Magazine H2o | Le SEDIF offre le premier débat public sur les filières de traitement de l’eau potable | Enjeux-Politiques de l'eau

Dessin de tracé de fleuve

Accueil > Urgences > Enjeux > Le SEDIF offre le premier débat public sur les filières de traitement de l’eau potable
logo lien vers www.lemeeb.net

Le SEDIF offre le premier débat public sur les filières de traitement de l’eau potable

Mots clés : débat public, filières de traitement de l’eau potable, osmose inverse basse pression, nanofiltration, filtration membranaire haute performance
Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail

202307_cndp_itl.jpg

PREMIÈRE EN FRANCE
Le SEDIF offre le premier débat public sur les filières de traitement de l’eau potable

Le 7 septembre 2022, la Commission nationale du débat public (CNDP) accédait à la requête conjointe du SEDIF (Syndicat de eaux d’Île-de-France) et de RTE (opérateur national du réseau de transport d'électricité) d’organiser un temps d’échange avec les acteurs et le public sur le projet "Vers une eau pure, sans calcaire et sans chlore" d’amélioration de la qualité de l’eau potable produite par le syndicat.

Martine LE BEC
illustrations CNDP, Agora du 12 juillet
H2o – juillet 2023

 

ACTUALISATION

Le 20 septembre 2023, après trois mois de débat public sur le projet de "filière membranaire haute performance", l'équipe du débat a publié son compte-rendu et le président de la CNDP, Marc Papinutti, a dressé le bilan du débat. À compter de cette publication, les porteurs de projet (le SEDIF et RTE) disposent de trois mois pour rendre publique leur décision et répondre aux recommandations de l'équipe du débat.

Compte-rendu de la CNDP et bilan de son président

Le 16 novembre 2023, le SEDIF et RTE ont annoncé poursuivre le projet de filtration membranaire HP. Ils publient un rapport détaillant les enseignements tirés du débat public, ainsi que les réponses apportées au compte-rendu de la CNDP et au bilan du président de la CNDP. 

Communiqué du SEDIF – Rapport de conclusion  

 

Du 20 avril au 20 juillet, les usagers du SEDIF, mais pas seulement eux, les enjeux du débat dépassant le seul territoire francilien, ont été invités à s’interroger sur les filières de traitement de l’eau potable, la qualité et les services d’eau qu’ils souhaitent pour demain. Le cœur du débat était cependant le grand projet du SEDIF d’installer une nouvelle filière de filtration membranaire (nanofiltration/osmose inverse basse pression : la fameuse OIBP) sur ses trois usines principales de Neuilly-sur-Marne, Choisy-le-Roi et Méry-sur Oise, desservant 4 millions d’usagers, soit un tiers de la population francilienne. Une telle mise en place nécessitant la création de deux lignes souterraines de 225 kV pour alimenter les installations, l’opérateur électrique RTE s’est de fait associé à la requête. 

Ce projet, estimé en 2022 à 870 millions d’euros HT, permettrait selon le SEDIF d’atteindre ses trois objectifs d’amélioration de la qualité de l’eau produite : 1. Les objectifs sanitaires : appliquer les principes de précaution et de prévention et anticiper la réglementation en retirant un maximum de micropolluants et en réduisant, voire si autorisé en supprimant, l’utilisation de chlore ; 2. Les objectifs écologiques : améliorer la qualité et le goût de l’eau pour inciter à réduire tout à la fois les consommations d’eau en bouteille, de produits d’hygiène et d’entretien ; 3. Les objectifs économiques et énergétiques : distribuer une eau moins calcaire permettant une réduction des consommations énergétiques chez les particuliers et un allongement de la durée de vie des appareils ménagers. 

