H2o Magazine

L'augmentation des impayés d'eau

Mots clés : France, coupures d'eau, réductions de débit, loi Brottes, jurisprudence
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L'AUGMENTATION DES IMPAYÉS D'EAU

Henri SMETSmembre de l'Académie de l'eau

H2o – février 2018

 

À partir de 2014, la loi Brottes a interdit les coupures d’eau et les réductions de débit en cas d’impayés de la facture d’eau.  Quelle est l’incidence de cette mesure en termes d’impayés ?

En Angleterre où l’eau ne peut plus être coupée en cas d’impayés depuis 1999, l’incidence des impayés après quinze ans a été une augmentation de l’ordre de 3 à 5 % du prix de l’eau des ménages. Toutefois, il existe plusieurs causes à cette augmentation dont l’interdiction des coupures  et la précarité des plus bas revenus. En France, on commence à observer dans quelle mesure et dans quelles régions les impayés ont augmenté depuis 2014. Les seules données moyennes actuellement disponibles au plan national émanent des entreprises de l’eau (FP2E) et concernent les services délégués : elles font apparaître que les impayés d’eau ont cru de 17 % sur une période de deux ans (2014-2016), soit une augmentation équivalente à  0,3 % du chiffre d’affaires (ou 1,50 euros par an pour un ménage ayant une  facture d’eau de 500 euros).

Les données publiées à ce jour sur les taux d’impayés d’eau au niveau d’une trentaine de services d’eau (indicateur P154, impayés après 18 mois) montrent qu’il existe une très grande diversité des situations rencontrées. Concernant la variation des taux d’impayés entre 2014 et 2016 (sur les factures émises en 2013, 2014 et 2015), les constatations suivantes peuvent être faites :

  • En Île-de-France, les impayés ont légèrement diminué à Paris mais ils ont augmenté de 30 % dans le cas du SEDIF (Syndicat des eaux d'Île-de-France) en banlieue parisienne ; 
  • Dans plus de 40 % des collectivités répertoriées, les impayés à la fin de 2016 relatifs aux  factures émises en  2015 sont inférieurs à ceux enregistrés  à la fin de 2014 relatifs aux factures de 2013, c'est-à-dire avant l’entrée en vigueur de la loi Brottes ;
  • Dans la plupart des collectivités, les impayés ont assez peu varié. Néanmoins les hausses du taux d’impayés après deux ans sont un peu plus fréquentes que les baisses ;
  • Un doublement du taux des impayés et même plus en deux ans a été observé dans près de  20% des collectivités étudiées. Dans le Nord de la France, la régie Noréade comme le délégataire Veolia Artois ont vu leurs impayés plus que doubler et à Perpignan, les impayés ont même quadruplé. Ces fortes augmentations sont sans rapport avec la moyenne des augmentations observée en deux ans au niveau national par la FP2E (+17 %).  

L’ensemble des données récentes sur le recouvrement des factures d’eau des services de l’eau permet de conclure qu’en moyenne, les impayés d’eau ont augmenté en France depuis deux ans, mais à des degrés très divers selon les situations locales. La cause de cette augmentation lorsqu’elle a lieu n’est pas établie mais serait liée au niveau de précarité comme aux changements législatifs récents. Une bonne politique consisterait à combattre cette augmentation lorsqu’elle est due à des usagers qui ont les moyens de payer. En revanche, si l’usager en défaut de paiement est démuni, il faudra faire preuve de patience et de solidarité. ▄

Les factures d'eau en retard de règlement – Henri Smets, Académie de l'eau, décembre 2017.  

 

 L'auteur

Ancien fonctionnaire de l’OCDE, Henri Smets est professeur invité à l’Université Paris I, membre de l’Académie de l’eau et président de l’Association pour le développement de l’économie et du droit de l’environnement (ADEDE).