H2o Magazine


Soudan du Sud
Après les réfugiés de la guerre, les réfugiés climatiques

Dossier de
la rédaction de H2o
  
08/07/2022

Le Canadien Reza Eshaghian a participé à près d’une dizaine de missions avec Médecins sans frontières (MSF), mais jamais ce médecin n’a été témoin d'effets aussi dramatiques des changements climatiques sur la santé des gens que lors d’une récente mission au Soudan du Sud. Plus de cinq ans après sa première mission au Soudan du Sud en 2016, en pleine guerre civile, le Dr Reza Eshaghian a pu constater l'aggravation de la situation dans ce pays aux prises avec des inondations historiques. Lors de son déplacement à la fin de 2021 et au début de 2022, le médecin de Vancouver a observé que les camps accueillant les réfugiés de la guerre civile sont maintenant aussi des camps pour réfugiés climatiques. "Normalement, on participe à des projets où les gens ont été déplacés à cause de conflits. Cette fois-ci, c’était de toute évidence en raison des changements climatiques. Depuis 2018, le Soudan du Sud a connu des précipitations supérieures à la moyenne, causant des inondations sans précédent. L'année 2021 a été particulièrement dévastatrice. Dans plusieurs régions, les eaux ne se sont jamais retirées et les fortes précipitations continuent", explique à Radio-Canada le Dr Eshaghian. Dans les États de Jonglei, d’Unity et d’Upper Nile, des centaines de milliers de personnes ont dû fuir leurs maisons. Ces réfugiés sont désormais isolés dans d’énormes enceintes entourées de digues de boue, de bâtons et de bâches de plastique qui retiennent l’eau des crues. Lorsque l’avion du Dr Eshaghian a survolé le camp de Bentiu, dans l’État d’Unity, il a été estomaqué par l’ampleur du problème. La région était complètement coupée du reste du monde. Ces inondations ne font qu’empirer la situation sanitaire dans ce pays. Les réfugiés dans le camp de Bentiu et autour de celui-ci se sont retrouvés sans eau, sans toilettes, sans nourriture. De plus, selon l’ONU, au moins 800 000 têtes de bétail ont péri par manque de nourriture. Le Dr Eshaghian a observé cet impact. "Les gens essayaient de sauver leur bétail pour pouvoir survivre, mais les animaux mouraient l’un après l’autre. Il y avait des cadavres partout dans les rues. C’était traumatisant." Le Docteur dit avoir eu le cœur brisé de voir que, même avec les rations distribuées par le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies, la majorité des personnes ne mangeaient pas à leur faim. Pour aggraver la situation, voilà que le PAM a suspendu une partie de son aide alimentaire au Soudan du Sud. L’organisme dit manquer de financement en raison de la montée en flèche du prix des denrées alimentaires en raison de la guerre en Ukraine. Plus de 70 % de la population du Soudan du Sud devra composer avec une famine extrême cette année, a averti le PAM.

Photo Sean Sutton – MSF
Mélanie Meloche-Holubowski – Radio-Canada

 

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