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Eaux usées industrielles : Même les stations d'épuration modernes n'épurent pas tout

Dossier de
la rédaction de H2o
  
28/08/2022

Certaines sources de pollution chimique du milieu aquatique, comme l'agriculture ou les eaux usées communales, sont désormais assez bien connues. Mais les connaissances sur la quantité et la diversité des composés organiques synthétiques rejetés dans les eaux usées des industries liées à la production et de la fabrication de produits chimiques sont lacunaires et ponctuelles. Cela n'est pas sans poser problème, car parmi ces substances se trouvent des composés disposant d’une durée de vie très longue et qui s'accumulent dans les organes des organismes ou qui peuvent favoriser la formation de résistances, à l'instar des antibiotiques. De plus, de nombreuses substances passent pour ainsi dire à travers les mailles du filet de la surveillance habituelle, car elles ne sont tout simplement pas recherchées. Dans leur étude, les chercheurs de l'EAWAG, dirigés par Heinz Singer et Kathrin Fenner, ont analysé sur plusieurs mois les eaux usées épurées de 11 stations d'épuration devant aire face à des pourcentages très différents d'eaux usées industrielles (de 0 à 100 %). La campagne a permis de tirer trois conclusions principales : 1. Plus de substances et des concentrations plus élevées que dans les eaux usées domestiques : les eaux usées industrielles traitées contiennent parfois jusqu'à 15 fois plus de substances et des concentrations de composés organiques synthétiques supérieures d'un à deux ordres de grandeur, avec des variations nettement plus importantes que dans les eaux usées domestiques ; 2. Reflet des processus de production : la diversité chimique des eaux usées est très spécifique au site et reflète les processus de fabrication des entreprises concernées, mais elle est également fortement influencée par d'autres facteurs tels que le type et l'étendue du prétraitement des eaux usées, la façon dont les entreprises envoient leurs eaux usées à la station d'épuration ou encore le fonctionnement des stations d'épuration ; 3. Des mélanges complexes : parmi l'énorme quantité de substances trouvées, il peut y avoir des composés toxiques qui représentent une menace pour la biodiversité aquatique, cela s'explique notamment par le fait que les émissions très fluctuantes entraînent des pics de concentration inattendus et ce dans des compositions chimiques en constante évolution. Des substances chimiques non enregistrées ont également été trouvées. Les chercheurs en concluent que la pratique courante n'est pas suffisante pour contrôler et éventuellement améliorer la qualité de l'eau. Aujourd'hui, on analyse généralement une liste standard de polluants cibles ainsi que certains paramètres cumulés au lieu d'examiner attentivement chaque site. C'est pourtant la seule façon d'établir des programmes de surveillance sur mesure et de prendre des mesures si nécessaires, écrivent les scientifiques.

EAWAG

Article original "Large-scale assessment of organic contaminant emissions from chemical and pharmaceutical manufacturing into Swiss surface waters" – Water Research
Version simplifiée – Water Science Policy