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Dessin de tracé de fleuve

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RDC
Quand la quête d'eau fragilise la santé des Congolaises

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Dossier de
la rédaction de H2o
  
28/11/2010

Plusieurs quartiers de Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, ne sont pas approvisionnés en eau potable. Les femmes doivent donc faire la navette entre leur domicile et les points d'approvisionnement pour aller puiser de l'eau qu'elles transportent dans de lourds récipients, au péril de leur santé. Un seau de 20 litres en main, Mampasi Nzita tente d'enjamber une grande flaque d'eau, issue de la pluie de la veille, à l'entrée de sa parcelle. Pour subvenir aux besoins de sa famille de cinq personnes, elle fait plus de dix trajets aller-retour pour puiser de l'eau. Aller chercher de l'eau à 600 ou 700 mètres de là, c'est son lot quotidien. Son quartier, et c'est aussi le cas de dizaines d'autres à Kinshasa, n'est pas approvisionné en eau potable. En trente ans, la population de la ville a doublé. Des quartiers entiers sont nés de manière spontanée. Entretemps, la Régie de Distribution d'Eau, seule entreprise chargée de cette tâche, n'a pas suivi cette évolution, tout comme les infrastructures. Résultat: des milliers et des milliers de personnes sont obligées d'aller chercher de l'eau à plus de 500 mètres de chez eux au quotidien. Habituées à s'acquitter des tâches ménagères, les femmes se mettent en quête d'eau à la mi-journée ou le soir. Femmes de ménage, femmes au foyer, élèves, étudiantes, vendeuses ou employées, aucune n'échappe à la règle. Chaque jour, il faut un minimum de 10 litres d'eau par personne, selon les normes internationales de santé publique. Combler ses besoins de consommation d'eau, de vaisselle, de lessives et de soins quotidiens s'avère un chemin de croix pour plusieurs femmes. Mbuyi Malaba, fille unique de 17 ans, le vit au quotidien. "Chaque jour, je me lève vers 5h30 car je dois aller puiser de l'eau pour que ma mère et mes frères se lavent. Maman travaille et mes frères vont tous les deux à l'université. Ensuite, je dois chercher de l'eau pour me laver. Il m'arrive d'être fatiguée après seulement trois heures de cours et de somnoler en classe. Je sens bien que cela me discrédite auprès de mes enseignants mais je n'y peux rien." Pour Mbuyi, en effet, pas question de choisir entre puiser de l'eau et réussir à l'école comme le lui dit sa mère. Elle doit s'acquitter de toutes ces tâches avec succès comme toutes les filles de son âge.

Gertrude Nkoy, elle, vit déjà les conséquences de ces années de corvée. Vendeuse de sacs à quelques kilomètres de chez elle, elle ne peut emmener sa marchandise jusqu'au point de vente car elle a des douleurs à toutes les articulations. Elle ne peut même plus étaler les sacs sur la table. Pour cela, elle doit se faire aider par son fils. "J'ai mal partout. Et cela empire pendant la saison sèche quand il fait le plus froid." Ces douleurs sont associées à la collecte d'eau. Le Dr Mpezo Mamona, médecin généraliste congolais, est formel. Il est le promoteur du centre de santé et de maternité L'espérance, situé à Makala, l'une des communes les plus pauvres de Kinshasa. Ici, le manque d'approvisionnement en eau potable est également omniprésent. Et dans son centre de santé, le Dr Mpezo reçoit un grand nombre de femmes, dont le mal provient sans conteste de leurs corvées quotidiennes. Le poids souvent très lourd des récipients avec lesquels ces femmes vont chaque jour chercher de l'eau et la distance qu'elles doivent parcourir entre leur domicile et le point d'approvisionnement en eau provoque à la longue plusieurs maux : rhumatisme et arthrose notamment. Le plus grave est que c'est souvent la colonne vertébrale qui est touchée. Et c'est sans compter les nombreuses fractures et traumatismes engendrés par les chutes fréquentes vu le piteux état des routes non asphaltées des quartiers non urbanisés. Cette situation est aggravée par la cherté des soins qui ne sont pas pris en charge par le gouvernement. Un autre problème, selon lui, est la banalisation de ces souffrances des femmes par la société et par les femmes elles-mêmes : "Elles pensent que c'est normal de souffrir, que c'est le poids de l'âge et qu'elles n'y peuvent rien. Celles qui en ont les moyens prennent des antidouleurs et c'est tout. Pourtant, nous ne cessons de leur faire comprendre que si l'on soigne ces douleurs à temps et en allant à la source du problème, on peut booster leur espérance de vie. Mais rares sont celles qui tiennent compte de notre avis. Le plus difficile pour elles, c'est de changer de train de vie et de réduire le plus possible les corvées. Elles déclarent n'avoir personne pour le faire à leur place."

Mila Kimbuini, Gender Links (Johannesburg) – AllAfrica 22-11-2010