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Bernard BARRAQUÉ – LATTS

Mots clés : approvisionnement, assainissement, Directive cadre sur l'eau, durabilité des services, économie, environnement, éthique, Europe
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ImageTitre_Experts.gifLa stratégie des 3E – Économie, Environnement et Éthique

par Bernard BARRAQUÉ
directeur de recherche
Laboratoire Techniques Territoires et Sociétés
LATTS – CNRS

propos recueillis par Martine LE BEC
Sources Nouvelles, IRC – mai-juin 2004
H2o – juillet 2004

 

Les Européens ont-ils les moyens de maintenir à long terme leurs services publics de l’eau et de l’assainissement ? Alors que ces services ont été mis en place grâce à des subventions massives des gouvernements, celles-ci ne sont plus guère disponibles pour assurer le renouvellement des infrastructures vieillissantes, rendu nécessaire en même temps que d’importants investissements en faveur de l’environnement. Dans le même temps, les pays de l’Europe du Sud – et aujourd’hui de l’Europe orientale – sont encore que dans la phase initiale d’équipement et donc très éloignés d’assurer le simple recouvrement : les prix de l’eau y correspondent à peine aux frais de fonctionnement !

Dans ce contexte, il apparaît pertinent de "revitaliser" la base méthodologique initiée dans le cadre du réseau Eurowater : les "3E" du développement durable ; E comme Économie, Environnement et Éthique. En ce qui concerne les services publics d’eau et d’assainissement, et plus largement, la gestion des infrastructures hydrauliques, la problématique se décline de la façon suivante : 1) Les modes de financement actuels, et en particulier les factures d’eau, permettent-ils de maintenir le patrimoine technique en bon état, une fois l’équipement initial réalisé ? 2) Quels investissements supplémentaires faut-il consentir pour améliorer les performances environnementales et de santé publique des services ? 3) Les usagers pourront-ils – et accepteront-ils – de payer ?

La Directive cadre européenne pour l’eau s’est elle-même fondée sur les trois critères en visant à : 1) un bon état écologique d’ici 2015 des "districts hydrographiques" établis par les États membres ; 2) une tarification appropriée des divers usages de l’eau qui tienne compte à la fois des coûts de la ressource et des coûts environnementaux ; enfin, 3) la participation – ou tout au moins l’information, du public.

S’agissant aussi bien de la durabilité des services publics de l’eau que de la mise en œuvre de la directive cadre, la satisfaction des trois critères permettra de renouveler la problématique de la gestion de l’eau en invitant aussi à la définition de nouveaux territoires et de nouveaux compromis. Elle  ne sera néanmoins pas facile à mettre en pratique.

Ce qui coûte cher, ce n’est pas l’eau ; c’est l’argent nécessaire pour faire des investissements lourds et espacés dans le temps ; c’est aussi l’information dont il faudrait disposer pour conduire des politiques économiquement rationnelles à un niveau centralisé. La voie européenne, qui fait de l’eau une res comunis omnium, échappant largement à la domanialité ainsi qu’à l’appropriation privée, pourra servir d’exemple au monde, à moins qu’elle ne reste un vœu pieux…  .

 

 ResSources
Les services publics de l'eau en France et en Europe – Données urbaines 4, Éditions Économica, mai 2003.
L’impact des normes et des directives européennes dans les pays membres de l’Union – Colloque au Sénat, Paris, octobre 2002.
Les enjeux de la Directive cadre sur l’eau – revue Flux, LATTS-CNRS, 2001.