H2o Magazine


Eau & mythologie II
Les divinités égyptiennes de l'eau

Mots clés : divinités de l'eau, Égypte, Éléphantine, Anoukis, Apopis, Hâpy, Herichefet, Khnoum, Neît, Noun, Opet, Osiris, Satet, Satis, Sobek, Tefnout, Thouéris

La voici, l’eau de vie qui se trouve dans le ciel ; la voici, l’eau de vie qui est dans la terre.
Le ciel flamboie pour toi, la terre frémit pour toi lorsque naît le dieu.Les deux collines se fendent, le dieu se manifeste, le dieu se répand dans son corps."

Hymne – Texte des Pyramides  

voyage inspiré par Nicole MARI

H2o – janvier 2007

 

Le dieu qui naît, c’est l’eau de la crue surgissant entre les rochers d’Éléphantine – où la légende situe l’une des sources du Nil – et qui se répand pour apporter la vie. Toute la richesse de l’Égypte ancienne est suspendue à la crue annuelle du Nil aux abords duquel les peuples se regroupent naturellement. La terre noire fertile, kemi, est entièrement constituée, nourrit et enrichit par des limons déposés par le fleuve au milieu de khaset, la terre rouge du désert. Les anciens Égyptiens appellent la vallée du Nil, "les vergers d’Osiris", et se désignent sous le nom de Remtou Kemi, "Hommes de la terre noire", par opposition aux Khasetiou, les nomades du désert. "L’Égypte est un don du Nil" résume l’historien grec Hérodote. Le pharaon est le maître des "Deux Terres" ou "Double Pays" (la Haute et Basse-Égypte) et le Nil, le lien géographique entre ces deux régions opposées.

La présence obsédante du Nil pose donc d’emblée l’eau au centre de la culture égyptienne. Très tôt et pendant plus de trois mille ans, de la période prédynastique jusqu’au règne de Cléopâtre, cette puissante source de vie revêt un caractère sacré. À la Basse Époque, une croyance affirme que quiconque se noie dans les eaux du Nil devient un dieu. On considère même que l’eau, ayant ruisselée sur les formules et représentations magiques, se charge de vertus guérisseuses. Certains temples possèdent dans leur enceinte un lac sacré, symbole des eaux primordiales. Ce sont de vastes bassins aux bords maçonnés et munis d’escaliers latéraux permettant aux prêtres de faire leurs ablutions à l’aurore. Reliés au fleuve, ils ne sont jamais asséchés.

Chez les Égyptiens, l’histoire est avant tout mythe. Elle raconte les origines de l’humanité et la manière dont les Dieux ont bâti leur pouvoir. Ces récits mythologiques ont une fonction sociale et religieuse. En relatant les luttes pour le pouvoir, ils renforcent le pharaon, incarnation de la stabilité. En décrivant la naissance du monde, ils montrent comment l’ordre se substitue au chaos. La religion, qui occupe une place considérable dans la vie quotidienne, repose sur un principe de réciprocité. Pour préserver l’équilibre terrestre, les prêtres sont contraints d’accomplir, chaque jour, une longue série de rites immuables, censés nourrir l’énergie vitale des dieux. Le peuple égyptien remet sa destinée sous la protection d’une multitude de divinités très populaires, qu’il vénère assidûment. Plus le culte est assidu, plus les dieux accordent leurs faveurs, maintiennent l’harmonie du monde et préservent de tout malheur.

La naissance aquatique du monde

Les Anciens Égyptiens conçoivent le monde comme un disque entouré d’un océan (le Grand Circuit), le Noun, d’où sort le Nil, qui partage la terre en deux. La terre est le corps du dieu Geb, que Shou le dieu de l’air, sépare du ciel incarné par la déesse Nout. La terre est maintenue aux quatre coins du monde par quatre supports. Les Égyptiens appellent ce fleuve issu de cette mer primitive : "la mer", ioumâ, ou bien : "le grand fleuve", ioter aa. En revanche, on ne sait pas d’où vient le nom de Néilos donné par les Grecs.

Au commencement donc est Noun, l’océan primordial, d’où surgit par autocréation spontanée le Soleil Atoum. Atoum-Ré, dieu créateur par excellence, engendre à partir de son crachat ou de son sperme, selon les traditions, le premier couple divin : les jumeaux Shou (l’air impalpable, le souffle) et Tefnout (l’humidité), qui forment l’atmosphère lumineuse. De leur union charnelle naît le second couple jumeau de l’humanité : Geb, la Terre, et Noût, le Ciel, qui enfantent Osiris et Seth et leurs épouses respectives, Isis et Nephtys. Commencent alors les tribulations de cette terrible famille, qui symbolisent l’âpre lutte que se livrent les éléments primordiaux avant que le monde n’accède à la stabilité. L’ingratitude de sa descendance fait verser à Atoum-Ré des larmes amères qui, en touchant le sol, donnent naissance aux hommes.

Tout le panthéon égyptien, comme ses deux principales divinités, Isis et Osiris, est relié à l’eau. La grande magicienne Isis naît dans les marécages du delta du Nil, attirant à elle le principe humide, et s’unit à Osiris, dieu de la Végétation. Pour cette raison, elle donne son nom à l’étoile Sothis, dont l’apparition annonce la crue du Nil. Osiris confère à l’eau du Nil sa force fécondante, qui meurt lors de l’inondation pour renaître au printemps, après un séjour sous terre, comme le grain semé. Nous avons choisi dans cette évocation mythologique de ne présenter que les principales divinités aquatiques, directement liées à l’eau du Nil.


