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Près d'un milliard de personnes confrontées à des conflits liés aux cours d'eau d'ici à 2050 ?

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Dossier de
la rédaction de H2o
  
14/07/2023

Le grand barrage de la Renaissance sur le Nil est entré en service en février 2022. Il a renforcé les tensions entre l'Éthiopie, le Soudan et l'Égypte. Ces trois pays sont les plus dépendants de l'eau du Nil. Le Soudan et l'Égypte considèrent le barrage de 4,6 milliards de dollars comme une menace pour leur approvisionnement vital en eaux. L'Éthiopie le considère comme essentiel à son développement. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres conflits qui peuvent surgir entre des États qui partagent des bassins fluviaux. Ces conflits risquent fort de devenir plus fréquents avec l'augmentation des températures mondiales. Des centaines de rivières sont partagées entre deux ou plusieurs pays. Le partage des eaux peut être une source de coopération ou de conflit. Cela dépend des conditions économiques, culturelles et institutionnelles. Cela dépend également des relations historiques entre les pays. Bien que la coopération l'emporte historiquement sur le conflit et que des conflits internationaux violents à grande échelle n'aient pas eu lieu jusqu'à présent, les tensions autour de l'eau existent depuis longtemps. Elles augmentent dans plusieurs bassins fluviaux. Il est toutefois possible d'identifier les bassins où les risques devraient s'aggraver. Pour ce faire, on peut combiner les données sur les conditions de risque de conflit identifiées dans la littérature existante. Une étude récente, conduite en coopération par l'Institute for Water Education de l’UNESCO (IHE-Delft), l’Université libre d'Amsterdam, l'Université d'Utrecht et l'Université de Wageningen, propose trois scénarios concernant les risques de conflit dans les bassins fluviaux transfrontaliers mondiaux. Cette étude prévoit que si rien ne change de manière substantielle dans la gestion des bassins fluviaux transfrontaliers et si le changement climatique s'aggrave, 920 millions de personnes (sur les 4,4 milliards de personnes vivant dans des bassins fluviaux transfrontaliers) vivront dans des bassins à risque de conflit élevé à très élevé d'ici 2050. Si les États améliorent l'utilisation de l'eau, renforcent la coopération et font davantage pour prévenir ou atténuer les conflits, ce nombre tombera à 536 millions.

Les bassins d'Afrique et d'Asie en particulier devraient être confrontés à des risques globaux élevés, car plusieurs risques s'y télescopent. En Afrique, qui compte 66 bassins fluviaux transfrontaliers et où il n'existe pas de consensus sur les mécanismes précis qui alimentent les conflits dans ces bassins, plusieurs bassins sont confrontés à des risques supplémentaires tels que la forte variabilité des flux d'eau et la disponibilité limitée de l'eau. Sur le continent, les bassins à risques se situent en Érythrée, Éthiopie, Rwanda, Ouganda, Kenya, Somalie, mais également au Burkina Faso, au Niger et en Mauritanie, ainsi qu’au Mozambique, au Malawi, au Bénin et au Togo. Dans le bassin du Nil, par exemple, 11 nouveaux grands barrages hydroélectriques pourraient être construits en tenant compte de leur faisabilité : la faisabilité physique, le rendement énergétique et les coûts de construction, et de certaines restrictions telles que les réserves naturelles protégées. 7 de ces barrages seraient situés en Éthiopie et les 4 autres au Sud-Soudan. La construction de ces barrages se faisant dans un contexte de pénuries d'eau croissantes, de fortes dépendances à l'égard de l'eau et de ressources économiques limitées, ces nouveaux barrages pourraient aggraver les effets du changement climatique régional et les besoins en eau, en particulier dans un contexte de croissance démographique et économique. Bien que les spécialistes ne puissent pas prédire quand cela se produira, une sécheresse pluriannuelle dans le bassin du Nil est inévitable. Deux autres grands bassins : le Juba-Shebelle au Kenya, en Somalie et en Éthiopie, et le bassin du lac Turkana au Kenya et en Éthiopie, seront eux-mêmes confrontés à des niveaux élevés de risque de conflit. Dans ces deux bassins, de multiples problèmes, tels que les conflits locaux, le faible développement humain et la disponibilité limitée de l'eau, s'y additionnent déjà aujourd"hui. Cette situation pourrait s'aggraver si des efforts supplémentaires ne sont pas déployés.

Sophie de Bruin, Researcher in Environmental Change, Vrije Universiteit Amsterdam – The Conversation Africa (Johannesburg), AllAfrica