H2o Magazine


Nouakchott – Mauritanie
Défis pour un cinquantenaire

Mots clés : Infrastructures, Environnements urbains, Nouakchott, Mauritanie, Défis pour un cinquantenaire, eau, eau potable, eaux usées, h2o
Dossier de
Bakari SÉMÉGA
  
February 2006

L’eau, c’est le casse-tête quotidien des habitants de Nouakchott, la capitale de Mauritanie qui fête cette année son cinquantenaire. Ils étaient moins de 6 000 en 1960, 600 000 en 2000 et aujourd’hui sans doute près de 800 000, complètement dépendants de la nappe souterraine du Trarza, exploitée à Idini, à une soixantaine de kilomètres de la capitale. La ville s’est étendue de manière anarchique sans que les infrastructures ne suivent : aussi moins d’un quart de la population est connectée au réseau, sans toujours garantie de débit. En réalité dans la capitale, l’eau est davantage une affaire de transport ambulant que de réseau : ils sont des milliers de charretiers à parcourir la ville avec leurs fûts de 200 litres traînés par des ânes. Le précieux liquide est revendu 140 à 180 ouguiyas le fût (50 centimes d’euros). Mais son prix a déjà atteint 1 000 ouguiyas (3,50 euros) en période de forte pénurie.

Nouakchott vers la privatisation de l’eau

L’Aftout es-Sahéli, l’immense projet d’adduction d’eau viendra bientôt sécuriser l’approvisionnement en eau de Nouakchott. En parallèle, l’Etat de Mauritanie a engagé la privatisation du secteur de l’eau. Un programme, pour les eaux urbaines, mené en concertation avec la Banque mondiale. L’interview du Dr Ely Ould Ahmedou, Ministre de l’hydraulique.

propos recueillis par Martine LE BEC

magazine CONTINENTAL n° 45 – mars 2006
H2o – mars 2006


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Le Dr Ely Ould Ahmedou était auparavant Chef de projet du projet PADEL, de gestion des parcours et de développement de l’élevage en Mauritanie, démarré en 2002 et soutenu par le Fonds africain de développement et le Fonds de l’OPEP.
Photo Martine Le Bec – février 2006

 

L’Hydraulique dispose depuis le 10 août dernier d’un ministère en propre, qu’est-ce qui a motivé cette attention particulière du gouvernement transitoire de la République islamique de Mauritanie ?

Cette décision de créer un ministère entièrement dédié à l’Hydraulique s’est faite aux vues des besoins immenses que présente le secteur. Historiquement, avant de devenir l’affaire d’un ministère à part entière, l’Hydraulique n’était qu’un service, puis une direction, successivement attachée à l’Equipement, puis à l’Energie et à l’Environnement et au Développement durable. Il s’agissait donc d’accorder au secteur l’importance qu’il mérite en le dotant d’une structure apte à relever les défis qui se posent.


Quels sont les divers organismes et directions attachés au Ministère ?

D’abord la Direction de l’hydraulique et de l’assainissement qui sera très bientôt séparée en deux entités distinctes. Mais sont aussi rattachés au Ministère, le Centre national des ressources en eau (CNRE), la Société nationale des forages et puits (SNFP) et la SNDE, Société nationale de l’eau, en charge de la distribution dans les agglomérations de plus de 5 000 habitants et qui emploie aux environs de 1 000 personnes, toutes catégories confondues. Le Ministère assure aussi le suivi des activités de l’Agence nationale d’eau potable et d’assainissement (ANEPA), qui est une association déclarée d’utilité publique, regroupant les maires, agriculteurs, éleveurs, ONG, etc. et à laquelle l’Etat a délégué la gestion de l’eau en milieu rural et dans les petites agglomérations.


Quel est aujourd’hui "l’état de l’eau" en Mauritanie ?

Les taux d’accès s’établissent en milieu rural à 49 % pour l’eau potable – il s’agit essentiellement de puits et au meilleur des cas de forages qui se prolongent par un mini réseau d’adduction – et 20 % pour l’assainissement. En milieu urbain, environ 30 % de la population disposent d’un branchement privé au réseau d’adduction et 45 % d’un assainissement – s’agissant encore ici d’un assainissement individuel puisque le réseau collectif n’a été réalisé que dans quelques quartiers de Nouakchott et de Nouhadibou, couvrant à peine 3 ou 4 % de la population.


Que représente dans ce contexte la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement – qui préconisent la réduction de moitié d’ici 2015 de la proportion de gens n’ayant aucun accès à l’eau et à l’assainissement ?

En matière d’accès à l’eau, ces objectifs équivalent à fournir 600 000 personnes supplémentaires en milieu rural et 500 000 en milieu urbain, ce qui représente pour la période 2006-2015 un investissement annuel de l’ordre de 3,3 milliards d’ouguiyas, soit un peu plus de 10 millions d’euros par an, auquel il faudrait encore ajouter 1,4 milliard d’ouguiyas, soit 4,40 millions d’euros par an pour le volet assainissement.


Soit au total près de 150 millions d’euros pour la période 2006-2015. Le gouvernement précédent avait adopté en 1998 une déclaration politique en faveur des secteurs de l’eau et de l’énergie. Un code de l’eau a aussi été mis en place début 2005. Est-ce que le gouvernement actuel, de transition, adhère aux objectifs définis et quels sont les moyens mis en œuvre ?

La déclaration de 1998, réalisée dans le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté, demeure évidemment valable, ainsi que le code de l’eau qui énumère un certain nombre de principes : sur le régime des eaux, la protection de la ressource, les prélèvements, la gestion intégrée. Il prévoit aussi la création d’un Conseil national de l’eau, réunissant l’Etat, les collectivités et les usagers ainsi que d’une Police de l’eau. Enfin, il inclut des dispositions en faveur du financement du secteur et encourage les partenariats public-privé (PPP) et le désengagement des administrations des taches opérationnelles. Cette politique a d’ores et déjà été entamée en zone rurale, par l’ANEPA qui a favorisé la mise en place de petits réseaux privés assurant les opérations d’exploitation, de distribution et de maintenance. Elle doit aujourd’hui être initiée en zone urbaine. Un certain nombre d’études ont été engagées afin de définir les options optimales d’un partenariat public-privé en matière d’hydraulique urbaine. Ces études ont d’ores et déjà été transmises à la Banque mondiale en vue d’obtenir les premières facilités de préparation du programme (PPF – Project Preparation Facility).


Un calendrier a-t-il été arrêté ?

Absolument puisque nous prévoyons la mise en place du programme eau et assainissement de Nouakchott d’ici 2009 et la couverture des autres grandes agglomérations – au nombre de 17, d’ici à 2015. À Nouakchott, une centaine de kilomètres de réseau devrait très prochainement être achevée. Nous allons aussi mettre en exploitation 4 nouveaux forages avec une station intermédiaire. Parallèlement, nous remettons à l’étude des projets de dessalement d’eau de mer, nous allons à cet effet recruter un bureau d’étude, dans la perspective de l’implantation d’une première unité d’ici 2007. L’enjeu est de limiter la pénurie et donc la spéculation sur le prix de l’eau.


La capitale espère bientôt trouver son salut dans le fleuve Sénégal. Comment le projet Aftout es-Sahéli s’est-il monté ? Quelles ont été / ou seront les principales difficultés à surmonter ?

Le projet Aftout es-Sahéli permettra effectivement de sécuriser à long terme l’approvisionnement en eau de la capitale jusqu’à ce jour complètement dépendante de la nappe d’Idini. Dorénavant Nouakchott sera approvisionnée par le fleuve Sénégal, grâce à une canalisation de près de 200 kilomètres, construite le long de la lagune d’Aftout es-Sahéli. Il s’agit du plus grand projet jamais entrepris en Mauritanie. Techniquement, sa principale difficulté résidait dans les besoins en énergie requis, très importants eu égard au trajet et aux débits prévus : 170 000 m3/jour extensible à 225 000 m3. Le montage financier a été bouclé en juin 2004 pour un montant global de 220 millions de dollars auquel participent le Fonds arabe de développement économique et social, le Fonds koweïtien de développement, le Fonds saoudien de développement, la Banque africaine de développement et la Banque islamique de développement.


Qu’en est-il de l’avancement du projet ?

Les lots ont été définis et nous avons aussi achevé la présélection des entreprises admises à soumissionner. Les dossiers d’appel d’offres ont parallèlement été envoyés aux bailleurs de fonds qui devraient donner leur accord d’ici fin février.


Vos relations avec les bailleurs de fonds ont-elles été affectées par le coup d’État du 3 août dernier ?

Non absolument pas, que se soit au niveau du projet Aftout es-Sahéli ou du programme d’hydraulique urbaine, les dossiers ont jusqu’à présent suivi leur cours de manière normale. .

Les femmes
GARDIENNES DES TERROIRS

L'interview de Fatimetou Mint ABDEL MALIK - Maire de Tevragh Zeina 

propos recueillis par Martine LE BEC

H2o – mars 2006

 

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Même si la Mauritanie a auparavant connu deux femmes maires, Madame Fatimetou Mint Abdel Malik est actuellement l'unique femme à occuper cette fonction dans le pays. Sa circonscription est celle de Tevragh Zeina, l'une des neuf communes qui composent l'agglomération de Nouakchott. Fatimetou Mint Abdel Malik est aussi la représentante de la cellule mauritanienne du réseau des femmes sahéliennes, REFESA.
Photo Martine Le Bec – février 2006

 

Tevragh Zeina donne l'impression d'être l'une des communes, sinon la commune la plus favorisée de l'agglomération de Nouakchott. Est-ce exact ?

Située à la limite du centre historique et administratif de la capitale, Tevragh Zeina peut effectivement faire figure de privilégiée. C'est la commune qui reçoit le plus de recettes. En matière d'infrastructures, elle est de fait mieux dotée que les autres ; 85 % des habitations sont connectées au réseau d'eau potable – seuls les quartiers périphériques ne sont pas desservis. Alors aussi que l'ensemble de l'agglomération de Nouakchott ne dispose que de 26 kilomètres de réseau d'assainissement, 20 sont concentrés sur Tevragh Zeina et sur le centre. Mais les réseaux, qui datent de la création de la ville en 1964, sont très vétustes et entièrement à refaire ; la station d'épuration ne reçoit pas plus du tiers des eaux usées qu'elle devrait faire.

Combien d'habitants compte la commune ?

En 2003, elle en comptait 53 000, ce qui eu égard à sa superficie ou à la population globale de Nouakchott – sans doute aujourd'hui près de 800 000 habitants – est peu. Le tissu social de Tevragh Zeina est néanmoins contrasté. Les riches côtoient les pauvres, avec – par hasard, les riches au nord et les pauvres au sud.

En plus de vos responsabilités de maire, vous êtes la représentante du réseau des femmes sahéliennes. À ce titre que pensez-vous de la situation de la femme en Mauritanie ?

La situation de la femme en Mauritanie est la situation de la femme dans n'importe quel pays pauvre mais la grande sécheresse du début des années 1970 aura au moins eu un effet positif : celui de sédentariser une large partie de la population. Les vrais nomades ne représentent plus que 3 % des Mauritaniens, même si 20 % d'entre eux continuent d'effectuer des transhumances saisonnières, dans le temps limitées sur les vacances scolaires. Il en résulte que les enfants peuvent être scolarisés en même temps que les femmes peuvent se consacrer à de nouvelles activités et par là améliorer un peu leur quotidien. La femme mauritanienne est par ailleurs réputée pour son esprit d'entrepreneur ; sa culture n'est pas celle du monde arabe en général. Ceci est un élément essentiel pour le développement REFESA en Mauritanie, puisque l'implication des femmes dans ce type de réseau est directement fonction de leur degré d'éveil par rapport à leur environnement et par rapport à ce qui se passe à l'extérieur de chez elles. En réalité, les femmes sont en Mauritanie – comme dans n'importe quel pays en développement, les véritables gardiennes des terroirs. Ce sont elles qui sont à la base de la ration alimentaire familiale et qui, par leurs activités, entretiennent en enrichissent les territoires.

Quelles sont les activités principales du réseau en Mauritanie ?

En matière d'environnement, nous travaillons beaucoup sur le reboisement des territoires ; nous nous attachons aussi à développer la formation, nous avons pour cela former une vingtaine de jeunes femmes capables d'aller enseigner les savoir faire dans les diverses régions du pays. Très concrètement nous avons aussi mis au point deux techniques de culture hors sol : il s'agit de deux techniques de culture sur tables, faciles à mettre en oeuvre à partir de matériaux de récupération. L'une est une technique de substrat, pour les plantes à tubercule, et l'autre est une technique de floating, qui permet de cultiver des tomates ou des salades. Le substrat est lui-même naturel, composé à partir de feuilles mortes, de coquillages et de petits cailloux – qui sont en plus ici riches en fer ! Les femmes peuvent d'abord s'exercer sur une seule table, ce qui leur permet rapidement de produire des légumes pour leur famille et puis, si elles ont un peu d'initiative, elles peuvent aussi rapidement se construire de nouvelles tables et développer ainsi une petite activité qui leur fera gagner un peu d'argent. Ce qui est génial là-dedans, c'est qu'elles n'ont pas besoin de grand chose pour se lancer.

Et en plus, ça ne prend pas trop de place...

Oui, celles qui appartiennent à des tribus nomades peuvent même emporter leur jardin dans leurs déplacements ! .

 

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LE RÔLE DES FEMMES EN CHIFFRES

Les femmes rurales produisent plus de 50 % des aliments de la planète. En Afrique subsaharienne et aux Caraïbes, elles fournissent 80 % des denrées alimentaires de base.

Les femmes représentent aussi, selon les pays, entre 50 et 90 % de la main d'oeuvre utilisée dans les rizicultures.

CEPENDANT les femmes ne contrôlent que 1 % des terres qu'elles cultivent. La pauvreté est aussi le lot de 50 % d'entre elles dans le monde contre 30 % pour les hommes.

 

REFESA - RÉseau des FEmmes SAhéliennes 

Le RÉseau des FEmmes SAhéliennes a été créé à Banjul (Gambie) en 1997 à l'issue d'un atelier de réflexion de Sahel 21, organisé par le CLISS – Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel. Le réseau vise à servir de cadre de mobilisation, de concertation et d’échange d’expériences et d’informations entre les femmes sahéliennes au niveau national et régional.

Ses principales missions sont : d'engager des actions de pression ou de plaidoyer en faveur de la cause des femmes sahéliennes ; de défendre et de promouvoir l’approche Genre et Développement afin que la dimension homme/femme soit considérée comme principe directeur dans la recherche de solution à toute problématique de développement ; de promouvoir les échanges d’expériences, d’informations et de technologies ; d'organiser des concertations permanentes entre les membres pour l’élaboration, la mise en oeuvre et le suivi-évaluation de programmes et projets concernant les femmes au Sahel ; d'appuyer et d'encadrer les coordinations nationales dans la réalisation de leurs programmes ; de développer le partenariat avec les autres organisations nationales de femmes sahéliennes.

Le réseau regroupe aujourd'hui près de 200 organisations.


