H2o Magazine


Eau & mythologie III
Divinités et mythes de Mésopotamie

Mots clés : divinités, mythes, mythologie, Mésopotamie, Sumer, Akkad, Babylone, Assur, Épopée de la Création, Épopée de Gilgamesh, Déluge

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Après deux aventures à la découverte des divinités gréco-romaines et égyptiennes de l’eau, voici une autre invitation à remonter, plus loin, le fil du temps au cœur de la Mésopotamie, où sont nées et se sont succédées les premières grandes civilisations : Sumer, Akkad, Babylone et Assur et la plus ancienne épopée connue : celle de Gilgamesh qui met en scène le plus ancien mythe du déluge. 

un voyage sur les rives du Tigre et de l'Euphrate
initié par Nicole MARI

h2o – septembre 2009


À moi, le Roi,
le dieu de l’Orage
et le dieu Soleil
ont confié le pays et ma maison.

(Proclamation des rois Hittites)

La Mésopotamie, dont le nom signifie en grec "le pays entre deux fleuves", est un monde sorti des eaux entre le Tigre et l’Euphrate, deux fleuves qui prennent leur source aux frontières actuelles de la Syrie et de la Turquie, traversent l’Irak pour se jeter dans le Golfe Persique. C’est exactement entre ces deux fleuves, qui délimitent un territoire d’une exceptionnelle fécondité, dans les vallées fertiles, que naissent et se succèdent dans des cités-États rivales – Kish, Lagash, Ur, Uruk, puis Akkad et plus tard Babylone – quatre grandes civilisations :  sumérienne, akkadienne, assyrienne et babylonienne.

Ces civilisations successives sont marquées par une surprenante continuité religieuse. Résolument polythéistes, les cités-États s’accordent autour d’un panthéon commun, qui affiche une multitude de dieux, complété pour chacune par un panthéon local. L’immense panthéon babylonien compte ainsi plus de 2 000 divinités, dont beaucoup sont issues de Sumer. La force des mythes est telle qu’à travers les siècles, les mêmes divinités réapparaissent sous des noms différents. Elles personnifient toujours une puissance naturelle à l’état brut.

Dans ce monde ancien fortement dépendant des phénomènes physiques, les croyances sont basées sur les éléments naturels : le Ciel, la Terre, l’Eau et le Feu qui déterminent la vie. Les divinités primitives du Vent et de la Pluie, des Eaux et du feu sont associées à des phénomènes cosmiques spectaculaires dont chaque être humain fait l’expérience angoissée. Le sentiment religieux est dominé par la crainte qu’inspirent ces puissances naturelles que l’homme ne peut maîtriser et qu’il divinise pour les amadouer. Les peuples servent des dieux terribles dont ils ont peur et qui exigent d’eux une servitude de tous les instants. Le rôle des prêtres est d’apaiser les colères divines.

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L’eau primordiale

 

Dans la mythologie mésopotamienne, comme l’atteste "le poème de la naissance des dieux beaux et gracieux", retrouvé à Ugarit en Phénicie, l’eau est à l’origine de la création du monde et de la vie. Les deux grands mythes fondateurs sont liés à l’eau : la création du monde à partir des eaux primordiales et le déluge qui génère la destruction et la renaissance de l’humanité.

Les Mésopotamiens imaginent les origines du monde de la manière dont ils considèrent l’univers. Ki, la Terre est un disque flottant sur Apsou, l’Eau douce, qu’entoure un grand océan bordé de montagnes. L’ensemble est enfermé dans une sphère dont la partie supérieure constitue An, le Ciel, et la partie inférieure, le monde des Enfers. Cette sphère baigne dans la mer primordiale.

Les versions varient selon les civilisations.

Chez les Akkadiens, par exemple, une cosmogonie fait apparaître un enchaînement de causes : Anou crée le Ciel ; le Ciel engendre la Terre ; la Terre engendre à son tour les rivières ; les rivières créent les canaux ; les canaux engendrent les bourbiers. Les bourbiers donnent naissance au ver qui, logé dans la dent, est source de souffrance…

Mais la version la plus célèbre est d’origine sumérienne et racontée dans l’Enûma Elis. Elle met en scène le dieu babylonien Mardouk qui vainc les éléments et donne au monde sa forme actuelle.

L’Enûma Elis ou l’Épopée de la Création

Lorsque Là-haut le ciel n’était pas encore nommé,
Et qu’Ici-bas la terre-ferme n’était pas encore appelée d’un nom,
Seul Apsû-le-premier, leur progéniteur
Et Mère-Tiamat, leur génitrice à tous,
Mélangeaient ensemble leurs eaux.

L’Enûma Elis (qui signifie en assyrien : Lorsqu’en haut, premiers mots du poème) est l’Épopée de la Création, version Sumer. Ce poème de 1 100 vers, rédigé sous le règne de Nabuchodonosor 1er (1124-1103 av. J.-C.), relate le récit le plus célèbre du mystère des origines.

Au commencement était Apsou, l’Eau douce, élément masculin primordial, étendue infinie des eaux douces souterraines et son épouse Tiamat (terme akkadien désignant la mer), l’Eau salée, élément féminin et maternel, composée de l’immensité des eaux salées. Ces deux entités suprêmes indéfinies forment un élément unique et indifférencié. Rien n’existe en dehors d’elles avant que leurs eaux ne se mêlent. L’union de ces deux éléments liquides engendre de nouveaux éléments primordiaux d’où naissent les autres Dieux et d’où surgit la Terre qui va permettre le développement de la vie humaine.

L’union d’Apsou et de Tiamat donne donc naissance au Tumulte des flots, Moummou, puis aux premières créatures divines, deux serpents monstrueux, Lahmou et Lahamou. Ces deux serpents enfantent Anshar, "Ciel Total", le principe mâle associé au monde céleste, et Kishar, "Terre Totale", le principe femelle assimilé au monde terrestre. De ces deux mondes naissent Anou, dieu du Ciel et deux autres sortes de divinités : les Igigi, petits dieux qui peuplent le Ciel, et les Announaki, génies des enfers. Cette pléiade de nouveaux dieux se révèle turbulente et bruyante. Elle trouble le repos de Tiamat, qui, appuyée par Apsou et Moummou, décide de les anéantir.

Le fils d’Anou, Ea, dieu des Eaux douces souterraines, informé des projets de la déesse, jette un sort paralysant sur Moummou et enchaîne Apsou avant de le tuer. Dans les abysses aquatiques de l’Apsou, Ea installe son royaume souterrain et le peuple de ses créatures, tels les sept apkallu mi-hommes, mi-poissons, les lahmu et les enku. Il engendre avec Damkina un fils : Mardouk, futur dieu de Babylone.

 

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Tiamat, l'étendue d'eaux salées, s'unissant à Apsou, l'étendue infinie d'eaux douces souterraines.

 

L’œuvre de Mardouk Tiamat, que la mort d’Apsou rend folle de douleur et de rage, enfante des serpents énormes et effroyables, des dragons hideux, des chiens furieux, des hommes-scorpions : toute une armée terrible qu’elle place sous le commandement de son fils, Qingou.

Pour affronter la vengeance de la déesse, Ea demande l’aide d’Anshar, le dieu du Monde céleste, qui délègue Anou, le dieu du Ciel. Mais celui-ci, effrayé, se dérobe. Les dieux font appel à Mardouk, qui accepte à condition d’obtenir l’autorité suprême. Ils lui remettent donc le sceptre, le trône et l’insigne de la royauté ainsi qu’une arme lui permettant de repousser ses ennemis.