Outre l’ampleur des chantiers conséquents, le projet comporte de nombreux enjeux, parmi lesquels : une augmentation de 15 % des prélèvements dans la ressource en eau, qui seront restitués dans le milieu naturel sous forme de concentrats (eau chargée en micropolluants) ; des implications possiblement réglementaires pour les autres producteurs et distributeurs d’eau potable (au premier chef desquels, les producteurs situés en aval des installations) ; enfin, une augmentation du prix de l’eau estimée par le SEDIF entre 3 et 4 euros par mois et par foyer. Sur les aspects environnementaux, sanitaires ou socio-économiques, le débat a bien sûr abordé de multiples questions, parmi lesquelles : la réglementation en matière sanitaire ; les enjeux liés à la nécessité probable de reminéraliser l’eau à l’issue du traitement ; les conséquences du projet sur le réseau interconnecté de distribution d’eau potable en Île-de-France ; le bilan carbone du projet dans ses phases de construction et d’exploitation ; etc.

Après la fermeture du débat ce 20 juillet, un compte rendu exhaustif de la CNDP sera transmis au plus tard le 20 septembre et les porteurs du projet auront trois mois à partir cette publication (jusqu’au plus tard le 20 décembre), pour répondre à l’ensemble des arguments recueillis pendant le débat et montrer la prise en compte de la parole des publics. L’expérience de la CNDP montre que dans près de 65 % des cas, les projets qui lui ont été soumis ont été modifiés ou abandonnés à l’issue du processus de débat ou de concertation.

Durant trois mois, l'équipe du débat s'est déployée sur le territoire francilien pour : organiser des rencontres de proximité dans les trois villes d'accueil des usines du SEDIF ; installer des stands mobiles au pied des immeubles, sur les marchés, places de centre-ville, parcs, bords de rivières et festivals ; assister des ateliers thématiques d'approfondissement et des ateliers-débats d'enrichissement organisés par des scientifiques, des acteurs de l'eau, des acteurs associatifs, des villes et communautés d'agglomérations. Pendant deux jours, les 24 et 28 juin, 62 étudiants se sont retrouvés au sein d'un "Atelier de la relève" pour rédiger un Manifeste du futur "L'eau potable en Île-de-France à l'heure du changement climatique". Les publics, quels qu'ils soient, ont pu déposer leur avis et poser leurs questions via la plateforme participative.

Enfin, dernière modalité du débat, l’Agora de l’eau a réuni le 12 juillet après-midi à Paris, plus de 150 participants : élus, acteurs socioéconomiques, acteurs associatifs, institutions publiques, citoyens. Y sont intervenus : Luc Strehaiano, premier vice-président du SEDIF ; Fatah Aggoune, président d’Eau Seine & Bièvre ; Michel Bisson, président de Grand Paris Sud ; Dan Hert, président d’Eau de Paris, Florent Casy, directeur général de Sénéo ; et également Thomas Bouter, chef du service Politiques et police de l’eau à la DRIEAT-IDF (Direction régionale et interdépartementale de l'environnement, de l'aménagement et des transports), Lydie Prouvé, chargée de mission Politiques territoriales à l’Agence de l’eau Seine-Normandie, et Fabienne Trolard, directrice de recherche à l’INRAE. 

202307_cndp_580_1.jpg

 

Ce débat public qui était une première pour le secteur de l’eau a incontestablement été une réussite. La commission fera sûrement un point sur le nombre de participants. Ils ont été nombreux, et même grandement nombreux eu égard à la technicité de l’affaire. Il est vrai que les "opposants" au projet d’OIBP se sont particulièrement mobilisés ; les porteurs du projet devaient s’y attendre. Ils ont aussi mobilisé toute leurs ressources et leurs expertises pour rédiger des "cahiers d’acteurs" particulièrement étoffés et argumentés. Au total 10 cahiers ont été déposés (+ 1 en voie de l’être), dont nous vous présentons un très bref résumé. Les auteurs nous pardonnerons les raccourcis.

Cahier n° 1 de l’association Agir à Villejuif – L'association en profite pour nous rappeler qu'en dépit des élans bien intentionnés des opérateurs, la centrale de Nogent-sur-Seine rejette du tritium dans l'eau de la Seine, donc de l'eau radioactive, que les usagers boivent tous les jours. Elle s'inquiète des 15 % d'eaux surchargées en polluants divers, impropre à la consommation, qui seront restitués au milieu naturel, cela en un seul point. Sur le financement, elle dénonce la consécration du principe "pollué-pollueur", avant de se livrer à un savant et amusant calcul sur les "gommettes" à l'appui desquelles le SEDIF rejette toute solution alternative.