La desserte en eau à Nouakchott
AFFAIRE DE TRANSPORT AMBULANT PLUS QUE DE RÉSEAU 

Bakari Mohamed SÉMÉGA
professeur de chimie et d’hydrochimie
Université de Nouakchott

quotidien HORIZON 18-01-2006
H2o – mars 2006

 

L’eau est une ressource vitale, d’autant plus vitale qu’elle réside dans une certaine conjoncture, notamment en contexte côtier, de surcroît aride et d’explosion démographique importante. À Nouakchott, la maîtrise de l’eau est un enjeu de taille compte tenu d’une part de l’absence de ressources disponibles directement mobilisables, de la faiblesse et l’irrégularité des précipitations et, d’autre part, du développement urbain, pression importante sur les ressources. La desserte en eau dans l’agglomération et ses répercussions sur les pratiques sociales, sont des indicateurs qui mesurent l’état de l’accès à l’eau. La garantie de cette desserte en eau et en eau de qualité est un facteur d’équilibre socio-économique et une des conditions essentielles d’une alimentation saine. Lorsqu’il y a pénurie et surtout pénurie chronique, une priorisation se met en place et donne le privilège à tel ou tel autre usage qui se présente plus vital. La gestion de l’eau est alors régie par le souci le plus élémentaire de la satisfaction en tout premier lieu des besoins humains de première nécessité.

L’analyse de la desserte en eau de la ville de Nouakchott qui vit des pénuries chroniques depuis plus d’un demi-siècle tant sur le plan quantitatif que qualitatif, permet d’apprécier l’acuité de cette problématique de l’eau.

La ville de Nouakchott a connu une croissance exceptionnelle, passant de 5 500 habitants en 1960 à plus de 600 000 habitants en 2000. Cette évolution s'est traduite par l’extension rapide de l’espace occupé (la construction d’habitats sommaires autour du noyau urbain et dans des conditions précaires, formant ainsi des bidonvilles) et par le maintien d’une forte pression sur les équipements sociaux entraînant des difficultés de desserte, tous services confondus. Cette situation est aggravée par l’absence de planification et de maîtrise du cadre de régulation urbaine.


Une desserte frénétique

L’approvisionnement en eau potable de Nouakchott s’effectue suivant plusieurs modes qui vont du branchement au réseau de distribution, aux charretiers (dans les zones péri-urbaines ou des points éloignés ou à très faible pression du réseau de distribution) en passant par les différents types de bornes fontaines primaires, secondaires et même tertiaires. Le réseau de distribution qui ne couvre que très partiellement la ville, limite considérablement son approvisionnement en eau. Plusieurs alternatives tentent d’atténuer d’une manière ou d’une autre, les pénuries d’eau, plus accrues dans les quartiers périphériques précaires et non structurés (Kebba et Gazra). Dans ces derniers, le réseau de distribution d’eau est inexistant, il n’y a donc pas de branchements individuels et pas de bornes fontaines qui, mises à part quelques exceptions, déterminent la limite entre les quartiers lotis et les Kebba et Gazras, véritables foyers de pauvreté urbaine où l’accès à l’eau potable est un casse-tête quotidien.

Afin de pallier à l’insuffisance chronique et pressante de l’eau, des efforts et alternatives sont mis en œuvre pour rendre disponible de l’eau en quantité et en qualité (l’insuffisance de la quantité renvoie toujours au second plan celle de qualité). À cet effet, des bornes fontaines sont réalisées à divers endroits, surtout dans les zones où la desserte par le réseau de distribution, est faible ou absent. Dans certaines zones, des bassins de réserve d’eau de 5 à 10 m3 ont été aménagés, qui distribuent à une file interminable de clients se débattant pour trouver quelques litres d’eau. La desserte en eau de ces quartiers est surtout assurée par des charretiers revendeurs (plus d’un millier de charrettes) qui transportent l’eau en provenance des bornes fontaines les plus proches du réseau de distribution et revendue aux particuliers en fonction de la demande.


La distribution de l’eau dans la ville de Nouakchott, est beaucoup plus une affaire de transport ambulant que de réseau

Des centaines de bornes fontaines tous genres : primaires (potences), secondaires (connectées au réseau) et même tertiaires (bassins de stockage non connectés) sont à pied d’œuvre pour ravitailler 80 % de la population. Les bornes fontaines secondaires des zones où la pression de distribution est élevée, constituent les points relais entre le réseau et les charretiers qui viennent s’y approvisionner à plusieurs reprises par jour. Les bassins de stockage sont alimentés par une soixantaine de camions citernes, de 5 à 12 m3, appartenant soit aux communes, soit à la Société nationale de distribution d'eau (SNDE), soit à des privés et qui acheminent l’eau depuis les potences de Ksar. À El Mina, les bassins communautaires sont desservis à 64 % par les citernes de la commune, à 25 % par ceux du privé et à 11 % par la SNDE. La livraison prend beaucoup de temps, de 5 à 30 jours, soit en moyenne 16 jours, et la fréquence de ravitaillement pour la plupart des bassins de vente d’eau est de moins de 1 à 2 livraisons par mois. Le temps de consommation permis par la réserve du bassin – qui fonction de la demande et du climat – varie entre 1 et 17 jours ; la plupart des bassins (57 %) épuisent leur stock d’eau en moins d’une semaine. Ces ruptures de stock, fréquentes, jettent la clientèle dans une quête d’eau effrénée pouvant l’amener à plusieurs kilomètres du foyer pour trouver quelques litres d’eau ou accrocher un charretier revendeur. Cette corvée est le lot d'une grande partie de la population.

Outre les problèmes de qualité que nous verrons plus loin, les facteurs de ce ravitaillement, très contraignants, agissent sur la régularité et la disponibilité de l’eau à la borne fontaine. Joints aux pertes d’eau occasionnées par la différence de capacité entre les citernes et les bassins, ils se traduisent par une augmentation du prix de revient du mètre cube à la livraison et en conséquence sur le prix de vente aux consommateurs. Ils constituent d'autre part un frein à ce mode de desserte, sans doute la moins sécuritaire mais tout de même la plus à la portée de la population, car en cas de pénurie d’eau, rares sont les gestionnaires de bornes fontaines ou de bassins qui prennent le minimum de mesures de vente pour permettre à la clientèle de s’approvisionner d'un minimum d’eau. Les spéculations occasionnelles sur les prix sont aussi monnaie courantes dans les périodes de pénurie, très fréquentes.

Cette itinérance, ou "nomadisme" depuis la potence jusqu'au récipient de ménage, en passant par la citerne, le bassin et le fût n'est pas sans affecter la qualité du précieux liquide. Le manque d’hygiène et de précaution, l’absence ou la faiblesse d’entretien, le temps de séjour ou de transit dans un milieu potentiellement polluant, l’incidence d’un environnement mal assaini… la qualité est ici en permanence sous menace. La composition secondaire et surtout tertiaire de l'eau (présence d’impuretés telles que des matières organiques, des matières en suspension, des micro-organismes ou des impuretés passagères) subit des modifications en fonction des rencontres occasionnées avec les divers polluants tout au long du circuit d’acheminement. Pour minimiser ces risques, des entretiens scrupuleux devraient être assurés régulièrement et à tous les niveaux où il existe des potentialités de contamination, si faibles soient-elles. Si l’entretien à l’eau de javel, cette mesure minimale, est effectué à chaque recharge de la réserve dans 60 % des cas des bassins d’El Mina, il est, pour le reste, occasionnel et parfois même complètement absent. Les risques sanitaires sont dès lors évidemment manifestes.


Un approvisionnement vulnérable

La ville de Nouakchott comme le reste de la région côtière, connaît globalement, à des degrés divers selon la zone et le site, des problèmes aigus d’approvisionnement en eau qui nécessitent des efforts considérables. L’alternative d’approvisionnement, finalement adoptée en raison des besoins et leurs évolutions, est l’exploitation des eaux souterraines de la région d’Idini située à 56 kilomètres de la ville et au-delà de la zone d’influences des phénomènes de salinisation. La source d’approvisionnement, la nappe du Trarza, d’une superficie de 27 800 km2, est particulièrement productive, avec des débits d’exploitation allant de 30 à 120 m3/heure. Elle renferme une réserve d’eau douce de plus de 20 milliards de m3, essentiellement fossile, très faiblement renouvelée.

Cette nappe est un aquifère multicouche qui se répartit en une nappe phréatique faiblement chargée (1 g.l-1) située entre 10 et 40 mètres, en une nappe subphréatique douce (0,15 à 0,4 g.l-1) entre 60 et 90 mètres (c’est cet horizon aquifère qui est actuellement exploité pour l’alimentation en eau de Nouakchott) et en une nappe profonde (150 à 170 mètres) et salée (4 g.l-1). Cependant, elle cohabite dans sa partie ouest, limitée par un front salé (1 g.l-1), avec une frange côtière salée de grande extension jusqu’à une soixantaine de kilomètres de la mer entre Hassi El-Bagra et Idini. Du fait de la faiblesse du renouvellement de la réserve et des risques potentiels importants de salinisation par intrusion saline (favorisée par une exploitation intensifiée) et par des interactions avec l’encaissant, la nappe douce du Trarza est une ressource assez vulnérable.


 ... aux limites sans cesse repoussées

Située en région côtière, dans un contexte marqué par les agressions du désert et de la mer, Nouakchott a de tout temps rencontré des difficultés à pourvoir ses besoins en eau. Déjà, dans les années 1950, alors naissante et avec des besoins en eau éphémères, elle s’accommodait des lentilles d’eaux douces temporaires. Pour améliorer son approvisionnement, la zone d’Idini est explorée dès 1954 et la nappe du Trarza est elle-même mise en exploitation en 1958. De 2 forages d’une capacité de 1 000 m3/j à aujourd’hui 32 forages pour production de l’ordre de 50 000 m3/j, l’alimentation en eau potable de Nouakchott a connu une évolution spectaculaire. Cependant la demande évoluant beaucoup plus rapidement que la production et l’insuffisance d’eau restant criante, incitent la mise en place, en 1968, d’une usine de dessalement de l’eau de mer assurant une production d'appoint de 2 000 m3/j. Une nouvelle station de pompage de 18 forages captant la nappe subphréatique est réalisée en 1973 par la mission chinoise de coopération pour une production d’environ 12 500 m3/j, encore bien en dessous de la demande théorique à cette époque estimée à 24 000 m3/j . La sécheresse des années 1970 a accru l'explosion démographique de la ville dont les besoins en eau étaient estimés à 100 000 m3/j en 2000.


 ... dans un contexte de pénurie chronique

Depuis 1978, après la réhabilitation des forages du champ captant et la mise en place d’un schéma directeur d’exploitation, d’année en année, des études et programmes d’extension de la station de pompage d’Idini se succèdent. Les études réalisées entre 1982 et 1989 ont notamment permis de mieux connaître la ressource de la nappe, ses mécanismes de fonctionnement et ses réactions aux sollicitations, mais aussi de cerner les risques de salinisation et d’affiner les modèles de gestion mis en place. L'importance vitale de la station, l'accroissement excessif des besoins en eau engendrés par le développement de la ville et les enjeux économiques de la maîtrise de l'eau, justifient les études intenses de la nappe d'Idini. À l’issue de celles-ci, l’avancée de la frange salée, l’amplification des prélèvements (champ captant d'Idini, de Boutilimitt, de Tiguent, de R’Kiz et Rosso et des centaines de puits et forages pastoraux) induisant l’accélération de cette avancée, la nature en "creux" de la nappe et le caractère perméable à semi-perméable des matériaux ont été identifiés comme des facteurs qui militent pour la dégradation de la ressource par salinisation, menaçant ainsi à terme l’alimentation en eau de la capitale où les pénuries d’eau sont persistantes. C’est à partir de 1991 que commence véritablement l’extension du champ de captage qui a vu la réalisation de 6 nouveaux forages permettant d'élever le débit d’exploitation de 23 000 à 30 000 m3/j, suivie, fin 1997, de 4 autres forages portant l’effectif à 28 et la production jusqu’à 40 000 m3/jour. Ce renforcement se poursuit en 2003, avec la mise en service de 4 nouveaux forages faisant passer la production de 43 300 à 50 000 m3/j. Àujourd'hui encore, 4 nouveaux forages sont en cours de réalisation, qui devraient permettre de porter la production à 60 000 m3/j. Malgré ces continuels réajustements, les besoins en eau de la ville n’ont jamais pu être satisfaits convenablement, la demande évoluant toujours beaucoup plus rapidement en raison de l'explosion démographique, de l'urbanisation accélérée et de l'essor industriel – tous ces facteurs ayant aussi été amlplifiés par deux décennies de sécheresse.

Cet historique montre aussi combien la gestion de l’alimentation en eau potable de Nouakchott a souffert d’un manque de stratégies précises, prenant en compte l’adéquation de la ressource disponible avec les différents paramètres susceptibles d'accroître les besoins. Pour satisfaire une demande toujours pressante, des solutions sans cesse provisoires ont été adoptées. Des solutions tellement conjoncturelles qu’elles ont souvent été dépassées avant même leur mise en œuvre. Actuellement, les besoins effectifs en eau de la ville sont estimés à environ 60 000 m3/j, alors que la production brute journalière est de l’ordre de 50 000 m3/j, d’où le déficit important responsable de la situation de pénurie permanente. Dans ce contexte la consommation journalière moyenne en eau par habitant s'établit à 17 litres, en-deçà de la norme – pourtant très faible, préconisée par l’Organisation mondiale de la santé (20 litres/jour).


La faiblesse des infrastructures

Si la question de l'approvisionnement en eau potable de la capitale se pose d'abord en terme de rareté de la ressource, il se pose aussi en terme de faiblesse des infrastructures appropriées d’exploitation et de distribution. Dans ce contexte, certains groupes communautaires ont dû développer des stratégies particulières et des modes d’organisation, notamment dans les quartiers périphériques, mais qui restent des réponses alternatives de court terme.

80 % des habitants de la capitale sont non raccordés au réseau contre 20 % desservis. C'est là un premier clivage. Mais toutes situations confondues, le stockage de l’eau reste la pratique de tous, indépendamment de l'appartenance socio-économique. Pour les populations non desservies par le réseau ou victimes d’une desserte incertaine, le stockage de l’eau est réalisé dans des baignoires, des bassines, des fûts, des bidons voire même des bouteilles en plastique. C’est la pratique de fortune à laquelle ont recours les ménages des quartiers populaires et des zones où la pression au robinet reste faible. Les populations plus privilégiées se dotent elles d’installations permanentes, de réservoirs (fosses cimentées ou bassins métalliques) qui sont généralement enfouis sous terre ou parfois placés sur les terrasses. Cette pratique s'est généralisée dans les quartiers caractérisés par l’habitat individuel et les villas où résident une catégorie socioprofessionnelle relativement aisée. Des surpresseurs permettent alors de pallier à la faiblesse ou à l’absence de débit. Evidemment, si la solution résoud partiellement la question de la quantité, celle de la qualité reste entière.

À ce jour, à Nouakchott, la question de la desserte efficiente en eau reste entièrement hypothétique. L'extension du réseau reste conditionnée par les pressions des divers groupes sociaux et économiques et alors même que sa généralisation serait envisagée, la question d’un accès réel à une ressource suffisante et de qualité reste entière.


"Aftout es-Sahéli" ou l’espoir de voir l'eau couler à flots !

Depuis le temps que l’on nourrit ce rêve, l’espoir de voir couler à flots ce robinet qui, au beau milieu de la concession, reste sec, que d’eaux ont coulé dans le fleuve Sénégal pour finir en déperdition. L’Aftout es-Sahéli apparaît aujourd’hui comme la solution de la dernière chance, la dernière carte, pour mettre un terme à cette errance à la recherche de l’eau. .

[NDLR – L'Aftout es-Sahéli, qui commence à 60 km au nord de Saint-Louis et se prolonge jusqu'à Nouakchott, est une lagune de 165 km de long et de 5 à 10 km de large, plus ou moins coupée de la mer par un cordon de dunes littorales. C'est un bras deltaïque du Sénégal qui à l'heure actuelle fonctionne de façon sporadique. Le projet engagé concerne le construction d'une canalisation de près de 200 km, qui permettra d'approvisionner la capitale mauritanienne avec l'eau du fleuve Sénégal. Son coût a été estimé à 220 millions d'euros.]