Mardouk peut ainsi provoquer Tiamat en combat singulier et la tuer. Il fend en deux son cadavre. De la première moitié de Tiamat, il construit la voûte du ciel. De l’autre moitié, placée sur les eaux, il fabrique le support de la Terre, une terre flottante qui abrite le séjour des hommes. Le monde repose donc sur une vaste étendue d’eau. C’est au centre de cette île instable que les Mésopotamiens situent la cité de Babylone.

Avec la poitrine de Tiamat, Mardouk crée les montagnes. De ses yeux sourdent le Tigre et l’Euphrate, les deux principaux fleuves mésopotamiens sont ainsi divinisés. De son écume jaillissent la neige et la pluie. Son œuvre achevée, Mardouk tranche la gorge à Qingou et, avec son sang, donne naissance à l’humanité.

Dans l’Enûma Elis, le Fleuve divin est à l’origine de tout. L’eau, qu’elle soit douce ou salée, joue un rôle central. Le Tigre, qui naît dans les montagnes d’Assyrie, et l’Euphrate dans celles d’Arménie ont permis grâce à leurs eaux abondantes, l’émergence d’un croissant fertile sur leurs rives, si bien qu’ils apparaissent aux yeux des peuples mésopotamiens comme les créateurs de toute chose.

 

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Les dieux offrent à Mardouk le sceptre, le trône et l'insigne de la royauté.
Mardouk coupant Tiamat en deux, d'une moitié sera le ciel, de l'autre, la terre.

 

Poème de la naissance des dieux beaux et gracieux

Ce poème phénicien conte l’union du Soleil et de l’Eau, quand le Soleil féconde la Mer. De la rencontre de ces deux éléments primordiaux jaillit la vie, débordante d’énergie.

À l’époque de l’année où la végétation dépérit, où le sol est stérile, le dieu solaire, El, s’avance vers la mer d’où proviennent de langoureux appels qui l’attirent irrésistiblement. Partant à la rencontre de sa parèdre Ashérat, la dame de la Mer, il aperçoit sur son rivage deux jeunes femmes qui font "monter l’eau". Ces créatures, incarnant à la fois la déesse Ashérat et ses filles, l’appellent tantôt "époux", tantôt "papa", et l’implorent de les féconder. Le dieu à la force fécondante cède à leurs prières, entre dans l’eau, étend ses bras et l’étreint généreusement.

Mais son fils Môt, dieu de la sécheresse, qui personnifie la dualité de l’action du soleil, empêche l’union en bloquant, avec le sceptre de stérilité, la puissance virile d’El. Une lutte s’engage entre le père et le fils, qui s’incline sous l’action conjuguée de plus puissant des dieux et des jeunes filles des flots.

Sa puissance fécondatrice restituée, le Soleil se penche sur les eaux et effleure de sa bouche les lèvres des jeunes femmes. En un baiser est conçu un premier enfant, Shahar, l’Aurore, dont le nom évoque le lever du Soleil. C’est le premier dieu "beau et gracieux". Un deuxième dieu est créé : Shalem, le Soir, dont le nom désigne l’astre solaire au crépuscule. Naissent en tout, l’un après l’autre, "sept dieux beaux et gracieux" de l’union du Soleil et de la Mer. Le dernier fonde au milieu du désert la cité d’Asdod, devenant ainsi le géniteur du peuple phénicien.

 

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Le dieu El et sa parèdre Ashérat, la dame de la mer.
El, le soleil, fécondant Ashérat, la mer.


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Le mythe fondateur du déluge

 

Puis le Seigneur leva Déluge, sa Grand-Arme,
Et monta le terrifique Char, Tempête irrépressible.

(L’Enuma Elis, tablette IV.)

Mais si l’eau, élément primordial, est à l’origine du monde, elle est aussi l’instrument de la colère divine, l’outil qui provoque la fin. De tous les mythes de Mésopotamie, le plus connu et le plus récurrent est celui du déluge, de l’anéantissement de l’humanité engloutie sous les eaux. Nul ne sait exactement d’où il est né. Certains archéologues l’identifient aux pluies abondantes qui ont marqué pendant des siècles la période dite mésolithique, après la fin de la première glaciation. Il aurait peut-être aussi pour origine les crues massives du Tigre et de l’Euphrate qui, dans un temps très court, ont pu recouvrir de grandes étendues de terres. Une autre hypothèse, très contestée, fait du déluge le récit mythique de l’envahissement de la mer Noire, jusqu’alors simple lac glaciaire, par les eaux de la Méditerranée franchissant le détroit du Bosphore, environ 7 500 ans avant notre ère.

Mais qu’il soit inspiré par une catastrophe naturelle ou par la fascination d’une civilisation agricole pour les crues à la fois bienfaisantes et destructrices, ce mythe souligne la finitude de l’homme et la puissance parfois négative des dieux vengeurs. Une violente colère divine et le monde est submergé par les eaux, la race humaine est anéantie. Face à cette implacable tentative d’extermination, l’homme montre cependant l’étendue de ses ressources. Il suffit d’un seul survivant pour que la vie reprenne. Le déluge mésopotamien est l’épreuve qui permet la renaissance de l’humanité.

D’origine sumérienne, ce mythe universel existe sous plusieurs versions dans la mythologie mésopotamienne. L’histoire débute toujours par la colère des dieux face à l’indiscipline des hommes.

Le mythe d’Atrahasîs, le Supersage

Que les eaux de la pluie soient retenues en haut ;
En bas, que les eaux ne surgissent plus de leurs sources.
Que le vent souffle et assèche le sol ;
Que les nuages s’épaississent et retiennent la pluie.

(Enlil a recours à la sécheresse.)

Le plus ancien récit est d’origine babylonienne et date du XVIIème siècle avant J.-C. Il met en scène le héros Atrahasîs, "le Supersage". Des années après avoir créé l’humanité, les dieux s’inquiètent de la surpopulation de la Terre et de l’évolution des hommes, devenus particulièrement bruyants et hargneux. Leur vacarme sur Terre empêche Enlil, Seigneur du Vent, de dormir.

Pour les obliger à se taire, Enlil déchaîne des fléaux divers qui mèneront finalement au déluge.

Il lance d’abord l’Épidémie. Mais sur terre, Atrahasîs le Supersage demande conseil à Enki/Ea, dieu de l’Intelligence et des Eaux souterraines, qui lui donne la solution pour endiguer le fléau. Les hommes continuent de se multiplier bruyamment.

Enlil lance alors un second fléau : la Sécheresse. Il ordonne à Adad, le dieu de l’Orage, de stopper la pluie. Les supplications d’Atrahasîs, qui s’adresse à lui sur les conseils d’Enki/Ea, font d’abord fléchir Adad. Mais le vacarme humain ne cessant pas, une terrible sécheresse tombe sur la terre qu’Atrahasîs, suivant toujours les conseils d’Enki/Ea, parvient à surmonter.

Le Seigneur du Vent, furieux, intensifie la Sécheresse et demande l’aide de tous les dieux. Enki refuse et trouve encore le moyen de diminuer l’aridité. Mais il ne peut empêcher Enlil de recourir, avec l’assentiment des autres dieux, à un cataclysme radical : le Déluge. Pour sauver la race humaine, il envoie un songe prémonitoire à Atrahasîs et lui commande de construire un bateau.

Après le déluge, une nouvelle humanité se reconstruit peu à peu, mais les dieux, rendus prudents par leur précédente expérience, décident de conserver le pouvoir sur terre. Avec la déesse Ishtar, maîtresse de la Souveraineté, Enlil part en quête de l’homme le plus méritant, apte à régner sur le royaume terrestre. Ils fondent sur les rives de l’Euphrate la cité de Kish et remettent les attributs de la royauté à Etana, considéré comme le plus sage d’entre les hommes.

