FRANCE-IRAK
L’ENGEES, chef de file scientifique du projet AgrIrak
L’École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg (ENGEES) est le principal opérateur scientifique depuis fin 2023 du projet AgrIrak, en partenariat avec l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) et avec le soutien financier du Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, pour le compte de l’Ambassade de France en Irak. Ce projet vise à structurer un partenariat scientifique et académique durable entre la France et l’Irak autour des problématiques d’usage agricole durable de l’eau. Un séminaire de clôture est prévu à Bagdad.
ENGEES
image extraite du film Irak, la guerre de la soif – ARTE reportage
H2o – juillet 2025
Un projet ancré dans les réalités du terrain
C’est une première pour l’ENGEES. Depuis fin 2023, l’École a été choisie comme opérateur scientifique sur deux composantes du projet Agrirak, mis en œuvre par l'AUF Moyen-Orient, avec le soutien financier du Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères français, pour le compte de l'Ambassade de France en Irak. Marwan Fahs, enseignant chercheur, spécialiste des questions hydrogéologiques, en assure la responsabilité scientifique, secondé par Kevin Del Vecchio, enseignant-chercheur, spécialiste des enjeux agricoles et de l’eau d’un point de vue politique et notamment expert de la politique marocaine de l’eau.
Le projet AgrIrak prend appui sur un constat partagé : le sud de l’Irak traverse une crise hydrique complexe, liée à la raréfaction de l’eau, à sa salinisation, à la dégradation des sols et à l’effondrement de certains écosystèmes tels que les marais mésopotamiens (Al-Ahwar). Les impacts sur l’agriculture, la santé publique, les déplacements de population et la stabilité socio-économique sont majeurs.
L’objectif du projet Agrirak est de renforcer les échanges scientifiques entre l’Irak et la France dans le domaine des usages agricoles durables de l’eau. Le projet vise à établir un réseau de recherche pérenne entre les deux pays, amorçant la mise en place d’un réseau régional d’expertise spécialisé, et à renforcer les activités d’enseignement dans ce domaine en Irak.
L’Irak est au cœur du "Croissant fertile" mésopotamien, considéré comme le berceau du développement des premières communautés agricoles et de la domestication des plantes et des animaux, vers 10 000 av. J.-C. C'est là qu'ont été initiées les premières cultures du blé, de l’orge, des pois, des lentilles et du lin ; c'est là aussi qu'ont été domestiqués pour la premère fois les moutons, chèvres, porcs et bovins. Aujourd’hui, le sud de du pays traverse une grave crise des ressources en eau, provoquée à la fois par le changement climatique et par les activités humaines. Des études récentes indiquent que l’Irak a d'ores et déjà perdu près de la moitié de ses terres agricoles en raison de la sécheresse. Le projet Agrirak vise à renforcer les capacités du système de recherche et d’enseignement supérieur irakien afin de mieux répondre aux besoins de la société sur ces enjeux cruciaux.
Une coopération scientifique structurée
L’ENGEES a coordonné la mise en place d’un réseau de recherche franco-irakien, réunissant une trentaine de chercheurs français et irakiens autour de 7 thématiques prioritaires, parmi lesquelles : la salinisation des eaux et des sols ; les intrusions marines dans le Shatt al-Arab (principal chenal du delta commun du Tigre et de l'Euphrate débouchant sur le golfe Persique après un parcours de 200 kilomètres) ; l’évaluation des systèmes d’irrigation ; l’impact du changement climatique sur les déplacements de population ; la restauration écologique des marais du Sud.
Un premier séminaire a eu lieu à Strasbourg en janvier 2024, suivi d’un second à Bassora en juillet 2024. Ces rencontres ont permis de créer des groupes de travail, chacun co-animé par des binômes franco-irakiens, aujourd’hui engagés dans la co-rédaction de publications scientifiques et la préparation de futurs projets de thèse.
Repenser la formation agricole irakienne
La seconde composante du projet concerne la refonte des formations universitaires irakiennes en sciences agricoles afin de faire émerger les compétences professionnelles nécessaires à l’évolution des techniques d’irrigation agricole en Irak. Ce chantier vise à introduire une approche professionnalisante dans les formations proposées (niveau bachelor) par les universités de Bassora et Thi-Qar.
Sur ce volet, l’ENGEES dispose d’une expertise éprouvée sur des partenariats déjà menés au Maroc, en Azerbaïdjan ou encore au Liban. Après une analyse des formations existantes, des sessions de formation pédagogique ont été organisées, dont une semaine en présentiel à l’ENGEES en février 2025, incluant des visites techniques (lycée agricole d’Obernai, stations météorologique, plateformes expérimentales), des échanges avec des entreprises (serres climato-intelligentes) et des responsables pédagogiques, enfin des discussions sur l’articulation entre la recherche et l’enseignement. Les orientations proposées seront présentées lors du séminaire de clôture du projet, prévu en septembre à Bagdad.
Une action inscrite dans la durée
Tant pour l’ENGEES que pour les deux universités partenaires, ce projet illustre la capacité de la recherche appliquée à répondre à des problématiques concrètes tout en consolidant l’expertise des chercheurs sur les questions d’eau et d’environnement. Pour les agriculteurs et éleveurs du Sud irakien, c'est bien plus : l'espérance d'une renaissance. ▄