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Pour une Europe résiliente face à l'eau

Mots clés : économies d'eau potentielles, principaux secteurs économiques européens, données pour une stratégie européenne sur la résilience de l'eau
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Une une Europe résiliente face à l'eau

Pour une Europe "water-resilient"
QUELLES ÉCONOMIES POTENTIELLES ?

Cette note d'information de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) explore les économies d'eau potentielles qui pourraient être réalisées dans les principaux secteurs économiques afin d'améliorer "l'efficacité de l'eau" et de faire face aux incertitudes croissantes liées à la disponibilité de la ressource. Elle fournit un contexte pour la stratégie européenne sur la résilience de l'eau. Elle est étayée par un rapport du Centre thématique européen sur la biodiversité et les écosystèmes (European Topic Centre on Biodiversity and Ecosystems, CTE BE) : Contributions des économies d'eau à une Europe résiliente au changement climatique.

Agence européenne pour l'environnement – AEE
traduit de l'anglais par Martine LB avec l'aide de DeepL

illustration d'ouverture : irrigation dans le Cotentin (France)
photo Martine Le Bec
H2o – juin 2025

 

Améliorer drastiquement l'efficacité de l'eau, de concert avec d'autres mesures visant à protéger nos ressources limitées en eau douce, est un élément clé pour renforcer la résilience hydrique de l'Union européenne. Réduire les consommations d'eau à des niveaux soutenables sera crucial pour tous les usagers, en particulier dans le contexte de grave pénurie d'eau à laquelle de nombreuses régions d'Europe sont déjà confrontées.

Leena Ylä-Mononen
directrice exécutive de l'AEE


La pénurie d'eau continue d'avoir un impact dans l'UE

L'Europe est le continent qui se réchauffe le plus rapidement au monde et qui est confronté à une pression croissante due au changement climatique, ce qui menace la disponibilité saisonnière de l'eau (AEE, 2024). Chaque année, environ 30 % de la superficie de l'UE est confrontée à une pénurie d'eau saisonnière (AEE, 2025). Lorsque l'eau est rare, les secteurs économiques tels que l'agriculture sont confrontés à des pertes de rendement et à des coûts d'eau plus élevés. Les centrales thermiques et hydroélectriques ne sont pas en mesure de produire autant d'électricité, ce qui fait augmenter les prix de l'énergie (AEE, 2021). Dans les industries fortement consommatrices d'eau, il des ralentissements ou des arrêts de production peuvent survenir dans les périodes de pénurie d'eau (AEE, 2021).

L'UE prélève environ 200 000 millions de mètres cubes d'eau par an, sans compter les prélèvements pour l'hydroélectricité (AEE, 2025, 2024).  Depuis 2010, les prélèvements ont augmenté dans presque tous les secteurs, notamment dans l'agriculture, l'industrie et l'approvisionnement public en eau, alors qu'ils n'ont diminué que dans le secteur de l'électricité pour le refroidissement des centrales électriques (AEE, 2025, 2024). 

Les projections futures indiquent une aggravation de la pénurie d'eau en raison du changement climatique et de l'augmentation de la demande, en particulier dans le sud de l'Europe et dans les zones densément peuplées (AEE, 2023 ; Bisselink et al., 2018), ce qui expose les écosystèmes et les économies à des risques accrus. Il sera essentiel de continuer d’améliorer l'utilisation rationnelle de l'eau afin de renforcer la résilience des écosystèmes et des économies face aux variations saisonnières croissantes de la disponibilité de l'eau.


L'utilisation rationnelle de l'eau dans les politiques de l'UE

Diverses politiques européennes en matière d'environnement et d'eau traitent de l'utilisation durable des ressources. La directive-cadre sur l'eau (UE, 2000) promeut une utilisation durable de l'eau basée sur la protection à long terme des ressources en eau disponibles. En outre, divers aspects de l'utilisation rationnelle de l'eau sont abordés dans les textes suivants :

  • la législation telle que la directive sur l'efficacité énergétique (UE, 2023), le règlement sur la réutilisation de l'eau (UE, 2020), la directive taxonomique de l'UE (UE, 2020), la directive sur l'eau potable (UE, 2020) et la directive sur le traitement des eaux urbaines résiduaires (UE, 2024) ; les éco-systèmes dans le cadre de la politique agricole commune (CE, 2023) ;
  • la stratégie de l'UE en matière d'adaptation au changement climatique ; la communication de la Commission sur la gestion des risques climatiques (CE, 2024) ; 
  • le plan d'action pour l'économie circulaire (UE, 2020).

