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Pyrénées françaises : L’impressionnant cocktail toxique détecté dans les lacs de montagne

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Dossier de
la rédaction de H2o
  
10/08/2022

 

Comparées aux plaines envahies par les humains, les montagnes sont un paradis. Un havre pour de nombreux touristes, pour le bétail et bien sûr aussi la faune sauvage. De l’air pur, de l’eau propre, des paysages verts, des reliefs impressionnants et beaucoup de calme. De sombres nuages viennent cependant assombrir le panorama. Le changement climatique a un impact particulièrement important sur ces hauteurs (comme dans l’Arctique et l’Antarctique), dégrade les forêts et aussi les lacs.

Après avoir démontré, en 2014, que le zooplancton des lacs de montagne constitue une barrière biologique qui préserve l’habitat des amphibiens et protège ces derniers du dangereux champignon chytride Batrachochytrium dendrobatidis, à l’origine de la chytridiomycose, une équipe de la chaire Axa d'Écologie fonctionnelle des montagnes de l'École nationale supérieure agronomique de Toulouse a entrepris, en 2016, d'étudier de manière plus approfondie l’évolution des lacs de montagne. Outre l’étude de la dynamique du zooplancton, des bactéries et autres micro-organismes, il s’agissait également de mieux comprendre la pollution chimique de ces eaux. À l'issue de trois années de prélèvements, les résultats sont sidérants puisque l'équipe a pu mettre en évidence 141 molécules différentes dans huit lacs de montagne : deux lacs des Pyrénées ariégeoises, trois lacs du massif du Néouvielle et trois lacs du Béarn. Parmi elles, des fongicides, des herbicides, des insecticides, des pesticides difficilement dégradables, des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des biphényles polychlorés et autres, soit entre 31 et 70 molécules différentes par lac. La plus grande diversité de molécules a été trouvée dans l’étang d’Ayes en Ariège. La pollution chimique des lacs de montagne entraîne une forte modification de la composition de la communauté zooplanctonique et donc du fonctionnement de ces écosystèmes. Cela pourrait être l’une des raisons pour lesquelles les algues prolifèrent dans certains lacs. Au-delà même de cet état de fait, les agents pathogènes pourraient présenter un risque de santé pour l’homme et le bétail de pâturage. Reste la question de savoir comment cette pollution s’est produite. La grande diversité des molécules est très probablement liée au transport atmosphérique : les produits chimiques utilisés en plaine sont soulevés dans l’air par évaporation. Ces masses d’air sont ensuite poussées vers les montagnes, et les substances chimiques qu’elles contiennent s’y déversent sous forme de précipitations. La toxicité élevée de certains lacs de montagne serait ainsi principalement causée par deux molécules : le diazinon et la perméthrine. La première (le diazinon) est utilisée pour lutter contre les blattes, les poissons d’argent, les fourmis et les puces dans les habitations ; la seconde (la perméthrine) se trouve dans les produits de lutte contre les insectes suceurs, comme les moustiques ou les tiques et est utilisée pour protéger les chiens et le bétail. On en trouve aussi dans les insecticides pour les humains. Cela signifie que ces deux molécules ont très probablement été introduites dans les lacs par des sources locales : le bétail, les chiens ou les touristes, et ce en fortes quantités et concentrations.

L'article de Dirk S. Schmeller
professeur de biologie de la conservation, titulaire de la chaire Axa d'Écologie fonctionnelle des montagnes à l'ENSAT, Université de Toulouse III Paul Sabatier
The Conversation