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France
État des lieux de la présence de composés perfluorés dans les eaux de surface

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Dossier de
la rédaction de H2o
  
12/01/2023

Une présence importante… et probablement très sous-estimée par les méthodes d’analyse employées

Les composés per- et poly-fluoroalkylés, appelés plus communément perfluorés ou PFAS (per and polyfluorinated alkyl substances en anglais) constituent une  famille chimique complexe regroupant près de 4 500 composés distincts. Ces substances sont très persistantes dans l’environnement, ce pourquoi elles sont souvent surnommées "polluants éternels". Des études scientifiques ont associé l’exposition à un certain nombre de PFAS à des effets néfastes graves sur la santé : des cancers, des effets néfastes sur les systèmes reproductif et hormonal (certains sont des perturbateurs endocriniens) ainsi que sur le système immunitaire (y compris une diminution de la réponse immunitaire vaccinale). Une proposition de restriction au niveau européen a été préparée par le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède et sera soumise à l’ECHA le 13 janvier 2023. Quant à la France, elle doit publier un plan d’actions sur les PFAS ce mois de janvier 2023.

Générations Futures a souhaité en savoir plus sur la présence de PFAS dans les eaux superficielles (rivières, lacs, étangs…) en France. Elle a donc demandé à un prestataire d’extraire les données de la base Naïades concernant ces substances pour l’année 2020. Les recherches montrent des résultats très préoccupants. En résumé :

  • 18 PFAS ont été recherchés au moins une fois dans les eaux superficielles françaises en 2020 dans près de 13 000 échantillons (de 6 à 440 échantillons analysés par département) ;
  • Au moins un PFAS a été retrouvé dans près de 4 échantillons sur 10 (36 % des cas). Ce chiffre est supérieur de 11 % par rapport aux résultats d'une étude de l'ANSES de 2011 servant toujours de référence ;
  • Dans 2 départements (Paris et les Hauts-de-Seine), 100 % des échantillons prélevés contiennent au moins 1 PFAS pouvant être quantifié ; 
  • Dans 57 départements, au moins 1 PFAS a été quantifié dans plus de 50 % des analyses effectuées. A contrario, aucun PFAS n’a été quantifié dans les analyses effectuées pour seulement 5 départements ;
  • Le nombre de PFAS retrouvé diffère également selon les départements et varie de 0 à 11 PFAS.

Ces données montrent que la pollution aux PFAS en France est très étendue et concerne presque tout le territoire. Toutefois, l’interprétation de ces résultats est rendue compliquée du fait de grande disparité dans les méthodes d’analyses utilisées dans chaque département et pour chaque PFAS. L’ensemble des 18 PFAS suivis dans ce rapport n’ont pas tous été recherchés dans tous les départements : le nombre de PFAS recherchés varie de 1 à 16 selon les départements. La fréquence des recherches est aussi très variable de 6 à 440 échantillons analysés en 2020. Cela permet à certains PFAS de ne pas être repérés. Par ailleurs, les limites de quantification (LOQ) varient grandement pour un même PFAS : jusqu’à 500 fois plus élevée d’un département à l’autre ! Dans les départements avec des LOQ élevées des PFAS peuvent ainsi être présents mais tout bonnement non quantifiés ! Considérant ces disparités, c’est l’évaluation de la présence de tous les PFAS dans les eaux superficielles qui est faussée, les chiffres fournis sous-estimant leur présence et donnant une impression faussement rassurante pour de nombreux départements et PFAS…

Des avancées sont intervenues depuis 2020 avec notamment l’arrêté du 26 avril 2022 qui prévoit le suivi de 5 PFAS dans les eaux de surface à des LOQ en baisse (à 2 ng/l). Toutefois ces avancées s'avèrent insuffisantes pour fournir une vision claire des PFAS dans notre environnement. Ainsi certains PFAS très problématiques comme le PFNA (cancérogène possible et reprotoxique probable) ne font pas partie de la liste française.

Une proposition de révision de la directive cadre sur l’eau (DCE) prévoit d’inclure un total de 24 substances PFAS dans la liste des substances dites "prioritaires". Dans ce cadre, la valeur sanitaire dans les eaux de surface sera de 4,4 ng/l pour la somme des 24 PFAS identifiés… En réalité, les limites de quantification devront être très basses si l'on souhaite prendre en compte toutes les traces de PFAS ; aujourd’hui, certaines agences de l’eau quantifient certains PFAS à des niveaux de seulement 0,2 ng/l.

Générations Futures demande au gouvernement, qui s'est donc engagé à publier un plan d’action, d’imposer aux agences de l’eau et aux laboratoires accrédités de : rechercher partout sur le territoire, et en particulier dans les zones de captage pour l’eau potable, les 24 PFAS jugés prioritaires par la commission européenne sans attendre la date d’entrée en vigueur de la directive cadre sur l’eau révisée ; utiliser les méthodes d’analyses avec les limites de quantifications les plus basses techniquement possibles pour tous les PFAS, en visant la valeur de 1 ng/l, voire de 0,2 ng/l ; soutenir une proposition d’interdiction de l’ensemble des PFAS dans l’Union européenne ; enfin, peser de tout son poids pour relancer les négociations sur la révision du règlement REACh, nécessaire pour une bonne régulation des PFAS et pour mener à bien la proposition de restriction de tous les PFAS.

Rapport "PFAS dans les eaux superficielles en France" – Générations Futures