On retrouve ce même récit, avec quelques variantes, dans un texte babylonien considéré comme le plus ancien texte littéraire connu (fin du IIIème millénaire), l’Épopée de Gilgamesh où le héros se nomme Utanapishtim et dans un texte sumérien datant du IIIème millénaire, où le survivant du déluge est Ziusudra, roi de Suruppak, dont le nom signifie : "vie des longs jours" ou "vie des jours lointains".

 

 

Enlil, père de dieux et dieu sumérien des airs et du vent.

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L’Épopée de Gilgamesh

Au premier point du jour, le lendemain,
Monta de l’horizon une nuée
Dans laquelle tonnait Adad,
Précédé de Sullat et de Hanis,
Hérauts divins qui sillonnaient monts et plaines.
Nergal arracha les étais des vannes célestes,
Et Ninurta se précipita pour faire déborder les barrages d’en-haut…
Les foules n’étaient plus discernables dans cette trombe-d’eau…
Six jours et sept nuits durant,
Bourrasques, pluies battantes, ouragans et Déluge ne cessèrent de ravager la terre.
Les dieux étaient épouvantés par ce Déluge…

L’Épopée de Gilgamesh est la version la plus célèbre du Déluge. Elle retrace les aventures du jeune roi d’Uruk, "le grand homme qui ne voulait pas mourir", parti en quête du secret de l’immortalité. L’élément liquide, par le secours qu’il lui apporte ou le danger qu’il représente, est au cœur de sa quête et de sa rédemption.

Accablé de douleur et de désespoir d’avoir perdu son compagnon Enkidu, terrorisé par la mort, Gilgamesh entreprend un long et périlleux voyage pour trouver Utanapishtim et son épouse, les deux survivants du déluge, qui ont reçu, des Dieux, le secret de la vie éternelle.

Pour parcourir les distances, surmonter les épreuves, éviter de mécontenter les dieux, le héros respecte, à chaque étape, un rituel précis de purification avec l’eau d’une rivière ou d’un puits qu’il creuse. Parce qu’il présente de l’eau pure et de la nourriture comme offrande au dieu-Soleil Shamash, il réussit à gravir les vertigineux Monts-Jumeaux et à traverser le Jardin des Gemmes qu’aucun humain n’a jamais atteint. Il obtient ainsi l’aide d’Urshanabi, le batelier de Shamash, son seul espoir de franchir, sain et sauf, l’Eau-mortelle, cette mer démesurée au-delà de laquelle habite Utanapishtim et qu’aucun humain n’a jamais franchi.

L’eau est mortelle pour quiconque la touche. Pour faire avancer la barque, Gilgamesh coupe dans la forêt 120 perches de 30 mètres, qu’il enfonce une à une dans l’eau. Lorsque l’eau menace de mouiller ses doigts, il lâche la perche et en empoigne une autre qu’il plante dans la vase. Il propulse ainsi l’embarcation en plantant obstinément, une après l’autre, les 120 perches sans jamais toucher l’eau de ses mains. La 120ème reste fichée dans l’eau. Après trois jours de traversée, le bateau et ses deux passagers atteignent l’autre rive sous le regard étonné d’Utanapishtim.

 

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Gilgamesh, roi d'Uruk, et le batelier Utanapishtim, "celui qui a trouvé la vie".

 

Un fabuleux déluge – Le vieil homme lui raconte ce fabuleux déluge qui fit de lui un immortel. Tout commence à Shurupak, sur les bords de l’Euphrate où les principaux Dieux sumériens, Anou, Enlil, Adad, etc. prennent la décision de noyer la Terre sous un déluge d’eau pour anéantir la race humaine qu’ils accusent de tous les maux. Saisi de pitié, Enki, le dieu de l’Apsou, l’Eau douce, tente de sauver les hommes en révélant le châtiment divin au batelier Utanapishtim. Pour assurer sa survie, celui-ci entreprend immédiatement la construction d’un navire sur lequel il fait monter sa famille, son bétail et tous les animaux qu’il peut rassembler.

À peine a-t-il achevé qu’Adad, le dieu de l’Orage, déclenche le déluge. Précédé par Shullat et Hanish, les hérauts divins, il fait éclater comme jamais le tonnerre tandis que Nergal, dieu des Enfers, de la destruction, de la guerre et des catastrophes naturelles, ouvre les vannes du Ciel, que Ninurta, dieu guerrier, fait déborder les barrages et que les dieux infernaux incendient le pays.

Pendant six jours et six nuits, sans interruption, des pluies torrentielles engloutissent plaines et vallées. Les terres sont rapidement submergées. La fureur des eaux est telle qu’elle finit même par effrayer les dieux, responsables de la catastrophe, qui se réfugient dans le ciel d’Anou. Au septième jour, la tempête s’apaise et la mer se calme. Tout est recouvert de boue. Tous les hommes ont péri, sauf le batelier et son épouse qui pleurent devant l’épouvantable spectacle.

De son bateau qui a dérivé sur les flots déchaînés et échoué au sommet du mont Nizir, le Mont du Salut, Utanapishtim, dont le nom signifie "celui qui a trouvé la vie", attend patiemment la décrue avant de regagner la terre. Il lâche une colombe, puis une hirondelle, qui reviennent, n’ayant trouvé aucun endroit où se poser. Un corbeau, lâché plus tard, ne revient pas, signe de la décrue des eaux. Alors Utanapishtim foule le sol boueux et dépose une offrande sur le sommet de la montagne.

Enlil, le dieu de l’Atmosphère, découvrant le couple de rescapés, entre dans une rage folle. Il le convoque devant le Grand Conseil où les Dieux, terrorisés par la violence des pluies, prennent sa défense et lui accordent l’immortalité. Choisi pour perpétuer l’espèce humaine après le déluge, le couple est conduit à l’embouchure des fleuves, où il demeure depuis.

L’Épopée de Gilgamesh illustre le conflit entre les forces de la nature, la volonté des dieux et celle des hommes. L’eau est au cœur de chaque épreuve, elle a une portée métaphysique. Le déluge babylonien, qui préfigure celui de la Bible, est l’instrument du châtiment terrible infligé par les Dieux à l’humanité, mais aussi le révélateur d’un être nouveau, que l’épreuve a rendu sage et capable d’assumer son destin.

 

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Pendant six jours et six nuits, sans interruption, des pluies torrentielles engloutissent plaines et vallées. Tous les hommes périrent, sauf le batelier et son épouse qui se lamentèrent devant l’épouvantable spectacle.
Gilgamesh et Enkidu.


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L’eau indomptable

 

Même si on ne sait pas comment, ce n’est pas par simple hasard que le mythe du déluge est né en Mésopotamie, une région où l’élément liquide occupe une place centrale et est la source de toute richesse. Dans la plupart des cités, l’eau est un bien rare et précieux. Indispensable à la vie quotidienne des habitants et à la culture de la terre, elle a un caractère sacré pour les vivants comme pour les morts. Elle joue même un rôle essentiel dans les rituels funéraires.

Mais ses bienfaits ne font pas oublier aux peuples qu’ils sont, en même temps, soumis aux caprices de deux grands fleuves et d’une nature toute puissante. Les hommes redoutent, tout à la fois, la sécheresse et la violence des pluies et surtout les tempêtes qui provoquent, au printemps, des crues soudaines, violentes et excessives. Leurs eaux gonflées par la fonte des neiges, le Tigre et l’Euphrate débordent brusquement de leur lit, noient les vallées, détruisent les moissons et causent d’innombrables dégâts. En anéantissant les récoltes, l’Eau apparaît comme l’instrument de la justice divine.

