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Sécheresse
Carême sans fin en Guadeloupe

Mots clés : Guadeloupe, carême sec, sécheresse
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Marianne AIMAR-DEBIERRE
H2o – juin 2001

 

Ile tropicale humide par excellence, la Guadeloupe connaît depuis le début de l'année une sécheresse sans précédent. Et s¹il ne pleut pas d'ici début juillet, les habitants seront tout simplement privés d'eau.

Le climat se partage en général dans cette région du monde en deux saisons : l'"hivernage" (de juillet à novembre), une saison des pluies et des cyclones bien marquée et un "carême" (de décembre à juin), plutôt sec mais toujours entrecoupé de "grains" pluvieux. Mais voilà, cette année, le carême a occulté toute averse depuis maintenant cinq mois. Quasiment pas une goutte de pluie n¹est tombée sur l¹île et le vent, très chaud et sec cette saison, n'a fait qu¹aggraver le phénomène. Les champs de canne sont brûlés par le soleil, les mares, qui servent traditionnellement de réserve d'eau pour les animaux sont à sec depuis plusieurs semaines, les boeufs et autres animaux d¹élevage maigrissent à vue d'oeil. Les agriculteurs fixent le ciel et les moindres nuages en espérant une averse salvatrice, mais rien n'y fait, il ne pleut désespérément pas. Du côté de l¹industrie touristique, les choses ne vont guère mieux : l'île étant rationnée en eau, les touristes doivent apprendre à vivre sans ce précieux liquide un ou deux jours par semaine. Et les habitants connaissent régulièrement de nouvelles privations : ainsi, depuis le 18 juin, les coupures seront effectives durant 24 heures et ce trois jours par semaine. L'eau, élément vital s'il en est devenue une denrée rare au robinet tout comme dans les magasins qui voient les packs d'eau minérale s'arracher comme des petits pains.

Sécheresse exceptionnelle et mauvaise gestion

En cinquante ans, la Guadeloupe n¹a jamais connu une telle sécheresse : absence quasi totale de précipitations depuis plusieurs mois, alizé fort et sec, tels sont les faits. Mais au-delà de ces constatations, on ne peut que s¹interroger. La Guadeloupe a toujours connu occasionnellement des carêmes secs qui, pourtant, étaient moins dévastateurs. Il est vrai que les haies d'arbres retenaient l'eau, que les mares étaient entretenues et nettoyées et que, surtout, l¹on avait conscience de la préciosité de l¹eau. Aujourd'hui, les arbres ont été arrachés au profit de champs de canne à sucre, les mares sont laissées à l¹abandon et les habitants surconsomment l'eau : lavage de voiture à outrance, remplissage des piscines sans cesse plus nombreuses sur l'île, industrie hôtelière également fort gourmande. Résultat : les besoins dépassent la demande. En temps normal, la pluie équilibre la situation et l'eau coule normalement aux robinets, sauf sur la partie nord-atlantique de l'île où les habitants connaissent chaque année une pénurie de plusieurs semaines durant le carême... Aujourd'hui, sécheresse exceptionnelle oblige, les Guadeloupéens découvrent que l'eau ne tombe pas du ciel et que leur avenir est plutôt sombre.

1,436 milliards de francs nécessaires pour rénover le réseau

Le réseau en eau potable de la Guadeloupe est à la fois vieillissant et obsolète : 50 % de l'eau récoltée disparaît dans la nature tandis que face aux besoins croissants de la population, des industries et de l'hôtellerie, le nombre de canalisations s¹avère insuffisant. Différents projets sont à l'étude et la sécheresse actuelle ne fait qu'accélérer la prise de conscience. Malheureusement, les problèmes ne sont pas prêts d'être résolus... En effet, ce sont, 1,436 milliards de francs qui seront nécessaires à la rénovation et à l'extension du réseau. Et les responsables de la Direction de l¹Agriculture et des Forêts qui ont participé à l'établissement du Docup 2000-2006 sont plutôt alarmistes : il leur semble en effet impossible, malgré les aides étatiques et européennes de réunir une telle somme. La Guadeloupe risque donc de devoir vivre à l'avenir avec des pénuries d¹eau constantes et de réapprendre à économiser cette ressource qui lui fait cruellement défaut. En l'état actuel, les lits des rivières sont à sec, les mares vides, le ciel d'un bleu exaspérant et, de source officieuse, on apprend que la Guadeloupe dispose de 15 jours de réserve en eau potable. Début juillet, les habitants peuvent espérer voir l'eau couler de leurs robinets une à deux heures par jour. Dans le meilleur des cas. .


 

Potable mais pas buvable

La qualité de l'eau du robinet en Guadeloupe est l'objet de bien des polémiques. Des cas de légionellose ont été enregistrés au C.H.U de Pointe-à-Pitre tandis que les habitants se détournent de plus en plus de l¹eau du réseau pour leur consommation. Il faut dire que l'année dernière, toute une partie de l'île a découvert avec surprise que l'eau du robinet était dangereusement contaminée par les pesticides utilisés dans les bananeraies. Aujourd¹hui, du fait des coupures d¹eau, l'eau qui coule des robinets est tantôt blanche comme du lait, rouge terre ou marron ! L'eau minérale a donc le vent en poupe, mais l'industrie locale a bien du mal à approvisionner le marché. Et les eaux venues de métropole (Vittel, Contrex, etc.) se vendent entre 6 et 9 francs la bouteille. Un luxe ici.