200701_egypte_itl.jpg

LES DIVINITÉS PRIMORDIALES DE L'EAU

200701_egypte_noun.gif

 

 

Noun – C’est l’océan primordial, un magma précédant la création du monde, des dieux et des hommes, une étendue d’eau mal définie, inerte et illimitée, baignant dans l’obscurité la plus complète. Ce principe inorganisé contient en germe tous les éléments et les forces vitales nécessaires au bon fonctionnement de l’univers.

Dans la cosmogonie d’Héliopolis, la plus ancienne d’Égypte, un démiurge indistinct Atoum, qui flotte dans le Noun depuis toujours, s’éveille, prend conscience de lui-même et se dégage du chaos des eaux profondes. Il fait émerger le benben, tertre primordial sacré, colline de limon, sur lequel il se pose, et qui ressemble au banc de sable que découvre le Nil à chacune de ses décrues. Chaque centre théologique prétend posséder une butte primordiale et affirme que sa ville est la première à avoir été fondée sur ce tertre limoneux. Atoum se transforme en Ré, le dieu soleil, créateur des dieux et des hommes. Parfois représenté comme un homme barbu, pourvu de seins, au corps bleu ou vert – les couleurs de l’eau et de la fertilité – Noun incarne le principe de vie à l’état pur, un principe indistinct, non sexué. C’est dans sa séparation avec le démiurge que commence la création du monde.

Dans l’Ogdoade d’Hermopolis, Noun est l’une des quatre grenouilles mâles vivant dans la boue des origines : il personnifie les eaux primitives à côté de Heh, l’espace infini symbolisé par l’eau qui s’étale et cherche sa voie, Kouk, l’obscurité et Amon, le caché. Ils s’unissent à quatre serpents femelles : Naunet, Hehet, Keket et Amaunet. Ces quatre couples divins, dont les formes sont inspirées par la faune grouillante des marais du Delta, font émerger de Noun, selon les versions, un monticule de terre ou le lotus primordial, porteur de l’enfant solaire. Ces dieux obscurs d’avant les dieux, forces puissantes liées au Chaos, agitent cette boue pour créer les eaux, susciter les crues du Nil et diffuser leur énergie alentour.

Ces mythes font de Noun, le maître du Chaos d’où jaillît un principe organisateur : Atoum ou Ré et révèlent l’intuition fondamentale des Égyptiens sur l’existence du néant et d’un néant contenant une force créatrice intrinsèque. À l’image de la terre régulièrement submergée par les crues du Nil, le monde créé émerge de ce néant, comme le sol, les îles et les collines ressurgissent des eaux lors de la décrue. C’est en Noun que le Soleil doit plonger chaque soir pour renaître victorieux à l’aube. C’est de lui que jaillit la crue du Nil et c’est sur lui que sont construits les temples, dont les hypogées et les couloirs des appartements funéraires le rejoignent.

Au centre de tous les récits de la création, Noun s’efface pourtant, se retire dès que le monde et les dieux apparaissent. Il ne disparaît pas pour autant et peut, à tout moment, venir perturber le monde qu’il a contribué à créer. Il demeure, dans l’imaginaire, un espace inhospitalier, dangereux, inorganisé, agité par une multitude de forces malfaisantes menaçant le monde organisé. Il abrite des êtres inquiétants comme le serpent Apopis qui attaque chaque matin, en vain, la barque de Rê. Les assauts répétés de ce terrible reptile incarnent le désir de Noun de reprendre l’espace ravi par l’acte créateur. C’est dans le Noun que s’échouent les âmes errantes incapables de rejoindre le royaume d’Osiris. Sa présence inquiétante, sous les temples et derrière les crues, rappelle aux hommes que si le monde a eu un début, il peut aussi avoir une fin. Aussi le monde égyptien vit-il sous la menace permanente d’un possible débordement de Noun, comme la vallée du Nil par la crue. Le Chaos peut, à tout moment, resurgir. Seule, la pratique des rituels religieux préserve le fragile équilibre de la création.

Ainsi Noun, après l’avoir créé, participe à la destruction de l’espèce humaine. Quand Rê, devenu vieux, aigri et acariâtre, ne parvient plus à se faire obéir, il convoque les autres dieux pour leur demander conseil. Noun lui suggère d’envoyer l’Uraeus détruire l’espèce humaine. L’œil divin prend la forme de la déesse Sekmet, qui descend sur terre pour exterminer les hommes. À la fin des temps, quand les hommes et les dieux disparaîtront, ne subsisteront que le Noun le non-créé et le démiurge Atoum, qui fusionneront à nouveau pour amorcer une nouvelle création.


Tefnout – Déesse de l’humidité, de la rosée, de la pluie et des nuages. Fille de Noun, sœur jumelle et épouse de Shou, dieu de l’Air, mère de Noût, déesse du Ciel et de Geb, son époux dieu de la Terre. Représentée sous la forme d’une lionne ou d’un chat, elle forme avec Shou, selon la cosmogonie d’Héliopolis, le premier couple divin qui, en engendrant le Ciel et la Terre, permet l’apparition de la vie. Ce couple, considéré comme une entité primordiale abstraite, ne possède ni attribut, ni caractéristique particulière, ni vrai centre de culte. Pourtant les jumeaux d’Héliopolis, surnommés "les porteurs du ciel", sont les ancêtres du panthéon égyptien.

