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Persistance des résidus de pesticides dans les sols

Dossier de
la rédaction de H2o
  
25/05/2023

La contamination de l’environnement par les résidus de pesticides fait depuis de nombreuses années l’objet d’une surveillance pour les milieux aquatiques et l’atmosphère. Ce n’est pas encore le cas pour les sols. Or, les quelques études récentes européennes, impliquant notamment l'INRAE et l’IFREMER, laissent entrevoir la présence de nombreuses substances dans les sols et les risques pour la biodiversité qui en découlent. 

Afin d’approfondir ces premiers résultats, des chercheurs de lINRAE ont collaboré avec des scientifiques de l’Université de Bordeaux dans l’objectif d’évaluer la contamination par les pesticides de près d’une cinquantaine de sols, prélevés dans toute la France métropolitaine. En se basant sur le Réseau de mesures de la qualité des sols (RMQS), ils ont pu mesurer la persistance de ces substances et les risques associés pour la biodiversité des sols. En résultat : 98 % des sites étudiés présentent au moins une substance. Au total, 67 molécules différentes ont été retrouvées, majoritairement des fongicides et des herbicides. Les parcelles de grandes cultures sont les plus contaminées, avec jusqu’à 33 substances différentes retrouvées dans un seul site, et une moyenne de 15 molécules dans les sols. Plus inattendu, dans les sols sous forêts, prairies permanentes, en friche ou en agriculture biologique depuis plusieurs années, plus de 32 pesticides différents ont été détectés, à des concentrations majoritairement plus faibles que pour les sites en grandes cultures. Les molécules les plus fréquemment détectées sont le glyphosate et l’AMPA, son métabolite principal, présents dans 70 % et 83 % des sols prélevés. Des fongicides de la famille des triazoles (époxiconazole) ou des fongicides inhibiteurs succinate deshydrogénase (SDHI) sont également retrouvés dans plus de 40 % des sites, tout comme des insecticides de la famille des pyréthrinoïdes comme la tefluthrine. Si la majorité des substances recherchées sont utilisées uniquement en agriculture conventionnelle, quelques molécules peuvent cependant être utilisés en agriculture biologique, comme les pyréthrinoïdes. Si les herbicides contribuent le plus aux concentrations totales en pesticides retrouvées dans les sols, le risque majeur estimé pour les vers de terre est dû aux insecticides et aux fongicides. Les risques de toxicité chronique pour ces vers de terre sont modérés à forts pour toutes les parcelles cultivées.

Ces travaux de grande ampleur démontrent une persistance inattendue des molécules de pesticides dans l’environnement, bien au-delà de leur temps de dégradation théorique et à des concentrations supérieures à celles escomptées. Ces résultats soulignent un besoin accru de surveillance des sols, qui pourrait s’appuyer en France sur le réseau national RMQS, en place depuis plus de 20 ans.

Pesticide Residues in French Soils: Occurrence, Risks and Persistence – Environmental Science & Technology
INRAE