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La forêt en Israël

Mots clés : techniques de reboisement, utilisations de la forêt, principaux risques et défis, perspectives d'avenir
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La forêt en Israël

La forêt en Israël

La plupart de la forêt en Israël est artificielle, elle est le produit de reboisements réalisés par le KKL au siècle dernier. À l'heure actuelle ces reboisements couvrent 92 000 hectares, qui s'ajoutent aux 40 000 hectares de formations naturelles boisées.

Robert SITBON
ingénieur des forêts au KKL

H2o – mars 2016

 

Le taux de boisement a atteint 6,5 % du territoire en deçà de la ligne verte (c'est-à-dire,  la Cisjordanie non comprise). En France le taux de boisement est de l'ordre de 29 %. Israël a obtenu ces résultats à partir de pratiquement rien. J'ai eu l’occasion de traduire des éléments d'un document datant de 1916 ; ce dernier décrivait le paysage au sud de la ligne Ashkelon-Hébron et ne faisait mention que de quelques tamariniers isolés ; à l'heure actuelle, il y a 33 000 hectares de forêt dans cette zone.

Plus de la moitié de cette forêt est résineuse, composée de pins et de cyprès, l’espèce la plus plantée étant le pin d'Alep. Cette espèce a été choisie en raison de sa bonne adaptation aux sols minces couvrant les collines du pays. Cette forêt a souffert depuis les années 1970 de problèmes phytosanitaires, de dégâts dus à la neige et aux incendies, et est progressivement remplacée par une forêt mixte de pins et de feuillus méditerranéens tels que chênes, caroubiers, pistachiers sauvages… En zone de plaine domine le genre Eucalyptus. On en a introduit une centaine d’espèces (il y en existe plus de 800 en Australie), et on en utilise un vingtaine d'espèces, principalement celles qui résistent à la sécheresse. S’agissant de la forêt naturelle, nous avons quelques forêts de chênes au nord du pays, des garrigues boisées, et des acacias dans le sud désertique.


Les techniques de reboisement

Le KKL dispose d’un centre de stockage de graines avec chambres frigorifiques. Une équipe est chargée de la récolte de graines dans tous le pays et le fonds fait parfois appel à l’étranger pour l’introduction d’espèces nouvelles. Ces graines sont distribuées à trois pépinières, une au sud à Gilat, une au centre à Estahol et une au nord près de Tibériade. Les techniques de production sont modernes.  Chaque pépinière peut aussi produire des plants par bouturage dans  des serres aménagées. Ces pépinières ont une capacité annuelle de production de deux millions et demi de plants, et elles distribuent un peu plus d'un million de plants par an. En plus des besoins en plants du KKL, elles distribuent gratuitement des plants à des institutions publiques et aux agriculteurs désirant produire du bois ou du nectar pour les abeilles.
Les techniques de plantation sont liées au manque d’eau. Les terrains sont nettoyés et préparés pour emmagasiner le maximum d'eau. Les plantations sont réalisées en automne et en hiver, et éventuellement arrosées pendant l'été. Ces dernières années, ce sont principalement des plantations clairsemées qui ont été effectuées, jusqu'a 100 plants par hectare ; les terrains sont aménagés pour recueillir les eaux de ruissellement grâce à la création de barrages de terre le long des courbes de niveau. Nous avons baptisé ce système de reboisement "savanisation". Ces techniques sont en fait très anciennes, on en retrouve des traces dans le désert du Néguev, mais nous les avons actualisées, notamment pour pouvoir être réalisées mécaniquement. Ce système appliqué a une grande échelle, a de plus l’avantage de limiter l’érosion hydrique et les inondations.

Pépinière de Gilat  Pépinière de Gilat

 

Les utilisations de la forêt

La forêt est utilisée pour la production de bois. On coupe actuellement à peu près 60 000 tonnes de bois par an. 40 % du bois est utilisé pour le chauffage et cette demande est en forte augmentation ;  le reste va à la fabrication de palettes ou à la fabrication artisanale de meubles. On utilise en plus les déchets de l'exploitation forestière après broyage, pour la production d’énergie ou de compost. La totalité des grandes usines de transformation du bois ayant ferme il y a une quinzaine d'années, le pays importe du bois pour satisfaire a la plupart de ces besoins.

Les forêts sont aussi des terrains de pâturage pour quelque 100 000 têtes de bétail (bovins, ovins et caprins). Dans le sud, ce sont principalement des moutons qui paissent de février a août, alors que dans le centre et le nord des portions de forêt sont clôturées pour les bovins qui y paissent en permanence. De notre point de vue, le but du pâturage et de réduire la quantité de végétation basse afin de réduire la quantité et la puissance des incendies.

De gros investissements sont réalisés pour la construction de routes et d'aires de pique-nique aménagées, avec eau et sanitaires. Le ramassage des déchets est effectué chaque semaine. Ces dernières années, nous avons créé de nombreuses pistes cyclables. La plupart des visites en forêt ont lieu en hiver et au printemps. Depuis deux semaines, nous avons une floraison intense d'anémones dans le sud-ouest, cette floraison forme d’immenses tapis rouges et attire chaque année des milliers de visiteurs de tout le pays.

Par ailleurs, bien que jouant un rôle modeste du fait de sa taille, la forêt améliore la qualité de l’air, absorbant une partie des gaz a effet de serre. En dépit de la faible quantité de précipitations annuelles (280 mm/an),  la forêt de Yatir couvrant 3 000 hectares dans le sud, fixe un taux de carbone de 2,3 tonnes/hectare/an, ce qui est proche de la moyenne mondiale (2,6 tonnes/ha/an). Ce résultat a été fourni par l’Institut de recherche Weitzman qui a construit une station de mesures dans la forêt (cette station participe au réseau mondial Fluxnet coordonné par la NASA).