Déesse de l’élément liquide, fondamental dans l’épanouissement des hommes et de la nature, Tefnout possède un caractère solaire, figuré par le disque et l’Uraeus dont elle est parfois coiffée. Si la plupart des récits la décrivent comme le simple double de Shou, l’Uraeus l’identifie à Hathor, la déesse-vache de l’Amour, fille de Rê et incarnation du redoutable Œil magique qui personnifie le souffle du Soleil. Ce souffle est si brûlant qu’il terrasse et anéantit les ennemis du dieu. Tefnout se métamorphose alors en "La Lointaine", une lionne assoiffée de sang, rôdant aux confins de la terre. Un jour, elle s’enfuit en Nubie et ne revient pas. Furieux, Rê ordonne au dieu guerrier Onouris, identifié à Shou, de lui ramener sa fille. Shou parvient à calmer la colère de sa jumelle et la convainc de retourner auprès de leur père.


Apopis – C’est le dieu serpent du Chaos, ennemi de Rê, incarnation des forces du Mal, qui menace l’ordre du Cosmos en perturbant sans répit la course de l’embarcation du Dieu-Soleil. Au Ciel, juché sur une barque, l’astre solaire, créateur de l’Univers, effectue, chaque jour, le même périple ininterrompu pour aller visiter le monde des morts. Ce voyage est entravé par les attaques du serpent géant Apopis, qui tente, de jour comme de nuit, de renverser la barque et d’ébranler ainsi l’équilibre de l’Univers. Surgi de nulle part, des profondeurs du Noun, redoutable et belliqueux, Apopis affronte sans relâche l’équipage de la barque solaire. Il s’ingénie, à midi, à boire toute l’eau du fleuve céleste pour immobiliser le convoi, mais les génies parviendront à lui faire recracher le précieux liquide. Si une éclipse se produit, c’est que le serpent a réussi à avaler le bateau ! À chaque aube, à chaque crépuscule, Apopis renouvelle ses assauts et tente de faire chavirer l’embarcation en déroulant frénétiquement sous elle ses anneaux. Mais, Seth, dieu du Tonnerre et des Forces violentes, qui combat les ennemis de Rê juché sur la proue du bateau, poignarde le corps du serpent pendant que les petits génies le criblent de flèches. Le monstre, chaque fois terrassé, renaît presque aussitôt, mais la barque poursuit son voyage.


200701_egypte_itl.jpg

LES DIVINITÉS SOLAIRES

 

Dans l’Égypte antique, pays terrassé par la puissance du soleil, les déesses solaires sont l’objet d’un culte fervent. Leur amour de la vie déclenche la crue du Nil, inonde et fertilise la vallée.

Neît – Déesse créatrice du monde, maîtresse du tissage, des arts domestiques et de la femme, protectrice du sommeil, des sarcophages et des vases canopes. Coiffée de la couronne rouge de la Basse-Égypte, c’est la déesse de l’inondation. Maîtresse de la destinée du Nil, elle se promène sur ses rives sans craindre les crocodiles qui s’y prélassent.

Surgie de Noun, l’Océan primordial, elle est née de sa propre volonté. Asexuée, sans partenaire masculin, elle renferme, en elle, tous les principes mâles et femelles constituant chaque élément de la nature. Démiurge érudite connaissant le sens et le pouvoir des mots, elle aurait créé le monde à l’aide de sept paroles ou de sept flèches. Cette érudition en fait une conseillère très appréciée des dieux. D’autres récits plus tardifs la montrent tissant l’Univers sur la navette des tisserands, petite pièce de bois contenant la bobine de trame. Métamorphosée en Meh Ourt, la vache sacrée, elle conçoit le ciel d’où surgit la lumière. Transformée ensuite en poisson latès (perche du Nil), son animal sacré, symbole de la résurrection, elle fait émerger des eaux chaotiques la première butte de terre, créant ainsi le sol. Sans répit, architecte de l’Univers, elle tisse le monde comme une toile. De sa propre chair, elle tire de la matière, la pose dans une coquille d’œuf qui, en se brisant, donne naissance à un Rê auréolé de splendeur et de puissance. De la salive du Dieu-Soleil naissent les dieux ; de ses larmes, les hommes.

Mère du Soleil et ancêtre du panthéon égyptien, Neît est souvent confondue avec Noût, déesse du Ciel. Un jour, de ses lèvres tombe involontairement un crachat qui se mue en un serpent colossal. Le terrible Apopis fera payer aux dieux, surtout à Rê, "le fils préféré", et à l’humanité toute entière de n’avoir pas été désiré. Mais de tous ces enfants, c’est Sobek, le dieu crocodile de la fécondité, patron des marais et protecteur de la Moyenne-Égypte, dont elle est le plus fière.

Les hommes étant nés nus des larmes de son fils le Soleil, Neît va leur enseigner l’art du tissage afin qu’ils puissent se vêtir. Divinité funéraire, elle tisse les bandelettes enveloppant les morts et confère aux défunts des pouvoirs magiques assurant leur bien-être dans l’Au-delà. Déesse protectrice, elle veille sur les vases canopes avec la même détermination qu’elle défend l’Égypte de ses ennemis, coiffée de la couronne rouge de la Basse-Égypte et armée de ses flèches. Elle porte parfois la navette des tisserands, qui est à la fois son emblème et le hiéroglyphe qui la désigne. Protectrice de la royauté et du sommeil, elle est aussi déesse de la chasse et de la guerre.