Cahier n° 2 de la régie Eau Seine & Bièvre – Accueillant au levant de son territoire, l’usine du SEDIF de Choisy-le-Roi, la régie travaille à diversifier son alimentation avec des producteurs d’eau "engagés pour établir de meilleurs équilibres environnementaux et économiques entre le traitement des micropolluants et le respect de la ressource". Pour elle, le projet est issu d’une "décision unilatérale, sans considération pour les impacts sur l’ensemble de la population francilienne" et "il représente un coût global d’une ampleur sans précédent pour des objectifs imprécis ou secondaires".

Cahier n° 3 de la Ville de Paris – La Ville salue la "vertu" de ce débat "qui permet d’interroger, dans un contexte de crise climatique et de sécheresse chronique, les solutions et techniques de gestion de l’eau potable à mettre en place pour faire face aux défis du XXIe siècle". Elle s’interroge néanmoins sur la pertinence du projet qui "par ses consommations énergétiques majeures, le rejet des concentrats et son coût important qui sera supporté par les usagers […] s’éloigne des principes d’une gestion durable, résiliente et solidaire". Elle rappelle que la technique d’OIBP entraîne, par rapport à un traitement au charbon actif, une augmentation très substantielle de la consommation électrique ; qu’en réalité, sans même traiter les concentrats, le projet d’équipement en OIBP représente une augmentation d’un facteur 2 de la consommation électrique nécessaire à la potabilisation de l'eau. Elle s’inquiète des interconnexions des réseaux, vitales pour la sécurité de l’alimentation en eau de la métropole, mais mises à mal par le projet. Elle dénonce donc "une décision unilatérale qui fragilise l’Île-de-France".

Cahier n° 4 de la LPO Île-de-France – Les principaux points soulevés par la Ligue pour la protection des oiseaux, section Île-de-France, portent sur : le volume des prélèvements, les rejets liquides, la consommation électrique, la préservation en amont et en aval des ressources en eau, le coût pour les consommateurs. La LPO attire également l’attention sur le fait que moins de 30 % des usages des particuliers nécessitent réellement de l’eau potable (dont 7 % pour la boisson et l’alimentation) et que la contamination humaine par les pesticides s’effectue à 90 % par l’alimentation et moins de 10 % par l’eau. L’urgence serait donc plutôt de : limiter la pollution des sols et de l’eau par une diminution drastique de l’usage des pesticides ; déployer la récupération et l’utilisation d’eau non potable pour des usages spécifiques ; s'attacher à une plus grande sobriété. Ce à quoi, le milliard d’investissement envisagé pourrait être attribué.

Cahier n° 5 de la FNE Île-de-France – La Fédération Nature Environnement Île-de-France dénonce un projet nuisible pour l’environnement d’abord parce qu’il s’agit d’un traitement curatif qui omet tout investissement dans la préservation de la ressource ; également nuisible à l’environnement car il prévoit de rejeter les concentrats dans le milieu naturel, sans aucun traitement alors même qu'avec les baisses de débit prévisibles des cours d'eau, les concentrations de polluants vont mécaniquement augmenter (la fédération reste en attente d’une solution alternative aux rejets que le SEDIF a dit étudier). C'est également un projet qui va à contre-courant des efforts de sobriété, au premier chef énergétique, demandés à l’ensemble de la société. La fédération regrette la part trop belle donnée dans certains débats à la présentation du projet au détriment d’un débat contradictoire. 

