H2o Magazine


Recherche
Des herbiers aquatiques à la rescousse de la qualité de l’eau

Dossier de
la rédaction de H2o
  
15/03/2023

La biologiste Morgan Botrel et son équipe ont cherché à évaluer le pouvoir filtrant d’un herbier aquatique situé à l’exutoire des rivières Saint-François et Yamaska. Les plantes constituant cet herbier, la vallisnérie américaine principalement, interceptent une partie de l’azote ruisselant des terres agricoles environnantes.  Concrètement, ces plantes favorisent la rétention ou l’élimination de l’azote de deux manières, en premier lieu le temps de leur croissance en absorbant ce nutriment et le stockant dans leurs tissus ; par ailleurs, en servant d'abri à des bactéries qui "respirent" les molécules à base d’azote et les évacuent sous forme gazeuse vers l’atmosphère.

Pour réaliser leur projet de recherche, la biologiste et sa directrice de doctorat, la professeure Roxane Maranger, de l’Université de Montréal, ont donc passé le râteau six étés durant dans le lac Saint-Pierre, mais aussi installé une sonde pour mesurer la concentration d’azote en aval de l’herbier. D’autres relevés permettaient de connaître la quantité d’azote charriée par les rivières Saint-François et Yamaska en amont. En résultat, il est apparu que l’herbier de 10 kilomètres carrés retenait de 50 à 90 % de l’azote provenant des affluents. Sans surprise, plus les plantes étaient abondantes, plus le filtre était efficace. Ces résultats ont été publiés en septembre 2022 dans la revue Water Resources Research. Surtout, les scientifiques ont constaté que le niveau de l’eau influait beaucoup sur la quantité de plantes, et donc sur la rétention d’azote. Quand l’eau est trop basse, les plantes aquatiques manquent d’espace pour se développer. Quand elle est trop haute, la lumière du soleil ne leur parvient pas. "Avec les changements climatiques, les extrêmes seront favorisés : on verra donc davantage de niveaux d’eau très bas, ou très hauts, et des précipitations très intenses. On pense que la capacité épuratoire [de cet herbier du lac Saint-Pierre] va diminuer", prévient Morgan Botrel.

Selon une autre étude signée par Morgan Botrel et Roxane Maranger, parue en février 2023, les milieux de ce type sont en déclin à l’échelle mondiale. La dégradation des herbiers est plus forte en Asie. En Europe, une certaine amélioration s’observe depuis les années 1980.

Alexis Riopel – Courrier de la planète/Le Devoir

Publications
Climate-Driven Variations in Nitrogen Retention From a Riverine Submerged Aquatic Vegetation Meadow – Water Resources Research (2022)
Global historical trends and drivers of submerged aquatic vegetation quantities in lakes – Global Change Biology (2023)