Mère du Soleil et ancêtre du panthéon égyptien, Neît est souvent confondue avec Noût, déesse du Ciel. Un jour, de ses lèvres tombe involontairement un crachat qui se mue en un serpent colossal. Le terrible Apopis fera payer aux dieux, surtout à Rê, "le fils préféré", et à l’humanité toute entière de n’avoir pas été désiré. Mais de tous ces enfants, c’est Sobek, le dieu crocodile de la fécondité, patron des marais et protecteur de la Moyenne-Égypte, dont elle est le plus fière.

Les hommes étant nés nus des larmes de son fils le Soleil, Neît va leur enseigner l’art du tissage afin qu’ils puissent se vêtir. Divinité funéraire, elle tisse les bandelettes enveloppant les morts et confère aux défunts des pouvoirs magiques assurant leur bien-être dans l’Au-delà. Déesse protectrice, elle veille sur les vases canopes avec la même détermination qu’elle défend l’Égypte de ses ennemis, coiffée de la couronne rouge de la Basse-Égypte et armée de ses flèches. Elle porte parfois la navette des tisserands, qui est à la fois son emblème et le hiéroglyphe qui la désigne. Protectrice de la royauté et du sommeil, elle est aussi déesse de la chasse et de la guerre.


200701_egypte_itl.jpg

LES DIVINITÉS PROTECTICES DU NIL

 

Plusieurs divinités veillent à la bonne régulation des eaux du Nil, dont le cycle de crue et de décrue s’organise en trois saisons : akhet, l’inondation, peret, les récoltes, et shemou, les semailles. L’akhet est un moment, à la fois, espéré et redouté par les Égyptiens. Espéré parce que la montée modérée des eaux offre au pays des récoltes abondantes. Redouté, parce qu’une crue trop importante et trop brutale cause des dommages et anéantit les cultures. Aussi, à l’approche de l’akhet, les Égyptiens multiplient-ils offrandes et prières en hommage aux dieux régisseurs des cycles du fleuve pour s’assurer leur bienveillance. Tous les ans, au mois de Khoiak, période où le Nil se retire, laissant de nouveau les terres émerger et la végétation germer, les prêtres égyptiens fêtent Osiris, dieu des Morts. Cette période de renaissance est associée au retour à la vie du dieu assassiné et dépecé par son frère Seth.

 

200701_egypte_hapy.gif
Père des Dieux...
L’Unique se créant lui-même, dont l’origine est inconnue…
Seigneur des poissons, riche de grains...


Hâpy – Dieu du Nil, parfois considéré comme la seconde forme de Noun, océan primordial encerclant la terre, il est identifié au tout puissant fleuve égyptien. Génie androgyne à la peau bleutée évoquant la couleur de l’eau, au ventre rebondi et aux mamelles pendantes, synonymes de générosité et de richesse, Hâpy incarne les crues bénéfiques et divinisées du fleuve, sa puissance et le dynamisme de ses eaux sans lesquels l’Égypte ne serait qu’une vaste étendue désertique. Ce dieu barbu et bienveillant est responsable des crues modérées qui alimentent les champs en déposant sur les berges le limon noir, indispensable aux cultures et à la prospérité de la terre. C’est tapi au fond d’une caverne enfouie dans les profondeurs d’Éléphantine, sous la première cataracte du Nil, non loin d’Assouan, que le dieu bedonnant déclenche les crues du fleuve en déversant le contenu de deux gigantesques jarres. Après avoir abreuvé les terres du nord, il quitte sa demeure pour rejoindre une seconde caverne à proximité de Memphis où il irrigue de la même façon les terres arides du sud. Un tel pouvoir fait de lui l’un des dieux les plus vénérés de tout l’empire, puisque son culte est célébré depuis la source du fleuve sacré jusqu’au Delta. Partout où le Nil marque de son sillon limoneux le sol, la fertilité prend le pas sur l’aridité de la terre, et grâce est rendue au génie débonnaire.

Afin d’obtenir du dieu des crues bienfaisantes, les Égyptiens jettent de la nourriture, des animaux sacrifiés ou des amulettes dans les eaux nourricières près des deux cavernes d’Éléphantine et de Memphis. Lors de la fête d’Opet célébrée en son honneur pour saluer l’arrivée des crues, des victuailles provenant de toutes les régions sont déposées dans les temples. Les pharaons ont coutume de se faire représenter sous la forme d’Hâpy, endossant ainsi le rôle de celui qui apporte abondance et prospérité au pays. Lorsque la crue s’avère dévastatrice, le pharaon, tenu responsable des ravages causés par l’inondation, doit affronter la révolte du peuple et prier les dieux pour que le désastre cesse.

Pourtant, malgré cette fonction vitale, Hâpy ne joue qu’un rôle subalterne. Ordinairement escorté par une multitude de dieux-grenouilles et crocodiles, il n’est considéré dans les temples que comme le serviteur des dieux à qui il offre les produits des crues. Il est souvent représenté sur les murs des sanctuaires dans une longue procession de personnages à son image, appelés "les Nils", qui incarnent les subdivisions du fleuve et les offrandes de chaque région.