Cahier n° 6 de Générations Futures – La question de la qualité de l’eau, particulièrement au sujet de la pollution par les micropolluants chimiques, doit être vue comme un enjeu majeur de santé publique qu’il faut combattre à la source. Le projet du SEDIF, en tant qu'il vise à retirer un maximum de micropolluants de l'eau potable, a retenu l'attention de Générations Futures qui estime que cette réponse curative de court terme à un problème de pollution est indispensable. Cependant, l’aspect technologique et curatif de la démarche ne sera pleinement réalisé et s’avérera efficace que si dans le même temps des actions fortes sont menées préventivement pour limiter, voire stopper, les rejets. L’aspect préventif doit donc être également au cœur des politiques menées et des projets à venir. L'ONG profite de ce débat pour réitérer ses demandes au sujet des métabolites de pesticides et des PFAS dont la présence dans les eaux et les effets de contamination sont très sous-estimés.

Cahier n° 7 de Sénéo – Deuxième syndicat producteur distributeur d’eau potable de France, Sénéo dispose de sa propre usine, située sur les hauteurs du Mont-Valérien, qui traite l'eau de la Seine à travers 2 filières : une filière classique et une filière adoucissement. Toutefois, desservant près d'un million d'usagers et occupant une position centrale sur le territoire, le syndicat dispose de 18 interconnexions avec ses voisins et échange de l’eau avec les principaux acteurs que sont Aquavesc, Eau de Paris, le SEDIF et Suez. Son absence d’autonomie dans la production d’eau le conduit à acheter quotidiennement de l’eau, actuellement à Suez et au SEDIF. Cette situation particulière explique son intérêt quant aux conséquences des décisions de ses partenaires pouvant impacter le prix et/ou la qualité de l’eau. La filtration membranaire haute performance présentée par le SEDIF emporte son lot d’avantages comme d’inconvénients. Sénéo étudiera avec attention le retour d’expérience.

Cahier n° 8 d'Aquavesc – Le syndicat de l'ouest parisien, qui a la chance de bénéficier pour sa ressource du procédé de réalimentation de la nappe de la Craie au Pecq-Croissy, a installé dès 2017 dans son usine de Louveciennes une filière de décarbonation. Avant la mise en place du procédé, la dureté de l’eau distribuée était de 35 °F ; elle est aujourd’hui de 20 °F. Le procédé a permis aux foyers d’économiser environ 200 euros par an et les 4 000 tonnes de calcaire extraites chaque année sont déshydratées puis utilisées comme boues d’épandage par les agriculteurs d’une cinquantaine de communes alentour. Le syndicat estime que le projet d’OIBP "incarne une vision avant-gardiste susceptible de représenter une avancée technologique majeure dans le domaine de la distribution d'eau potable".  Il rappelle néanmoins les des défis importants en termes de maîtrise des coûts d’exploitation, de consommation d'énergie électrique et de gestion des rejets et des saumures qui n’ont pas débouchés écologiques, en même temps que les pertes d’eau du process sont sensiblement plus élevées que sur des filières plus conventionnelles. 

Cahier n° 9 du MEDEF Île-de-France –  "Avis négatif : non à une demi-dépollution de l’eau par osmose inverse, oui à son adoucissement par décarbonatation catalytique", voilà pour le résumé. Alors que la qualité principale du projet serait le retrait des micropolluants, "les résultats attendus en matière de dépollution sont à moitié satisfaisants" estime le syndicat des entreprises et groupements professionnels franciliens. Le syndicat déplore également la visée du projet (se prémunir des conséquences de la pollution) et son absence de considération pour la réduction des pollution à la source. Sur le plan économique, estime le syndicat, "le projet du SEDIF ferait payer le consommateur 2 fois : en amont pour le traitement des rejets et en aval pour le traitement de l’eau". Sur le plan technique, le syndicat fait part de son inquiétude concernant l'ajout de phosphore inhérent au process, et s'interroge sur les évolutions possibles de la réglementation environnementale à ce sujet. Au final, estime le MEDEF-IDF,  "le procédé de décarbonatation catalytique constitue(rait) une alternative efficace et moitié moins chère que les techniques d’osmose inverse proposées par le SEDIF, coûteuses et énergivores".