L'assainissement à Noukchott
I. L'URGENCE

Bakari Mohamed SÉMÉGA
quotidien HORIZON 10-11-2006
H2o – janvier 2007

 

Urbanisation et assainissement des eaux usées à Nouakchott

Dans les capitales et les grandes villes des pays en voie de développement, la disparité importante des modes et des cadres de vie, dénote du caractère anarchique et du laisser aller que connaît l’évolution de ces cités. Plusieurs facteurs qui n’ont jamais pu être maîtrisés, y ont contribué fortement : l’explosion démographique, l’urbanisation accélérée et non contrôlée, l’exode rural massif, la sécheresse persistante... et, en définitive, l'évidente insuffisance des moyens à disposition. Les villes en question ne disposent que rarement du 'minimum requis' pour assurer un développement harmonieux des différents secteurs essentiels.

La ville de Nouakchott, à l’instar de ses homologues, vit depuis sa création une explosion démographique et une escalade urbaine spectaculaires qui ont engendré, entre autres, toujours plus de consommation d’eau potable générant à son tour une production intense d’eaux usées. Une situation d’insalubrité permanente, due à l’absence d’infrastructures d’assainissement liquide, s’est installée progressivement. Les eaux usées, toutes natures confondues, se posent alors comme une problématique dont les tentatives de résolution relèvent toujours plus du ressort individuel, par l’utilisation de système d’assainissement autonome, que d’une prise en main structurée et planifiée. Dans cemouvement de développement urbain, la sédentarisation, l’urbanisation, la consommation d’eau et par conséquent la production d’eaux usées ont évolué de manière très liée. Plus on consomme de l’eau et plus importante est la quantité d’eaux usées produites. Une estimation sommaire de cette production doit passer en revue le taux de rejets des différentes utilisations courantes dans les activités quotidiennes. Certaines en produisent peu et d’autres, énormément. Les deux situations extrêmes peuvent être représentées par les fabriques de glace et les briqueteries d’une part, et le niveau familial et domestique, d’autre part. Pour la première classe, seule une infime partie des eaux utilisées, arrive au stade d’eaux usées alors que pour la seconde, la situation est inversée.

Les quantités ‘impropres d’eaux à rejeter après usage’, peuvent être estimées entre 20 et 80 % de la consommation globale d’eau, la moyenne étant de l’ordre de 60 %. Cette estimation, en l’absence de données de terrain (nécessaires à l’appréciation réelle de la problématique des eaux usées à Nouakchott), permet de fixer les idées sur la production journalière d’eaux usées. Posons nous la question : à savoir si la ville consomme 50 000 m3 d’eau par jour, elle produirait aussi, suivant ce schéma simpliste, 30 000 m3 d’eaux usées, où passent toutes ces quantités ? Nous ne semblons pas avoir une idée de leur destination ou de leurs multiples destinations. Comme rien ou pratiquement rien n’est prévu pour une destination sûre, ces eaux, si elles devraient se retrouver dans la rue, la ville de Nouakchott en serait aujourd’hui inondée. C’est dire combien, elle est grave cette situation ! Surtout que les eaux usées ne sont pas sans danger, tout au contraire, elles sont pernicieuses et potentiellement porteuses de maladies diverses que leur dispersion dans la nature augmente la prévalence et l’acuité. La préoccupation majeure est d’annuler, sinon d’amoindrir, les impacts négatifs des eaux usées par la création de conditions de gîte et de traitement adéquates. L’étape primaire est d’assurer leur évacuation qui est aujourd’hui un sérieux casse-tête dont la résolution serait un gigantesque pas dans la garantie d’un cadre de vie salubre.

Les eaux usées, ce sont toutes ces eaux préalablement destinées à une utilisation donnée et qui, après avoir servi, se retrouvent avec une contamination, si légère puisse-t-elle être. Elles sont devenues impropres et renferment des matériaux solides divers, grossiers à fins, des matières organiques, des polluants chimiques, des micro-organismes, des agents pathogènes, des coliformes, germes, virus, bactéries, parasites, etc., qui altèrent fondamentalement les propriétés initiales et leur confèrent des effets néfastes à toxiques tant pour l’environnement humain que physique. Malgré cette charge polluante élevée, les procédés de recyclage par traitements primaires à quaternaires, peuvent atteindre des taux d'épuration importants et même obtenir de l'eau potable destinée à la consommation humaine. La dépollution des eaux usées, ressources dépréciées et sources de maladies et d’impacts néfastes, permet entre autres, de les recycler et valoriser, d’assainir l’environnement physique par la diminution voire la cessation des rejets aléatoires et de contribuer à lutter contre les pénuries d’eau par leurs réutilisations dans l’irrigation, la construction et la réfection des routes, la construction des bâtiments, le tannage du cuir, etc. En plus, le recyclage des eaux usées a le mérite de les éliminer de la manière la plus sûre et la plus propre et de mettre en place un cadre de contrôle et de maîtrise de leurs incidences et donc de protéger l’environnement et préserver la santé publique.


Les eaux usées, pollueurs silencieux !

Les eaux usées urbaines très nombreuses en genre, se répartissent globalement selon l’origine en rejets domestiques et annexes, rejets des industries et des hôpitaux et eaux pluviales. Les premiers qui regroupent les eaux de ménage, de lessive et d’activités diverses, sont déversées dans la plupart des cas dans la nature, sur les voies publiques et les espaces libres et les eaux de ‘latrines’, collectées dans des puits perdus (creusés à même dans la rue ou dans la concession) ou évacuées dans le réseau urbain. Les seconds correspondant aux eaux de lavage, de vidange de chaudière et de traitement des produits industriels et aussi aux eaux de traitements sanitaires des centres de santé, sont soit accumulées en général dans des fosses de réserve ou soit évacuées exceptionnellement dans le réseau urbain de collecte, lorsque celui-ci existe dans la zone de l’industrie ou de l’hôpital. Les eaux de pluies, en cas d’orage, on les rencontre partout. Leur destination, c’est toute la ville. Elles inondent par-ci et par-là, les espaces libres, les voies publiques et les maisons dans les zones basses et stagnent longtemps, très longtemps. Elles sont livrées à elles-mêmes, laissées à l’infiltration et à l’évaporation qui se chargent de les ‘assainir’ avec le temps, un jour, une semaine, un mois et peut être plus.

Pour accueillir ces diverses eaux usées, il n’existe pour toute l’agglomération de Nouakchott, qu’un ‘micro-réseau’ de collecte desservant une partie minuscule de la ville alors qu’il doit répondre à une forte demande d’assainissement. Ce réseau se compose d’une ancienne tranche de 38 km, réalisée entre 1960 et 1965 lors de la fondation de la ville et d’une seconde, une extension de 31 km, construite entre 1981 et 1984 et toujours pas fonctionnelle, alors que l’impérieuse nécessité est là. Même avec cette tranche et encore d’autres extensions, si elles ne couvrent pas l’intégralité de la ville, on est pas sorti du tunnel. Actuellement, que représentent les 900 et même les 2 000 m3/jour que peut traiter la station, devant l’énorme masse d’eaux usées produites. Rien, vraiment rien ! Les eaux usées sont donc quelque part, bien ou mal loties. Certaines sont dans des fosses de réserve ou de stockage, dans des puits perdus ou dans d’autres ouvrages du système d’assainissement autonome (individuel) et d’autres reparties dans la nature sous forme évaporée dans l’atmosphère ou infiltrée dans le sous-sol. La fraction infiltrée pénètre en profondeur jusqu’aux eaux souterraines, aidée en cela par la perméabilité des terrains sableux à sablo-argileux et par la proximité de la nappe souterraine. Cette dernière affleure par endroits ou est en communication directe avec les ouvrages d’assainissement individuel, les fosses sceptiques et les fosses de vidange enfouies des éboueurs. Les eaux souterraines peuvent-elles être, dans ces conditions, préservées de la pollution qui leur arrive de partout et par divers canaux ?

Cette pollution, du fait du contact direct de la nappe avec les eaux usées, peut revêtir toutes les formes physico-chimiques et bactériologiques. Par ‘chance’ ou par ‘répit’ si l’on peut parler ainsi, le milieu récepteur étant relativement salé (la nappe souterraine à l’endroit de Nouakchott) et exerçant un stress chimique auquel très peu de bactéries savent résister, la survie et le développement des micro-organismes et des bactéries deviennent assez sélectifs. Ce facteur constitue en soi un paramètre d’épuration naturelle du milieu qui retarde tant soit peu la généralisation de la pollution microbienne. Cependant dans la situation actuelle, si l’on estime qu’au moins le tiers des eaux usées revient par infiltration à la nappe dont 50 000 m3 d’‘eaux propres’ en sont extraites chaque jour pour l’alimentation de la ville, quelques 10 000 m3 d’eaux polluées les remplacent. Ainsi, la nappe se pollue progressivement d’une ampleur qui dépend du pouvoir auto épurateur du milieu. Tant que ce pouvoir reste prédominant, la pollution sera résorbée et l’incidence des eaux usées sur la qualité de la nappe, restera diffuse. Mais, tant que la gestion des eaux usées reste insouciante et à long terme, la pollution finira par s’installer véritablement. Alors qu’actuellement primaire, elle ne se localiserait que sur la frange salée de la nappe sous la ville de Nouakchott, sa diffusion, sous l’influence du gradient hydraulique favorable aux écoulements vers l’intérieur des terres, parviendra un jour à la nappe douce. En outre en milieu confiné, les effets de la pollution ne sont pas immédiats et peuvent prendre des années à se manifester. Mais compte tenu de l'inertie des nappes, le retour à la qualité d'origine nécessite plusieurs années ou décennies et peut parfois s'avérer irréversible.


La méfiance et la répugnance des eaux usées...
... ou la crainte des effets négatifs

Lorsque nous sommes en présence des eaux usées, des eaux usées ‘propres’, celles que nous cohabitons dans notre quotidien, les eaux de ménage, l’attitude primaire est la méfiance que nous adoptons et la répulsion que nous ressentons. Ces eaux, elles ne nous inspirent pas confiance et confiance ne peut être là, car de l’aspect, à la couleur, à la composition visible, rien n’inspire confiance. Nous sommes en train de penser tacitement aux risques qu’elles présentent pour nous. Pourtant, certains s’en méfient et d’autres pas du tout ! Aux eaux usées ‘repoussantes’, nous ne répondons plus que par la répugnance, à tort ou à raison. C’est plus que raisonnable car elles nous réservent plus que nous ne pouvons imagier de risques de tout genre. En effet, les eaux usées présentent pour l’environnement humain et physique divers impacts négatifs, des risques intrinsèques et aussi d’autres associés aux devenirs dans les gîtes et leurs évolutions. À Nouakchott, les eaux usées se retrouvent principalement dans les situations suivantes :

  • le déversement aléatoire des eaux usées domestiques, n’importe où et n’importe comment dans la nature. Ainsi, il n’est pas étonnant de rencontrer dans chaque coin de la rue de la ville, des eaux de ménage versées par terre et qui constituent dans certains cas des flaques d’eaux nauséabondes où fourmillent mouches, moustiques et insectes de tout bord. Ces eaux usées s’évaporent dans l’atmosphère ou s’infiltrent dans le sous-sol ;
  • le stockage dans des fosses ou des bassins de réserve, dans des puits perdus et dans des fosses sceptiques. En l’absence quasi-totale de réseau d’égouts de collecte des eaux usées, l’assainissement individuel (90 %) est une nécessité impérative. En pratique, il revêt plusieurs formes, allant du puits perdu, fosse sceptique, fosse de stockage, fosse sèche, fosse humide, jusqu’à la latrine artisanale, qui sont le recours pour pallier au rejet direct à même le sol. Les eaux stockées dans ces ouvrages sont par la suite vidangées par les camions citernes qui les jettent telles qu’elles dans la nature ou vendues aux maraîchers ou enlevées par les éboueurs traditionnels et rejetées dans des fosses enfouies. Ces ouvrages, s’ils parviennent à réaliser l’assainissement dans les maisons, constituent par excellence les canaux de contamination du sous-sol et de la nappe. Ils polluent suivant deux modes de contamination, par diffusion à travers les terrains et par entraînement dans les écoulements souterrains. Dans le premier cas, une certaine sélectivité peut s’opérer et conduire à une atténuation de la charge polluante, surtout en micro-organismes, partiellement décimés par filtration lors de la diffusion. Dans le deuxième cas, l’ampleur de la pollution est régie par les phénomènes d’écoulements et de transports qui peuvent entraîner les polluants à grande distance. Les effets de ces pollutions ne sont pas immédiats mais perdurent en général. Dans la situation actuelle, on semble ne pas se soucier à l’endroit de Nouakchott du devenir de cette nappe salée et impropre à toute utilisation ;
  • l’évacuation dans le réseau urbain. La collecte des eaux usées est infime à inexistante par rapport à la masse d’eaux usées produites dans la ville. Le réseau actif se trouve dans des conditions de disfonctionnement courant. Le drainage des effluents rencontre toujours des problèmes de débordements dus à des bouchons fréquents dans les canalisations. Les eaux drainées, arrivent à la station d’épuration qui les traitent afin de les rendre adéquates pour une utilisation future, notamment le maraîchage ;
  • la stagnation des eaux pluviales sur les voies publiques, les bas-fonds et les espaces libres. Pendant la période d’hivernage et en cas de bonne pluviométrie comme c’est le cas cette année, de fortes accumulations d’eaux pluviales provoquent partout des inondations aléatoires. Ces dernières perturbent sérieusement les activités quotidiennes et la circulation urbaine et finissent par se transformer en de véritables bourbiers. La ville est alors complètement paralysée, asphyxiée et dans un état singulier de vie au ralenti. Pour en savoir plus sur cette problématique, nous vous invitons à lire l’article 3. de ce dossier sur l'assainissement à Nouakchott : L'enfer des eaux de pluie.


La difficile cohabitation, ce calvaire criant !

Nous pouvons réaliser que ces devenirs qui indiquent différentes approches de gestions plus ou moins personnalisées des eaux usées, ne garantissent nullement le minimum de sécurité de la population contre leurs incidences négatives et de préservation de la nature contre la dégradation induite par leurs effets. Cet examen des eaux usées, corrélativement à la destination, fait ressortir les effets qu’elles sont susceptibles d’entraîner dans le milieu. Dans l’inventaire des risques, on en identifie plusieurs qui vont des plus immédiats dont les effets et actions sont perceptibles de manière directe aux plus diffus dont les répercutions s’expriment à long terme, en passant par les effets qui s’opèrent de manière progressive. La manipulation, la cohabitation ou le contact de ces eaux, mêmes épurées par des traitements primaires à tertiaires, présentent toujours des risques sanitaires importants. En effet, même après traitement, les eaux usées peuvent renfermer encore une certaine pollution chimique résiduelle et des colonies d’agents pathogènes, bactéries, virus et autres micro-organismes responsables de diverses maladies.

Rejetées dans la nature ou exposées à l’air libre, les eaux domestiques et annexes forment des foyers de prolifération et de développement de vecteurs de maladies (mouches, moustiques, insectes, etc.). De ce fait, elles peuvent être des relais de transmission d’épidémies de maladies hydriques. Et encore par chance, dans la zone de Nouakchott, les terrains étant à dominante sableuse, donc très absorbants et l’évaporation considérable due à l’action d’une intense insolation et à la sécheresse de l’atmosphère, le temps de séjour à l’air libre des eaux domestiques, surtout lorsqu’elles sont peu denses, peut être relativement faible et les impacts, n’ayant pas suffisamment de temps pour agir, peuvent se trouver souvent minimisés. Cette chance ne se présente malheureusement que pour les eaux usées que nous pouvons définir comme ‘propres’ en raison de leur charge polluante faible et d’un état de décomposition et de putréfaction primaire à moindre. Globalement les eaux usées manifestent toujours un cortège d’incommodités.