Marié à Nekhbet, déesse vautour protectrice de la Haute-Égypte et parfois à Ouadjet, déesse cobra des marais, protectrice de la Basse-Égypte, le génie des eaux est également personnifié par des jumeaux exerçant chacun leur fonction sur une partie du Double Pays. Ces jumeaux, dont l’un est coiffé d’un support aquatique d’où émergent trois fleurs de lotus et l’autre d’une couronne surmontée d’une touffe de papyrus, s’emploient à nouer ces plantes héraldiques, emblèmes du nord et du sud, pour illustrer la manière dont le Nil unit l’Égypte et lui apporte la richesse. Cette union symbolique des deux terres est appelée séma-taouy.

Hâpy est parfois aussi présenté comme une divinité cynocéphale représentant l’un des quatre fils d’Horus, dieu du Ciel et de la Lumière, chargés de veiller sur les viscères des défunts momifiés. Sa tête constitue le couvercle du vase canope dans lequel sont déposés les poumons du mort tandis que le génie à tête de chacal Douamoutef veille sur l’estomac, la divinité androcéphale Amset sur le foie et le dieu-faucon Qebehsenouf sur les intestins.


Herichefet (Arsaphès) – Ce dieu de la Fertilité, dont le nom signifie : "Celui qui est au-dessus du lac", veille à ce que la crue annuelle tienne ses promesses et que le grain déborde des greniers à l’issue de la récolte. Dieu primitif, son existence est attestée dès l’Ancien Empire (vers 2780-2400 av. J.-C.) par la Pierre de Palerme, stèle de basalte énumérant les noms des premiers dieux et pharaons. Il reste néanmoins un dieu secondaire, lié au Nil et à son potentiel de fertilisation, et ne prend une véritable importance que lorsque son lieu de culte, Héracléopolis Magna, devient la capitale de l’Égypte unifiée sous le règne de Khéti et des IXème et Xème dynasties. Sa représentation, à l’origine sous les traits d’un bélier ou d’un homme à tête de bélier dont les cornes ondulées se déploient à l’horizontale, évolue en même temps que sa fonction. D’abord coiffé d’un disque solaire qui l’identifie à Rê, dieu suprême créateur du monde, il sera ensuite ceint de la couronne atef – composée de la mitre blanche de la Haute-Égypte surmontée d’un petit soleil et encadrée de deux hautes plumes d’autruche – qui l’assimile à Osiris, dieu des Morts, dont il hérite certains des attributs. À l’instar de ces deux divinités, Herichefet est lié aux notions de vie et de mort et véhicule le principe essentiel égyptien de la régénération, du renouvellement des choses et des êtres, d’une certaine idée de la vie éternelle. Dieu qui garantit une crue généreuse et le bon déroulement des rites agricoles, il symbolise le cycle perpétuel de la vie.


200701_egypte_itl.jpg

LA TRIADE D'ÉLÉPHANTINE

 

Si Osiris et Hâpy sont les dieux les plus souvent identifiés au Nil, le Fleuve sacré est placé sous la surveillance d’une triade de dieux protecteurs dont le culte s’est propagé à partir d’Éléphantine : Knoum, dieu-bélier de la Fécondité et de la création, gardien des Sources du Nil, et ses deux épouses, Satis, déesse protectrice des cataractes, dispensatrice des crues annuelles, et Anoukis, déesse de l’inondation.

 

200701_egypte_khnoum.gif 

 

Khnoum – Gardien des sources du Nil, ce dieu de la première cataracte, adoré dans la haute vallée du Nil, est associé à l’eau nourricière dont il commande la crue. C’est une divinité très ancienne dont le culte, initialement local, finit par se confondre avec celui de Rê. Sur les murs du temple d’Esna, un texte gravé au 1er siècle après J.-C. raconte qu’il serait le véritable père des Hommes, la source de toute vie, façonnant Pharaon et les humains sur son tour de potier. Aidé de Ptah, dieu momiforme de la ville de Memphis, patron de la royauté et régent des fêtes jubilaires, il obéit aux ordres de Thot, dieu lunaire à tête d’ibis, patron des scribes et archiviste des dieux. Ce potier sacré utilise le limon fertile du Nil pour modeler les corps et leur insuffle ensuite le ka, l’âme. Son instrument emblématique, le tour de potier, est doté d’un mouvement de rotation évoquant à la fois les grands cycles de l’année (crues du Nil, passage des saisons…) et de l’existence humaine : naissance, vie mort, renaissance… C’est le mouvement originel de ce tour qui crée la vie. Le nom même de Khnoum vient de khnem, signifiant "construire", le Créateur, celui qui bâtit l’univers matériel et assure sa permanence et sa reproduction.

Ce dieu bénéfique à tête de bélier s’avère l’un des meilleurs amis des hommes dans la mythologie égyptienne, même si on peut toujours craindre ses caprices. Le symbole du bélier le définit comme une source de vie, communiquant son inépuisable énergie aux êtres et aux choses, animant l’humanité et l’ensemble du vivant en insufflant aux femmes l’énergie créatrice. Chaque naissance ou récolte témoigne de sa prodigieuse virilité. Dans les représentations originales de la théogamie (le mariage des dieux), il participe à la naissance du futur pharaon, engendré par un dieu qui a pris la place du roi. C’est l’Égypte, elle-même qu’il aide ainsi symboliquement à se perpétuer et à se régénérer rituellement.