Cahier n° 10 du MNLE 93 – Le Mouvement national de lutte pour l’environnement, section Nord-Est Parisien, dénonce le flou et les incertitudes du projet : "le montant des hausses de facturation pour les usagers serait de près de 20 %, le SEDIF s’en défend mais ses éléments de coûts en sortie de production sont extrêmement flous voire inexistants. Le dossier n’aborde pas de façon précise les coûts supplémentaires liés au fonctionnement, à l’entretien et à la hausse des besoins en énergie". Outre les surconsommations d'énergie, le MNLE dénonce également les prélèvements accrus et les rejets de concentrats. Mais le mouvement s'inquiète surtout la connotation excessivement capitalistique de ce "plus gros contrat mondial" (selon l’Observatoire des multinationales) devant servir à son opérateur de vitrine de prestige à l’international.

Cahier n° 11 du SIAAP – Les eaux de surface sont la ressource de la production d’eau potable du SEDIF mais aussi le réceptacle des eaux traitées par le SIAAP. Le service public de l’assainissement francilien, qui transporte et épure les eaux usées produites par 9 millions d'habitants, rappelle que l’innovation constitue encore aujourd’hui un levier qu’il nous faut savoir activer pour répondre aux grands enjeux industriels et environnementaux qui se dessinent devant nous. Même si convaincu de la nécessité d’agir à l’amont pour éviter l'introduction des micropolluants dans le cycle, le syndicat rappelle que les usines constituent des remparts essentiels : pour protéger la rivière, s’agissant des usines d’épuration et pour protéger le consommateur, s’agissant des usines de potabilisation. Ainsi, "le SIAAP soutient et accompagne naturellement le SEDIF dans son projet d’évolution de ses filières membranaires de potabilisation, qui outre la meilleure décarbonatation et l’élimination plus poussée de la matière organique, permettront demain une meilleure élimination des micropolluants présents dans l’eau superficielle, ressource utilisée pour la production et la distribution d’eau potable en Île-de-France". Dans ce cadre, le SIAAP et le SEDIF réfléchissent ensemble aux solutions les plus pertinentes pour une meilleure gestion des effluents issus de l’implantation de ces nouvelles filières de traitement, y compris au sein des usines du SIAAP. La collaboration de recherche engagée entre deux services publics, acteurs du petit cycle de l’eau sur le territoire francilien, "permet d’avancer sur des problématiques techniques et environnementales communes et contribue au développement de synergies industrielles transectorielles".

Cahier n° 12 de l'École de biologie industrielle (EBI) "Des risques se révèlent régulièrement par suite de recherche de causes sur des pathologies animales ou humaines, ou d’études environnementales et sont étudiés : les produits phytosanitaires et leurs métabolites, les résidus médicamenteux et leurs métabolites, les perturbateurs endocriniens, les nanoplastiques, et les PFAS. Certains de ces polluants ne sont pas encore normés. De plus, les seuils acceptables dans l’eau potable sont abaissés régulièrement. (…) dès lors qu’un doute raisonnable est étayé, il convient que tout industriel soit proactif, et recherche les méthodes et techniques pour caractériser et prévenir les impacts, à tout niveau (sur l’homme et l’environnement). (…) le metteur en marché de tout produit se doit de faire ses meilleurs efforts pour prévenir les risques pour ses consommateurs et les descendants de ceux-ci pour certains secteurs industriels. C’est ce que propose le SEDIF". Par ailleurs précise l'école, qui fournit un avis très documenté, le recul sur la technique de potabilisation par nanofiltration (pratiquée à l’usine de Méry-sur-Oise), est "de nature à rassurer les autres autorités organisatrices en ce qui concerne la possibilité d’échanger de l’eau avec le SEDIF dans le cadre de la solidarité interacteurs : les réseaux ont été testés et éprouvés avec cette qualité d’eau durant ces trente années". Sur l'osmose inverse proprement dite (pratiquée dans l'industrie pharmaceutique), la technique, estime l'avis, semble pertinente au regard des études d’impact actuelles, de la ressource utilisée par le SEDIF, d’un renforcement inévitable des normes (prévisible pour les PFAS). "Son délai de mise en œuvre nécessite une action globale et courageuse du metteur en marché que sont les autorités organisatrices, à l’instar de ce qui est requis pour tous les autres aliments que l’eau."

