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Maroc
La solution réside dans des approches alternatives plus durables

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Dossier de
la rédaction de H2o
  
07/07/2025

Le Programme national d'approvisionnement en eau potable et d'irrigation (PNAEPI) 2020-2027 "poursuit sa route lentement mais sûrement", selon Nizar Baraka, ministre de l'Équipement et de l'Eau, intervenu à la Chambre des représentants lors de la séance des questions orales.

Le PNAEPI 2020-2027 a fait l'objet d'une accélération notable de ses objectifs à mi-parcours, a-t-il précisé en indiquant que le programme a évolué en incluant un nouveau volet visant la construction de 150 barrages supplémentaires d'ici 2028, en partenariat avec le ministère de l'Intérieur et les autorités territoriales. Cette dynamique vise à augmenter la capacité nationale de stockage de 4 milliards de mètres cubes s'ajoutant aux 20,5 milliards de mètres cubes actuels, soit une augmentation de près de 20 % de la capacité de rétention. En parallèle, entre 40 et 44 barrages de petite et moyenne taille sont programmés en coopération avec les conseils régionaux. Cette orientation va dans le sens d'une hydraulicité de proximité, essentielle pour répondre aux besoins en eau potable et irrigation dans les zones rurales éloignées, souvent marginalisées dans les politiques hydrauliques centralisées. Un autre volet structurant du programme concerne la connexion entre les bassins d'Abou Regreg et d'Oum Er-Rbia. Ce transfert interbassins permettra, selon toujours le ministre, de réorienter 800 millions de mètres cubes d'eau qui se perdaient jusqu'ici dans la mer, pour les affecter à un bassin en stress hydrique chronique.

Si ces mesures témoignent de la volonté de renforcer la gouvernance hydraulique, selon plusieurs experts, ces derniers estiment cependant que la multiplication des projets de barrages pose plusieurs problèmes structurels. "D'abord, elle perpétue une logique d'infrastructure lourde héritée des politiques hydrauliques centralisées du XXe siècle, au détriment d'approches alternatives plus durables telles que la gestion de la demande, la réutilisation des eaux usées ou encore la recharge des nappes phréatiques", expliquent-ils. "Cette fuite en avant infrastructurelle occulte les limites écologiques et sociales de la multiplication des barrages : fragmentation des écosystèmes fluviaux, déplacement des populations rurales, concentration des ressources au profit des grands périmètres irrigués, et risques accrus de conflits d'usage en période de pénurie. Autant de dimensions qui ne semblent pas être prises en compte dans la rhétorique triomphante entourant l'expansion du PNAEPI." S'agissant en particulier des transferts interbassins, les spécialistes considèrent qu’ils relèvent d’une "approche techniciste de courte vue, qui privilégie la captation et la redistribution de volumes d'eau sans remettre en cause les modèles de consommation intensifs, en particulier dans l'agriculture irriguée". Le risque est d'accentuer une spirale extractiviste, dans laquelle chaque solution à la pénurie ne fait que repousser les limites écologiques sans modifier les causes structurelles du stress hydrique : monocultures gourmandes en eau, urbanisation non planifiée, pertes colossales dans les réseaux, ou encore absence de mécanismes de tarification incitative.

En conclusion, si le PNAEPI 2020-2027, dans sa phase actuelle de redimensionnement, affiche des résultats prometteurs en matière de mobilisation des ressources hydriques et de modernisation des infrastructures, sa réussite à long terme dépendra de sa capacité à conjuguer efficacité hydraulique, équité territoriale et soutenabilité environnementale. "Une évaluation plus fine, à travers des indicateurs qualitatifs et quantitatifs consolidés, devra être conduite à la clôture du programme en 2027, pour en tirer des enseignements durables."

Hassan Bentaleb, Libération (Casablanca) – AllAfrica