Source de toute vie, Khnoum est à la fois associé au Soleil qui fait lever les récoltes et à l’eau du Nil qui les fertilise. Ses nombreux noms attestent le caractère multiple de ses attributions : "démiurge", "gouverneur des deux terres", "porteur de lumière", "gouverneur de la maison de vie", "seigneur des terres de la vie", "maison de la vie", c’est-à-dire aussi bien le corps féminin que la caverne secrète, tout en haut de la vallée du Nil, d’où jaillit périodiquement l’inondation bienfaisante.

Dieu de la Cataracte, Khnoum est adoré comme le gardien des sources du Nil, qui libère les eaux du fleuve. Son lieu d’élection est la caverne de Hâpy, à Éléphantine : c’est d’elle, selon la légende, que surgit la crue, quand Khnoum accepte de la laisser partir. Les représentations du dieu portant une croix ankh à la main et une jarre sur la tête prouvent que c’est de lui, et de lui seul, que dépend l’inondation dont il est le maître et le grand dispensateur. Khnoum joue ainsi un rôle majeur dans l’imaginaire de l’Égypte antique, tout entier centré sur le cycle régénérateur de la crue. Lui rendre un culte est fondamental : la crue arrive certes tous les ans, mais peut être plus ou moins bénéfique, plus ou moins tardive. Son retard, dans une économie sans cesse menacée de pénurie, est synonyme d’épuisement des réserves et de début de famine. Les prêtres de Khnoum, chargés du bonheur de l’Égypte entière, ont pour devoir de satisfaire un dieu dont la colère ou le mécontentement peut provoquer la famine, la ruine, voire la mort de tout un peuple. C’est pour cela que le culte du dieu de vie a perduré jusqu’aux premiers temps du christianisme. On trouve son nom dans les écrits de certaines sectes semi-chrétiennes des premiers temps de l’Église, certains prétendent même que la figure grecque du diable lui aurait emprunté quelques traits symboliques, notamment ses cornes torsadées.
   

Satis (ou Satet)
– Déesse de la première cataracte du Nil, protectrice de la frontière du Sud et dispensatrice de la crue, son influence s’exerce sur l’Égypte entière. Coiffée de la couronne blanche du Haut Pays ornée de deux cornes d’antilope, elle connaît les gestes qui déclenchent la crue et repoussent l’ennemi hors des frontières.

Combattante inlassable, fière, puissante et ingénieuse, tout à tour femme séduisante parée de bijoux ou créature hybride à tête d’antilope, la "Reine" ou la "dame d’Éléphantine", dont le nom signifie "plus rapide qu’une flèche", tient l’Égypte entre ses mains. Protectrice, à l’origine, des frontières du Sud contre les invasions ennemies, elle tient dans son poing serré un arc et des traits. Montant la garde à la frontière de la Nubie, à l’extrême sud de l’Égypte, elle repousse l’ennemi hors du territoire et tue celui qui a l’audace de s’y aventurer. Son nom est donné au premier nome (province) de la Haute-Égypte : Ta Setet, "terre de Satis" ou "pays de l’Arc", dont la capitale Abou est l’actuelle Éléphantine. Sa réputation et sa puissance ne cessant de s’accroître, son rôle d’ange gardien s’étend à tout le royaume jusqu’à la personne de Pharaon. Certaines fresques la représentent debout derrière le souverain, une main protectrice posée sur son épaule.

Quand la déesse troque son arc contre quatre cruches d’eau, c’est que, selon le calendrier antique, une nouvelle année vient de commencer. Satis déclenche, chaque année, la crue du Nil à une date bien précise, qui correspond au lever héliaque de l’astre Sothis, l’actuel Sirius. Ce jour est celui où l’astre redevient visible à l’Orient après plusieurs mois d’éclipse. Annonçant la crue bienfaitrice, il est si important qu’il constitue le premier jour de l’année dans le calendrier égyptien et le premier jour de la saison d’Akhet (saison de l’inondation) au mois de Thot. Ce jour-là, le 19 juillet de notre calendrier, Satis pénètre dans une grotte sacrée, située au niveau des premières cataractes du Nil, qui abrite le gouffre merveilleux d’où surgit, chaque année, la crue bienfaitrice et, d’un geste, déclenche la fameuse inondation, mère de la civilisation égyptienne. Sans cette montée des eaux provoquée par Satis, le désert envahirait tout le pays, empêchant toute vie.

Le peuple sait combien son culte est essentiel puisque c’est de son bon vouloir que dépend l’abondance de la prochaine récolte. Le sceptre et la croix ankh, "signe de vie", que Satis arbore quelquefois, semble prouver que le destin de l’Égypte repose entre ses mains. Oeuvrant en priorité pour le royaume terrestre, elle fournit également l’eau utilisée pour la purification des morts et veille, à Éléphantine, sur une des jambes d’Osiris, dieu des morts, dont le corps découpé en morceaux par son frère Seth, dieu du Tonnerre et de la Guerre, a été inhumée par sa femme, la grande magicienne Isis, aux quatre coins du royaume.

200701_egypte_anoukis.gif

 

Anoukis – Déesse de la région d’Éléphantine, parfois appelée Anket ou Anouket ou "fille de Rê", son nom signifie : "celle qui étreint la berge". Située géographiquement dans le sud du pays, aux abords de la première cataracte, elle contrôle la puissance des crues et, surtout, veille à ce que le Nil retourne dans son lit pendant la décrue. C’est ce rôle essentiel qui la fait vénérer par tous les Égyptiens.