Pour tempérer les excès des dieux coléreux et modérer les effets dévastateurs des crues, les hommes s’efforcent de maîtriser le cours des fleuves en construisant des digues et des canaux. Ils creusent des puits pour s’approvisionner dans les nappes phréatiques, aménagent des réseaux complexes de rigoles et de réservoirs pour récupérer l’eau de pluie et irriguer les cultures. Ils placent toutes ces réalisations sous la protection de divinités des Eaux, dont ils tentent de s’assurer la bienveillance par des prières et des offrandes. Ils vénèrent ainsi d’innombrables divinités associées à l’eau bienfaitrice, aux pluies destructrices, et même aux sources et aux cours d’eau.

Plusieurs dieux incarnent les eaux souterraines, celles qui surgissent de la terre et qu’il faut maîtriser, celles qui tombent du ciel et que l’on craint parfois. Le dieu Ennugi est le Seigneur des Canaux et des Fossés. La déesse Nina, la "Dame des Eaux", veille sur les sources, dont elle modère le jaillissement, et sur les canaux. Isharra, Déesse des Eaux, contrôle l’élément liquide. Enkimdu, Seigneur des digues et des canaux, protège les digues élevées le long des fleuves et, avec l’aide d’Ennugi et de Nina, garantit le bon fonctionnement des canaux d’irrigation. L’orage, la pluie ou la rosée s’incarne chacun en une figure spécifique. Le grand Adad, lui-même, gardien des vannes du Ciel, est intronisé gugallu (éclusier, titre donné aux fonctionnaires responsables des canaux) des cieux. Il alimente les rivières et provoque les inondations. Dans cette région au climat chaud et sec, la moindre rivière ou résurgence fait l’objet d’un culte local. Un seul et même cours d’eau est placé sous la protection d’une multitude de dieux dont on ne connaît parfois que le nom.

Ce n’est qu’après avoir rendu les honneurs à ces multiples divinités pour amadouer l’eau indomptable, que les hommes peuvent enfin, sans risque, irriguer leurs cultures, naviguer sur les fleuves et consommer leur eau.

 

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Les divinités des eaux.
Ea, seigneur de l'Apsou, représenté debout avec des filets d’eau jaillissant de ses épaules.


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Le puissant dieu de l’Orage, maître du Panthéon

 

C’est ainsi que dans la mythologie mésopotamienne, le dieu de l’Orage est le maître du panthéon. Il vient, par ordre d’importance, immédiatement après les grandes triades fondatrices. Il tient son pouvoir du partage effectué à l’origine du monde. Maître du monde terrestre, il est également, comme Anou, maître des espaces célestes.

Dieu de l’Atmosphère, des Météores, de l’Ouragan et de l’Orage, de la Neige, de la Foudre et de la Tempête, Seigneur de l’Air et du Vent, maître des Eaux du ciel, il règne sur l’Atmosphère, commande à l’Orage et aux phénomènes naturels, crée les vents humides et le printemps. De lui tout procède, notamment la vie des hommes auxquels il permet de respirer et de grandir. Symbole des forces de la nature et de la vie, dispensateur des bienfaits, il peut également, en proie à de terribles colères, semer la mort et la désolation.

Fréquemment représenté chevauchant un taureau fougueux figurant la force souveraine, ou debout sur un char, le dieu de l’Orage apparaît soudainement, perçant les nuages, brandissant la foudre et déclenchant le tonnerre de sa voix puissante. Cette incarnation divine d’un phénomène naturel personnifie les aspects à la fois bénéfiques et destructeurs de l’eau.

Figure double, dispensant le bien comme le mal, il est respecté et craint. Dans des régions où l’agriculture dépend principalement des pluies, et pas de l’irrigation, le dieu, agissant sur les vents, déclenche la pluie à volonté, procurant aux hommes les eaux bienfaisantes qui tombent du ciel et les inondations qui déposent sur le sol le limon fertile. Mais il peut aussi tarir les puits et les fleuves et provoquer de terribles sécheresses. Ses armes les plus redoutées sont la tempête, l’inondation et le déluge. Lorsqu’il décide d’ouvrir les vannes du ciel, il cause parfois des dégâts irréparables. Pour punir ceux qui manquent de respect aux dieux, il provoque toute une série de catastrophes jusqu’à l’ultime, le déluge, censé anéantir l’espèce humaine, tout en n’hésitant pas, pour la sauver, à s’attaquer à un terrible dragon venu de la mer.

Considéré comme le maître des destinées humaines, il régit la royauté dévolue aux hommes en disposant des aspects gouvernementaux du pouvoir. Incarnant l’Ordre contre le Chaos, il est le protecteur des rois séculiers, à qui il envoie ses armes et les insignes de la royauté lors de leur intronisation. Les rois, se conformant à ses préceptes, ont un règne glorieux. Ce rôle protecteur en fait le garant des traités diplomatiques. Les nombreuses guerres livrées par les rois assyriens sont placées sous son patronage. Son nom est même donné à un corps d’armée.

À Alep, le dieu est vénéré pour sa miséricorde : il fait régner la justice, protège les faibles et accorde l’asile sur toute la partie supérieure du Croissant fertile.

 

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Baal écrasé par les taureaux du roi des dieux, El.

 

Baal, le Seigneur – Le puissant dieu de l’Orage est l’une des divinités les plus universelles du monde antique. Très populaire, son culte connaît une large diffusion et perdure de - 3 000 ans avant J.-C. jusqu'à la fin de l'époque romaine. Il possède des temples à Assur, Ninive, Nippur, Dur-Sarrukin et Emar.

Selon les peuples et les civilisations, il revêt des visages, des attributs et des noms différents. Il se nomme Enlil ou Ishkur chez les Sumériens, Adad chez les Assyriens et les Akkadiens, Hadad chez les Araméens et les Cananéens, Adda dans la cité d’Ebla, Addu chez les Amorites, Tarhon ou Teshub chez les Hittites et les Hourrites. Mais il est toujours désigné par un même idéogramme : le signe cunéiforme IM.

Lorsque les Babyloniens adoptent cette figure toute puissante puisqu’elle détient l’arme suprême, l’Amaru, le déluge, ils se contentent de la renommer Bêl, "le Seigneur" en akkadien. En Phénicie, dans le pays de Canaan, il devient Ba’al, qui signifie "le Maître" ou "l’Époux". Il détrône le dieu solaire El à la tête du panthéon sémite et devient le terme générique sous lequel se cache la véritable divinité dont le nom n’est jamais prononcé, sauf par quelques initiés. Les Phéniciens redoutaient que les étrangers, apprenant la manière d’invoquer le dieu, ne s’en attirent les bienfaits.

Au Ier millénaire avant J.-C., chaque cité de Phénicie rend un culte à son Baal, son "Seigneur" ou à sa Baalat, sa "dame". Ce nom s’accompagne d'un qualificatif qui révèle quel aspect de la puissance du dieu est adoré. Il est Baal-Bérith, "le Seigneur des alliances",  des Schéchémites, Baal-Tsaphon, "le Seigneur du Nord", dieu de la Vigilance d’Ugarit et Baal-Lebanon, "le Seigneur du Liban", de Baalbek, vénéré dans toute la montagne libanaise. Il devient aussi Baal-Sor, puis Baal-Melkart, dieu tutélaire de Tyr, Belphégor "Ba’al du mont Pe’or" chez les Moabites et Baal Shamen à Palmyre, où avec les dieux Yarhibal et Aglibal, il forme la triade suprême. Il désigne sous le nom de Baal-Moloch, le dieu souverain de plusieurs peuples sémites d’Orient.