Cahier n° 13 de l'UFC Que Choisir Île-de-France – L’Union régionale des consommateurs et usagers considère que le projet du SEDIF "n’a pas de nécessité immédiate car l’eau du robinet est extrêmement bien contrôlée par des normes strictes. Elle est globalement de bonne qualité et, dans le contexte actuel, l’impact sur le consommateur sera plutôt négatif et l’échéance des avantages assez lointaine". Outre les principaux "inconvénients" dénoncés par ailleurs, elle s'inquiète du prélèvement dans la nappe du Champigny en situation tendue depuis plusieurs années. Elle estime aussi le projet, en contradiction avec les mesures d’économies d’eau préconisées par l’État en raison des sécheresses successives. L'Union s'inquiète également des travaux de RTE qui entraîneront une artificialisation des sols et les chantiers auront un impact négatif sur les zones végétalisées. Elle souligne à juste titre la disproportion de l’investissement par rapport à la faible quantité d’eau utilisée par les consommateurs individuels pour les usages alimentaires (boisson, cuisson) par rapport aux autres usages qui ne nécessitent pas une eau pure (hygiène, lavage, entretien, usages sanitaires) et s'interroge : une eau très douce rince mal, cela n’entraînera-t-il pas une augmentation de l’eau utilisée pour l’hygiène personnelle ? In fine, l'UFC Que Choisir Île-de-France suggère : "Du fait que l’usine de Méry-sur-Oise doit faire l’objet du remplacement de son installation membranaire, il pourrait être préconisé d’effectuer l’opération projetée, permettant une évaluation. Lorsque les équipements des usines de Choisy-le-Roi et de Neuilly-sur-Marne seront à remplacer l’expérience de Méry-sur-Oise pourra servir."

Cahier n° 14 d'Environnement 93 – L'association, membre de la FNE Île-de-France, rassemble 20 associations de protection de l’environnement de Seine-Saint-Denis. Elle souligne que le projet du SEDIF conduit à multiplier par deux la consommation d’électricité, précisant que c'est là une consommation supplémentaire équivalente à celle d’une ville de 48 000 habitants. Les affirmations du SEDIF sur les économies possibles à l’échelle des ménages n’ont quant à elles pas démontré leur pertinence, selon elle. L'association consacre une partie de son avis aux insuffisances du SEDIF et de son délégataire Veolia dans leur gestion actuelle, notamment en ce qui concerne la protection de la ressource et le rendement des réseaux. In fine, elle dénonce : "le SEDIF semble ignorer les impacts du changement climatique en faisant fausse route dans l’utilisation de l’argent public" et se tient "à contre-courant des efforts menés pour atténuer les effets du changement climatique, comme l’accentuation des sécheresses qui amplifieront la baisse des débits des cours d’eau, la recharge des nappes, la concentration des polluants dans l’eau", celà encore avec une "débauche de moyens en désaccord avec la sobriété exigée pour tous les acteurs de la vie publique".

Cahier n° 15 de l'Institut Catholique de Paris (ICP) – Afin de contribuer au débat, Pierre-Paul Kremer et Lila Morlieras, étudiants du Master Politiques environnementales et Management du Développement durable de l’Institut de Paris se sont mobilisés pour réaliser une étude d’impact et connaître ainsi les contributions du projet à l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) définis par l’Agenda 2030 des Nations unies. Cette analyse met en évidence les aspects positifs et les points à améliorer dans le projet actuel du SEDIF vu sous le prisme des ODD.