Dans le bassin de stockage, les effets des eaux usées peuvent être minimes si l’ouvrage est bien étanche ou être très accentués, plus que pour le rejet à même le sol, lorsque l’ouvrage est à ciel ouvert ou peu hermétique. Dans cette dernière situation, avec le temps, l’accumulation et l’état avancé de décomposition et de putréfaction rendent les eaux usées plus agressives. Les eaux usées dans les puits perdus et homologues manifestent plus des incidences internes sur le milieu physique qu’externes sur le cadre humain, sauf dans les cas où l’ouvrage est détruit ou colmaté par saturation du système de filtration naturelle des terrains du sous-sol. Dans ces cas, il y a débordements externes avec tout ce que cela comporte comme conséquences, analogues à pires de celles des rejets directs. Une situation semblable est observée avec le réseau de collecte lors des déferlements assez fréquents et souvent de grande ampleur sur les voies publiques. Les quartiers concernés se trouvent dans des conditions d’insalubrité excessive qui se caractérisent par des odeurs nauséabondes et par la prolifération de vecteurs de maladies, mouches, moustiques, etc.. Les personnes qui vivent ou exercent aux environs des débordements et qui cohabitent pendant plusieurs jours avec les eaux usées, peuvent développer des insuffisances, des infestions et des maladies provoquées par leurs incidences négatives. Pour les eaux pluviales, nous retrouvons des incidences similaires à ceux des débordements externes. D’autre part, du fait de leur longue stagnation en état de contamination avancée avec une charge polluante qui ne fait qu’augmenter de jour en jour, ces eaux deviennent encore plus agressives.


Agir de toute urgence

Au stade actuel, il devient urgent de mettre en route la solution qui semble aujourd’hui la plus adéquate et la plus appropriée pour l’assainissement liquide à Nouakchott : le réseau urbain des eaux usées et leurs traitements. En pratique, l’ampleur des travaux à réaliser à cette fin, étant grande, la durée nécessaire à la mise en place des infrastructures, sera longue à l’échelle de plusieurs années voire des dizaines d’années. Entre temps, aucune solution de rechange ne pourrait assurer le substitut et la situation déjà alarmante aura largement empirée. Ceci en sera d’autant qu’avec l’avènement prochain de l’autosuffisance en eau que devrait apporter la desserte en eau potable par le fleuve – le projet Aftout El Sahéli – la production des eaux usées sera encore davantage plus accrue car les habitudes d’utilisation d’eau vont accuser le coup. Si jusqu’alors, la nature et les moyens de recours primaire nous ont aidé à contenir ces eaux, naturellement incommodes, difficilement cohabitables, il ne pourra pas en être éternellement ainsi, surtout si les quantités de ces eaux deviennent de plus en plus débordantes ! Il est donc urgent d’agir et nous devons agir. Le temps ne peut plus nous donner plus de temps ! .


L'assainissement à Nouakchott :
II. LES SOLUTIONS ALTERNATIVES

Bakari Mohamed SÉMÉGA
quotidien HORIZON 22-12-2005
H2o – janvier 2007

 

La double opportunité de la réutilisation des eaux usées

Dans le contexte de Nouakchott, caractérisé par une pluviométrie faible et limitée dans le temps et l’absence de ressources superficielles mobilisables pour fournir de manière adéquate de l’eau à l'agriculture qui en requiert beaucoup, la réutilisation des eaux usées se présente comme une réelle opportunité. D’autre part, avec l'accroissement de la population générant plus de consommation en eau, plus de production d’eaux usées et plus de besoins alimentaires en légumes et autres produits maraîchers, la réutilisation dans l’irrigation maraîchère urbaine de Sebkha constituait une approche réaliste. Initiée dans les années 1960, elle trouvait sa raison d’être dans la conjoncture de l’émergence et du développement de l’agriculture urbaine, alternative à la sécurité alimentaire urbaine, mais surtout à la reconversion professionnelle des ruraux. Elle avait pour effet d’atténuer le déficit en eau, de pourvoir les besoins de plus en plus croissants en eau d’irrigation, d’accroître les productions agricoles et de constituer un outil d’assainissement du cadre physique. Cet usage des eaux usées dépolluées permettait de résorber une main-d’œuvre importante due à l’impulsion de l’exode, donc de créer des emplois pour une frange importante de la population rurale attirée par la ville.

La réutilisation agricole comme toute autre utilisation des effluents, s’appuie nécessairement sur la qualité chimique et microbiologique de l’eau traitée qui doit être en adéquation avec l’usage présumé. Cette qualité est donc une donnée importante car elle permet l’évaluation de l’impact sanitaire et environnemental lié à la réutilisation. Quelque soit le traitement mis en route et ayant pour objectif de produire un effluent approprié et acceptable du point de vue du risque pour la santé humaine et l’environnement, une certaine pollution résiduelle des eaux dépolluées subsistera et s’accompagnera de risques sanitaires. Aussi, l’évaluation de ces risques nécessite une bonne connaissance des caractéristiques quantitatives et qualitatives de la charge véhiculée par ces eaux.


La réutilisation des eaux usées pour l'irrigation maraîchère : un impératif de qualité et de gestion s'impose

Les eaux usées dépolluées constituent une ressource intéressante tant dans l’utilisation que pour le rôle et la place qu’elles jouent et occupent dans l’atténuation de la problématique du déficit d’eau. Pour remplir ces objectifs, elles doivent être appropriées à l’usage auquel elles sont destinées. Autrement leur qualité globale doit être en adéquation avec cette fin. De ce fait, la détermination systématique des éléments qui concourent à l’établissement de leur qualité est une exigence de contrôle et de quiétude. Pour les eaux de la station d’épuration de Nouakchott, quelques paramètres physico-chimiques sont caractérisés à travers des profils d’épuration. Ces derniers indiquent que le traitement mis en œuvre, clarifie les eaux usées, en en éliminant une part importante (plus de 90 %) des éléments qui contribuent à la turbidité et à la charge organique alors que les éléments dissous rentrant dans la minéralisation, ne sont épurés qu’à hauteur de 30 %. Cette élimination étant faible et si les eaux usées brutes renferment des métaux lourds à des concentrations élevées (dont la présence entraîne l’intoxication de certaines cultures sensibles), les effluents se retrouveront encore avec des quantités résiduelles notables et non appropriées pour l’usage agricole. Les eaux usées traitées restrictives à cause du doute sur la présence ou pas de certains éléments, ont un champ d’usages limité et ne peuvent être destinées que pour l’irrigation de cultures s’accommodant avec des conditions austères. Pour étayer davantage l’adéquation à l’usage maraîcher, la portée de la qualité chimique doit être nécessairement complétée par celle microbiologique, encore plus déterminante dans l’aptitude d’utilisation. Aussi plusieurs paramètres bactériologiques, fréquemment rencontrés dans ce type d’eaux, sont examinés. La pollution très importante à l’entrée du circuit de traitement, en ressort relativement minimisée. Le traitement paraît efficace pour l’élimination de la plupart des micro-organismes dont le taux d’épuration est supérieur à 90 %, exception faite des germes fécaux (streptocoques à 23 % et coliformes à 80 % d’extinction).

Après cette épuration, malgré la forte extinction de la charge polluante, il subsiste toujours dans les eaux traitées, une population considérable d’indicateurs fécaux : 3 200 coliformes fécaux, 4 700 coliformes totaux et 3 200 streptocoques fécaux. Toutes ces valeurs, très supérieures à la limite OMS de 1 000 CF/100 ml pour les eaux dépolluées destinées à l’agriculture maraîchère, indiquent que les eaux restent biologiquement polluées et sont inappropriées pour cet usage. D’autre part, l’absence de caractérisation des salmonelles dans ces eaux (bactéries courantes et responsable de la fièvre typhoïde et para-typhoïde), n’assure pas sur la qualité appropriée pour l’utilisation agricole.

Aussi, si la chloration qui est le traitement d’appoint pour décimer la population résiduelle de bactéries, n’est pas effectuée ou n’est pas efficiente, les eaux dépolluées présenteraient davantage de risque sanitaire et surtout si des précautions strictes de protection ne sont pas adoptées par les utilisateurs courants. Les eaux usées dépolluées de Nouakchott sont de qualités qui ne remplissent pas toujours les conditions requises pour leur utilisation en irrigation agricole urbaine, surtout si celle-ci est destinée indifféremment à toute culture maraîchère. La qualité physico-chimique et microbiologique est insuffisante et l’absence d’informations sur des éléments potentiellement toxiques comme les métaux lourds et des micro-organismes pathogènes fréquemment présents dans les eaux usées brutes et épurées comme les salmonelles, aggrave cette qualité. Le profil de cette dernière ne milite nullement pour l’utilisation en irrigation. Les eaux épurées comportent toujours un certain taux de contamination qui le rend contagieuses des cultures sensibles dont les produits contaminent à leur tour, par effet de chaîne, les consommateurs.


Des pratiques qui vous enfoncent plus le clou !

À Nouakchott, l’agriculture urbaine associée à la réutilisation des eaux usées, soufre de manque d’eau et de plusieurs contraintes. La réutilisation ne bénéficie d’aucune prise en main effective : absence de cadres intégré et législatif, de gestion appropriée et méconnaissance des incidences des eaux usées et des précautions minimales de protection. Aucune mesure d’atténuation du problème fondamental du manque d’eau, n’est prise d’une part, pour une incitation au développement de cette agriculture de subsistance dont la production constitue un appoint important dans la sécurité alimentaire de la capitale et d’autre part pour annihiler la tentation des maraîchers d’utiliser des eaux usées non traitées et d’autres non appropriées qui augmentent les risques sanitaires encourus dans les jardins. Pour pallier à ce manque d’eau d’irrigation, les maraîchers en plus de l’apport des eaux usées dépolluées de la station, s’assurent le complément à travers l’aménagement de puits, difficilement exploitables dans les jardins maraîchers et l’utilisation pour l'arboriculture des eaux usées brutes payées auprès des camions citernes vidangeurs des fosses domestiques et qui sont aussi utilisées pour l’horticulture sur les axes routiers de la ville. Alors que les eaux dépolluées comportent divers risques à la fois pour l’utilisateur, les cultures et leurs produits et les consommateurs, les eaux usées brutes en provoquent davantage, car concentrées en éléments responsables d’incidences négatives. Leurs dangers sont d’autant plus importants que leur séjour dans les fosses de réserve est plus long et leur état de décomposition plus avancé.

Les eaux usées traitées et utilisées dans les jardins maraîchers de Sebkha, bien que constituant un réel apport complémentaire en eau, restent des sources potentielles de transmission et d’action pour de nombreux agents pathogènes (virus, bactéries, parasites). Les risques qui leur sont associés et les maladies observées constituent une problématique de santé publique. D’autre part, leur insuffisance quantitative et qualitative ne permet pas d’avoir des impacts sanitaires positifs et des productions agricoles acceptables (en rendement et en qualité).

Malgré tout, l’épuration des eaux usées et leur réutilisation en irrigation reste toujours une alternative intéressante, surtout dans les zones arides et semi-arides où elles représentent une source d’eau et d’engrais additionnels renouvelables et fiables. La réutilisation contribue dans la gestion et la conservation des eaux et peut, lorsque les systèmes d’utilisation sont bien adaptés et maîtrisés, avoir un impact environnemental et sanitaire positif et des rendements agricoles accrus.


Contours des dangers liés à la réutilisation des eaux usées traitées

La réutilisation des eaux usées s’accompagne toujours d’impacts et de risques qui peuvent s’opérer à différents niveaux : du maraîcher et de son entourage, aux habitués des zones d’utilisation, intervenants dans le circuit de production, produits des cultures, consommateurs des produits, aux animaux jusqu’à la nappe souterraine. Les risques, en général d’ordre sanitaire, sont liés à la non élimination de certains éléments et composés chimiques et à la survie des germes pathogènes dans les eaux dépolluées. Les agents pathogènes excrétés (virus, bactéries, protozoaires et helminthes), peuvent survivre assez longtemps (de 2 jours à plusieurs mois) à des températures de 20 à 30°C dans l’eau, le sol et les plantes, pour engendrer des risques potentiels pour les travailleurs agricoles. En général, les risques élevés sont surtout associés aux bactéries et aux nématodes intestinaux alors que les virus sont responsables de peu ou pas du tout de risque réel. Le degré de contamination de l’environnement par les parasites intestinaux est énorme et dépend en grande partie de la méthode d’évacuation des excréta.

Au mode d’irrigation par les eaux usées, s’associent presque toujours des agents biologiques (virus, bactéries, protozoaires pathogènes) qui s’infiltrent par voie buccale (par exemple en mangeant les légumes contaminés par ascaris) ou par la peau (en cas de ankylostomes et de schistosomes). La transmission et les facteurs de risque sanitaire de ces agents, d’intérêt particulier pour les zones de prévalence de diarrhée, doivent être déterminés pour mieux cerner les incidences des eaux usées. Quelques 30 infections liées aux excréta et concourant à la santé publique, ont été identifiées et regroupées en catégories ayant des caractéristiques environnementales de transmission et de propriétés pathogènes semblables. La transmission des maladies est liée à des facteurs comme :

  • le temps de survie de l’agent pathogène dans le sol, l’eau ou sur les cultures ;
  • les infections dans l’hôte ou les hôtes intermédiaires ;
  • le mode et la fréquence des excréta ou de l’application des eaux usées ;
  • le type de culture auquel les excréta ou des eaux sont appliqués ;
  • la nature de l’exposition de l’hôte humain à la contamination du sol, l’eau ou des cultures.

Au site maraîcher de Sebkha, à cause du système d’irrigation utilisé, les exploitants sont, la plupart du temps, en contact direct et permanent avec les eaux polluées et de ce fait sont exposés aux risques de santé liés à ces eaux. Par extension, ces incidences sont également encourues par les membres de leurs familles mais aussi les revendeurs et consommateurs. Une étude épidémiologique réalisée sur les maraîchers de Sebkha, révèle une forte prévalence d’infections parasitaires, notamment la diarrhée avec un taux d’incidence de 3,8 à 6,9 épisodes par an et par exploitant. Les enfants de moins de 5 ans des familles de ces maraîchers, contractent cette maladie, plus que dans le reste de la population. Les maladies observées peuvent se justifier par la qualité des eaux traitées qui, en plus se dégradent dans les jardins et continuent de présenter davantage de risques réels d’agression de la santé des exploitants maraîchers, des vendeurs et consommateurs des produits.