À Carthage, sous le nom de Baal-Hammon, son culte donne même lieu à de terribles sacrifices humains. L’historien grec Diodore de Sicile (v.90-v.20 avant J.-C.) raconte qu’en 310 avant J.-C., lorsque les Carthaginois, vaincus et assiégés par les Grecs, étaient menacés de faim et de soif, les prêtres de Baal sacrifièrent au dieu 500 enfants de la noblesse. Ces sacrifices de grande ampleur prirent le nom hébreu de Moloch. Baal y répondit par un orage qui s’abattit sur la ville, noyant la démence collective sous les trombes d’eau et remplissant les citernes.

Cet holocauste fut réitéré au lendemain de la première guerre punique lorsque les mercenaires engagés pour combattre Rome, lassés d’attendre une solde cent fois promise et jamais payée, assiégèrent Carthage, en 240 avant J.-C. Ils crevèrent les tuyaux de l’aqueduc qui ravitaillait la cité en eau potable. Plutôt que de payer ses dettes, le Conseil des Anciens décida alors de réitérer le Moloch. Chaque famille de Carthage, et non plus seulement les nobles, dut livrer un enfant pour le sacrifice. Le carnage eut lieu sous les cris de "Seigneur, mange !", "Verse la pluie, enfante !"… Les Carthaginois furent là encore récompensés par un orage qui remplit les réservoirs. Le lendemain, les mercenaires levèrent le siège en pataugeant dans la boue. Carthage était sauvée. Baal avait triomphé de ses ennemis.

 

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Bêl face au dragon surgi des flots.

 

Un dieu universel – Le culte de Baal-Hammon prit fin avec le rasage de Carthage par Scipion. Les moloch avaient tant choqué les Romains que le sol fut maudit et salé pour que rien, jamais, n’y repousse. La haine romaine pour la vieille cité punique était telle qu’il fallut attendre près de 200 ans avant qu’Auguste ne refonde la cité, dont le site était excellent.

Les Égyptiens, qui commercent avec la Phénicie avant de l’occuper au XVIème siècle avant J.-C., intègrent Baal-Adad à leur panthéon sous la forme du dieu guerrier Soutekh. En Grèce, il est récupéré sous le nom de Bélos, puis Zeus-Bélos, avant d’être assimilé à Zeus. En 218, son grand prêtre, devenu empereur de Rome sous le nom de Marcus Aurelius Antoninus, impose son culte aux Romains sous le nom d'Héliogabale.

Le culte de Baal-Melkart, dieu de Tyr, fut même adopté par les Celtes et les Ibères qui peuplaient l’Espagne et l’importèrent en Grande-Bretagne. C’est ainsi que la religion des Celtes et des druides s’apparente aux anciens cultes phéniciens.

Dans la Bible juive et l’Ancien Testament chrétien, Baal désigne le dieu des païens et des idolâtres en opposition à Yahvé, dieu des Juifs. Les Hébreux le confondent avec Moloch, le dieu cananéen adopté par Israël, mais condamné par les prophètes bibliques. Baal-Zebub "le Prince, Seigneur des mouches" adoré par les Philistins devient, sous le nom de Belzébuth, l’ennemi juré du peuple élu, l'avatar même des faux dieux (par opposition au vrai Dieu de la Bible). Il perdure aujourd’hui sous la forme de Satan, la version christianisée de Baal.

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Les principales divinités des Eaux

 

Apsou – Entité primordiale akkadienne personnifiant les eaux douces souterraines qui encerclent la terre, époux de Tiamat, mis à mort par Ea. L’acte fondateur du monde chez les Akkadiens est l’union d’Apsou et de Tiamat, l’Eau salée, pour donner naissance aux dieux, puis au monde. Apsou paiera de sa vie d’avoir tenté d’anéantir les jeunes dieux turbulents.

Tiamat – Entité primordiale sumérienne personnifiant la Mer tumultueuse et les Eaux salées qui, en s’unissant à Apsou, engendre les grands dieux et les créatures monstrueuses. Toute puissante et infinie est la Mer avant la création, elle ne partage son pouvoir qu’avec Apsou, les Eaux douces. Rien n’existe en dehors d’eux avant que leurs eaux ne se mêlent. Élément féminin et naturel, incarnant les flots marins, elle préexiste à la création des dieux, du monde et des hommes.

Ashérat – Déesse phénicienne de la Mer et mère des dieux, parèdre du dieu suprême El à qui elle donne plus de soixante-dix enfants, mère de Baal, le dieu de l’Orage et de la Pluie.

"Dame de la Mer, créatrice des dieux, maîtresse de l’abondance et de la fertilité", les surnoms d’Ashérat attestent l’étendue de ses pouvoirs. Elle incarne une justice bienveillante et garantit l’unité et l’harmonie du cosmos. Tout vient de la mer, tout y revient : la déesse symbolise la stabilité, la permanence des choses qui résistent, sans être affectées, aux plus violents orages comme aux sécheresses les plus torrides. Rien n’entame sa sérénité dans un monde travaillé par des forces chaotiques. Bons marins, les Phéniciens, qui accordaient à la mer une importance primordiale, la révéraient comme leur déesse-mère. On trouve son nom dans l’Ancien Testament, associé à Yahvé, dieu suprême du pays de Canaan.

 

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Ashérat, dame de la mer, créatrice des dieux, maîtresse de l’abondance et de la fertilité.
Ea, dieu de l’intelligence, des eaux douces souterraines, des sources et des fleuves,
de la magie, seigneur de la terre et du sol, personnification de la sagesse, divinité de l’eau civilisatrice.

 

Ea/EnkiEa, seigneur de l’Apsou, le gouffre sur lequel repose la Terre, est le nom donné par les Assyriens au dieu sumérien Enki à partir du XXIIIème siècle avant J.-C.

Fils d’Anou, le dieu du Ciel, et de Namnou, la déesse-mère, époux de Damkina, père de Mardouk (Dieu de Babylone), il est le dieu de l’Intelligence, des Eaux douces souterraines, des Sources et des Fleuves, de la Magie, seigneur de la Terre et du Sol, personnification de la Sagesse, divinité de l’Eau civilisatrice. Ce dieu rusé et ingénieux exerce la fonction technique du pouvoir. C’est toujours à lui que les autres dieux ont recours en cas de crise, car il trouve toujours la ruse, la solution pour résoudre tous les problèmes. Connu aussi sous les noms de Nudimmud, "celui dans l’affaire est de fabriquer et de produire" et de Ninshiku, il est le patron des tailleurs de pierre, des charpentiers et des orfèvres.

Représenté debout avec des filets d’eau jaillissant de ses épaules, Ea est associé à l’Apsou, son royaume, qu’il a vaincu grâce à l’aide de son fils Mardouk. Il règne sur cette masse abyssale d’eaux douces entourant le monde, d’où les Mésopotamiens pensaient qu’étaient issus les précieux cours d’eaux qui permettaient d’irriguer les terres. Il personnifie l’un des éléments primordiaux, l’eau, source de vie, mais n’est pas une divinité marine.

Protecteur des hommes auxquels il a donné la vie, il est aussi un dieu civilisateur, sensible aux espoirs et aux misères humaines. Il intervient à plusieurs reprises en leur faveur et tente de les sauver du déluge.

Ea est également associé aux principaux rites de purification pratiqués à Sumer. Il détient des pouvoirs magiques inégalés. Il préside aux incantations et aux procédures d’ordalie réalisées par immersion dans le dieu-fleuve.

