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Les effets des pesticides sur le milieu marin

Mots clés : pesticides, écosystèmes marins, espèces
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Les effets des pesticides sur le milieu marin

À ce jour, 479 herbicides, insecticides et fongicides sont autorisés en Europe. Ils sont utilisés pour traiter les parcelles agricoles mais aussi les espaces verts, les terrains de sport ou encore les infrastructures de transport. Une fois répandues, toutes ces substances peuvent gagner le milieu marin, ultime réceptacle des contaminations terrestres, et alors impacter les organismes qui y vivent.

Wilfried SANCHEZdirecteur scientifique adjoint de l'IFREMER

H2o – novembre 2020

 

Retrouve-t-on des pesticides dans tous les écosystèmes marins ?

Oui. Et c’est grâce à des moyens de détection toujours plus performants que nous savons aujourd’hui que les pesticides sont présents dans tous les milieux marins. On les retrouve dans des lagunes à des taux suffisants pour générer un risque pour ces écosystèmes confinés, mais aussi plus au large à l’état de traces.

Plus surprenant : des molécules de DDT ont été découvertes à plus de 3 000 mètres de profondeur au large de la Californie. Cet insecticide fait partie des pesticides "historiques" interdits d’utilisation depuis parfois plusieurs décennies selon les pays. Persistants, 19 d’entre eux (DDT, lindane, atrazine…) sont toujours surveillés dans le cadre de la directive européenne cadre sur l’eau. Le problème est qu’en mer, toutes ces molécules "historiques" et les 479 actuelles peuvent se mélanger.


Comment les espèces marines sont-elles affectées par ces substances ?

Les pesticides peuvent affecter la reproduction, le développement ou encore l’immunité des organismes marins. Une étude de l’IFREMER a par exemple montré que le diuron, un herbicide, modifie la structure de l’ADN de l’huître et nuit même à sa descendance. Le développement de ce mollusque est aussi perturbé par le cuivre (fongicide) qui agit sur certains de ses gènes. Plusieurs pesticides étant souvent présents simultanément dans l’environnement marin, ces effets peuvent se cumuler de manière additive (1+1=2), voire synergique (1+1>2). À ce cocktail chimique s’ajoutent les métaux, PCB et autres hydrocarbures potentiellement présents dans le milieu, ils ont eux aussi des effets nocifs connus sur la biodiversité marine.


Que doit-on faire pour en savoir plus sur leurs impacts ?

La recherche avance. Les données sur les effets de ces molécules sont nombreuses. Mais nous avons besoin de dresser un bilan des connaissances disponibles et d’identifier nos lacunes sur le sujet. C’est l’objectif de l’expertise scientifique collective que l'INRAE et l’IFREMER conduisent dans le cadre du plan Écophyto II+, sur les impacts des pesticides sur la biodiversité et les services qu’elle nous rend.  Ses conclusions seront rendues en 2022.

Sans attendre, nous devons travailler à mieux prendre en compte la réalité de la contamination de l’environnement marin : chaque molécule est souvent présente dans de faibles concentrations, les cocktails chimiques sont variés, leurs effets peuvent se cumuler avec des répercussions en cascade sur les espèces et leur milieu de vie. Mieux comprendre et être capable de reproduire cette complexité dans nos expérimentations est un défi de taille mais essentiel si l’on veut savoir comment agir efficacement à terre pour protéger l’océan. ▄  

 

 L'intervenant
Docteur du Muséum national d'histoire naturelle en écotoxicologie, Wilfried Sanchez travaille pendant plus de 15 ans à l'interface entre la recherche et les politiques publiques. Ces travaux portent sur les effets des polluants historiques et émergents sur les écosystèmes aquatiques et sur le développement de nouveaux outils de surveillance des milieux. Premier directeur général de la Fondation Rovaltain, il s'attache au développement de plusieurs actions pour rapprocher les sciences de l'environnement et la société sur des sujets tels que la contamination par les plastiques, les perturbateurs endocriniens ou le déclin des pollinisateurs. Depuis 2018, Wilfried Sanchez est directeur scientifique adjoint de l'IFREMER. Il est en charge de la coordination des activités de l'institut sur le thème de la contamination du milieu marin et de ses effets. À ce titre, il co-pilote une expertise scientifique collective sur les effets des pesticides sur la biodiversité impliquant l'IFREMER et l'INRAE.