Au niveau de l’environnement les effets négatifs de l’irrigation par les eaux usées sont essentiellement l’introduction de produits chimiques dans des écosystèmes sensibles (sol, eau et plantes) et la propagation de micro-organismes pathogènes. Ces effets se manifestent sur le sol par la salinisation, l’alcalinisation, la réduction de la perméabilité et l’accumulation d’éléments potentiellement toxiques et des nutriments. Dans les eaux souterraines, la pollution peut atteindre un degré tel qu’elle soit de même envergure que celle des eaux usées. Les effets néfastes de ces dernières sur les cultures se manifestent par une toxicité due principalement à la concentration élevée d’éléments tels que le bore et quelques métaux lourds. Un traitement poussé jusqu’à extinction totale des pathogènes annihilerait l’action des microbes sur les cultures et minimiserait l’agression de la santé humaine. Un tel traitement n’étant pas souvent le cas, le choix judicieux du système d’irrigation et le contrôle de l’exposition humaine s’avèrent toujours impératifs. Pour protéger la santé humaine et l’environnement des mesures doivent être prises à différents niveaux :

  • rechercher un meilleur degré de traitement des eaux usées afin de s’assurer d’un taux d’élimination important pour tous les éléments et micro-organismes ;
  • intensifier le suivi de la qualité des eaux avec une caractérisation quotidienne et une extension de celle-ci à tout élément et micro-organisme potentiellement porteur d’effets négatifs ;
  • faire un choix de cultures, suivant les conditions de restriction dictées par la qualité des eaux traitées ;
  • adopter des méthodes d’irrigation exposant le moins possible les utilisateurs, aux risques ;
  • mettre en place un contrôle performant des incidences des éventuelles expositions aux effluents ; mettre en place des mesures rigoureuses d’hygiène ;
  • instituer un suivi médical par des visites périodiques des maladies hydriques liées aux eaux usées et facilement transmissibles pour les utilisateurs habituels de ces eaux.


Tant de risques pour si peu !

Nous pouvons maintenant apprécier que les eaux usées, quelque soit leur nature (brute ou épurée) et où qu’elles puissent être dans quelque contexte que çà soit de Nouakchott, génèrent des problèmes soit à la nature (l’on se dit que ce n’est pas très grave, çà peut toujours attendre) ou soit au cadre humain dont nous nous préoccupons fébrilement pour trouver des solutions appropriées. Parmi celles-ci, pour allier l’utile à l’économique, nous avons trouvé que le traitement de ces eaux pour leur réutilisation en agriculture urbaine, semblait, à double titre, bien indiquée : atténuer un déficit important et chronique en eau et annihiler la négativité des eaux usées sur les milieux physique et humain. Des objectifs ont été poursuivis dans ce sens. Mais, vu l’ampleur du déficit d’eau, l’atténuation au niveau des eaux d’irrigation, est restée éphémère et la négation des impacts des eaux usées, malgré l’alternative de traitement, se retrouve encore présente sous différentes échelles au niveau même où elle devrait être absente.

La solution de la réutilisation, une solution intéressante dans le principe, mais qui a été mal gérée dans la pratique, s’est retrouvée inadaptée au contexte de Nouakchott, alors qu’ailleurs elle fait son bout de chemin ! Cette solution, même si elle avait fait ses preuves en donnant des résultats probants, n’en sera une pour la problématique des eaux usées que lorsque elle intégrera toute la production de la ville. Ainsi elle permettra d’assurer leur élimination sûre et de manière propre et de maintenir un cadre assaini afin de lutter contre les indispositions, les infestions et les maladies qu’elles véhiculent et qui constituent un problème de santé publique. La réutilisation des eaux dépolluées reste aujourd’hui une expérience qui, même si elle a eu le mérite d’avoir solutionné de manière conjoncturelle le problème du déficit d’eau et assuré l’appoint dans l’approvisionnement en légumes à Nouakchott, nous laisse un goût amer. .


L'assainissement à Nouakchott :
III. L'ENFER DES EAUX DE PLUIE

Bakari Mohamed SÉMÉGA
quotidien HORIZON 15-09-2005
H2o – mars 2006

 

L'assainissement, filière laissée pour compte !

L’amélioration des conditions d’assainissement dans la ville de Nouakchott, constitue sans nul doute l’une des conditions majeures pour l’amélioration du cadre de vie des populations. Le développement démographique urbain spectaculaire qu’a connu la ville, a entraîné une occupation anarchique des terres qui sont, de surcroît, pour la plupart, non viables et non viabilisées. L’absence de mesures d’accompagnement pour la mise en place d’infrastructures minimales de base pour le maintien d’un cadre de vie sain, favorise la dégradation des conditions d’assainissement.

L’assainissement liquide, dans ses différentes formes, est éphémère à inexistant à Nouakchott. Dans une telle situation, les eaux pluviales, bien que n’apparaissant que de manière épisodique, pendant une très courte saison de l’année, constituent cependant une véritable problématique d’envergure, surtout en période de bonne pluviosité. Elles s’imposent alors comme une urgence dans leur évacuation et comme une calamité innommable par leur péjoration tant dans l’environnement de vie que dans les impacts sanitaires négatifs qu’elles engendrent.

D’année en année, alors que la ville de Nouakchott ne s’arrête de s’étendre et d’intensifier son réseau routier, les infrastructures d’assainissement et d’évacuation des eaux pluviales, n’emboîtent pas le pas. Le seul réseau de collecte des eaux usées, vétuste et ne couvrant qu’une infime partie de la ville, n’a pas de prise en compte réelle de l’évacuation des eaux pluviales. Ce développement de la ville accentue davantage cette problématique par le simple fait que ces eaux ne peuvent même plus ni ruisseler de manière spontanée pour rejoindre les zones affaissées et ni s’infiltrer correctement. Elles n’ont plus le choix que de stagner partout et nulle part sur les voies publiques et les bas-fonds. En cas d’orage, les ruissellements torrentiels qui ne savent où aller, où se perdre, finissent par arrêter de s’affoler, s’arrêtent pour de bon, s’accumulent ci et là. Ils donnent alors lieu à cette inondation permanente, laissée à l’infiltration et surtout à l’évaporation qui se chargent d’"assainir" les lieux avec le temps qu'il faut, un jour, deux jours, une semaine, deux semaines, un mois, parfois plus. Les eaux pluviales repartent donc dans la nature soit sous forme évaporée dans l’atmosphère par effet d’insolation, soit sous forme infiltrée dans le sous-sol suivant la perméabilité des terrains sableux à sablo-argileux et la proximité de la nappe souterraine. La fraction qui arrive à cette dernière, du fait qu’elle aura subi par divers apports, une pollution relativement élevée, vient à son tour contaminer les eaux souterraines.


La ville transformée en marigot

Les eaux de pluie dans ce contexte constituent un obstacle aux activités quotidiennes et par delà un frein au développement socio-économique. Elles occasionnent et amplifient des bouchons dans la circulation routière et finissent par transformer en de véritables bourbiers les voies publiques. Dans d’autres situations et zones, elles interdisent toute circulation aussi bien aux piétons qu’aux véhicules et développent une pollution avancée par décomposition de la charge organique qu’elles charrient. L’état des eaux de pluies stagnantes, le temps aidant, conduit à une putréfaction de plus en plus avancée et à une agressivité plus accrue.

Avec quelques millimètres à quelques dizaines de millimètres de pluie, la ville de Nouakchott devient un véritable bourbier, théâtre d’enlisement où pataugent hommes, animaux et véhicules. Qu’en serait-il avec des précipitations plus élevées ou simplement plus fréquentes ? La menace est réelle.

L’assainissement des eaux pluviales est quasi-inexistant, seuls quelques bassins de collecte et de stockage sont placés à certains carrefours stratégiques de la ville. Bien que reliés au réseau urbain, ces bassins, dans la plupart des cas, ne drainent pas ces eaux qui restent stagnantes. Pour pallier à une situation pressante, des camions citernes peuvent être quelque fois utilisés pour évacuer les inondations. En dehors de ces points et de cette pratique trop conjoncturelle, les eaux de pluie sont livrées à elles-mêmes. Ces eaux stagnantes constituent les eaux usées classiques, des foyers de prolifération et de développement d’agents pathogènes, de vecteurs de maladies (mouches, moustiques, insectes, etc.) et de nuisances diverses. D’autre part, ces eaux se retrouvent souvent encore plus polluées du double fait qu’elles s’accumulent en général dans des zones de dépôts de déchets et que les ordures et eaux usées domestiques viennent s’y ajouter quotidiennement. En outre, elles constituent aussi, dans certains quartiers des lieux de prédilection des enfants qui y jouent à longueur de journée avec tout le risque que cela représente pour leur santé.

Le contact de ces eaux présente toujours des risques sanitaires évidents. En effet, du fait de leur mode de constitution, elles lessivent divers matériaux et organismes et finissent par se charger de polluants chimiques et de colonies importantes d’agents pathogènes, bactéries, virus et autres micro-organismes responsables de diverses maladies et infections parasitaires, telles que la diarrhée, la typhoïde, la dysenterie bacillaire et amibienne, l’ascaridiase, la bronchite, les boutons, les démangeaisons, etc. Le temps de séjour de ces eaux pouvant être relativement long dans la nature, en raison d’une infiltration faible surtout dans les terrains argileux saturés en eau et d’une évaporation peu conséquente pendant l’hivernage, accentue la dangériosité de ces eaux stagnantes.


C’est nous qui inondons, pas la pluie !

Un malaise existe à Nouakchott : d’autant les habitations sont conçues et construites sans aucune prévision d’évacuation des eaux pluviales et d’autant la ville qui se construit et continue de se construire sans aménagements, même de base, sans prise en compte aucune des eaux de pluie, ne semble encore porter son attention à la problématique de cette évacuation. À chaque fois qu’un bâtiment se construit, il vient condamner un peu plus la possibilité de circulation des eaux. À plus grande échelle, il en va de même dans les aménagements routiers.

Le malaise est bien là : construire un bâtiment comme aménager une route à Nouakchott, c’est dans la plupart des cas, accentuer la problématique des eaux de pluie et favoriser l’inondabilité des zones concernées. La moindre pluie et nous inondons. Nous inondons parce que nous n’avions pas su prendre en compte les nécessités de l'aménagement urbain. Nous inondons parce qu’au lieu d’aider les eaux à s’évacuer, sachant le milieu physique de la capitale est morphologiquement peu propice à leurs circulations, nous les emprisonnons. Nous inondons parce que nous ne savons, ni plus ni moins, comment nous y prendre avec les eaux de pluie.


La psychose de l’hivernage !

La pluie, qui devrait être accueillie avec la plus grande sollicitude, se transforme ainsi en cauchemar. Comble de malchance, le dernier hivernage a apporté bien plus d'eau que d'habitude. Les croassements ininterrompus des grenouilles ont exaspéré les populations des quartiers populaires, angoissés par l'idée de voir leur précaire habitat s'effrondrer.

Demandons : qui veut de la pluie à Nouakchott ? Dans la foule, des regards se scrutent et la réponse tarde à venir, les téméraires ne sont pas nombreux !

La limitation de la période de précipitations, relativement courte dans l’année, et la faiblesse de la pluviométrie à Nouakchott, ne justifient pas l'absence de solutions appropriées, comme pour l’assainissement, les déchets et les gaz. La préoccupation qui en est faite témoigne du degré de conscience – ou d'inconscience, environnemental qui prédomine ici.


Timide réaction ou prise de conscience forcée

Cet hivernage "difficile" a épuisé les hommes. Des tentatives de solution ont été mises en oeuvre avec l'improvisation de bassins de stockage, l'évacuation par des camions citernes ou le déversement de sable ou du tout-venant dans les zones inondées. Mais très vite ces diverses solutions – improvisées, ont montré leurs limites en créant presque à tous les coups de nouvelles zones d'accumulation. Les responsables tournaient en rond, incapables de prendre les bonnes options, faute de moyens et de préparation...

La situation a longtemps perduré et la problématique des eaux pluviales n'arrête pas de grossir. Elle appelle aujourd'hui une solution adaptée. La solution est pourtant là : limpide. Celle qui permettrait en même temps de résoudre la question de l’assainissement liquide à Nouakchott : la mise en place du réseau de collecte des eaux usées et pluviales, joint à la création d’une ou de plusieurs stations de traitement. L'idée suppose cependant une approche d’ensemble des problèmes et requiert des moyens, un savoir-faire et une détermination considérables.

Se faisant, un certain nombre de données indispensables sont à acquérir, concernant notamment la quantité d’eaux usées produites quotidiennement et les volumes annuels moyens des précipitations ainsi que l'analyse des facteurs susceptibles de faire évoluer ces paramètres. Seules ces données pourront permettre la mise en place de stratégies précises, reposant sur l’adéquation de la gestion des eaux usées (classiques et pluviales) avec les infrastructures de traitement. Tout un programme ! .


L'accès à l'eau sur le littoral mauritanien :
I. ENJEU DE SURVIE

Bakari Mohamed SÉMÉGA

quotidien HORIZON 02-02-2006
H2o – janvier 2007

 

L’accès à l’eau, incontournable facteur de développement

Partout où manque l’eau, le dilemme de la survie et de la subsistance des êtres, des hommes, se pose et de manière aigue suivant le degré d’insuffisance. En Mauritanie et sur le littoral, avant et encore plus, après les décennies consécutives de sécheresse, les ressources ‘‘utiles’’ en eau sont rares et difficilement mobilisables. L’approvisionnement en eau dans ce contexte souffre de l’acuité des conditions hydroclimatiques défavorables à la pérennité des ressources.

Dans les sociétés humaines, aucun développement ne saurait prendre un essor véritable sans la maîtrise effective de l’accès à l’eau. Dans le contexte du littoral, la mobilisation des ressources en eau de plus en plus rares et leur disponibilisation pour les besoins communs, demandent des expertises objectives, une technologie adaptée à la conjoncture agressive de la côte et des moyens importants. En matière de planification, de conception et de gestion des eaux, on ne finit de se débattre dans une problématique maintenue par l’existence de contraintes, telles que la faiblesse à l’absence de la ressource, les difficultés d’accès et l’insuffisance de la qualité. Autrement, les conditions de l’alimentation en eau potable restent précaires par manque notoire et quasi-permanent de la ressource et une insuffisance de qualité de l’eau desservie, peu sure et dont les circuits d’acheminement jusqu’à l’utilisateur peuvent encore altérer sérieusement. Ainsi, l’accès à l’eau est l’un des obstacles majeurs de l’aménagement du littoral et constitue un véritable frein à l’essor des activités socio-économiques et industrielles de la zone. Avec l’arrivée du pétrole sur le littoral qui aura pour effets de drainer vers la côte plus de populations de travailleurs et ainsi la création de nouveaux sites urbains, la problématique de l’accès à l’eau, si elle ne trouve pas de solution appropriée, ira en s’amplifiant et continuera de constituer l’inconvénient majeur de l’habitabilité du littoral.


Le contexte hydroclimatique du littoral

Les facteurs hydroclimatiques dans la zone littorale mauritanienne traversée par les climats sahélien et saharien atténués par rapport à l’intérieur des terres, se caractérisent par des variations assez marquées. Les conditions naturelles, défavorables à des précipitations abondantes, font que les pluies, liées à des dépressions d’origine tempérée en hiver et d’origine tropicale en été, sont faibles en intensité qui augmente avec le déplacement vers le sud (le bas delta) bénéficiant de conditions plus propices. Les températures, d’écarts thermiques faibles, fraîches et adoucies par l’influence de la mer, présentent tout de même des maxima élevés avec la pointe à Nouakchott, diminuant vers le nord ou vers le sud . Le régime des vents est très variable, l'alizé maritime (vitesse moyenne de 6 à 10 m/s), frais et humide, abaisse les températures, par contre, l'alizé continental (harmattan ou irifi), chaud et sec, les élève et la mousson humide, apporte les pluies. L’évaporation (2,5 m/an au niveau du fleuve Sénégal) et l’évapotranspiration sont élevées par l’effet de l’aridité du climat, mais atténuées en raison de la proximité de la mer. À cause de cette proximité, l’humidité est relativement importante dans la zone qui reste globalement très humide toute l’année, mais subit cependant une forte insolation avec une durée d’ensoleillement moyenne de 8 heures par jour et des maxima pouvant avoisiner les 10 heures au mois de mai.