Son principal sanctuaire se trouve dans la ville sainte d’Eridu, située non loin d’Ur, sur la rive droite de l’Euphrate, en basse Mésopotamie. Il se nomme "L’Apsou sur terre", car, selon certaines légendes, les eaux douces de l’Apsou déboucheraient sur terre à Eridu. Cette cité est, pour les Sumériens, la plus ancienne de Mésopotamie car la première construite après le déluge. Un culte fervent est rendu au dieu par des prêtres purificateurs appelés du nom même des serviteurs d’Ea dans l’Apsou : lahmu, enku et apkallu.

 

El – Terme générique signifiant "dieu", El est le nom donné par la plupart des peuples sémites à leur divinité suprême.

Dieu suprême des Phéniciens, adoré par les Cananéens qui en font leur roi, incarnation du Soleil, il est à l’origine de toute forme de vie. Démiurge, "Créateur de toutes choses créées", il est l’incarnation même de la fécondité.

Divinité solaire, il commande l’action et le débit des fleuves qui se jettent dans l’océan et celle du soleil sur la végétation, assurant ainsi la fertilité du pays. Il régit la succession des saisons. C’est pourquoi, lorsque ce Dieu vient à délaisser leur contrée, les Phéniciens le supplient de revenir immédiatement.

Surnommé "le bienveillant" ou "le père des ans", il est maître du temps dont il régit le cours. Représenté tantôt avec une barbe blanche symbolisant la sagesse, tantôt sous la forme d’un taureau personnifiant la puissance, il est aussi appelé "dieu taureau" ou "le taureau". Il n’hésite pas à prendre les armes pour mener son peuple à la guerre.

Sa demeure est située "au confluent des deux fleuves et des deux abîmes", là où les cours d’eaux rejoignent la mer. Il a pour parèdre Ashérat, déesse de la Mer, et, pour fils, le dieu Môt, dieu de la sécheresse, dont les pouvoirs mal maîtrisés sont redoutés par les humains.

Incarnation de la Bienveillance, de l’Équité et de la Responsabilité, père et roi de tous les dieux, El règne, tout puissant, sur le panthéon phénicien. Il tranche tous les différents et prend toutes les décisions. Mais El doit repousser régulièrement les attaques de Baal, le puissant dieu de l’Orage, et de son fils Aleyin, dieu des Sources, des Fleuves et des Pluies, qui contestent son autorité suprême. Pour se défendre, il engendre de redoutables taureaux sauvages qu’il lance sur ses adversaires pour les terrasser. Baal succombe avant de renaître. Les deux divinités se livrent aussi un combat sans merci par leurs fils interposés, Môt, l’Esprit de la Moisson, et Aleyin, l’Esprit des Pluies, s’affrontent sans se vaincre, l’un prenant en alternance le dessus sur l’autre, pluies diluviennes et sécheresses effroyables se succèdent au rythme des saisons.

Personnification de la Sagesse et de la Justice, El est la divinité tutélaire de nombreuses cités, qui se placent ainsi sous sa protection. Les hommes lui attribuent un immense pouvoir et font de lui le garant de la Souveraineté. Lorsqu’ils oublient de l’honorer, les Cananéens sont affaiblis lors des guerres. Sa popularité est aussi à l’origine de son déclin. Chaque cité cananéenne lui prêtant des attributs spécifiques, la figure du dieu perd son unité et sa force. Baal, dont le nom signifie "Le Seigneur", finit par le supplanter avant de connaître le même sort. Toutefois El ne disparaît pas tout à fait. Il réapparaît dans le panthéon hébreu et dans la Bible où il est le dieu d’Israël mais, là aussi, il s’inclinera devant le tout-puissant Yahvé.

 

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Aleyin, dieu des sources et des cours d'eau. Les hommes le considèrent comme le garant de leur approvisonnement en eau.
Aleyin face à son adversaire, Môt, le dieu de la sécheresse et de la mort.

 

Aleyin – Fils ou figure de Baal, né de son union avec Ashérat. Dieu des Sources, des Rivières et des Fleuves, esprit des Pluies qui favorise la croissance de la végétation, Aleyin alimente les cours d’eau.

Comme Baal, son père, Ashérat-de-la-Mer, sa grand mère, Ashérat, sa mère ou Anat, sa sœur, il règne sur un élément aquatique et assure ainsi la fertilité de la terre phénicienne. Son surnom témoigne de l’importance de sa tâche : il est le "Baal de la Terre" quand son père est le "Baal du Ciel", mais aussi la "Maison de l’Eau" ou la "Maison des eaux dans la Mer".

Dieu à part entière ou simple incarnation de Baal, le fils du dieu de la Pluie, et dieu de la Pluie lui-même, dispose de fonctions bien spécifiques : faire jaillir et alimenter les sources, assurer le débit des cours d’eau et veiller à ce qu’aucun ruisseau, aucun fleuve ne tarisse. Aleyin s’efforçant de mener à bien chaque jour sa mission, les hommes le considèrent comme le garant de leur approvisionnement en eau. Dans un pays aussi aride que la Phénicie où la terre, avide d’eau, s’assèche dès que le regard de Baal, la Pluie, se détourne d’elle, cette fonction est essentielle. Chacun pense que la fertilité du sol et l’abondance de la végétation dépendent du bon vouloir du dieu dont il faut gagner les faveurs. C’est une question de survie. Mais la mission et le pouvoir d’Aleyin sont fragiles car ils dépendent étroitement de l’aide et de l’attention de son père, le dieu de la Pluie.

Le danger vient de son adversaire, Môt, le dieu de la Sécheresse et de la Mort, incarnation de l’aridité, qui, soutenu par son père, le puissant El, cherche l’affrontement en s’efforçant de stopper la Pluie pour assécher les rivières. Dans cette lutte acharnée et sans fin, Môt terrasse Aleyin qui, dès le retour de son père Baal, revient à la vie, les saisons sèches et humides se succédant ainsi en un cycle ininterrompu.

Plein de gratitude pour son père, Aleyin est son plus fidèle soutien. Quand le Maître Baal doit affronter le redoutable Môt, Aleyin le glorifie et chante sa victoire certaine : "Il brisera Môt complètement. La force de Baal frappera de ses cornes Môt, comme les taureaux sauvages. La force de Baal déchirera Môt, comme les taureaux de Basan".

Aleyin, surnommé "celui qui chevauche les nuées" bénéficie également pour accomplir sa mission de l’aide de sept compagnons dont il ne se sépare jamais. Parmi eux, sa grand-mère, la puissante Ashérat-de-la-Mer, sa mère Ashérat et sa sœur Anat, déesse de la Rosée, qui répand sur le sol la rosée, "graisse de la terre".

L’activité d’Aleyin est si vitale pour l’économie phénicienne que le jeune dieu est l’une des principales et des plus populaires divinités du panthéon. Le moindre cours d’eau phénicien porte un nom lui faisant référence. Les Memnomia, monuments érigés à l’embouchure des fleuves où sont célébrés les rites funéraires, lui sont dédiés. Il est également connu et vénéré sous le nom d’Amourrou, où sa sœur, qui lui reste étroitement associée, est appelée Qadesh, "la sainte". Ils sont invoqués ensemble, en de multiples occasions, notamment lors du sacrifice destiné à "raviver l’esprit de la vigne".

Sa renommée le fait adopter par les Égyptiens sous le nom de Réshep (ou Réshef). Son culte et celui de la déesse Qadesh, désormais son parèdre, sont attestés, dès le Nouvel Empire, dans les régions où vivent des prisonniers asiatiques. Initialement dieu de la Végétation et de la Fertilité, il est également considéré comme un guerrier réputé et belliqueux.