Néanmoins, la gestion de l'eau en Europe n'a pas encore été suffisamment adaptée pour faire face aux changements rapides et à grande échelle induits par le changement climatique et la surexploitation, ce qui constitue une menace pour la sécurité de l'eau (AEE, 2024). Pour relever ce défi, la stratégie européenne pour la résilience de l'eau vise à restaurer et à protéger le cycle de l'eau, à mettre en place une économie intelligente dans le domaine et à garantir une eau et un assainissement propres et abordables pour tous (CE, 2025). En outre, la Commission européenne a également adopté une recommandation sur les principes directeurs de l'utilisation rationnelle de l'eau (CE, 2025), soulignant la nécessité de prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire la demande, en priorité avant l'exploitation de ressources en eau supplémentaires. La stratégie et la recommandation sur l'utilisation rationnelle de l'eau fixent également un objectif à l'échelle de l'UE pour en améliorer l'utilisation rationnelle de 10 % d’ici à 2030.  Dans ce contexte, l'accent est mis sur la réalisation d'économies d'eau dans tous les secteurs.


Les secteurs clés pour l'amélioration de l'utilisation rationnelle de l'eau

Les secteurs économiques où les niveaux de prélèvements d'eau sont les plus élevés présentent également un fort potentiel d'économie d'eau et pourraient donc être considérés comme des domaines prioritaires pour la mise en œuvre de mesures d'utilisation rationnelle de l'eau. Il s'agit notamment des centrales de refroidissement pour la production d'électricité, de l'agriculture, de l'approvisionnement public en eau et de l'industrie.

Dans l'UE, au cours de la période 2000-2022, les centrales de refroidissement pour la production d'électricité ont représenté 36 % du total des prélèvements d'eau, suivies par l'agriculture avec 29 %. L'approvisionnement public en eau – couvrant l'eau potable, l'usage domestique et le tourisme – représentait 19 % du total des prélèvements d'eau, tandis que l'industrie manufacturière représentait 14 % du total des prélèvements d'eau (AEE, 2024). Ensemble, ces quatre secteurs étaient responsables de 98 % du total des prélèvements d'eau dans les secteurs économiques de l'UE. 


Secteurs économiques dont la pression sur les prélèvements d'eau est la plus forte au niveau national, 2000-2022


La répartition des prélèvements d'eau dans les différents secteurs varie considérablement en Europe, car elle dépend de la structure de chaque économie nationale. Néanmoins, les secteurs énumérés ci-dessus ont généralement le potentiel de réaliser d'importantes économies d'eau au niveau de l'UE.

Électricité – refroidissement des centrales électriques

L'électricité est le secteur le plus gourmand en eau, représentant 36 % du total des prélèvements d'eau (hors hydroélectricité) dans l'UE. Malgré une tendance à la baisse, 65 % de la production d'électricité en Europe dépend encore de l'eau pour le refroidissement.  

Il convient de noter que le secteur de l'électricité est vulnérable aux effets du changement climatique. L'augmentation de la température de l'eau ou les pénuries d'eau saisonnières, par exemple, peuvent entraîner l'arrêt des opérations.  En Suède, la centrale nucléaire de Ringhals a dû suspendre ses activités en juillet 2018 lorsque la température de l'eau de mer a atteint 25 °C, un événement rare pour l'Europe du Nord (Vattenfall, 2018). 

En raison du remplacement des installations de combustion par des éoliennes et de l'énergie solaire, on estime que les gains d'efficacité hydrique dans ce secteur se traduiront par une réduction d'environ 25 % du prélèvement total d'eau dans l'UE d'ici à 2050 (Hidalgo Gonzalez et al., 2020).