Cahier n° 16 de la CGT EPIC Eau de Paris – Le développement de la technologie de filière membranaire haute performance affiche des ambitions environnementales fortes en améliorant la sécurité et la qualité de l’eau. Concernant ce projet présenté par le SEDIF et RTE, la CGT EPIC Eau de Paris estime que l’étude des risques inhérents à ce type de grand projet mériterait un approfondissement alors que, paradoxalement, pour obtenir une eau potable de meilleure qualité, les risques de pollution sont à prendre en compte dans le traitement des concentrats. Le syndicat souligne également que les calculs "technico-économiques" présentés semblent bien incertains dans un contexte d’énergie durablement chère ; que l’anticipation du risque règlementaire n'est guère convaincante et, enfin, que la question du risque industriel n'est pas clairement traitée. Le syndicat soulève notamment la question des équipements requis par les technologies de nanofiltration, et a fortiori d'OIBP, et rappelle que l’usine de Méry-sur-Oise n’a pas pu poursuivre ses opérations de filtrage avancé du fait de l’arrêt de production des pièces nécessaires par son équipementier. Pour autant, le syndicat n’appelle pas à renoncer au projet dans son intégralité, mais au moins à le redimensionner pour en atténuer les risques industriels, économiques et environnementaux. 

Cahier n° 17 du groupe Écologie et Citoyenneté d’Est Ensemble – Le groupe regrette que le débat public devant initialement porter sur la stratégie industrielle du SEDIF et sa décision d'intégrer l'OIBP dans ses trois principales usines ait rapidement dévié sur le thème de l'eau potable en Île-de-France, avec pour conséquence d'embrouiller la compréhension du grand public. D'autres griefs s'y ajoutent, relatifs à l'organisation du débat proprement dite. Nonobstant ces remarques préliminaires, le groupe souligne les imprécisions du dossier de présentation du projet, par exemple s'agissant des débits qui seront respectivement traités par OIBP et par nanofiltration. De la même manière, les coûts énergétiques et les impacts environnementaux du traitement des rejets (concentrats et lessivats) relèvent exclusivement des propositions des "aspirants délégataires", ce qui les rend, à ses yeux, partiellement irrecevables. Ces imprécisions (tout-à-fait volontaires) du dossier se retrouvent dans l'analyse économique, notamment en ayant cherché à minimiser l'impact du projet sur le budget des ménages. "Le projet compense des dépenses réelles (coût des investissements, du fonctionnement, de la maintenance et du renouvellement de ses filières OIBP) par des économies estimées et incertaines." Les coûts d’investissement du projet n'ont pas été réactualisés, note le groupe, qui poursuit : "les calculs ne prennent pas en compte le décalage temporel entre, d’une part, les hausses du prix de l’eau, nécessaires dès le lancement du projet, et, d’autre part, la date de mise en service de ses installations". "Ce décalage reporte à une date très lointaine, bien au-delà de 2032, la réduction supposée du coût pour le ménage. Dans l’intervalle, la facture des 4 millions d’usagers aura elle bien augmenté." 

Cahier n° 18 de la Coordination EAU-IDF – La Coordination Eau Île-de-France dénonce un argumentaire mensonger du SEDIF, à tel point que, alerté sur la non potabilité d'une eau entièrement déminéralisée par le traitement OIBP, le SEDIF prône désormais un mélange d’eau osmosée et d’eau nanofiltrée. Le SEDIF mise aussi sur l'obtention d'une dérogation pour ne plus chlorer son eau ; ce qui est loin d'être acquis eu égard à la nécessité de sécuriser le transport de l’eau dans les canalisations. À l'exemple des autres opposants au projet, la coordination revient sur la consommation énergétique estimée être multipliée par 2 ou 2,5 et pose la question (pertinente) : "Imagine-t-on doubler la consommation énergétique de toutes les usines d’eau potable du pays ?". Quant aux rejets de concentrats, réalisés en d'importants volumes : quels en seront les impacts sur la faune et la flore locales ? Quels seront aussi les impacts sur les prises d'eau des usines situées en aval ? La coordination revient également bien sûr sur le coût du projet qui va, en 3 ans, doubler la dette du SEDIF tout en enchaînant le syndicat à l'opérateur du projet (probablement Veolia).  

