H2o Magazine


160 Oberkampf
Le 11ème se mobilise pour sauver l’un des derniers lieux balnéaires de la Belle Époque

Mots clés : piscine, Oberkampf, Ménilmontant, 11e

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Le 11ème se mobilise pour sauver l’un des derniers lieux balnéaires de la Belle Époque

Les habitants du haut-onzième sont attristés : la piscine Oberkampf vient de fermer le 28 février. L’émotion est telle que François Vauglin, maire du 11ème arrondissement de Paris, s’est fendu d’un communiqué déposé dans les boîtes aux lettres des riverains (dont celle de H2O). C’est vrai que nous étions nombreux à apprécier le lieu disposant d’une piscine, d’une salle de sport et de deux hammams (pour messieurs au second étage et pour dames au troisième). 

Martine LE BEC
photo Espace Form Oberkampf
affiches bibliothèque Gallica BNF
bas de page photo Didier Rykner

H2o – mars 2022

 

C’est bien sûr la disparition de la piscine qui nous attriste mais, en même temps, celle du hammam qui était un haut-lieu de la mixité de Ménilmontant. 

L'établissement était un des derniers bâtiments parisiens du XIXe siècle encore intact et destiné à cet usage. Il avait ouvert en 1886, sous le nom des Bains Parisiens et proposait alors des bains de vapeur, des fumigations, de l’hydrothérapie, des bains médicinaux et une piscine réservée aux dames. Dans les années 1920-1930, le lieu était devenu une simple piscine avec bains-douches. Le décor avait cependant été refait dans le style Art Déco avec des carreaux de céramique bleue et saumon. Le bassin, en forme de L, était surmonté d’un portique faisant face à la coursive des cabines. Le toit, en pavés de verre, laissait filtrer la lumière ; jusqu’à l’été dernier les baigneuses ou dames fréquentant le hammam s’y retrouvaient pour bronzer en dégustant le thé de Rabhia, la maîtresse du hammam. Dans le vestibule subsistaient les deux vitraux de Jean-Baptiste Anglade, représentant des porteuses d’eau.

Louis Aragon aimait fréquenter la piscine , dit-on ; il y aurait même laissé Aurélien rêver de sa Bérénice.  Récemment, en 2016, la réalisatrice Noémie Saglio y était venue filmer des scènes pour Telle mère, telle fille

Alors que l’établissement recevait les élèves d’une dizaine d’écoles voisines pour leurs cours de natation, en décembre 2019, les gérants de la piscine ont informé la Mairie de la fin prochaine de leur bail et de la possible démolition de l'ensemble. Aussi, dès janvier 2020, le maire faisait adopter en Conseil d’arrondissement, puis en Conseil de Paris, un vœu afin que la piscine fasse l’objet d’une étude en vue de sa protection. Cette étude, réalisée par la direction de affaires culturelles de la Ville de Paris, a montré la réelle valeur historique et patrimoniale du bâtiment. Sa conclusion préconisait, d’une part, d’écarter toute demande éventuelle de démolition de la piscine et, d’autre part, d’introduire une demande de protection Ville de Paris (PVP) à l'occasion de la prochaine modification du plan local d'urbanisme… mais ce dernier n’arrivant à échéance qu’en 2023.   

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Évoquant la possible démolition du bâtiment, François Vauglin explique : "Ce qui n’était hier qu’une hypothèse est malheureusement en train de se réaliser : ses porte se sont fermées fin février. Il s’agit là d’une décision purement privée prise à la suite d’un accord survenu entre le bailleur et le gérant. La Mairie n’a donc juridiquement aucun pouvoir pour s’immiscer dans cette relation d nature commerciale." La seule issue était donc de solliciter la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, pour que le lieu fasse, en urgence, l’objet d’une protection au titre des Monuments historiques. C’est ce qui a été fait.

La Mairie, les riverains et les amoureux de l’eau et des bains attendons tous la réponse du Ministère… Nous sommes déjà plus de 6 000 à avoir signé la pétition.

 

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