Globalement, le passage à des systèmes de refroidissement et à des combustibles moins gourmands en eau, l'adoption d'innovations techniques et l'utilisation de la chaleur résiduelle des centrales électriques dans l'industrie ou les systèmes de chauffage urbain pourraient réduire les prélèvements d'eau jusqu'à 95 %.

L'agriculture

Le secteur agricole peut jouer un rôle crucial dans l'amélioration de la résilience de l'eau dans l'UE, en particulier dans le sud de l'Europe. Cette région représente actuellement 60 % du total des prélèvements d'eau agricole de l'UE-27 (AEE, 2024). En raison du changement climatique, une part croissante de la superficie agricole totale de l'Europe devrait avoir besoin d'être irriguée à l'avenir, et la demande d'irrigation devrait augmenter dans les zones déjà irriguées (Bisselink et al., 2020).

Le potentiel d'économie d'eau dans l'agriculture irriguée représente jusqu'à 20 % du total des prélèvements d'eau. La réduction des pertes et des fuites dans la distribution de l'eau, le remplacement de l'irrigation de surface par l'irrigation au goutte-à-goutte ou sous la surface (Upscaling Smallholder Irrigation, USI), l'agriculture intelligente et la sélection de cultures résistantes à la sécheresse figurent parmi les principales mesures susceptibles d'améliorer l'utilisation rationnelle de l'eau dans ce secteur. La réduction des pertes d'eau dans les systèmes de distribution en Europe du Sud et de l'Est pourrait, ainsi par exemple, diminuer les prélèvements d'eau de 11 % et 8 %, respectivement, au niveau régional. Des mesures individuelles, telles que le remplacement de l'irrigation de surface par l'irrigation au goutte-à-goutte, pourraient permettre d'économiser de 10 à 40 % de l'eau actuellement utilisée.

La numérisation et les systèmes d'irrigation intelligents qui intègrent la surveillance par satellite, la modélisation numérique des besoins en eau des cultures et des processus décisionnels interactifs ont le potentiel d'offrir des gains significatifs en matière d'efficacité de l'eau. Le système d'irrigation en ligne IRRINET en Émilie-Romagne, en Italie, illustre cette approche. Il fournit des conseils à plus de 12 000 exploitations agricoles et programme l'irrigation au quotidien via une interface web, des SMS et une application pour tablette. Il a permis de réduire la demande en eau agricole de 20 % par an sans compromettre le rendement des cultures. Le système a également réduit la consommation d'énergie et les émissions de dioxyde de carbone liées au pompage de l'eau (Climate-ADAPT, 2022 ; Irriframe, 2023).

L'approvisionnement public en eau – ménages et tourisme

Le secteur public de l'eau fournit principalement de l'eau aux ménages (77 %) et aux services (12 %). Bien que la taille de la population soit un facteur clé de la demande en eau dans le secteur de l'approvisionnement public en eau, les prélèvements pour cet approvisionnement sont notablement disproportionnés entre les populations régionales. Ainsi, alors que seulement 30 % de la population de l'UE vit dans le sud de l'Europe, les prélèvements d'eau pour l'approvisionnement public dans cette région représentent 42 % du total de l'UE. Les facteurs contribuant aux différences régionales peuvent inclure des conditions climatiques défavorables, une consommation d'eau par habitant plus élevée, l'impact du tourisme sur la demande en eau, les fuites dans les infrastructures et une utilisation sous-optimale des incitations à l'économie d'eau dans les politiques de tarification.

Une réduction de 20 à 50 % des prélèvements d'eau pour l'approvisionnement public est potentiellement réalisable. Près de 33 % de l'eau prélevée pour l'approvisionnement public en eau dans l'UE est perdue avant d'atteindre les utilisateurs réels. Dans certains États membres, comme la Bulgarie, la Croatie et l'Italie, les pertes dépassent 40 %. Des pays comme l'Autriche, le Danemark et les Pays-Bas ont réussi à réduire les pertes et les fuites à moins de 15 % du total de l'approvisionnement public en eau (EurEau, 2021). Les actions phares pour construire une économie intelligente dans le domaine de l'eau – identifiées dans la stratégie européenne pour la résilience de l'eau (CE, 2025) et la recommandation de la Commission européenne sur les principes directeurs de l'efficacité de l'eau d'abord ("Water Efficiency First" – CE, 2025) – comprennent la réduction des fuites et la modernisation de l'infrastructure.

