Autres catégories
France |
![]() |
![]() |
![]() |
Dossier de la rédaction de H2o   |
||
06/07/2025 | ||
Après plusieurs décennies de déclin dû à la chasse, la disparition des habitats humides et la pollution des eaux de surface, la loutre d'Europe (Lutra lutra) a disparu de la quasi-totalité du territoire français durant la première moitié du XXe siècle. Dans les années 1980, l’espèce devient protégée en France et sa chasse est interdite. Seules quelques populations subsistent alors sur la façade atlantique et dans le Massif central. Depuis 2009, ces trois noyaux se sont peu à peu étendus, jusqu’à se rejoindre dans une vaste continuité géographique et les loutres colonisent aujourd’hui de nouvelles régions, comme la Bourgogne, les massifs montagneux ou les rivières proches de la Méditerranée. Une bonne nouvelle pour ce petit carnivore charismatique, discret et aujourd’hui encore menacé. Pour parvenir à ces résultats, une équipe de chercheurs du Centre d’écologie fonctionnelle & évolutive (CEFE, CNRS/EPHE-PSL/IRD/Université de Montpellier) et du Laboratoire de biométrie et biologie évolutive (LBBE, CNRS/Université Lyon 1/VetAgro Sup) et leurs collègues ont mobilisé une quantité exceptionnelle de données : plus de 40 000 observations de traces et d’empreintes (en particulier les déjections de la loutre, qui s'avèrent facilement reconnaissables par leur aspect caractéristique et leur odeur de miel), issues à la fois de suivis standardisés et de signalements opportunistes réalisés par des bénévoles, naturalistes et gestionnaires d’espaces naturels. Ces données très hétérogènes ont été combinées à l’aide d’un modèle statistique innovant adapté aux espèces discrètes et difficiles à détecter, capable de prendre en compte les biais d’observation et les préférences écologiques de l’espèce, telles que la qualité des berges ou la présence de poissons. Au fil de sa recolonisation, la loutre montre une remarquable capacité d’adaptation à des habitats variés, au-delà de ses bastions traditionnels isolés des installations humaines et riches en ressources. Cette plasticité écologique laisse espérer une installation durable de l’espèce, à condition que ses habitats restent protégés et connectés. Car si la carte montre une continuité géographique, rien ne garantit encore un brassage génétique suffisant entre les populations, parfois encore isolées par les routes, les barrages ou l’urbanisation. Ce travail illustre également l’importance de la science participative : sans les milliers de données collectées par des observateurs bénévoles, il aurait été impossible de suivre cette recolonisation à l’échelle nationale. Cette étude fournit une méthode reproductible pour suivre d’autres espèces discrètes ou en expansion, à l’heure où la biodiversité fait face à des bouleversements rapides.
|