Enfin, les risques d’inondation sont significativement réduits en dehors des zones désertiques. La forêt ainsi que les 10 000 hectares de savanisation absorbent la presque totalité du ruissellement. Dans le sud, malgré les vents  de sable, l’agriculture est devenue possible grâce a la plantations de dizaines de kilomètres de bandes boisées qui servent de  brise-vent. La forêt abrite naturellement une faune sauvage qui joue des rôles importants. En Israël, la chasse est peu pratiquée  pour des raisons religieuses et culturelles. Sa pratique n'est pas gérée par le service forestier mais par l'autorité en charge de la protection de la nature.  

Savanisation  Savanisation

 

Les principaux risques et défis

Les incendies – Située en zone méditerranéenne ou en zone semi aride, la forêt est sensible aux incendies pendant neuf mois par an. En 2015, on a dénombré 462 incendies de forêt qui ont détruit 753 hectares, soit une moyenne de 1,6 hectare par incendie. La stratégie de lutte contre les incendies est basée sur la détection des feux dès leur naissance. D’avril à novembre, nous disposons des guetteurs sur des tours de guet qui observent la totalité des forêts. Ils sont connectes aux équipes de forestiers et à des camions-citernes prêts à intervenir dès qu’une fumée est détectée à proximité ou dans une forêt. Si ces équipes estiment qu’elles ne parviendront pas à maîtriser l’incendie, elles font appel aux pompiers de l’État ou, dans certains cas, à de petits avions qui viennent alors répandre des produits anti-oxygène. Malheureusement, dans des cas extrêmes de sécheresse et de vent, ces moyens sont insuffisants comme lors du grand incendie de la forêt du Carmel en décembre 2010. Depuis cette catastrophe, nous créons des bandes pare-feu suffisamment larges, pâturées et déboisées, en plus des dispositions habituelles.

Les maladies et les ravageurs – Nous n’avons pas de stations d’observation fixe, mais chaque anomalie constatée est signalée à nos spécialistes et à nos chercheurs. Une fois par an, nous engageons une campagne d'éradication de la chenille processionnaire du pin à cause des réactions d'allergie que leurs poils provoquent. Apres repérage des forêts attaquées, nous répandons par avion des produits biologiques. Contre les insectes ravageurs, nous utilisons autant que possible des moyens de lutte biologique. Nos chercheurs ont réussi à identifier des insectes ennemis de ces ravageurs, puis  à les multiplier et  les disperser. À l'expérience, cette stratégie s’est révélé la plus efficace et la plus économique. Enfin, nous arrivons parfois à  identifier des variétés d’arbres résistantes à ces insectes, par exemple des pins d'Alep en provenance de Grèce qui sont avérés résistants à la cochenille israélienne du pin.

Le développement urbain –  Israël a édicté des lois protégeant la forêt : tout développement d’infrastructures ou de constructions en zone boisée est soumis à un processus extrêmement  contraignant. Ainsi par exemple, l’extension de la ville de Jérusalem est freinée par l'existence de forêts, de sorte que de nombreux citadins sont contraints d’aller habiter dans d'autres villes à proximité.

Le réchauffement climatique – Les périodes de sécheresse sont courantes en Israël, mais leur intensité et leur longueur ont tendance à augmenter.  Elles ont causé la mort de nombreux arbres, exerçant une sélection entre espèces. À partir de l’an 2000 nous avons fait une réévaluation de ces espèces et nous n'utilisons plus désormais que des espèces ou des variétés ayant fait la preuve de leur résistance. Dans le sud, ceci est vrai pour les eucalyptus et les pins, le pin d'Alep s'étant avéré résistant de même que son hybride avec le pin brutia. Les cyprès qui ont été décimés par une maladie et par la sécheresse sont dorénavant remplacés par des clones résistants.


Les perspectives d'avenir

La forêt en Israël est proche de son extension maximale, du fait des conditions écologiques, et de la forte densité de la population dans la zone méditerranéenne.   Cette forêt est en train de changer, plus diverse, elle sert de plus en plus à la recréation du public et à la fourniture de services écologiques. Nous la préparons aux changements climatiques à venir  en nous efforçant de développer nos connaissances. .

 

 Robert Sitbon
L'auteur
Originaire de Tunisie, Robert Sitbon est  ingénieur diplômé de l'École supérieure du bois de Paris  et l'École nationale du génie rural, des eaux et des forêts (ENGREF, Nancy). Après son service national, effectué en Côte d'Ivoire dans la recherche forestière, il a servi la France quatre ans supplémentaires au Cameroun dans l'enseignement supérieur.
Robert Sitbon a émigré en Israël en 1986, et travaille au KKL depuis 1987 en tant qu'ingénieur des forêts. Après voir réalisé plusieurs projets de reboisement et participé activement à l'aménagement des forêts du sud du pays, il effectue aujourd’hui des recherches  en amélioration génétique afin d’identifier les espèces et les variétés d'arbres résistantes à la sécheresse.

Le KKL, Keren Kayemeth LeIsrael – en français Fonds pour la création d'Israël – est un fonds qui possède et gère plusieurs centaines de milliers d'hectares de terres en Israël. Fondé en 1901 à Bâle (Suisse) en tant que fonds central du mouvement sioniste, il s'occupa du rachat de terres en Palestine et de la préparation des futurs pionniers sur le terrain. En plus de la gestion de ces terres, le KKL oriente aujourd’hui ses activités vers la restauration et la préservation de ces espaces, naturels ou non.

 

Pépinière de Gilat