Cahier n° 19 des Communautés d’agglomération de Grand Paris Sud et de Cœur d’Essonne – Les deux communautés d’agglomération du sud francilien regroupent 560 000 habitants sur 44 communes. Elle souhaitent rappeler que "la prévention des pollutions dans les aires d’alimentation des captages et le juste traitement doivent l’emporter sur le tout curatif de la technologie membranaire". Pour elles, le projet du SEDIF "va à rebours du volontarisme nécessaire pour développer une agriculture plus respectueuse de l’eau, de l’environnement et de la santé humaine, en particulier l’agriculture biologique. Cela peut même contribuer à entretenir l’immobilisme actuel, le développement de l’agriculture biologique marquant le pas depuis 2020". Elles démontrent par ailleurs que  si le SEDIF justifie le choix de la technologie membranaire par le triple objectif d’enlever le chlore, le calcaire et les polluants émergents, "la généralisation des deux premiers objectifs n’a rien de nécessaire". Les deux communautés reviennent bien sûr sur les autres oppositions : la mise à mal de l'interconnexion (avec l'avènement d'une "eau à deux vistesses") ; l'impact de rejets de concentrats sur les usines situées en aval (Le Pecq, Louveciennes, Mont-Valérien, Flins-Aubergenville) ; le coût du projet et son impact sur le prix de l’eau, selon elles sous-estimés ; les économies pour l’usager, qualifiées de virtuelles. Elles rappellent enfin comment le projet-pilote d'Arvigny (Seine-et-Marne) s’est heurté à l’opposition tant des élus du territoire que de l'agence de l'eau et de la commission départementale d’évaluation des risques sanitaires et technologiques.

Les opérateurs "riverains" rappellent les avantages de l'interconnexion des réseaux en Île-de-France mais qui, pour fonctionner, est assortie de la nécessité de disposer d’eaux de qualité similaire. De leur côté, les opposants demandent une étude sérieuse des alternatives techniques à l’OIBP, moins coûteuses et moins nuisibles pour l’environnement. Plusieurs suggèrent une consultation sous forme de votation citoyenne ou de référendum local. 

Les lecteurs trouveront sur le site du débat public, 6 cahiers d'acteur remis "sur le fil" à la date limite. Il s'agit du cahier d'acteur n° 20 de l'association Démocratie ; du cahier d'acteur n° 21 de l'Association Espaces ; du cahier d'acteur n° 22 de la section Val d'Oise de la FNE ; du cahier d'acteur n° 23 du parti EELV ; du cahier d'acteur n° 24 de l'Université Paris Cité et de l'INSERM ; du cahier d'acteur n° 25 de l'UMR G-EAU.

Les réponses dans 5 mois. ▄

 

debatpublic.png
ResSources
DOSSIER DE PRÉSENTATION du projet (version intégrale) – SEDIF/RTE, 6 avril 2023
SYNTHÈSE du dossier de présentation du projet – SEDIF/RTE, 6 avril 2023
MANIFESTE DU FUTUR "L'eau potable en Île-de-France à l'heure du changement climatique"
PLATEFORME PARTICIPATIVE – Questions et réponses (21 contributions)
PLATEFORME PARTICIPATIVE – Avis (59 contributions)
CAHIERS DES ACTEURS

CHIFFRES
Au cours de ces trois mois de débat, 47 événements ont été organisés dont : une réunion de lancement ; 23 débats mobiles répartis sur 6 départements d’Ile-de-France ; trois rencontres de proximité dans les trois villes d’implantation des usines du SEDIF ; trois ateliers citoyens thématiques (environnement, prévention/protection de la ressource, qualité de l’eau potable) ; deux ateliers de travail faisant intervenir expertes et experts (enjeux environnementaux/enjeux socio-économiques) ; deux sessions de travail entre étudiants dans le cadre de L’Atelier de la relève ; une réunion publique à Grigny ; une Agora de l’eau, en comptant les 11 structures qui se sont emparées du kit du débat pour organiser leur propre débat.
Près de 1 900 contributions ont été recueillies via la plateforme participative, le questionnaire du débat et les cahiers d’acteurs. Au total, ce sont plus de 2 609 personnes qui ont participé au débat.  

202307_cndp_580_2.jpg