L'Irlande, par exemple, perd environ 38 % de son eau traitée à cause de fuites, principalement dues à la vétusté des canalisations souterraines. Le programme national irlandais de réduction des fuites répare les éclatements et colmate les fuites en collaboration avec les autorités locales. En conséquence, les taux de fuite ont chuté de 46 % en 2018 à 38 % d'ici 2021, mettant l'Irlande sur la bonne voie pour atteindre son objectif national de ne pas perdre plus de 25 % de l'eau à cause des fuites d'ici 2030 (Uisce Éireann, 2021). 

L'utilisation d'appareils ménagers plus économes en eau et la réduction de la consommation non facturée mais autorisée peuvent également améliorer l'efficacité de l'eau dans ce secteur.

L'industrie du tourisme joue un rôle essentiel en façonnant les économies et en reliant les cultures. L'Europe est un point névralgique du tourisme mondial, avec une croissance significative de 7,5 % par an attendue jusqu'en 2034 (European Travel Commission, 2022 ; FMI, 2024). Le secteur européen du tourisme représente environ 5 % du total des prélèvements d'eau dans le réseau public. Bien qu'apparemment faible, cette demande exerce une pression supplémentaire sur les régions du sud de l'Europe qui manquent d'eau, en particulier sur la bande littorale et dans les îles. En moyenne, les touristes consomment entre 300 et 2 000 litres par personne et par jour, ce qui dépasse de loin les 124 l/personne/jour utilisés par les résidents (EurEau, 2022 ; Dworak et al., 2007). Les espaces verts, les hôtels, les piscines, les restaurants et les stations de ski figurent parmi les principaux consommateurs d'eau dans le secteur du tourisme. 

Des actions telles que les audits de consommation d'eau, la réparation des fuites, le remplacement des appareils gourmands en eau et l'amélioration des pratiques d'utilisation de l'eau dans les espaces verts (comme l'utilisation d'eau recyclée) peuvent améliorer l'efficacité de la consommation d'eau dans le secteur du tourisme. Ces mesures peuvent permettre de réduire la consommation d'eau du secteur de 10 à 30 %. Il convient toutefois de noter que ce chiffre comporte des incertitudes liées à la disponibilité limitée des données.

Les prélèvements d'eau pour l'industrie en Europe représentent 14 % du total annuel des prélèvements d'eau dans l'UE-27. Les variations régionales sont importantes : l'Europe occidentale représente 47 % du total des prélèvements d'eau pour l'industrie, tandis que l'Europe orientale en représente 13 %. Des disparités similaires existent au niveau de l'intensité de l'utilisation de l'eau, la quantité d'eau utilisée par unité de production économique variant d'une région à l'autre. Par exemple, l'Europe occidentale prélève 8 m3 d'eau pour 1 000 euros de production économique, exprimée en pouvoir d'achat équivalent, contre 21 m3 en Europe de l'Est.

Dans l'industrie, la production d'acier, de pâte à papier et de papier, ainsi que d'aliments et de boissons, dépend fortement de l'eau. Il s'agit donc de domaines où il est possible de réduire les prélèvements d'eau de 30 à 50 % grâce à des innovations technologiques, au recyclage et à la réutilisation de l'eau. Ce type d'efficacité a été illustré par la brasserie flamande Brouwerij Vanhonsebrouck, qui a réduit sa consommation d'eau de 9 % en utilisant des machines de nettoyage et de lavage optimisées. La brasserie Duvel Moortgat a quant à elle réduit sa consommation d'eau de 25 % en installant de nouveaux équipements pour la réutilisation de l'eau (Fevia, 2021).

