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France
Plaidoyer pour une réforme des redevances des agences de l’eau

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Dossier de
la rédaction de H2o
  
29/09/2023

Après des années sans véritable projet politique en matière de maîtrise des consommations d’eau et de lutte contre les pollutions émergentes, une prise de conscience émerge enfin face à une raréfaction de la ressource due aux effets du changement climatique. Néanmoins, les annonces et les moyens mobilisés, notamment à travers du Plan Eau, ne sont pas à la hauteur des enjeux et, surtout, ne corrigent pas le déséquilibre à la source entre les préleveurs d’eau et les émetteurs de polluants qui pèsent davantage sur les territoires. Pour passer de la prise de conscience à la mise en œuvre concrète de leviers structurants insufflant une réelle transition écologique de la gestion de l’eau, le réseau AMORCE (1 100 adhérents : communes, intercommunalités, conseils départementaux et régionaux, entreprises, fédérations professionnelles et associations) défend dans la loi de finances 2024 une réforme des redevances des agences de l’eau plus équitable entre les grands utilisateurs et plus incitative pour de réelles économies d’eau et réduction des pollutions.

Le communiqué rappelle qu'aujourd’hui, le système des redevances des agences de l’eau génère 2,2 milliards d’euros de recettes annuelles. Sa répartition s’avère fortement déséquilibrée dans la mesure où la part des taxes et redevances pour l’usage domestique prélevées dans le prix de l’eau potable représente près de 83 % des recettes de ces agences (6 % pour l’industrie, 6 % pour l’agriculture…) alors que les services publics d’eau et d’assainissement ne sont bénéficiaires que de seulement 31 % des dépenses en retour et que les ménages consomment seulement 20 % de l’eau en France. Par ailleurs, ce déséquilibre (des redevances de prélèvement de 3 à 20 fois supérieures pour les redevances domestiques comparées à celles des autres secteurs) revient à tolérer un accès quasiment gratuit à l’eau pour les autres préleveurs. Une absurdité qui ne conduit pas l’ensemble des acteurs à modifier leurs comportements en faveur d’un rapport aux prélèvements plus responsable. Un autre point majeur, relève le communiqué, est l’absence d’un signal prix pour lutter efficacement pour les pollutions émergentes. Alors que le réseau AMORCE recensait cet été près de 88 % de collectivités ayant détecté dans leurs captages d’eau potable des métabolites de pesticides, la taxe sur l’usage de pesticides ne représente que 4 % des recettes des redevances. Paradoxalement, les principaux émetteurs de polluants ne sont pas les premiers à devoir contribuer financièrement au traitement de ces pollutions…
Les collectivités appellent à une réforme mettant fin à ces dérives et donnant les moyens d’atteindre les objectifs de la transition écologique. Bien que l’État semble avoir saisi la nécessité d’augmenter les redevances des agences de l’eau, le projet qui se dessine – c’est-à-dire une méthode de financements supplémentaires qui ne corrigent pas les déséquilibres dénoncés – ne permettra pas de mieux gérer la quantité de la ressource et préserver sa qualité sur la base d’efforts réellement partagés. C’est pourquoi AMORCE propose une réforme basée sur trois principes majeurs et indispensables :

  1. Un rééquilibrage des taxes sur les prélèvements pour l’ensemble des usagers, ce qui se traduit par une augmentation des redevances payées par les secteurs du nucléaire, de l’agriculture, de l’industrie et de l’alimentation des canaux. C’est la condition nécessaire pour à la fois rétablir un juste équilibre avec les collectivités et les usagers, mais aussi pour inciter tous les acteurs à la réduction de leurs prélèvements conformément à l’esprit du Plan Eau.
  2. Une multiplication par 5 des redevances de pollutions industrielles et agricoles pour couvrir les besoins de traitements et en parallèle inciter aux changements de comportements. Depuis plusieurs mois, AMORCE dénonce une prise en otages des collectivités démunies de moyens d’actions pour lutter contre la menace des pesticides dans leurs captages. À défaut d’avoir interdit l’usage de ces substances dans les aires d’alimentation, l’État doit s’appuyer sur une taxation réellement dissuasive qui ne soit pas juste un droit à polluer.
  3. La création d’une nouvelle redevance visant les pollutions émergentes (produits d’entretiens et ménagers ; produits générant des microplastiques : matériaux en PVC, textiles synthétiques ; plastiques alimentaires ou cosmétiques contenant des phtalates). Au vu des impacts générés par les pollutions émergentes sur le cycle de l’eau, la responsabilisation des metteurs sur le marché est indispensable, d’une part, pour inciter à la réduction de ces pollutions et, d’autre part, pour éviter que les collectivités – donc indirectement les usagers – soient les seules à supporter le coût des traitements du service public d’eau et d’assainissement.

Au-delà de corriger simplement les injustices dénoncées, cette réforme ambitieuse permettra, selon l'association, de dégager plus d’1 milliard d’euros par an de moyens supplémentaires pour les agences de l’eau et les collectivités. Ce sont ces moyens qui manquent actuellement pour agir efficacement en réduisant les fuites dans les réseaux, en développant les projets de réutilisation des eaux non conventionnelles, en accompagnant les mutations agricoles, ainsi qu’en réduisant et traitant les pollutions émergentes.

En complément de ces propositions financières structurelles, AMORCE insiste sur la nécessité de soumettre à la représentation nationale une grande loi sur l’eau et la transition écologique pour assurer la pérennité du modèle économique et social de la gestion de l’eau en France.

AMORCE