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Régions arides : Produire de l’eau potable à moindre coût

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Dossier de
la rédaction de H2o
  
10/08/2022

Dans maints endroits d'Afrique, les eaux de boissons, issues d’eaux souterraines, sont fréquemment chargées en fluor. Il en résulte pour leurs consommateurs d'importants risque de fluorose dentaire, voire, à un stade plus grave, de fluorose osseuse. Au Sénégal, une technique très ancienne, récemment revisitée dans le cadre du projet d’amélioration et de renforcement des points d’eau du bassin arachidier de Kaolack, Diourbel et Fatick, consiste à fixer les ions fluor par adsorption sur des os calcinés. Les os d’animaux collectés dans les abattoirs homologués sont calcinés, broyés, tamisés et mis sous forme d’une colonne, en y associant d’autres types de matériaux (gravier, charbon). L’eau de puits, riche en F-, passe alors à travers cette colonne qui fixera une bonne partie des F- par adsorption sur les fins grains d’os calcinés. Cette technique permet de traiter un grand volume d’eau (concentration en fluor <1,5 mgF-/L) pour un coût de 780 à 2 500 francs CFA pour un mètre cube d’eau traitée (soit de 1,20 à 3,80 euros/m3). Son usage à grande échelle n’a toutefois pu voir le jour à cause de problèmes de goût et d’odeur observés durant le traitement. C’est donc la technique d’osmose inverse qui a été jusqu’à présent promue par les autorités locales, avec quelques installations dans les plus grandes agglomérations. Certes cette technique permet d’avoir une eau de meilleure qualité, mais à un prix très élevé, avoisinant les 8 euros le mètre cube ! Une équipe de l’Institut de Chimie et des Matériaux Paris-Est (ICMPE) a mis au point un nouveau procédé de traitement, basé sur une technique membranaire très simple, accessible et beaucoup moins risquée sur le plan sanitaire, et dont le coût de revient est très comparable à celui de l’adsorption sur os calcinés. Il s'agit de la dialyse ionique croisée : une membrane échangeuse d’anions (MEA) est placée entre deux compartiments (l’un alimenté par l’eau à traiter, l’autre contenant une solution constituée de la même eau enrichie avec du sel de cuisine) pour ne laisser passer que les ions négatifs. La circulation exige peu d'électricité et peut même s'opérer par gravitation. Les essais au laboratoire utilisant des eaux reconstituées se sont montrés très concluants et ont permis d’optimiser les paramètres du procédé ; ils ont été suivis par des essais sur eaux réelles sur un pilote au format A4, suffisant pour produire en une nuit une trentaine de litres, soit la consommation quotidienne d’une famille d’une dizaine de personnes. Le coût de revient reste assez faible du fait de la faible consommation énergétique. Toutefois le dialyseur ionique nécessite d'être nettoyé deux fois par mois ; il s’agit d’un lavage avec des solutions diluées d'acide citrique ou de vinaigre, suivi d’un lavage à la soude ou à la chaux. Fin prêt au niveau technique, le projet est aujourd’hui en attente de financement pour diffuser ces dialyseurs ioniques auprès des usagers.

L'article de Lasâad Dammak
professeur en Sciences des matériaux et Génie des procédés à l'Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne (UPEC)
The Conversation