H2o Magazine


Tunisie
AEP : Le pays dans le déni ?

Dossier de
la rédaction de H2o
  
17/08/2022

L'eau devient de plus en plus rare en Tunisie. La sécheresse n'est pas le seul facteur, ce sont également le gaspillage et le pillage des ressources en eau qui enfoncent le clou. Cela n'est pas sans répercussion sur le droit des citoyens à l'accès à l'eau, mais aussi sur sa qualité. Si pour les autorités il est devenu obligatoire d'adopter une stratégie de maîtrise de l'eau en vue de protéger les besoins des futures générations, pour la population, c'est notamment la qualité de l'eau qui les inquiète. Récemment, le rapporteur de l'Organisation des Nations unies était en visite en Tunisie pour revenir sur la situation de l'accès à l'eau dans notre pays et notamment dans les régions intérieures. Son rapport accuse les autorités de priver certaines localités d'eau potable et dénonce également la dégradation de la qualité de l'eau dans certaines régions. "La pénurie d'eau ne peut justifier le non-respect des droits de l'homme à l'eau potable et à l'assainissement. Le gouvernement tunisien doit donner la priorité à l'eau potable, en réservant la meilleure qualité d'eau disponible pour la population, indépendamment de la rentabilité d'autres utilisations telles que l'irrigation agro-industrielle ou l'exploitation des phosphates", a déclaré le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l'homme à l'eau potable et à l'assainissement, Pedro Arrojo-Agudo. Pour lui, si le gouvernement a pris des mesures pour améliorer les systèmes d'assainissement urbains, "les populations rurales ne bénéficient d'aucun soutien et sont confrontées à des approvisionnements contaminés". Arrojo-Agudo s'est inquiété également de fuites entraînant de fréquentes coupures d'eau et des intrusions de contaminants dans le réseau qui compromettent la potabilité de l'eau, et a appelé les autorités à promouvoir un plan de rénovation des réseaux. "Je suggère de fournir chaque semaine aux communautés rurales et aux écoles une petite quantité d'eau potable par personne pour la consommation, afin de leur éviter de tomber malade ou de devoir acheter de l'eau", a-t-il déclaré. "J'espère un processus de décentralisation, dans lequel les municipalités joueraient un rôle de plus en plus important dans les services d'eau et d'assainissement", a conclu l'expert.

Ces déclarations ne sont pas passées inaperçues des autorités. La réponse est immédiatement venue du ministre de l'Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, qui a réfuté ces affirmations, ajoutant que l'accès à l'eau en Tunisie est garanti et que les coupures sont causées par les longues périodes de sécheresse. Selon le ministre Mahmoud Elyes Hamza certaines données et chiffres relatifs à la situation du secteur hydraulique en Tunisie sont "erronés" et "infondés". Selon l'Institut national des statistiques (INS), la quasi-totalité de la population tunisienne serait desservie en eau potable. Pourtant, dans certaines zones rurales, près d'un ménage sur deux ne dispose pas d'eau courante. Cela est dû notamment aux coupures répétitives de l'approvisionnement en eau. Les autorités reconnaissent qu'en 2020, quelque 200 000 personnes n'ont pas eu accès à l'eau. Les experts accusent non seulement un manque de précipitations ou une baisse du niveau des barrages, mais aussi la dégradation des écosystèmes de l'eau depuis plus de 25 ans.

En tout cas, même avec un accès à l'eau convenable, c'est sa qualité qui dérange les habitants. Récemment, dans les quartiers du Grand Tunis, plusieurs citoyens se sont plaints de l'odeur nauséabonde qui se dégage de l'eau du robinet.

Mohamed Khalil Jelassi, La Presse – AllAfrica