SPECTRES D'HISTOIRE(S) DE L'AQUEDUC
par la Compagnie Les Hostilités avec Fabien Fourcaud, artiste photographe
La compagnie de théâtre lorientaise Les Hostilités vient d'organiser ce mois de juin une nouvelle édition de son festival Spectres d’Histoire(s). Après la rade de Lorient, cadre de la première édition en juin 2023, elle s'est intéressée à un autre élément du patrimoine maritime local, cette fois bien plus secret, invisible et méconnu : l’ancien aqueduc de la ville.
Martine LE BEC
photos du lieu : Thierry PRAT
H2o – juin 2025
Avant de devenir une ville, Lorient est d’abord un port, établi en 1666 par la Compagnie française des Indes orientales sur une presqu’île qui s’avance dans la rade, bassin naturel où l’eau douce du Scorff, du Faouëdic et du Blavet se mêle d’eau salée à chaque marée. C’est sur cette pointe de terre baignée d’eau saumâtre qu’est donc implanté le chantier de construction navale de la Compagnie ; là sont construits et armés les navires de commerce qui vont sillonner les mers vers l’Afrique, l’Inde et la Chine afin de rapporter de ces lointaines contrées de précieuses cargaisons. Le voyage dure de longs mois et, à bord, les équipages sont nombreux, sans compter les soldats, les passagers et les "vivres sur pieds", animaux vivants embarqués dans l’entrepont. Il est donc nécessaire d’embarquer de grandes quantités d’eau douce, dans des barriques arrimées à fond de cale.
Au début du XVIIIe siècle, le port prend de l’ampleur et l’architecte Jacques V. Gabriel est chargé de le réaménager ; il prend en compte le problème de l’approvisionnement en eau potable. Les travaux sont engagés en 1736, sous la responsabilité de l’ingénieur Louis de Saint-Pierre, et achevés en 1740.
En 1770, la Compagnie des Indes cède l’ensemble de ses propriétés à la Marine royale, qui hérite donc des ouvrages d’adduction d’eau. L’activité du port militaire et l’arrivée de troupes en ville, liée à la construction d’une caserne d’infanterie, accroissent les besoins en eau. En 1875-1876, Édouard Angiboust et Léon Bourdelles, respectivement directeur et ingénieur des travaux hydrauliques entreprennent la construction d’un réservoir enterré d’une contenance de 3 100 mètres cubes. Plutôt que des matériaux traditionnels, la brique ou la pierre, c’est un béton de ciment qu'ils choisissent d'utiliser pour élever les colonnes et voûtes. Un choix audacieux puisque l’emploi du béton n'était encore qu'au stade expérimental.
C'est dans ce "réservoir du péristyle", que Le Lieu de la Photographie a invité Fabien Fourcaud à exposer son projet "I am afraid the night left me soulless", en partenariat avec Les Hostilités dans le cadre du festival Spectres d'Histoire(s) de l'Aqueduc. L’eau qui habitait autrefois cet espace est revenue y assurer une nouvelle présence, faite de glaciers monumentaux et de neiges éternelles. ▄
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À la croisée de l’in-situ et du théâtre en salle, la compagnie Les Hostilités puise dans une matière documentaire et poétique pour écrire et mettre en scène des créations contemporaines inspirées du patrimoine matériel et immatériel. Son origine et son inspiration résident dans une fascination pour la marge, l’ancien, le tiers ou l’abandonné ; et pour tout ce qui constitue le paysage d’un territoire, son histoire, ses sociabilisations, ses cicatrices parfois. Elle invite les artistes à tisser des récits là où ils ne palpitent plus, à convoquer les spectres qui arpentent les rues, les rivages ou les sentiers.
En juin 2023, la compagnie tout juste créée avait monté un premier volet de Spectres d’Histoire(s) autour de la rade de Lorient.
Cie Les Hostilités
Découvrir le travail de Fabien Fourcaud – Galerie Le Lieu de la Photographie
L'histoire de Lorient à travers celle de l'eau potable aux XVIIe et XVIIIe siècles, panneaux d'une exposition réalisée en 2012 – Patrimoine de la Ville de Lorient |