Magazine H2o | Mission d’évaluation ex ante de la directive relative au traitement des eaux résiduaires urbaines | Brèves - Europe

Dessin de tracé de fleuve

Accueil > Brèves > Europe > Mission d’évaluation ex ante de la directive relative au traitement des eaux résiduaires urbaines


France, Rapport de l'IGEDD
Mission d’évaluation ex ante de la directive relative au traitement des eaux résiduaires urbaines

Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
Dossier de
la rédaction de H2o
  
30/06/2025

 

La directive eaux résiduaires urbaines (DERU) de 1991, vient d’être révisée. Approuvée le 27 novembre 2024, cette DERU-2 va imposer une mobilisation à hauteur de ses ambitions. En apparence bâtie sur le même modèle que la directive de 1991, celui d’une directive de "moyens" applicables à toutes les stations dépassant certains seuils, le cas échéant abaissés dans des secteurs où les milieux sont les plus sensibles, la directive révisée fixe des objectifs non seulement aux stations d’épuration mais plus largement aux dispositifs d’assainissement dans leur ensemble. Ces objectifs sont exprimés en proportions croissantes de stations ou d’agglomérations à échéances successives d’ici à 2045, ce qui laisse aux États membres le choix des priorités de sa mise en œuvre.

En matière d’évaluation des coûts, la mission ne peut produire que des ordres de grandeur, qui auront vocation à être affinés dans les mois à venir avec les acteurs de la filière. Certains objectifs tels la réduction de la charge par temps de pluie et le traitement de l’azote et du phosphore peuvent difficilement être chiffrés dès à présent. Ce premier volet ex ante permet toutefois d’établir que l’évaluation de la Commission européenne est globalement sous-estimée. Aussi, la mission a exploré des pistes pour une stratégie nationale de nature à réduire ces coûts, en cohérence avec un calendrier combinant tous les objectifs et échéances de la directive.

Cette stratégie nécessitera également l’adhésion de toutes les parties concernées pour une mise en œuvre partagée. Trois principes devraient la guider : la priorité à l’amélioration de la qualité des milieux, la prise en compte des capacités et des programmations des agglomérations concernées, et, autant que possible, le lissage sur 20 ans de moyens financiers et humains qui devront être augmentés, pour être au rendez-vous des différentes échéances de la directive. Les efforts les plus importants sont attendus pour les deux dernières échéances (2039-2040 et 2045).

Il sera tout d’abord nécessaire de donner de la visibilité à tous les acteurs sur les obligations introduites par la directive, notamment celles liées à l’établissement préalable de listes ou de zonages fondés sur des critères de qualité des milieux. La mission recommande, en premier, de veiller à préciser toutes ces obligations par une clarification de plusieurs termes de la directive et d’établir ces listes et zonages d’ici à fin 2027, en anticipation parfois du calendrier fixé dans le texte. Elle propose d’établir un état des lieux précis, d’une part des programmes des agglomérations, et du "reste à faire" pour atteindre les objectifs de la directive, et d’autre part, des objectifs de qualité des milieux dont l’état est dépendant des rejets des eaux résiduaires urbaines. C’est également au cours de ces trois premières années qu’il sera nécessaire de développer certains outils de base pour la mise en œuvre de la directive : plans de gestion intégrée des eaux résiduaires urbaines, organisation impliquant les "metteurs en marché" de produits pharmaceutiques et cosmétiques, système d’information intégrant l’ensemble des nouvelles dispositions de la directive à renseigner directement par les opérateurs des dispositifs d’assainissement. En termes d’organisation fondée sur la "responsabilité élargie des producteurs", la mission estime juridiquement et politiquement incontournable de confier la collecte des contributions à un nouvel éco-organisme la programmation et le versement des soutiens aux structures de bassin existantes : c’est l’organisation conforme au cadre européen la plus efficace en termes de coût dans l’intérêt de toutes les parties, la seule à même de faire porter cette responsabilité pleinement sur les "pollueurs" selon le principe "pollueur-payeur" et de réduire les coûts de mise en œuvre. Cette première phase doit aussi permettre de recenser rapidement les capacités techniques et financières des maîtres d’ouvrages les plus importants (disposant au moins d’une station d’épuration de capacité de plus de 150 000 EH) pour commencer à bâtir la programmation nationale, le premier programme étant attendu pour fin 2027. Compte tenu du poids relatif de l’agglomération parisienne, c’est au cours de cette période que devrait être construite en priorité une programmation d’ici à 2045 pour le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP).

D’autres paramètres auront vocation à être précisés dans la foulée de cette première phrase, notamment : l’objectif à atteindre en termes de réduction de la charge par temps de pluie et la portée de l’objectif indicatif "non contraignant" de 2 % retenu dans la directive ; la mise en place de la gouvernance et la mobilisation des moyens visant à réduire les rejets de tous les micropolluants (réduction à la source, traitement "quaternaire") ; la confirmation des objectifs à atteindre hors zone sensible pour le traitement de l’azote et du phosphore en particulier en Méditerranée. La mission considère également que la réalisation des audits énergétiques et de nouveaux méthaniseurs devraient être encouragée sans délai, au regard de l’expérience d’ores et déjà acquise et des retours sur investissement qui faciliteront le financement de mise en conformité. Pour tous ces sujets, le programme national, construit de manière itérative sur la base d’échanges avec les bassins, devrait définir des trajectoires différenciées par bassin, y compris ceux des Outre-mer concernés, ciblées en fonction des priorités thématiques et territoriales. Ces trajectoires pourraient, le cas échéant, à l’échelle des bassins, sous-tendre des mécanismes de soutien différenciés aux maîtres d’ouvrage visant à atteindre les objectifs fixés par la directive le plus tôt possible, et accompagner de manière appropriée ceux qui en sont le plus éloignés. Les soutiens financiers devront de toute façon être augmentés et ajustés dès la révision des programmes en cours.

En rupture avec la démarche de mises en conformité récurrentes de la DERU-1, la mission estime que la mise en œuvre de cette nouvelle directive nécessite une organisation et des moyens adaptés pour associer le plus largement toutes les parties concernées : chef de projet placé à la Direction de l’eau et de la biodiversité, feuille de route interministérielle associant les directions générales concernées, implication dès le départ des communautés d’agglomérations et de leurs associations, commande aux opérateurs de l’État dans une logique de complémentarité et renforcement raisonnable mais indispensable des moyens des services. Les instances de gouvernance (Comité national de l’eau, comités de bassin) devront également être mobilisées dans la durée. Cette méthode sera également utile pour éteindre le contentieux en cours sur la directive de 1991.

La réussite de la mise en œuvre de la directive passera par son efficacité économique. Celle-ci requiert la mobilisation de tous, conjoints et solidaires, pour l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme national sur une durée de 20 ans. 

IGEDD