Vraisemblablement, bien que certains facteurs climatiques, notamment l’humidité, militent pour le maintien de l’eau dans la nature, leur conjugaison est défavorable à l’existence de réseau hydrographique organisé pérenne et à la réalimentation conséquente des aquifères. Ce fait est dû au déficit hygrométrique important de l’air induisant la voracité de l’atmosphère qui a tendance à absorber toute trace d’humidité au dépend du sol et des eaux de surface. Tous ces facteurs joints à la position subsaharienne de la région et à la sécheresse qui y sévit depuis des décennies, concourent au maintien d’un équilibre écologique précaire et d’un contexte d’aridité et au passage vers un climat plus saharien et désertique. L’écosystème du littoral est très particulier, mais vulnérable à l’image des écosystèmes exceptionnels qu’il comporte : la mangrove relictuelle de Mamghar, les bancs de vasières et de sable et les hauts fonds d’herbiers de phanérogames du PNBA, le domaine estuarien du bas delta et la biosphère de Chott M’Boul.


Ressources en eau sur le littoral

À l’extrême sud du littoral, on rencontre le fleuve Sénégal dont les aménagements récents, les barrages de Diama et de Manantali, ont permis de réguler le débit et d’empêcher en saison sèche son invasion par les eaux salées marines. Il constitue au niveau du delta, la principale ressource d’eau douce littorale qui, à cause de cette intrusion saline, se détériorait et continue de l’être actuellement en aval du barrage de Diama. Avant celui-ci et pendant la longue période d’étiage, la ressource du fleuve, en raison de la forte salinité de l’eau due aux influences marines sur plusieurs dizaines de kilomètres de l’embouchure, s’apprêtait mal aux besoins des populations riveraines.

D’autres réserves d’eaux s’accumulent également dans des lacs (Chott M’Boul) ou des dépressions (sebkha de Drahmcha et de l’Aftout Es Sahéli) qui se remplissent à la faveur de crues ou de pluies abondantes. Ces réserves, en raison des fortes salinités résiduelles des terrains traversés ou lessivés, se retrouvent toujours fortement minéralisées. Dans la zone littorale, exception faite des eaux du fleuve et des crues qu’il occasionne pendant l’hivernage dans les zones d’inondation, il n’existe pas d’autres eaux de surface pouvant être destinées à une utilisation courante.

Comme ressources souterraines en eau, on rencontre au littoral, dans le contexte hydrogéologique du bassin sédimentaire côtier et dans le continental terminal, du nord au sud, plusieurs nappes aquifères, les nappes de Boulanouar, de Bénichab et du Trarza et les nappes alluviales du fleuve Sénégal. Une revue sommaire de leurs potentialités pouvant s’offrir comme alimentation en eau du littoral, notifie une indisposition de ressources ‘utiles’ dans la proximité. En effet, le long de la côte et dans son proche immédiat jusqu’à quelques dizaines de kilomètres à une centaine de kilomètres par endroits, il n’existe, toutes nappes confondues, que des eaux souterraines salées, quelque fois même, plus salées que l’eau de mer. Les eaux de la zone de bordure immédiate de l’océan atlantique sont donc inexploitables en raison de leurs salures prohibitives. D’autre part, l’existence d’un gradient piézométrique décroissant vers le continent, induit la pénétration des eaux côtières salées vers celles continentales douces qui se salinisent progressivement. Les nappes douces se minéralisent de proche en proche et la contamination saline, d’origine multiple (invasion marine, imprégnation saline, altération minérale, dissolution de sels évaporites résiduels de l’encaissant, etc..), minimise avec le temps, les ressources des eaux douces.

Les réserves d’eaux douces, essentiellement fossiles, ne se renouvellent qu’en proportion faible et à vitesse relativement lente. Leur réalimentation directe qui pouvait se faire par infiltration des eaux de pluie, ne s’opère pas en raison de la faible pluviosité de la zone, toujours inférieure à 400 mm (valeur limite de pluviométrie engendrant une infiltration efficace pour la recharge des nappes souterraines dans la zone subsahélienne). La réalimentation se fait par drainage des nappes localisées (nappes du Brakna et de l'Amchetil) dans les zones de ruissellement des eaux de pluie et également par infiltration dans des zones privilégiées de dépressions de la surface topographique où peuvent se concentrer et stagner les eaux de pluies pendant plusieurs jours voire des semaines. Actuellement, la recharge en eau douce des réservoirs proviendrait principalement du fleuve, des rivières intermittentes du Gorgol, du Saverel et de Ketchi et des lacs endoréiques d’Aleg et de R’Kiz qui peuvent apporter en période d’activité jusqu’à 105 m3 par jour.

Cette situation montre que le littoral est dépourvu de ressources de proximité, mobilisables pour son alimentation en eau potable. Seuls le fleuve Sénégal et les lentilles d’eau douce parsemées le long de la dune côtière, sont disponibles, mais ne répondent pas ou ne répondaient pas toujours aux exigences d’une alimentation en eau potable, surtout destinée à une forte concentration humaine.


Le cordon dunaire littoral, réservoir d'eaux douces

Le massif dunaire du cordon littoral joue dans le maintien de l’équilibre mer-continent, plusieurs rôles prépondérants qui ne sont plus à démontrer. Morphologiquement, il constitue la barrière naturelle qui protège des agressions de la mer lors des hautes eaux et des houles, la ville de Nouakchott comme toutes les terres basses du littoral. D’autre part, le cordon littoral participe à l’assainissement de la côte, des plages en résorbant les déchets de pêche et de la mer par enfouissement sous du sable mobile.

Un rôle assez particulier est celui de permettre la formation en son sein des nappes perchées, donc de favoriser la constitution de réserves d’eau douce dans un contexte de salinités extrêmes d’eaux et de sols. Ces réserves, parsemées sur toute sa longueur, permettent quoique limité, le développement de vie humaine et animale dans des conditions véritablement austères. L’importance de la capacité de réserve d’eau de ces lentilles et de leur densité, est intimement liée à la hauteur de pluie annuelle que reçoit la zone concernée. Aussi, la rencontre de ces lentilles sera d’autant plus fréquente sur le littoral à mesure que l’on se déplacera vers le sud. Les caractéristiques physico-chimiques de leurs eaux seront fonction de la nature et de l’ampleur des diverses interactions que celles-ci établissent avec leur environnement immédiat.

La dune côtière est par excellence un réservoir d’eau douce littorale, mais fragile dans son équilibre et vulnérable dans la modifications de ses propriétés. Dans ce contexte, la découverte d’eau douce, revêt une importance capitale dans la mesure où elle participe à solutionner le problème primordial de rareté de l’eau de consommation. Ainsi, les populations habitant le long du littoral, ont acquis des facultés de localiser les réserves d’eau douce qui leur assurent le ravitaillement en eau en permanence ou à défaut de manière temporaire. Dans certains campements, les dispositions de la ressource permettent la réalisation de plusieurs points d’eau dont la nature détermine l’utilisation comme eau de boisson, de maraîchage, d’abreuvage des animaux, de lessive, de bain, etc. Elles peuvent fournir des quantités importantes pour alimenter en eau pendant plusieurs mois des dizaines voire une centaine de personnes. Cependant, le renouvellement des eaux étant tributaire de la pluviosité (très aléatoire) de la zone, leur exploitation doit être prudente pour ne pas entraîner leur épuisement d’autant plus que les caractéristiques globales de leur gîte restent encore mal connues. 


La problématique de l’eau au quotidien

L’alimentation en eau sur le littoral souffre de l’absence quasi-totale de ressources en eau exploitables, tant superficielles que souterraines et de l’acuité de la salinité permanente des eaux. Les eaux de surface, très temporaires, sont dans la plupart des cas, polluées bactériologiquement ou/et fortement salées. Les eaux souterraines, par conjugaison de diverses actions, évaporation, imprégnation saline, altération minérale, intrusion marine, etc., présentent sur la côte une salinité extrême. À cet égard, l'alimentation en eau potable des populations dans ces zones ne peut se faire que par le transport d'eaux provenant d'autres zones, par traitement d’eaux de surface afin de les potabiliser et par dessalement d’eau de mer ou d’eaux souterraines salées pour diminuer le taux de sel et éliminer la pollution bactérienne.

Le littoral, exception faite des grands centres urbains de Nouakchott et Nouadhibou, se caractérise par l’absence de concentrations humaines dont la constitution est fortement tributaire des possibilités d’accès à l’eau qui est, plus que partout ailleurs, un facteur militant et limitant. Cette situation est à lier principalement à l’absence de l’eau et à la difficulté de sa mise à disposition qui n'incitent pas la fixation des populations dans ce terroir. Le littoral connaît globalement, à des degrés divers selon la zone et le site, des problèmes aigus d’approvisionnement en eau. Ce dernier est crucial partout, à Nouakchott, à Nouadhibou et encore plus dans les petites localités le long de la côte où l’eau doit être amenée par des efforts considérables. Dans le sud, dans la zone de l’Aftout es Sahéli jusqu’à Diago, l’approvisionnement en eau pour la plupart des sites, se fait essentiellement à partir du puits ou du puisard ou encore du fleuve pour les sites qui en sont voisins.

Dans le nord littoral, l’utilisation de la denrée eau, beaucoup plus rare que dans le sud, est d’une parcimonie qui dénote là, la hantise du manque d’eau que vivent quotidiennement les populations. L’insuffisance en quantité est telle que la préoccupation de qualité est souvent occultée. L’essentiel est de trouver de l’eau pour satisfaire les besoins de première nécessité et quelque soit la provenance, les moyens et les voies mis en œuvre pour parvenir à cette fin. Aussi, afin de s’assurer le minimum de provision d’eau, plusieurs modes d'approvisionnement sont mis en oeuvre, le réseau de distribution dans les centres urbains, le transport par véhicule et par charrette dans les zones péri-urbaines et les zones éloignées des points de distribution de réseau, le transport sur dos d’animal, pratiqué lorsque les conditions ne permettent pas l’accès par véhicule, l’exhaure dans des puits peu profonds et puisards captant des lentilles localisées d’eau douce et l’utilisation de l’eau de mer déminéralisée. L’acuité du manque d’eau est tel qu’un seul mode n’est jamais suffisant à lui seul pour assurer la desserte convenable de la population qui vit dans la psychose d’une rupture de ravitaillement. Ce dernier souffre du manque de conditions de salubrité dû au transport, au moyen et à la durée de stockage ou à l’environnement immédiat de la source d’eau. Les diverses sources (réseau de distribution, forage, puits, puisards, de station de dessalement) sont souvent complémentaires du fait de l’insuffisance notoire d’une seule source.

Dans le littoral, on s’accommode toujours de la ressource en eau, pour essayer d’en tirer profit au maximum. Dans les grandes villes littorales, après la traversée de situation d’alimentation en eau potable, analogue à celle que vivent aujourd’hui les petites localités, après maintes investigations, l’alternative d’approvisionnement, finalement adoptée en raison de besoins quantitatifs énormes et rapidement croissants, est l’exploitation de la nappe souterraine dans des zones où les influences des phénomènes divers de salinisation sont peu conséquentes sur les variations des propriétés des eaux. Les sites d’exploitation se situent en général à plusieurs dizaines de kilomètres de la ville. La production est acheminée gravitairement (en amélioration par surpression) dans des canalisations où des pertes de charges importantes ne permettent pas d’assurer des débits de réseau de distribution, acceptables. Les pénuries d’eau sont donc monnaie courante. Un diagnostic sommaire de la desserte en eau, révélerait divers problèmes à divers niveaux. La consommation journalière moyenne en eau par habitant, estimée à 17 litres/jour à Nouakchott, reste en de ça de la norme de l’Organisation Mondiale de la Santé pour la quelle la quantité d’eau minimale nécessaire pour une personne est de 20 litres/jour.

Dans certaines zones, du fait de l’éloignement de la nappe souterraine douce, l’on ne rencontre comme disposition en eau que la nappe côtière extrêmement salée et l’eau de mer dont l’alternative à leur exploitation pour de l’eau de consommation, reste le dessalement. L’utilisation de l'eau de mer comme source d'eau potable exige un traitement préalable pour l’adoucir. La déminéralisation de l’eau est réalisée, pour les stations pilotes du littoral, par osmose inverse, procédé (comme d’ailleurs tout autre procédé du genre) dont la mise en place nécessite d'importants investissements, tant pour la construction des installations, leur fonctionnement et leur entretien que pour l’alimentation en énergie qui peut être pourvue ici par énergie solaire et/ou éolienne. Dans cette situation, le ravitaillement en eau est souvent assuré par plusieurs modes conjoints : la desserte par camions citernes à partir de forages environnants, par vedettes amenant de l’eau de Nouakchott ou de Nouadhibou et par la station de dessalement d’eau de mer.

Dans d’autres zones encore où la nature est plus clémente, existent dans la proximité la nappe douce (à quelques dizaines de kilomètres) et des lentilles d’eau douce temporaires, nappes localisées peu profondes et de petites tailles, pouvant renfermer des ressources appréciables, produire des débits faibles et être exploitées par des puisards et même par des puits. Les lentilles se constituent par infiltration au travers d’horizon sableux (véritable lit filtrant) des eaux de pluie dans des dépressions où elles peuvent se concentrer, stagner pendant plusieurs jours à plusieurs semaines. Elles se forment presque toujours en surplombant la nappe généralisée salée dont les interactions à travers la roche encaissante, peuvent modifier conséquemment la qualité de l’eau par accroissement de la minéralisation. Ces interactions s’opèrent par percolation du réservoir supérieur vers celui inférieur, par diffusion ionique suivant le gradient de concentration ou par remontée capillaire. L’ampleur de tous ces processus qui peuvent avoir lieu individuellement ou simultanément, est fonction de la puissance et des caractéristiques de l’horizon de séparation (hétérogénéité, perméabilité, taux de présence de résidus évaporites de sels etc..) entre la lentille et la nappe généralisée et du temps de séjour des masses d’eau, l’une par rapport à l’autre dans le contexte sédimentaire. Ceci montre la vulnérabilité de cette ressource qui peut être dans certains cas, primordiale car constituant la source principale d’approvisionnement. Les lentilles d’eau douce peuvent fournir suivant la saison des volumes importants à nuls.

Avec ces dispositions, la population bénéficie d’un double apport supplémentaire des eaux de forage et après la saison de pluie, de l’appoint des eaux de puisards qui se dégradent au fur et à mesure de leur exploitation et de leur épuisement. L’exploitation de cette ressource doit donc s’accompagner de mesures prudentes car la perturbation préjudiciable de l’équilibre du système est vite provoquée et la pollution des eaux est facilitée par le mode même de formation de cette réserve. L’infiltration à travers l’horizon sableux peut amener jusqu’à l’eau divers polluants et entraîner une contamination anthropique notable. Comme dans toutes les autres situations, les eaux restent insuffisantes en quantité et en qualité qui est altérée pour les eaux de forage, généralement lors du long transport et de l’absence de précautions de sa sauvegarde et pour les eaux de puisards par phénomène de salinisation due au séjour des eaux pluviales dans le contexte salé et aussi par évaporation.


Question quantité mais aussi de qualité

L’acquisition et la sauvegarde de la potabilité de l’eau à consommer, quelque soit la situation, représentent un défi de tous les jours. Souvent, la contamination de l'eau de boisson n'est détectée qu'après une situation de crise sanitaire ayant entraîné des maladies ou des morts de personnes qui ont bu de l'eau non potable. S'assurer à tous les niveaux, gîte de la ressource, moyens d’exhaure, moyens de stockage, réseau de distribution, etc.., que les risques de contamination par les déchets humains et animaux ou par toute autre source de pollution, sont annihilés, est une garantie de pérennité de la qualité. La prévention peut avoir un impact beaucoup plus important que la simple riposte à un problème dans le maintien de la qualité de l'eau de boisson.

