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Maroc
Stop au gaspillage de l'eau !… Une campagne qui se trompe de cible

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Dossier de
la rédaction de H2o
  
08/08/2022

Les alertes annonçant une catastrophe hydrique se sont multipliées et, au Maroc, il ne se passe pas une semaine sans que les citoyens aient droit à une sortie d'un responsable avertissant de la situation inquiétante des ressources hydriques du pays. Le ministère de l'Équipement et de l'Eau annonçait dès début juillet l’état "d'urgence hydrique", en raison de la diminution des ressources en eau et de l'augmentation de la consommation, et simultanément le lancement d'une campagne de sensibilisation intitulée "Stop au gaspillage de l'eau", ciblant tous les segments de la société : citadins, villageois ou agriculteurs. Les capsules ont été diffusées sur les chaînes publiques et les réseaux sociaux dans le but de renforcer, précise le communiqué, "la prise de conscience de la société marocaine, afin de relever le défi collectif face à la pénurie aiguë de cette ressource vitale". Pourtant, au regard de l’auteur de l’article, cette campagne suscite autant de questions que de réponses. D'abord, pourquoi le ministère cherche à impliquer les citoyens sachant que le taux de consommation d'eau par les ménages est très faible. En effet, un document du HCP intitulé "Modélisation de la consommation en eau intersectorielle dans l'économie marocaine" a révélé que l'agriculture pèse pour 87 % de la consommation directe annuelle en eau. Elle est suivie des secteurs Administration publique/Éducation/Santé (5 %), BTP (2 %), commerce (1 %), électricité & eau (1 %) et hôtels & restaurants (1 %). Les 3 % restants sont partagés entre d'autres secteurs. En outre, le document indique que "la consommation d'eau dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche/aquaculture est élevée par rapport à leurs productions respectives. […] ce sont des exemples typiques de secteurs stratégiques de l'économie marocaine ayant une faible efficacité d'utilisation de l'eau", souligne le document. L’auteur souligne par ailleurs qu’il serait légitime de s'interroger sur le sort des mesures annoncées visant à augmenter le rendement du réseau de distribution de l'eau potable dans le but d'atteindre un taux de 80 % contre 50-60 % actuellement, à réutiliser les eaux usées (300 millions de mètres cubes) et à procéder au dessalement de l'eau de mer (400 millions de mètres cubes à l'horizon 2030). Enfin, qu'en est-il également des recommandations préconisées par la Cour des comptes, ayant recommandé à titre d’exemple dans son rapport annuel 2019-2020, de réaliser les projets matures de connexions interbassins et de développer la gestion écosystémique pour mieux protéger les barrages contre l'envasement. En matière de valorisation de l'eau dans l'irrigation, la Cour des comptes préconise de veiller à la synchronisation des aménagements hydroagricoles en aval des nouveaux barrages tout en encourageant le recours aux sources non conventionnelles, notamment le dessalement, la réutilisation des eaux usées et la collecte des eaux pluviales. Concernant la préservation des ressources en eau, la Cour des comptes préconise une amélioration de la délimitation et de la protection du domaine public hydraulique et la mise en place des conditions nécessaires à l'application du principe pollueur-payeur, ainsi que le renforcement de la police de l'eau. La Cour estime également que le système tarifaire n'est plus adapté à une gestion rationnelle de la ressource.

De son côté, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) faisait état, dès 2014, des difficultés liées à l'accès des populations du monde rural à l'eau potable ; de l'absence d'accès généralisé de la population au service de l'assainissement et de dépollution ; de l'importance de la surexploitation d'un grand nombre de nappes ; de la dégradation de la qualité naturelle des ressources en eau superficielles et souterraines par les activités humaines  ; de l'importance des pertes d'eau dans les réseaux d'eau potable ; de la faiblesse de valorisation des eaux utilisées pour l'irrigation ; de la faiblesse de mobilisation des ressources en eau non conventionnelles. Un état des lieux qui semble perdurer jusqu'à aujourd'hui. La question qui se poserait donc est la suivante : Est-ce au citoyen de payer les pots cassés ?

Hassan Bentaleb, Libération (Casablanca) – AllAfrica 

Sur la campagne elle-même du ministère de l'Eau :
Maghreb Arabe Presse (Rabat) – AllAfrica