rapport à la normale ont permis de bien recharger les sols. Et en sortie d’hiver, les besoins en eau des arbres restent encore faibles. S'agissant des grandes cultures, la vigilance s'impose. Les sols ont pu profiter des pluies de ces derniers jours pour recharger leur stock. Les blés et orges en place sont en reprise de végétation et disposent de racines peu profondes avec des prélèvements en eau modestes et une teneur en eau des sols suffisante. Cependant, la pluviométrie des prochaines semaines sera à surveiller car le niveau des nappes phréatiques et des réserves reste faible. Si les prochaines pluies ne sont pas suffisantes, il y aura un risque important d’arrêtés préfectoraux limitant l’utilisation de l’eau par l’agriculture à des périodes clés pour le développement du végétal (montaison, floraison).

À quoi faut-il s’attendre dans les mois à venir ? Dans la situation actuelle, c’est-à-dire sans réserve d’eau dans les nappes phréatiques, tout va dépendre de la météo des prochains mois. D’après les tendances saisonnières, le mois d’avril serait proche des normales. Quant au mois de mai, il pourrait être très excédentaire en termes de pluviométrie également. Si la météo à venir est conforme aux prévisions saisonnières, les cultures risquent donc de développer des maladies. En revanche, si la saison est finalement plus sèche qu’envisagée, les agriculteurs seront confrontés à un stress hydrique très fort. Pour économiser la ressource en eau, ils doivent dès maintenant piloter finement les apports d’eau pour leurs cultures.

Infographie Weenat – Baromètre eau de Nouvelle-Aquitaine 

 

OCCITANIE

Entre le 1er octobre 2022 et le 14 mars 2023, la région Occitanie a enregistré 29 % de précipitations en moins qu’en moyenne sur les 10 dernières années (340 mm contre 478 mm). Et la différence est d’autant plus importante entre le nord-ouest et le sud-est de la région : il a plu 30 % de moins dans le Gard, l’Hérault, l’Aude et les Pyrénées-Orientales que sur le reste de la région sur la même période (263 mm contre 373 mm), comme le montre l’infographie Baromètre eau d'OccitanieDe plus, pendant cette période, l’Occitanie a enregistré 97 jours sans pluie. C’est 2 à 3 fois plus important que la normale des 10 dernières années (39 jours sans pluie en moyenne). En résultat, cette partie de l’Occitanie cumule une sécheresse profonde, avec des nappes phréatiques qui n’ont pas pu être rechargées pendant l’hiver, et une sécheresse de surface ; ce qui signifie que les premiers mètres sous le sol manquent également d’eau.

Quels risques pour les cultures dans les prochains mois ? Pour les viticulteurs, la situation est très critique. Tout le pourtour méditerranéen (de Nîmes à Perpignan) subit un déficit hydrique très important. Cette importante zone viticole a reçu entre 40 % et 60 % de précipitations en moins par rapport à la normale. Les sols sont à sec et les nappes phréatiques très basses. Si la situation se poursuit, lorsqu’elle est possible, l’irrigation en viticulture devra être anticipée et ciblée aux stades critiques du végétal. Pour les cultures non irriguées, le stress hydrique sera d’autant plus fort et impactera les rendements. Chez les producteurs de pommes et de poires situés dans le sud-est de l’Occitanie, les conditions hydriques sont similaires à la situation viticole. Dans le Tarn-et-Garonne, la pluviométrie a été plutôt excédentaire. Ce qui n’est pas sans conséquence pour les vergers. Les pluies de mars ont entraîné de premiers risques de contamination à la tavelure. Ainsi, les agriculteurs d’Occitanie oscillent entre un manque et un trop plein d’eau. Ils doivent chaque jour s’adapter pour préserver leurs cultures et assurer une bonne qualité ainsi qu’un bon rendement.

À quoi faut-il s’attendre dans les mois à venir ? Les prévisions saisonnières des prochains mois vont être déterminantes pour les cultures. Encore faut-il qu’elles se confirment. Les tendances indiquent un mois d’avril proche des normales. Quant au mois de mai, il pourrait être très excédentaire en termes de pluviométrie. En résultat, si la météo à venir est conforme aux prévisions saisonnières, les cultures risquent ici encore de développer des maladies. En revanche, si la saison est finalement plus sèche qu’envisagée, les agriculteurs seront une fois de plus confrontés à un stress hydrique très fort. Et, encore une fois, les agriculteurs vont devoir faire preuve de réactivité et d’adaptabilité.

Infographie Weenat – Baromètre eau d'Occitanie 

 

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ResSources
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