La qualité des eaux sur le littoral, si elle peut être requise dans le réseau de distribution (centres urbains), est passable à médiocre pour la consommation humaine pour les diverses eaux que l’on rencontre avec les multitudes provenances (puits, puisards, circuits de revente, transports divers, etc.). Le puits est en général sujet de contamination anthropique importante due au mode d’extraction de l’eau et aux insuffisances de protection de l’ouvrage contre les facteurs potentiels de pollution. Les eaux des puisards, d’origine pluviale, acquièrent avec le temps de séjour dans le contexte salé, d’évaporation, d’imprégnation saline et de remontée capillaire de l'eau salée, une minéralisation importante et comme des eaux du puits, se retrouvent polluées avec la pression humaine et animale dont elles sont l’objet. Pour les eaux transportées, les vecteurs de contamination sont multiples : moyen de stockage, conditions d’acheminement et transvasements peuvent conduire à des modifications réelles des propriétés de l’eau. Le manque d’eau en quantité s’accompagne pratiquement toujours d’une insuffisance de qualité dont la conséquence est le maintien de situation à risques évidents de maladies hydriques et diarrhéiques, encourus par les consommateurs des eaux. Cette absence de qualité peut conduire aussi à une situation de réelle prévalence de ces maladies. La diversité et la multiplicité des types d’apports d’eau peuvent se conjuguer pour accroître les risques engendrés par la qualité médiocre de l’eau.

Les maladies liées à l’eau contaminée par des déchets humains, animaux ou chimiques ou encore par des polluants divers, sont une tragédie humaine. Environ 2,3 milliards de gens souffrent de maladies dues à une insuffisance de la qualité de l’eau. Environ 60 % de la mortalité infantile dans le monde est due à des maladies infectieuses ou parasitaires (choléra, typhoïde, polio, méningite, hépatite A et E, diarrhée,…) dont la plupart sont liées à la mauvaise qualité de l’eau. Un à deux millions de morts sont dues à des maladies diarrhéiques, attribuables au facteur de risque ‘eau, assainissement et hygiène’. Ces maladies peuvent, dans la plupart des cas, être évitées si l’eau est traitée avant d’être utilisée. Certaines autres maladies hydriques, telles que la trachome et la tuberculose, se développent dans des situations de pénurie des régions où l’eau est rare et les systèmes d’assainissement faibles.

Au vu de tous ces aspects concourant hautement à la problématique de l’accès à l’eau surtout dans sa dimension ‘qualité’, on admet que l’accès à l’eau, ce n’est point le seul problème de mise à disposition de l’eau en quantité. Satisfaire le besoin quantitatif sans se préoccuper de la dimension de qualité, c’est comme donner des champignons toxiques à quelqu’un qui a faim. Au bout du compte, il aura assouvi sa faim, mais il se serait créé plus de maux que ne lui provoquait sa faim primaire. Résolvons le problème de l’accès à l’eau dans ces aspects de quantité aussi bien de qualité. Laisser à la traîne cette dernière (véritable problématique de la face cachée) équivaudrait à une résolution partielle au tiers, du problème de l’approvisionnement dont la face apparente est la disposition quantitative. L’accès à l’eau, ce n’est pas seulement avoir de l’eau en quantité. Lorsque nous consommons de l’eau, beaucoup d’eaux, nous produisons des eaux usées, beaucoup d’eaux usées et il se pose alors le problème d’assainissement et d’hygiène. Aussi, toute résolution effective de l’accès à l’eau doit prendre en compte le trio indissociable eau-assainisssement-hygiène dont la maîtrise garantit le cadre de vie adéquat et salubre.

 

 Sites du PNBA 1999-2002 – Consommation moyenne en eau par mois et par jour
Sites
Nb. hab.
Consommation par village (m3/mois) Consommation par habitant (litres/jour)
1999 2001 2002 1999 2001 2002
R’Gueiba
111
6 5.9 3.3 1.8 1.8 1
Teichott
121
10 5.8 2.6 3 4.6 1
Tessot
70
10 9 2.1 4.7 4.3 1
Iwik
131
40 5.9 3.9 10.2 1.5 1
Ten Alloul
64
- 6 1.92 - 3.12 1
Arkeiss
46
3 à 6 3 1.38 2.1 à 4.3 2.17 1

 

Si peu d’eau et à quel prix

Avec l’absence d’eaux superficielles et souterraines douces et mobilisables, les villes côtières de Nouakchott et de Nouadhibou assurent leur alimentation à partir de champs captants d’Idini et de Boulanouar, relativement éloignés et situés en dehors du contexte de la frange des eaux salées. Dans ces centres, le coût de l’eau reste relativement abordable, comparé à ce qui se pratique ailleurs dans le littoral. Le prix de l’eau à Nouakchott qui dispose d’un réseau de distribution et d’autres systèmes de desserte parallèle, varie en moyenne de 200 UM/m3 au robinet, de 300 à 1 000 UM/m3 avec les camions citernes et quelque fois plus avec la distance, de 500 à 1 000 UM/m3 à la borne fontaine et de 1 000 à 2 000 UM/m3 auprès du charretier. Dans la zone littorale, au nord de Nouakchott, l’inadéquation des eaux à la consommation, oblige les populations à s'approvisionner en eau potable au moyen de transport par vedettes, par camions citernes, par véhicules de liaison, véhicules de coopération et de missionnaires, à dos de chameaux et à dos d’ânes. Malgré l’adoption de tous ces modes de ravitaillement, les besoins restent globalement non pourvus. La consommation journalière par habitant, bien au dessous de la recommandation de l’OMS, est insignifiante et en plus se détériore d’une année à l’autre (tableau 1) en raison sûrement des difficultés d’approvisionnement à travers l’irrégularité de la desserte qui se dégrade également d’année en année.

Cette situation de pénurie permanente et surtout lorsqu’elle s’amplifie pour une raison ou une autre, entraîne une hausse de prix de l’eau, déjà exorbitant. Le coût de l’eau, fonction de considérations comme la provenance et le moyen de transport, est très variable, le tableau 2 donne des exemples de prix pratiqués dans quelques sites du PNBA et de Nouakchott. Le prix d’un fût de 200 litres, va de 700 UM (soit 3 500 UM/m3) pour de l’eau déminéralisée à 2 000 UM (soit 10 000 UM/m3) pour de l’eau de forage. Le prix de l’eau est en moyenne 10 fois plus cher dans le PNBA qu’à Nouakchott où les possibilités financières sont largement supérieures à celles en milieu rural littoral. L’acuité du problème de l’eau est là sans commune mesure.

Avec l’eau, la vie au littoral n’est pas que chère, elle est impossible et inaccessible. Pourtant on se démène et on s’en sort et comment on s’en sort ? Grande question à laquelle chacun a sa formule magique pour y répondre !

 

Littoral mauritanien – Coût de l'eau au m3
Agglomération Coût du m3 (UM) Provenance
Mamghar 10000 Rodha
3500 Unité de dessalement
R’Gueiba 7 500-10000 Rodha
Ten alloul 7 500-10000 N'kheila
Teichott 6000-7500 N'kheila
Tessot 10000 Rodha
Arkeiss 5000-10000 N'kheila
Agadir 7500 N'kheila
7500-10000 Nouadhibou
Nouakchott 200 Réseau de distribution
300-1000 Camions citernes
500-1000 Bornes fontaines
1000-2000 Charretier

 

Ce qui se profile à l'horizon

Si aujourd’hui, la densité de populations comme des aires de vie occupées sur le littoral, sont faibles par rapport à d’autres pays, c’est parce que la condition essentielle à leur élan, qui est l’accès à l’eau, reste cette problématique épineuse et pressante. La disponibilisation de l’eau en quantité et en qualité et de manière pérenne pour les populations du littoral, ne peut être assurée que par les sources d’approvisionnement suivantes que permettent les dispositions des ressources littorales en eau, toutes confondues :

  • à partir de la mer, par dessalement d’eaux marines à saumâtres ;
  • à partir d’eaux souterraines d’aquifères situés au delà de la frange salée de la nappe côtière ;
  • à partir d’eau du fleuve Sénégal, mise en adéquation par des traitements appropriés.

Des critères, allant de la proximité de la ressource exploitée, à la facilité de mise en place et de maîtrise du système d’exploitation, au coût de revient et à la qualité du produit proposé, doivent guider à faire un choix judicieux entre ces différentes possibilités. Pour la ville de Nouakchott, le choix n’y était pas, car nous pouvons dire que le temps du choix ne nous était pas donné ou laissé : dans l’urgence ou dans la précipitation, aucune de ces trois alternatives n’a pu être étudiée de manière efficiente, car il fallait coûte que coûte pourvoir une demande en eau qui devenait de plus en plus pressante avec l’avènement de l’urbanisation de la ville. Les deux possibilités de dessalement de l’eau de mer et de l’exploitation des eaux souterraines ont fait les frais et l’objet d’investigations et d’explorations, parfois très tâtonnantes. Les résultats sont ceux que nous vivons, apprécions ou déplorons aujourd’hui.

L’accès à l’eau, a-t-il effectivement trouvé solution à Nouakchott ? Nous vous laissons la réponse ! Mais permettez nous un simple point de vue d’analyse ! Ne diabolisons pas ces alternatives comme incapables de résoudre notre problème d’approvisionnement en eau potable ! Si nous jugeons la situation catastrophique, ne rejetons pas toute la faute aux seules conditions naturelles ou à celles d’une conjoncture difficile qui nous omnibilait par son ampleur. Notre responsabilité n’est pas minime ! Nous posons-nous la question : ‘‘Avons-nous utilisé à bonne essence les ressources en question et avons-nous optimisé leur exploitation pour qu’elles puissent répondre à nos attentes’’ ? Aussi en réponse toute simple, ne voyons pas trop la responsabilité de l’autre, plutôt la nôtre, si infime puisse-t-elle être. Autrement dit ‘eau de mer’, ‘eau souterraine’ ou ‘eau du fleuve’, peu importe ! Si nous pouvons mettre à profit les dispositions de la ressource, elle (pour dire la source que nous aurons choisie avec les critères les plus pertinents, étudiée et maîtrisée dans ses moindres détails et exploitée avec une gestion rationnelle, rigoureuse et consciencieuse) et elle finit toujours par faire notre affaire ou nous finissons par lui faire faire notre affaire.

Aujourd’hui, nous abordons une étape importante et tant attendue pour étancher notre soif d’eau et de consolation pour les situations ardues que nous avions vécues avec la problématique de l’eau. Nous sommes las et à bout de souffle de ce manque d’eau qui perdure depuis des éternités ! Nous sommes maintenant à un tournant décisif de l’accès à l’eau sur Nouakchott et à grande échelle sur le littoral. Tous nos espoirs et espérances sont portés sur la dernière source non exploitée : l’eau du fleuve. Les expériences et explorations passées doivent être des leçons d’or pour nous. Elles doivent nous guider à trouver la meilleure résolution non pas seulement pour la ville de Nouakchott, mais pour toute la ‘sous région’ littorale. Cette résolution ne doit pas se focaliser, ni se borner sur la seule alternative du fleuve, les autres possibilités ne sont pas encore des solutions ‘crevées’, elles restent actuelles et leur bien fondé dépendra de la conduite et de la mise en route de la solution. Les infrastructures en cours d'exécution, la route Nouakchott-Nouadhibou et le projet Aftout es-Sahéli constituent des appuis véritables à la recherche de solution objective et adéquate de l’accès à l’eau sur le littoral mauritanien. .


L'accès à l'eau sur le littoral mauritanien :
II. L'ALTERNATIVE DU DESSALEMENT

Bakari Mohamed SÉMÉGA

quotidien HORIZON 02-02-2006
H2o – mars 2006

 

La terre se profile en bleu, rien qu’en bleu. Elle n’est que d’eau, essentiellement d’eau. Paradoxalement, bien qu’elle soit recouverte d’eau à hauteur de 70 % de sa superficie, les hommes vivent pourtant à certains endroits de la planète, des situations dramatiques de manque criant d’eau.

Le littoral mauritanien fait partie géographiquement et hydroclimatiquement de ces zones qui sont caractérisées par l’absence totale de toute ressource en eaux douces. La situation est telle que seules des alternatives et initiatives bien adaptées au contexte côtier, permettent de lui procurer suffisamment d'eau d’alimentation à la dimension de ses besoins et de leurs évolutions. Parmi ces alternatives, la désalinisation de l’eau de mer ou des eaux saumâtres et la gestion de sa production s’inscrivent en droite ligne d’une solution de proximité à la problématique de l’eau sur le littoral. Pourraient-elles répondre convenablement aux attentes ?

Le dessalement de l’eau de mer : nécessité ou opportunité ?

Le littoral mauritanien connaît à des degrés divers selon la zone, des problèmes aigus d’approvisionnement en eau et davantage dans les petites localités où des efforts considérables doivent être déployés pour satisfaire la desserte. Dans la zone de l’Aftout es-Sahéli jusqu’à Diago, l’eau est puisée à partir du puits ou du puisard ou encore du fleuve. Si par endroits, elle peut être suffisante en quantité, elle ne remplit quasiment jamais les conditions minimales pour la consommation humaine. Dans la zone du Banc d’Arguin, la population constituée de pêcheurs installés dans les villages côtiers, du personnel du parc et de touristes de passage, vit dans une pénurie chronique d’eau dont l’acquisition est à coût exorbitant eu égard aux ressources financières de cette population. Comme partout ailleurs, le développement de cette région est commandé par les possibilités de l’accès à l’eau qui se réalise soit par transport d’eau venant d’autres régions ou par dessalement de celle existante sur place (l'eau de mer ou une eau souterraine saumâtre). Le choix entre l’une ou l’autre de ces deux alternatives se base sur les critères essentiels que sont la pérennité de l’approvisionnement, le prix et la qualité de l’eau. La pratique de la desserte courante à travers les divers modes de ravitaillement en eau sur le littoral, ne fournit qu’une eau insuffisante, en quantité et en qualité, et chèrement payée. L’absence de ressources et l’inefficacité de ce ravitaillement incitent à la recherche de nouvelles ressources ou à l’utilisation de substituts permettant de pallier à la pénurie. Dans ce concert, la ressource en eau par dessalement de l’eau de mer est-il en mesure d’améliorer et de sécuriser cette desserte ?

Dans le dessalement sont utilisés plusieurs procédés dont les plus courants sont les procédés par distillation, l’osmose inverse et l’électrodialyse. La mise en œuvre d’un procédé, quel qu’il soit, est relativement coûteuse et nécessite d'importants investissements, tant pour la construction des installations que pour le fonctionnement, l’entretien et la maintenance surtout en situation de conditions naturelles agressives comme c’est le cas dans le contexte littoral mauritanien. Les procédés s’évertuent, partant d’eaux marines à saumâtres, d’éliminer la majeure partie de la composition secondaire (en éléments, impuretés dissoutes devenues permanentes dans l’eau) pour amoindrir la charge minérale qui doit se retrouver appropriée pour la consommation humaine.


Le dessalement de l’eau de mer, plus qu’un recours !