Dans le calendrier de l’Égypte antique, l’année civile s’ouvre sur la "saison d’Akhet", "saison de l’inondation", qui couvre quatre mois de l’année (du 19 juillet au 15 novembre selon le calendrier actuel). Lorsque la saison d’Akhet touche à sa fin, des milliers de fidèles se rassemblent au sud sur les rives encore élargies du fleuve pour célébrer Anoukis. Sa statue prend place sur une barque cérémonielle qui, glissant d’une berge à l’autre, s’arrête devant de petits autels portatifs dressés de ci, de là, pour recevoir une multitude d’offrandes : fleurs, nourriture et boisson. Les Égyptiens entonnent des chants, exécutent des danses rituelles, priant Anoukis de ramener le Nil dans son lit au moment voulu afin de procéder aux semailles. En commandant au fleuve de s’assagir et de se retirer, la déesse anthropomorphe maintient l’équilibre de la nation. Les semailles peuvent alors commencer.

Représentée sous les traits d’une jeune femme élancée, bien faite, très coquette, vêtue à la mode égyptienne et parée de superbes bijoux, Anoukis porte une couronne formée de hautes plumes d’autruche, trahissant ses origines africaines. Originaire de Nubie, région située à la confluence des Nil Blanc et Bleu, entre le désert de Libye et la Mer Rouge, son animal sacré est la gazelle. Sa résidence favorite, l’île de Séhel où un temple lui est consacré. Incarnant parfois une mère divine allaitant le roi, un lien étroit l’unit à Pharaon, dont elle conforte le pouvoir royal. Divinité protectrice du roi et du royaume, archère accomplie, elle aide Satis à repousser les ennemis hors des frontières du Double Pays, qu’elle protége d’invasions hostiles, et Pharaon à maîtriser ses adversaires politiques et à imposer son pouvoir aux pays limitrophes.


200701_egypte_itl.jpg

LES DIVINITÉS ANIMALES

 

De nombreuses divinités animales aquatiques, adorées par les Égyptiens, demeurent encore aujourd’hui le symbole de cette civilisation. C’est le cas du dieu crocodile Sobek et de la déesse-hippopotame Thouéris, protectrice des naissances.

Salut à toi Sobek le Crocodilopolite, Rê, Horus, dieu puissant.
Salut à toi Sobek le Crocodilopolite,
Salut à toi qui t‘es levé des Eaux primordiales,
Horus chef de l’Égypte,
taureau des taureaux,
grand être mâle,
maître des îles flottantes.


Sobek – Divinité crocodile considérée par les habitants de la région fertile du Fayoum comme le créateur de l’univers, le démiurge qui a ordonné le monde, le dieu suprême dont on ne doit sous aucun prétexte attiser la colère, Sobek aurait surgi un jour des eaux boueuses de l’océan primordial pour créer l’univers. Adoré à Kom Ombo, sur la rive droite du Nil, à une cinquantaine de kilomètres au nord d’Assouan, son temple, élevé à l’époque ptolémaïque, a la particularité d’être un double sanctuaire, consacré dans sa partie gauche au culte d’Haroëris le faucon, dieu du ciel, et dans sa partie droite à celui de Sobek le crocodile, dieu souverain des eaux et de la fertilité. Les deux divinités se complètent : la première incarne la lumière, la seconde, l’eau : deux éléments essentiels à la vie. Sobek sera même chargé de récupérer au fond du Nil les mains d’Haroëris coupées par Isis parce qu’elles ont été souillées par le sperme de Seth. Sobek récupère également les quatre fils d’Haroëris, gardiens des vases canopes, nés d’une fleur de lotus, le nénuphar du Nil, et dérivant sur l’océan primordial, et les met à l’abri.

Patron des marais, fils de Neit, la tisserande divine, architecte de l’univers, protecteur de la Moyenne-Égypte, il serait, dans l’Ennéade, né de la métamorphose d’une mèche de cheveux du dieu de la Terre. Geb, voulant asseoir sa puissance, dérobe à son père Rê, l’Uraeus, symbole du pouvoir royal, représentant un cobra femelle qui, enroulé autour du disque solaire, crache des flammes pour anéantir les ennemis du dieu-soleil. Mais le souffle du serpent divin brûle au visage Geb, qui n’apaise sa douleur qu’en appliquant sur sa blessure une mèche de cheveux de Rê. C’est cette mèche, que des serviteurs plongent bien des années plus tard dans les eaux du lac At Noub pour la purifier, qui se métamorphose en Sobek, le dieu crocodile. Au même moment, des ennemis de Pharaon surgissant des eaux sont décimés par le crocodile divin.

Parce qu’il a émergé des eaux, Sobek est un dieu aquatique associé à la notion de fertilité. Sa seule présence fait croître la végétation. Certains prétendent même qu’on peut l’entendre rire aux éclats quand débute l’inondation. Animal vorace surgi des ténèbres du monde primitif, le crocodile divin est associé aux monstres de l’univers souterrain et aux ennemis de l’équilibre terrestre. Mi-homme, mi-alligator, il est considéré comme l’allié de Seth qui se serait revêtu d’une peau de crocodile pour échapper au châtiment qu’il encourait pour avoir tuer son frère Osiris, dieu des morts et pharaon des premiers temps. C’est parce qu’il se serait régalé des fragments du corps dépecé que le crocodile serait pourvu d’une grande gueule et de si nombreuses dents.