ESTIMATION DU POTENTIEL D'ÉCONOMIE D'EAU PAR SECTEUR DANS L'UE-27 Note – Le potentiel d'économie d'eau dans le refroidissement des centrales électriques est estimé sur la base de la demande d'eau par type de refroidissement par rapport à l'électricité produite. Pour l'agriculture, les estimations sont basées sur une analyse documentaire ainsi que sur des chiffres relatifs à l'efficacité de l'acheminement et de l'irrigation, le pays le plus performant au niveau régional étant pris en compte dans les estimations – bien que cela puisse introduire une certaine incertitude. Les estimations de l'industrie reposent sur des indicateurs d'intensité de l'utilisation de l'eau et sur la littérature, tandis que les évaluations de l'approvisionnement public sont basées sur des données relatives aux pertes, aux fuites et à l'utilisation par habitant. Les études de cas des pays EIONET soutiennent les estimations pour tous les secteurs. Pour plus de détails, voir le rapport BE de l'ETC, Contributions of water saving to a climate resilient Europe (Contributions des économies d'eau à une Europe résiliente au changement climatique).Sources – (Wolters et al., 2025) sur la base des données de (EEA, 2024)
 Électricité - refroidissement des centrales électriquesAgricultureApprovisionnement public en eau, y compris le tourisme et les servicesIndustrieAutres secteurs (par ex. mines, carrières et construction)
Moyenne annuelle des prélèvements d'eau 2000-2022 (en millions de m3)  72 300 59 300 38 700 28 200 3 000 
Prélèvements annuels d'eau en pourcentage du total pour les secteurs économiques 36 % 29 %  19 %  14 %  2 % 
Potentiel théorique d'économie d'eau dans le secteur (en % du prélèvement annuel du secteur)  45-95 %  5-20 %  20-50 %
(10-30 % pour le tourisme)
30-50 %   Non évalué dans cette note

 

Diversifier l'approvisionnement en eau pour améliorer la résilience 

À mesure que la pénurie d'eau devient plus persistante et s'aggrave dans des zones qui sont depuis longtemps soumises à des contraintes, la réutilisation de l'eau, l'eau dessalée et la collecte des eaux de pluie peuvent servir de sources d'approvisionnement en eau supplémentaires. La diversification de l'approvisionnement en eau ne réduira peut-être pas le prélèvement global d'eau, mais elle pourrait améliorer la résistance aux sécheresses et à la pénurie d'eau, en particulier pendant les périodes où la disponibilité de l'eau est faible.

Le règlement de l'UE sur la réutilisation de l'eau (UE, 2020) est entré en vigueur en juin 2023. Il vise à garantir que l'eau récupérée est sûre pour l'irrigation agricole et que la santé humaine et l'environnement sont préservés dans ce contexte de la réutilisation. La mise en œuvre du règlement peut réduire considérablement les risques liés à la qualité de l'eau et faire de l'eau recyclée une solution plus sûre et plus viable pour faire face à la future pénurie d'eau.

La réutilisation de l'eau est actuellement faible, puisqu'elle ne représente qu'environ 0,3 % du total des prélèvements annuels d'eau douce dans l'UE (CE, 2018 ; Eurostat, 2022). En termes de volume, cela représente environ 650 millions de m3 ; en revanche, on estime que 6 600 millions de m3 d'eau dans l'UE pourraient être récupérés chaque année (JRC, 2017).

La pénurie d'eau n'est actuellement pas un problème important dans tous les États membres et la pratique de la réutilisation de l'eau est facultative pour les États membres ; conformément au règlement sur la réutilisation de l'eau, ils peuvent décider que la solution n'est pas appropriée sur leur territoire ou sur une partie de leur territoire. Toutefois, certains États membres confrontés à d'importants problèmes de pénurie d'eau pratiquent la réutilisation de l'eau depuis des années. Ainsi, Chypre et Malte réutilisent déjà respectivement plus de 90 % et 60 % de leurs eaux usées traitées (CE, 2018).

On estime que l'utilisation d'eau recyclée pourrait théoriquement remplacer 45 % des prélèvements agricoles en France et en Italie, 20 % au Portugal et en Espagne, et 10 % en Grèce, à Malte et en Roumanie, à l'exception de diverses contraintes techniques et financières (JRC, 2017). La Commission européenne prévoit d'évaluer la possibilité d'étendre le champ d'application du règlement sur la réutilisation de l'eau afin de couvrir l'utilisation de l'eau récupérée à des fins autres que l'irrigation agricole (UE, 2020).