 

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Anat, déesse cananéenne de la rosée, tuant son frère Mot.
Anat agenouillée devant la dépouille de Baal.

 

Anat – Déesse cananéenne de la Rosée gouvernant les saisons, Dame des eaux et des sources, protectrice de la fertilité, cette vierge guerrière est parfois assimilée à Ashtart (l’Ishtar babylonienne), Hathor en Égypte et à Qadesh, confondue plus tard avec Dercéto, que les Grecs appellent Atargatis, ou avec la déesse Athéna. Son culte sera introduit en Égypte par les Hyksos, en tant que parèdre du dieu Soutekh, identifié à Baal. Fille d’El, sœur et maîtresse de Baal, à qui elle voue une fidélité sans faille, elle aide son frère à s’emparer du trône suprême.

Souvent représentée tenant dans ses mains un bouclier et une lance de combat, cette déesse au tempérament belliqueux et violent se garde pourtant de provoquer des conflits. Au contraire, elle apparaît surtout bénéfique.

Incarnation de la Rosée qui, en se répandant, chaque matin, sur la terre aride de Phénicie apporte une humidité précieuse nécessaire à la vie, elle assure le développement de la végétation, l’abondance des récoltes, garantit aux hommes la prospérité et aux dieux la subsistance. Elle n’hésite pas à sacrifier les divinités maléfiques, comme t. Dans une autre légende, elle s’occupe de l’inhumation d’Aleyin et offre des sacrifices pour assurer la survie de son frère Môt dans les Enfers.

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Les créatures aquatiques

 

Apkallu – Êtres hybrides, mi-hommes mi-poissons, premiers Sages de Mésopotamie qui tiennent d’Ea le Savoir primordial. Les sept apkallu, d’origine divine, sont venus sur la terre, bien avant le déluge, pour enseigner aux hommes. Certains sont dotés de têtes et d’ailes d’oiseaux, d’autres sont revêtus d’écailles de poisson. À leurs côtés, quatre apkallu de nature humaine sont les "gardiens des plans du Ciel et de la Terre". Leurs descendants seraient les ummânu, considérés par les lettrés babyloniens du 1er millénaire avant J.-C. comme leurs ancêtres mythiques.

 

Adapa – Créé par Ea, le dieu des Eaux douces souterraines, comme "modèle des hommes", pour régner sur l’humanité, c’est le premier et le plus célèbre des apkallu. Être hybride, mi-homme mi-poisson, il est envoyé sur terre pour dispenser aux mortels la connaissance et les techniques qui apporteront la civilisation. Il enseigne également les pratiques médicales et magiques élaborées par Ea, qui délivrent des maladies, notamment celles apportées par le Vent du Sud.

De son créateur, dieu sage et civilisateur, ordonnateur du monde, Adapa hérite de dons inestimables. Ea le dote d’une oreille démesurée, qui le rend attentif à la moindre doléance de ses subordonnés, et d’une prudence extrême pour le prémunir des dangers menaçant ceux qui s’aventurent au-delà des limites terrestres. Il lui offre surtout la sagesse qui fait d’Adapa l’observateur le plus attentif et le juge le plus équitable donnés aux hommes.

Ces vertus en font le Premier des apkallu et le Premier "prêtre-purificateur" d’Eridu, ville sainte située non loin d’Ur, sur la rive droite de l’Euphrate, en basse Mésopotamie.  Il pratique avec humilité le culte de son protecteur. Il s’efforce de subvenir aux besoins de ses serviteurs en partant chaque jour en mer pêcher le poisson qui nourrira la communauté.

Un jour, le Vent du Sud se lève brusquement et renverse son bateau. Jeté à l’eau, Adapa s’enfonce rapidement dans la "maison des Poissons". Furieux et humilié, il brise les ailes du Vent du Sud qui ne peut souffler pendant sept jours.

Anou, dieu suprême qui règne sans partage sur le Ciel, outragé par un tel affront, convoque Adapa pour le punir d’avoir osé lui ôter une partie de ses pouvoirs. Ea, prévoyant l’issue fatale de l’entretien, lui conseille de se revêtir d’habits de deuil, de se concilier les gardiens des Portes du Ciel, Tammouz et Nin Gishzida, et de n’accepter "du Seigneur des dieux aucun aliment, ni aucun breuvage", de refuser "le pain de mort" et "l’eau de mort".

Guidé par Ilabrat, le fidèle messager d’Anou, Adapa parvient devant Tammouz et Nin Gishzida, qui l’interrogent sur son habit. Il répond suivant les conseils d’Ea : "Dans le pays, deux dieux ont péri ; c’est pourquoi d’un vêtement de deuil, je me suis revêtu". Les deux gardiens s’informant du nom des dieux, Adapa répond : "Tammouz et Nin Gishzida". Flattés par une telle marque de respect, les gardiens le conduisent aussitôt auprès du grand Anou qui est séduit par l’humilité, la déférence et la grandeur d’âme du héros.

Sa colère apaisée, le dieu du Ciel offre généreusement à Adapa le pain et l’eau que, suivant toujours les conseils d’Ea, il refuse de goûter. Or les présents qu’il décline ne sont pas "le pain et l’eau de mort" annoncés par Ea, mais "le pain et l’eau de vie" qui donnent l’immortalité.

Ignorant qu’il vient de rejeter la vie éternelle, Adapa retourne sur Terre pour accomplir sa mission et fonder la lignée des apkallu.

 

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Adapa, le premier des apkallu, brise les ailes du Vent du Sud.

 

Les génies aquatiques – Génies bienveillants, rattachés à Ea, dieu de la Magie et de l’Exorcisme, le Lahmu est une créature aquatique aux longs cheveux, le Suhurmassu est une sorte de poisson-chèvre, le Kulullû est un homme-poisson.

L’armée de Tiamat, déesse de la mer et de l’eau salée, est notamment constituée de Lahamu, monstres aquatiques en forme de serpents, nés de son union avec Apsou.

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Les mythes des saisons

 

Les Mésopotamiens tentent d’expliquer le cycle des saisons à travers le fantastique combat des divinités. En Phénicie, Baal et son fils Aleyin, qui gouvernent la pluie, et Môt, qui apporte mort et sécheresse, symbolisent la succession immuable de l’hiver et de l’été. Baal, qui affronte la mort et renaît, inaugure le lien entre les puissances de résurrection de la nature au printemps et l’hypothèse d’une résurrection humaine. On retrouve cette allégorie de la nature dans le mythe hourrite du Grand Serpent ou celui hittite de Télépinou, qui raconte la disparition, puis le retour du dieu présidant à la végétation.

La Légende de Baal

Les dieux, comme les hommes, luttent pour le pouvoir. Un poème phénicien, retrouvé à Ugarit, chante la légende de Baal et montre comment le dieu de l’Orage doit vaincre ses rivaux : Yam, le dieu de la Mer, et Môt, le dieu de la Mort, pour devenir l’objet de la vénération des hommes.

Dieu des Ouragans et des Tempêtes, Baal est très puissant. Mais à la cour du roi des Dieux El, d’autres divinités prétendent comme lui aux honneurs et à la gloire. Pour y accéder, ils doivent obtenir du dieu suprême, qui décide de tout, l’autorisation de construire un temple où les hommes apporteront leurs offrandes et célèbreront leur culte.