Les caractéristiques de l’eau à dessaler sont déterminantes dans le choix du procédé à mettre en route, car l’adéquation de la technologie et le rendement en dépendent. Les eaux marines présentent les propriétés essentielles d’un pH compris entre 7,5 et 8,4 et d’une salinité importante, autrement d’une teneur globale élevée en sels (chlorures de sodium et de magnésium, sulfates, carbonates). La salinité moyenne des eaux des mers et océans est de 35 g.l-1 (27,2 g.l-1 de NaCl, 3,8 g.l-1 de MgCl2, 1,7 g.l-1 MgSO4, 1,26 g.l-1 CaSO4, 0,86 g.l-1 K2SO4). Les eaux saumâtres, moins chargées que l’eau de mer, correspondent à des eaux de surface, mais surtout à des eaux souterraines qui ont dissous divers sels lors de leur circulation sur différents terrains et au cours de la traversée des sols et présentent une minéralisation comprise entre 1 et 10 g.l-1. Leur composition dépend de la nature des sols traversés et de la vitesse de circulation dans les sols rencontrés. Les principaux sels dissous que renferment ces eaux, sont le CaCO3, le CaSO4, le MgCO3 et le NaCl. Selon la concentration des sels dans l’eau brute, entre autres paramètres, l’utilisation d’un procédé bien défini s’avérerait plus indiqué. Quel que soit le procédé de séparation du sel et de l'eau, l’unité de dessalement comportera les étapes essentielles d’une prise d'eau de mer (ou de forage d’eau saumâtre) avec une pompe et une filtration grossière, d’un pré-traitement par filtration fine et addition de composés biocides et de produits anti-tartes, du procédé de dessalement proprement dit et d’un post-traitement avec une éventuelle réminéralisation de l'eau produite. À la fin de ces étapes, l'eau de mer se retrouve adoucie et contient en général moins de 0,5 g.l-1 de sels, elle est alors rendue potable et utilisable pour diverses activités.

La première expérience de dessalement de l’eau de mer, connue dans le pays, est l’unité Maurelec, installée à Nouakchott en 1968 et utilisant un procédé par distillation. Cette unité d’une capacité de 3 000 m3/jour, a fonctionné jusqu’en 1974, puis a été abandonnée pour des raisons techniques, de coûts (coût de l’énergie consommée) et du fait de l’alternative d’approvisionnement offerte par la station de pompage d’eau d’Idini. Dix ans après l’arrêt de cette première expérience, de 1983 à nos jours, plusieurs autres expériences de dessalement ont été tentées, aussi encouragées par longue période de sécheresse des années 1970. Ainsi les populations de plusieurs villages Imraguens ont pu bénéficier d’une centaine de distillateurs individuels produisant quelques litres d’eau dessalée. Le village de Blawack s’est vu doté d’une unité de distillateurs à effet de serre (100 l/j). De même sur le site d’Iwik, une station de distillateurs solaires à cascades, d’une production de 200 à 400 l/j, a été installée. Mais, suite à la persistance d’une série de problèmes techniques et de maintenance, ces procédés par distillation ont progressivement tous été abandonnés. La génération des stations d’osmose inverse a alors pris le relais avec plusieurs réalisations au Guelb à Zouératt, à Mamghar, encore à Iwik, à Ten Alloul, Teichott, R’Gueibat, etc.

Si les procédés de distillation sont en fait la réplique à petite échelle du cycle de l’eau dans ses phases d’évaporation et de condensation, l'osmose inverse effectue elle une séparation sélective d’une solution aqueuse en ses différents constituants (solvant et éléments dissous). Cette séparation est effectuée par pression en instaurant une évolution qui va à contre sens de celle naturellement possible dans la solution. Ces deux procédés, dont les performances technologiques ont été prouvées dans le dessalement de l'eau de mer à travers le monde, sont aujourd'hui plus accessibles. Un aperçu succinct de leurs processus permettra de comprendre en quoi consiste le dessalement des eaux marines et saumâtres.


Les techniques de production d'eau dessalée

Dans les procédés de distillation, le principe est de chauffer l’eau brute pour en vaporiser une partie. La vapeur ainsi produite, dans son ascension, se débarrasse progressivement de toutes les particules lourdes, en particulier les sels et par la suite se condense pour donner de l'eau liquide moins chargée à douce. Ce développement est en fait une accélération du cycle naturel de l'eau au cours duquel l'eau s'évapore naturellement des masses d’eau, des océans et la vapeur d’eau qui s'accumule et se condense dans les nuages, finit par retomber sur terre par précipitation sous forme d'eau douce. Dans les processus de distillation, la répétition en chaîne de cette séparation améliore au fur et à mesure l’élimination des sels et l’adoucissement de l’eau. Aussi, la plupart de ces processus opèrent par étapes successives qui réalisent la distillation du distillat jusqu’à un degré où l’élimination des sels est maximale et optimale. L'énergie consommée est principalement l'énergie thermique à fournir à la chaudière et l'énergie électrique pour les pompes de circulation de l'eau de mer. Ces énergies sont considérables et constituent l'inconvénient majeur de ces procédés. La forte consommation d’énergie est due à la valeur élevée de la chaleur latente de vaporisation de l'eau dont la transformation d’un kilogramme d'eau liquide en eau vapeur à 100°C, nécessite environ 2 250 kilojoules. Afin de limiter cette consommation d'énergie, les procédés tentent de réutiliser l'énergie libérée lors de la condensation.

Le dessalement par osmose inverse est lui basé sur le phénomène contraire de l’osmose qui s’opère à chaque fois qu’il se réalise naturellement le transfert de solvant (eau dans la plupart des cas) à travers une membrane semi-perméable sous l'action d'un gradient de concentration. Aussi, au lieu d’avoir le transfert de solvant du compartiment de plus faible concentration à celui de plus forte concentration, l’osmose inverse, sous l’action d’une pression, institue l’évolution contraire. Plus cette pression est importante et plus ce transfert est favorisé. Le solvant eau va s’écouler en continu à travers une membrane dense sans porosité (véritable barrière aux éléments) qui, en agissant sélectivement, retient les particules à la fois dissoutes et en suspension contenues dans ce solvant. L’écoulement s’effectue tangentiellement à cette membrane qui laisse passer le solvant et arrête les ions : il y a séparation entre l’eau et les sels qu’elle renferme. Ce processus de séparation s’effectue en phase liquide par perméation sous l’effet d’un gradient de pression. Autrement dit, au cours du processus, l’eau est fortement pressée contre une membrane en polyamide dont les micropores ne laissent passer que les molécules d’eau et rien d’autres, pas même les microbes et virus. Suivant ce principe, des procédés sont mis en place pour débarrasser l’eau de mer de sa charge minérale : l’osmose inverse permet d’obtenir de l’eau déminéralisée. La pression osmotique étant proportionnelle à la concentration de la solution, l’énergie nécessaire à la sélection des éléments au niveau de la membrane augmente avec la quantité de sels dissous. 

 

distillation.gif  membrane.gif
Illustrations extraites de Quelle eau boirons-nous demain ? Pierre Hubert & Michèle Marin, Phare Hachette, septembre 2001.
À gauche : procédé de distillation. À droite : technologie membranaire

 

En pratique l’osmose inverse est précédée d’un pré-traitement poussé de l'eau de mer pour en éliminer les matières en suspension dont le dépôt est préjudiciable à la membrane en entraînant à son niveau des chutes de débits de l’eau dessalée. Aussi, au cours du pré-traitement toute particule de dimension supérieure à 10 ou 50 µm, selon le type de module d'osmose inverse, doit être éliminée par une pré-filtration grossière et une filtration sur sable. Puis un traitement biocide et une acidification sont effectués pour annihiler tout développement de microorganismes sur la membrane et toute précipitation de carbonates. Enfin une filtration sur cartouches permet de retenir les particules de plus petite taille qui n'ont pas été retenues par le filtre à sable. Une pompe haute pression permet ensuite d'injecter l'eau de mer prétraitée dans le module d'osmose inverse dans lequel se trouve la membrane sélective qui réalise la séparation en eau quasi-exempte de sels minéraux (eau dessalée ou perméat) et en eau hypersalée (solution salée ou rétentat). Avec le temps, la concentration de cette dernière solution augmente avec la rétention des molécules du côté aval de la circulation de l’eau à travers la membrane. Cette rétention entraîne à son tour l’augmentation de la pression osmotique près de la couche limite, avec des risques de précipitation des composés à faible produit de solubilité. Au fur et à mesure qu’évolue ce phénomène, pour un même rendement, la pression à appliquer devient plus élevée, ce qui entraîne plus de consommation d’énergie. Pour pallier à cet inconvénient, la membrane est décapée continûment du côté de la solution salée par un flux d'eau continu. Aussi, toute l'eau qui arrive au niveau du module d’osmose inverse n'est pas filtrée, une partie est utilisée pour nettoyer la membrane et ainsi empêcher le développement des phénomènes de colmatage des pores. Afin de limiter la consommation d'énergie du procédé, on peut placer dans le circuit du rétentat une turbine qui permet de récupérer une partie de l'énergie contenue dans ce fluide sous haute pression.

L’osmose inverse, avec l’inconvénient de l’accumulation de la solution salée au niveau de la membrane, a été d’abord destinée aux eaux saumâtres de salinité inférieure à 10 g.l-1. Actuellement le procédé est appliqué aux eaux marines aussi bien pour la production à grande échelle (300 000 m3) que pour des quantités domestiques (300 litres) ou des exploitations agricoles individuelles. Le procédé présente des avantages d’opérer en conditions modérées de fonctionnement à température ambiante, d’où une économie d’énergie, de permettre des séparations plus poussées, basées sur les dimensions moléculaires et non pas sur les propriétés chimiques et de ne pas employer des produits chimiques. L’osmose inverse a supplanté progressivement les procédés par distillation dans les essais de dessalement sur le littoral mauritanien. Cependant pour des raisons surtout de maintenance et d’entretien, la plupart des unités existantes ne sont pas fonctionnelles ou ne le sont que de manière très épisodique.

Quel rôle peut jouer le dessalement ?

Le recours au dessalement de l’eau de mer se justifie à plus d’un titre pour plusieurs raisons. Les plus parlantes parmi celles-ci, sont la disponibilité de la ressource primaire et du potentiel énergétique, l’adaptabilité et la flexibilité des techniques et l'obtention d’une eau sûrement moins chère et de meilleure qualité par rapport aux eaux de la desserte existante dans les petites localités, tous modes de ravitaillement confondus. Pour ce faire, analysons le cas de la production d’eau dessalée à Mamghar. La station de dessalement dans ce village a une capacité de 10 m3 avec une production effective de 1 à 2 m3/jour d’eau pour un fonctionnement de 8 à 12 heures avec une consommation de 32 litres de gasoil. L’eau traitée est extraite d’un puits de 40 m de profondeur situé sur la plage à proximité de la mer. Cette eau a une minéralisation qui tourne autour de 60 g.l-1, relativement élevée par rapport celle de la mer. Cette forte salinité est due principalement au séjour et aux interactions de l’eau de mer dans le contexte sédimentaire côtier de dépôts renfermant une proportion importante de sels résiduels d’évaporites, notamment la halite (sel de mer : NaCl), qui sont redissous par l’eau qui acquiert alors une minéralisation plus importante. Le profil de cette salinité pose un problème de choix entre l’eau de mer et celle de la nappe souterraine. La première est altérée par une charge importante en matière organique due à la dégradation et la décomposition d’une flore marine abondante de zooplancton et d’une présence de micro-organismes divers et la seconde par une charge minérale relativement élevée. Elles apparaissent donc toutes deux en l’état, inappropriées pour le traitement d’osmose inverse et en plus engendrent des contraintes pour la membrane.

Le traitement mis en œuvre par osmose inverse déminéralise effectivement l’eau traitée à un taux d’élimination de 98 % pour la minéralisation qui se retrouve adoucie jusqu’à 1,2 g.l-1. Pour les espèces ioniques, ce taux, en moyenne de 97,4 %, doit être considéré pour chaque élément pour déterminer si effectivement la teneur, après le traitement, requiert bien la condition de potabilité. Les résultats d’analyses des éléments essentiels de la composition chimique de l’eau dessalée indiquent que cette condition est en général requise exception faite pour le sodium, les chlorures et la minéralisation totale dont les valeurs respectives de 330 et 373 mg.l-1 et 1,2 g.l-1, restent encore supérieures à celles de la limite de potabilité. Cet écart à la potabilité pour ces caractéristiques, est le reflet de l’eau brute trop chargée pour le processus car les membranes d’osmose inverse sont conçues pour traiter des eaux de salinités inférieures à voisines de celles de l’eau de mer à 35 g.l-1. Or l’eau brute, traitée à Mamghar, en est bien supérieure de l’ordre de 70 %. Ce qui crée une tension supplémentaire sur la membrane dont le comportement vis-à-vis de cette eau, conduit vraisemblablement à plus d’accumulation de la solution salée entraînant une filtration médiocre, une charge minérale résiduelle encore importante après traitement et une diminution de la durée de fonctionnement de la membrane trop sollicitée.

Une amélioration de la qualité physico-chimique de l’eau dessalée, passe nécessairement par l’utilisation d’une eau brute "appropriée", c’est-à-dire de salinité en adéquation avec les aptitudes de la membrane d’osmose inverse. Dans la situation actuelle de la station de Mamghar, tant que l’alimentation de l’unité est assurée par l’eau provenant du puits et tant que l’on continue d’utiliser des membranes normalisées à la salinité de l’eau de mer, des dépassements de la minéralisation et des teneurs en sodium et en chlorures subsisteront fréquemment après le traitement. De ce fait, pour contourner l’effet de la salinité, l’eau doit être prélevée directement à la mer ou dans un puits dont la salinité est comparable à celle de l’eau de mer ou sinon trouver une membrane s’accommodant avec la forte salinité de l’eau brute actuellement utilisée. Dans la première option, la phase de pré-traitement s’avère d’une importance capitale et doit être adaptée pour éliminer de manière efficiente les matières en suspension et décimer une éventuelle population de micro-organismes. Dans la deuxième option, la réalisation d’un forage productif d’eaux saumâtres à la limite marines dont les variations de salinité sont peu conséquentes, serait indiquée. Outre la qualité, l’autre facteur important est le coût de la production. À travers le monde, le prix du m3 d’eau dessalée varie actuellement entre 0,5 et 2 euros (soit approximativement entre 200 et 800 UM) qui reste très abordable par rapport au 700 UM / fût de 200 litres soit 3 500 UM le m3. Malgré sa valeur élevée, il apparaît comme une aubaine car il est 2 à 3 fois moins cher que celui pratiqué par le ravitaillement privé. Le coût de l’eau dessalée peut être amélioré davantage par une véritable politique de dessalement prenant en compte les attentes de la population et l’utilisation du potentiel énergétique solaire et éolienne. Selon une étude de l’Institut technologique des Canaries, sur l’impact de l’utilisation des énergies renouvelables dans le dessalement, l’énergie éolienne permet de réduire le prix de l’eau dessalée de 30 % ou plus. En agissant à d’autres niveaux de la production, l’amélioration de la desserte par l’eau dessalée dans le littoral, peut être appréciable. .

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ResSources
Le profil sectoriel Eau en Mauritanie – Étude InPut / Pro€Invest, mars 2005.
Les opérateurs indépendants de l'eau potable et de l'assainissement dans les villes africaines , Bernard Collignon, Hydroconseil, et Marc Vézina, pSEau – h2o.net, octobre 2002.
Etude sur la stratégie de développement des villes de Nouakchott, Nouadhibou et Kaédi – volet : évaluation environnementale et sociale stratégique,  rapport préliminaire, Jean-Luc Pigeon, ingénieur-conseil en environnement, décembre 2000.
Rapport Mauritanie – Les opérateurs privés du service d'eau dans les quartiers irréguliers des grandes métropoles et dans les petits centres en Afrique – Tidiane Koita, Epureh / Hydroconseil, décembre 1997.
OMVS – Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal – présentation.
OMVS – Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal – site Internet.
Bassin du fleuve Sénégal – Programme mondial pour l'évaluation des ressources en eau – UNESCO.
Unité de Gestion du Projet Aftout Essahli
UGPABP 5816 Nouakchott Mauritanie
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