Le dessalement de l'eau saumâtre ou de l'eau de mer est un autre moyen de diversifier l'approvisionnement en eau. Bien que seulement 1,4 % de l'approvisionnement public total en eau dans l'UE soit prélevé de cette manière, on s'attend à ce que le dessalement augmente. Cela est dû aux améliorations techniques qui réduisent le coût de la technique et aux subventions accordées par les autorités publiques dans certaines régions (CE, 2022). À Chypre et à Malte, 50 % de l'approvisionnement public total en eau en 2021 provient déjà d'eau dessalée. Le dessalement est également pratiqué en Grèce, en Italie, au Portugal et en Espagne. Deux mesures sont essentielles pour garantir la durabilité de l'utilisation de l'eau dessalée : l'utilisation d'énergies renouvelables dans le processus de dessalement, le stockage et la distribution, et la minimisation de l'impact des effluents de saumure sur les écosystèmes marins (Pistocchi et al., 2020).

La collecte des eaux de pluie a été utilisée dans diverses régions du monde. Elle peut constituer un moyen durable et rentable de répondre aux besoins en eau, en particulier dans les régions où l'accès à l'eau douce est limité. La récupération des eaux de pluie est principalement utilisée dans l'agriculture, l'industrie, l'approvisionnement public en eau et le tourisme. On peut citer comme exemples l'irrigation des espaces verts urbains à Berlin, les aéroports (par exemple l'aéroport Schiphol d'Amsterdam) et certains terrains de golf (par exemple Oaks Prague, Belas Clube de Campo). Le programme polonais "My Water" permet d'économiser plus de 6 millions de m3 d'eau par an en augmentant la quantité d'eau retenue sur les propriétés à proximité des maisons individuelles et en utilisant l'eau de pluie et l'eau de fonte stockées.

La refonte de la directive sur le traitement des eaux urbaines résiduaires encourage la collecte des eaux de pluie ainsi que les mesures de rétention naturelle afin de réduire les débordements et le ruissellement urbain. Dans ce contexte, toutefois, la littérature disponible souligne la nécessité de développer un réseau d'approvisionnement efficace et une infrastructure de stockage suffisante si cette option doit être mise en œuvre à grande échelle, ce qui peut nécessiter un investissement important (Kuller et al., 2017 ; SPER Market Research, 2024 ; Prinzler et Nolde, 2007 ; Hofman et Paalman, 2014 ; Khoury-Nolde et Nolde, 2014).


Perspectives

Si des mesures techniques et opérationnelles individuelles peuvent permettre de réaliser des gains en matière d'utilisation rationnelle de l'eau, il est important qu'elles soient mises en œuvre parallèlement à d'autres mesures de soutien. Il s'agit notamment de l'engagement des parties prenantes, des campagnes de sensibilisation du public, des compteurs d'eau, de l'application des réglementations en matière de prélèvement, de la tarification de l'eau et de l'application du principe de recouvrement des coûts.

Il est également indispensable d'améliorer les données et les informations disponibles sur les ressources en eau et la demande en eau dans les différents secteurs, compte tenu des incertitudes croissantes liées à la disponibilité saisonnière de l'eau en raison du changement climatique. Outre la demande des secteurs économiques conventionnels, les secteurs émergents (par exemple la production d'hydrogène et les centres de données) peuvent créer de nouveaux défis pour la gestion des ressources en eau (Danelski, 2023 ; Australian Hydrogen Council, 2022). Cela souligne l'importance de se pencher sur la quantité et la qualité de l'eau disponible pour répondre aux besoins évolutifs de la société, de l'économie et de l'environnement – aujourd'hui et à l'avenir. ▄

 

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ResSources
Graphiques, références, bibliographie et liens dans la note originale (en anglais) :
Water savings for a water-resilient Europe – EEA

ETC BE Report 2025/1: Contributions of water saving to a climate resilient Europe

Agence européenne pour l'environnement