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MARAIS

Reliefs #15

Mots clés : occupés, partagés, aménagés, exploités, drainés, asséchés, cultivés, conquis, colonisés, peints, chantés, romancés, filmés, souvent redoutés, le plus souvent dominés, désormais partout menacés
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Titre Reliefs #15
MARAIS
Éditeur Reliefs Éditions
Coll. Terre et Eau
ISBN 978-2-3803-6072-1  
Pages 184
Sortie mai 2022
Prix 19 euros

Reliefs #15 MARAIS

 

Marais et humains : un destin commun
par Jean-Michel Derex

Des marais jadis drainés par des canaux régulièrement curés sont aujourd’hui abandonnés. Sur cette déprise agricole, la végétation reconquiert ses droits. Ici, les traces humaines se perdent vite. La disparition de pratiques ancestrales (pâturages, fauche, cueillette…) produit d’inextricables bois humides ponctués de larges plages de roselières et de prairies marécageuses : depuis 1945, on passe d’un marais nu à un marais boisé, d’un paysage ouvert à un paysage fermé.

À mesure que les êtres humains abandonnent leurs activités traditionnelles, des marchés de substitution se développent et le tourisme de masse investit ces lieux. La chasse sur les littoraux, mais aussi à l’intérieur des terres, a complètement transformé certains pays de marais. Enfin, des productions spéculatives – sel, riz – s’y sont installées, notamment en Camargue.

Dans le loisir (chasse ou tourisme) comme dans la production (sel, riz, élevage, huîtres), ces pays de marais sont vus comme des espaces hors du monde citadin et industriel, presque intemporels. On n’y voit qu’une nature quasi vierge sans en connaître les racines ou le passé. Les marais côtiers, espaces de labeur jadis inquiétants et redoutés, sont devenus à nos yeux contemporains des lieux de plaisir. Le temps des côtes fortifiées, militaires et conflictuelles, de Colbert au mur de l’Atlantique, est obsolète, faute d’ennemi. La Camargue, le Marais poitevin et les Marais de la Somme sont devenus le complément esthétique, l’annexe ludique, la caution culturelle des stations balnéaires voisines : la Brière et La Baule, la Camargue et La Grande-Motte. Un voile a été jeté sur ces espaces au point qu’on a oublié les raisons de leur création et de leur existence. Il faut donc faire un effort pour vraiment regarder les pays de marais, pour percer leurs secrets, pour sonder leurs héritages séculaires.

Hélas, la valorisation environnementale n’aide pas à retrouver l’ancienne omniprésence humaine. Certes, la protection et la mise en valeur des si mal nommées "zones humides" font l’objet de nombreuses initiatives. Mais dans une approche savante des espaces humides, il semblerait que l’humain n’ait plus sa place, que sa présence devient même suspecte. Les naturalistes créent ainsi de nouvelles normes dans lesquelles les usages définis au cours des siècles sont en position d’accusés et hiérarchisent ces espaces en fonction de l’intérêt scientifique présenté par les espèces végétales et animales qu’on y trouve. De là à penser qu’ils seraient infiniment plus riches si nous ne venions pas les perturber…

Les pays de marais ne seraient pourtant pas ce qu’ils sont aujourd’hui sans une présence humaine constante depuis des millénaires. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les photos et les cartes postales du tournant du XXe siècle : hommes et femmes y étaient nombreux et y travaillaient. Et ils y ont laissé des traces.

Bien des éléments ont contribué à marginaliser économiquement et socialement les marais : le chemin de fer et ses wagons frigorifiques assurant le transport du poisson de mer, bientôt préféré aux poissons d’étang ; le sel, essentiel à la conservation des aliments, peu à peu remplacé par le pain de glace, le réfrigérateur puis le congélateur. Les changements de modes de vie ont aussi eu un impact important sur les terres maraîchères qui demandent un entretien permanent, tant l’herbe y pousse rapidement. Ce travail, habituel avant l’introduction de la "civilisation des loisirs", est plus improbable aujourd’hui.

Les pays de marais témoignent enfin à leur façon des relations entre l’humain et son milieu. Leur longue histoire socio-environnementale montre bien que nous partageons avec eux un destin commun.

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À côté de L’histoire agitée des marais, présentée par Jean-Michel Derex, sont aussi à découvrir : 

Entre terres et eaux, la marais, par Delphine Gramond, géographe – Sur tous les continents, la planète est constellée de zones humides, aussi variées par les conditions qui les caractérisent que par les noms qui les désignent. Mais quels que soient les latitudes et les climats, leurs remarquables fonctions hydrologiques, biogéochimiques et écologiques les érigent aujourd’hui en "zones utiles", en "ressources territoriales", voire en "infrastructures naturelles". Il faut faire vite : en cinquante ans, un tiers des marais du monde a disparu, et la dégradation des autres exige de nouvelles logiques de préservation.

La mangrove entre marais et marées, par François Fromard, botaniste et écologue – Marais maritime tropical et forêt baignant dans l’eau de mer, saturée de sel et démunie d’oxygène, la mangrove ou le "bosquet des mangliers" est le royaume indisputé des palétuviers, prodiges d’adaptation acrobatique et sentinelles du littoral face aux assauts de l’océan. D’autres menaces mettent aujourd’hui en péril ces écosystèmes aussi riches que fragiles : l’emprise agricole et aquacole, le développement urbain, les pollutions terrestres et marines, et bien sûr le réchauffement climatique. Mais tout est encore possible tant que "la mangrove respire", comme l’écrivait Aimé Césaire.

Une grande vie de paludier, entretien avec Charles Perraud, paludier – Tombé en amour des marais salants de la presqu’île de Guérande dans les années 1970, Charles Perraud en a fait son métier, son combat, sa réussite et sa fierté. Avec la coopérative et la communauté de paludiers qu’il a contribué à créer et à animer, il a transmué le sel banal et industrialisé de nos étagères en un produit goûteux et recherché, et donné à un métier millénaire et peu considéré une nouvelle saveur.

Les lecteurs y trouveront également des extraits littéraires illustrés, des infographies sur les espèces en danger, les plantes des marais et les principales zones humides à travers le monde, enfin des suggestions de livres, de films et de musiques. 

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La revue – Dédiée à la nature, à l’aventure et à l’exploration, Reliefs invite des chercheurs, géographes, philosophes, biologistes, artistes ou historiens à nous raconter les mondes d’hier et de demain. Face à la crise écologique, chaque numéro propose une réflexion pluridisciplinaire sur nos relations à la Terre et aux autres êtres vivants.

La revue se décline en collections annuelles : "Explorer les dernières frontières" en 2016, "Horizon" en 2017, "Altitudes" en 2018, "Eau" en 2019, "Feu" en 2020,  "Flore" en 2021 et "Terre et Eau" en 2022.

L’univers de Reliefs se prolonge dans des cartes anciennes, des carnets de notes, des sérigraphies, des tirages ainsi que des coloriages pédagogiques sur la faune et la flore. Les cartes de la collection Géographie nostalgique sont éditées au format poster, avec une carte au recto et son histoire au verso, et distribuées dans un élégant fourreau. Ces trésors de la cartographie, issus des quatre coins du monde, sont imprimés sur des papiers haut de gamme.

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