La querelle éclate quand Yam, le dieu des Eaux salées, décide de se faire construire un palais. À l’annonce de cette nouvelle signifiant que Yam devient plus puissant que lui, Baal entre dans une rage folle, insulte son rival, le maudit et menace de l’anéantir. Le dieu des Eaux salées envoie ses messagers à la cour de El pour réclamer vengeance et demander que Baal lui soit livré en réparation de l’outrage subi. Malgré la consternation générale, El accède à sa requête et annonce : "Baal sera ton esclave, ô Yam". Refusant de plier, le dieu des Ouragans déchaîne sa redoutable colère contre les messagers de Yam mais sa sœur, la vierge et cruelle Anat, déesse de la violence guerrière, retient son bras, l’empêchant de commettre l’acte sacrilège d’assassiner des messagers.

Retenu en captivité par le dieu de la Mer, Baal ourdit sa vengeance en appelant à l’aide son ami Kothar, dieu des Forges et de la Technique, architecte rusé et forgeron divin, qui lui fabrique deux énormes massues. Ces armes, maniées par le dieu de l’Orage et douées d’une vie autonome, terrassent Yam et assurent la libération et le triomphe de Baal.

Baal charge alors sa sœur Anat de convaincre El d’accepter de lui dédier un édifice. À cette fin, la vierge cruelle organise un gigantesque sacrifice de jeunes gens et fait des ablutions avec le sang recueilli. Mais Môt, le dieu de la Mort qui assèche les plaines verdoyantes, ne peut accepter le règne de Baal qui menace sa propre existence. Il met fin aux sacrifices de la déesse guerrière qui, malgré sa combativité, ne peut s’opposer longtemps au dieu infernal. Elle appelle à l’aide son frère qui affronte, à son tour, Môt sur le Septentrion (le Mont Liban) et parvient à repousser ses assauts.

Anat, pleine d’imagination, enduit de sang la grande barbe blanche d’El pour le rajeunir tandis que Baal lui offre un somptueux trône en or et une table d’or garnie d’offrandes. Le roi des dieux devient alors favorable à Baal et permet la construction du temple, qui comporte une fenêtre sur le toit pour recueillir l’eau de pluie que le dieu de l’Orage fait tomber.

Devenu le dieu le plus puissant sur Terre, Baal s’engage à pourvoir aux besoins des dieux et des hommes, à leur fournir des vivres en abondance. Mais il doit, en contrepartie, céder son règne dans le Ciel à son ennemi Môt et descendre sous terre. Tous les dieux en sont affligés. Même El quitte son trône pour accomplir les rites funèbres, se couvre la tête de poussière et déchire ses vêtements en signe de tristesse. Anat inconsolable supplie Môt, qui règle à présent les destinées du monde, de ramener Baal. Il y a urgence : la terre se dessèche et les hommes meurent. L’indifférence de Môt déchaîne le courroux de la fière déesse qui saisit le dieu des Morts, le tue et répand les parties de son corps sur les récoltes. Baal revient, les récoltes refleurissent et l’esprit des Moissons, enfermé dans le grain, est sauvé. Le dieu des Ouragans, des Tempêtes et de la Pluie, règne à nouveau.

La légende du combat sans fin d’Aleyin et de Môt

Aleyin, dieu de la Pluie, Esprit des eaux de pluie fécondant la mer, fils de Baal, est chargé d’alimenter les sources et les cours d’eau et de veiller, à la saison des pluies, au développement de la végétation. Il fait couler les rivières au printemps et à l’automne, il répand l’eau sur la terre pour la fertiliser.

Môt, dieu de la mort, des Moissons et de l’Été, incarnant la chaleur et la sécheresse, fils préféré du dieu El, ennemi de Baal, incarne l’esprit de la moisson, qui permet aux récoltes de mûrir, mais aussi la sécheresse qui compromet les récoltes et donc la mort.

Le combat, que se livre ces deux divinités régnant, tour à tour, six mois par an sur le monde, est raconté dans un célèbre mythe phénicien.

Au début du récit, Aleyin vient de mourir à cause de Môt, provoquant la douleur de Baal, son père. Lapton, fils du dieu d’El, demande à son père de donner un successeur à Aleyin. Môt périt à son tour, victime de la colère et de la malédiction de sa sœur, la déesse guerrière Anat, protectrice de la fertilité. Alors Aleyin réapparaît, les pluies recommencent à tomber, la végétation renaît. Môt est condamné à descendre aux Enfers.

Par ce mythe se reproduisant chaque année, les Phéniciens expliquent l’alternance des saisons et le cycle de la végétation.

 

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La déesse Inara invite Illuyanka à un banquet.
La panse démesurément enflée, le  terrible Illuyankase retrouve à la merci du dieu de l’Orage qui lui assène un coup fatal.

 

Le mythe du grand serpent

Dans le mythe hittite du grand serpent, le dieu de l’Orage, maître du Panthéon, invoqué pour que tombe la pluie, terrasse le redoutable Illuyanka, un serpent monstrueux qui absorbe les eaux de la terre, empêchant la régénération végétale. Ce récit fabuleux de la lutte entre le dieu de l’Orage et le terrible Illuyanka était commémoré et raconté chaque année, lors des purulli, la fête du nouvel an. Célébrée au cœur de l’hiver, cette fête était censée préparer l’arrivée du printemps, la renaissance de la végétation et une récolte abondante. Cet hommage au dieu de l’Orage devait garantir une année prospère, c’est-à-dire une pluie suffisante.

Le dieu de l’Orage, porteur de la pluie bienfaitrice, source de vie, ne peut cohabiter avec le Grand Serpent qui, retenant dans son corps gigantesque les eaux nécessaires au renouvellement de la nature, engendre la sécheresse et empêche la vie de se régénérer. Le Grand Serpent anéantit donc la mission du Dieu de l’Orage, qui ne peut tolérer cette humiliation. Un combat à mort va les opposer à Kiskilussa. Le maître du Ciel n’hésite pas à affronter son ennemi dans un corps à corps sanglant, mais sans parvenir à le vaincre.

Illuyanka gagne la première manche en arrachant le cœur et les yeux du roi des dieux, qui, terrassé, perd tous ses pouvoirs. Dès lors, l’avenir de l’Univers est en suspens.

Pour renverser la situation, le dieu de l’Orage doit d’abord récupérer ses organes, puis tuer le serpent. Il échafaude un plan complexe. Il se résout à engendrer un fils, auquel des sources donnent le nom de Nerik. Dès qu’il est en âge de se marier, Nerik est uni à la fille d’Illuyanka qui apporte en dot le cœur et les yeux du dieu de l’Orage.

Ayant récupéré toutes ses capacités physiques et surnaturelles, celui-ci demande à Inara, déesse tutélaire d’Hattousa, la capitale de l’empire hittite, d’organiser un somptueux banquet en l’honneur de son ennemi. Inara requiert l’aide d’Hupasiya, un simple mortel, qu’elle met dans la confidence. Elle s’unit charnellement à lui pour lui transmettre une part de son essence divine.

Somptueusement parée, extrêmement séduisante, elle se rend jusqu’au trou où réside Illuyanka et l’invite au banquet. Charmé, le serpent accepte et vient accompagné de ses enfants.

Le banquet, regorgeant de nectars et de mets délectables, comble l’insatiable appétit du monstre  qui, repu, rampe jusqu’à son antre. Mais sa panse, démesurément enflée, l’empêche de glisser dans le trou. Hupasiya profite du désarroi du reptile pour le ligoter. Le terrible Illuyanka est alors à la merci du dieu de l’Orage qui lui assène un coup fatal.

Le Grand Serpent mort, l’équilibre de l’Univers est préservé, la pluie se remet à tomber. Ce mythe raconte comment un univers harmonieux a pu prendre le pas sur le Chaos.  .