L’âme du dieu de la fécondité et du milieu aquatique va s’incarner dans Petesoukhos, crocodile sacré dont le nom signifie "celui qui appartient à Soukhos", autre nom de Sobek. C’est dans la cité de Shedet, appelée Crocodilopolis par les Grecs, dans la région du Fayoum, vaste oasis saharienne de Moyenne-Égypte qui doit son extraordinaire fertilité au lac gigantesque creusé à proximité du temple, que l’Égypte entière vient l’adorer sous la forme d’un vieux crocodile somnolant sur la rive. Paré comme une idole, des anneaux d’or aux oreilles, des bracelets de métaux précieux autour des pattes, gavé de viande, de gâteaux et de miel par les prêtres, le dédaigneux reptile, vénéré parce que redouté, semble indifférent aux pèlerins qui se pressent autour de lui pour lui demander conseil, implorer sa clémence ou lui rendre hommage. Les Égyptiens craignent les crocodiles qui pullulent sur les rives du Nil, avalent les baigneurs et déciment les troupeaux. Ils cherchent à s’en protéger avec des charmes ou des amulettes. Pour se prémunir contre l’appétit insatiable de l’animal terrestre, ils vont le diviniser sous la forme de Sobek, animal sacré qui anéantit, dans les mondes souterrains du chaos primitif où il évolue, tous les ennemis de Rê. A leur mort, les crocodiles sacrés sont embaumés et entreposés dans les temples. À la fin du Moyen Empire, plusieurs pharaons de la 13ème dynastie remettent leur règne sous la protection du dieu crocodile en prenant comme nom : Sebekhotep, qui signifie "Sobek est satisfait".

Seule dans toute l’Égypte à refuser de diviniser un vulgaire reptile, l’île d’Éléphantine commet l’acte sacrilège aux yeux du reste du pays de manger les crocodiles, considérés comme simple aliment de base.


Le cheval du Nil – Autre animal sacré, habitant du Nil, l’hippopotame, appelé par les Grecs "cheval du Nil", hippos signifiant cheval et potamos, fleuve, est à la fois adoré et craint, selon sa couleur et sa taille. Adoré sous la forme femelle bienveillante de la déesse Thouéris (ou Opet) au corps d’hippopotame, à la tête de crocodile et aux pattes de lion, protectrice des naissances et incarnation de la fécondité aquatique. Craint sous la forme maléfique de Seth, dieu du désordre et du chaos, du Tonnerre et des Forces violentes, il est considéré par les pharaons comme un animal maudit, ennemi des dieux, qu’il faut exterminer. Les Égyptiens redoutent ce représentant du Nil capable d’affronter la toute puissance de Pharaon, depuis qu’un hippopotame tua Ménès, premier roi d’Égypte, bâtisseur de la ville de Memphis et instaurateur d’un culte voué au crocodile. Après sa mort, il sera représenté par un crocodile saisi dans sa gueule par un hippopotame. Selon certaines légendes, l’hippopotame aurait même participé au combat des dieux. Seth noie son frère Osiris dans les eaux du Nil en prenant la forme d’un hippopotame. Pour venger son père, Horus revêt également la forme d’un hippopotame et affronte son oncle dans les eaux du Nil. Sa mère, Isis, harponne Seth, mais lui laisse la vie sauve. Horus, fou de colère, surgit du Nil et arrache la tête de sa mère grâce à ses puissantes mâchoires. Abondants dans la vallée du Nil, les hippopotames ravagent les cultures et sont considérés comme des ennemis par les paysans, qui les chassent à l’aide d’un harpon. Cette chasse prend très tôt un caractère rituel. Symbole des forces mauvaises, identifié à Seth, l’hippopotame est mis à mort rituellement par le roi sur les représentations figurées des mastabas (tombes). Les mâles blancs, symbole de la toute puissance du mal, sont encore plus redoutés et sont, à Edfou, la ville d’Horus, exterminés par des harponneurs choisis par les pharaons.


Les animaux sacrés du Nil – Si pour les Égyptiens, le crocodile est le maître des eaux du Nil, les oiseaux aquatiques tiennent également une place importante dans la mythologie égyptienne. L’ibis est l’incarnation de Thot, dieu lunaire, patron des scribes, calculateur du temps et maître du calendrier. Les oies représentent tantôt Amon, roi des dieux et dieu de l’Air et du Vent, tantôt Geb, dieu de la Terre, de la Végétation et de la Fertilité. Les hérons symbolisent le lever du jour. De même, certains poissons (latès) et grenouilles personnifient l’âme des divinités. Ainsi le tilapia, poisson qui a coutume d’avaler ses petits en cas de danger et de les régurgiter une fois la menace passée, est-il associé à Hathor, déesse de l’amour et de la joie, emblème de la résurrection.

La grenouille, créature spontanée du Noun, l’Océan primordial, incarnée par la déesse Hequet, patronne de l’accouchement, est liée aux rites de la naissance. Les gror (grenouille en égyptien) peuplent les zones humides des rives du Delta et du Nil et portent le même influx vital que le Fleuve sacré. Détenant ainsi les forces nécessaires à la vie, la grenouille a été, depuis les temps les plus anciens, associée à la naissance, en tant que protectrice de la femme en couches et du nouveau-né. .

200701_egypte_ressources.gif

 

ResSources
Divinités égyptiennes – Wikipédia
Égyptos