H2o Magazine


Boîte à outils de la remunicipalisation
L'Eau publique pour tous

Mots clés : Qu'est-ce que la remunicipalisation ? Pourquoi les villes remunicipalisent-elles ? Quels sont les risques de la remunicipalisation ? Comment conduire une remunicipalisation ?

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L'EAU PUBLIQUE POUR TOUS
Boîte à outils de la remunicipalisation

Courant de ces quinze dernières années,  le nombre de localités ayant repris en gestion publique leurs services d'eau et d'assainissement, auparavant gérés par le secteur privé, a considérablement augmenté : cette démarche est qualifiée de remunicipalisation. Cet article vise à donner aux militants locaux et aux décideurs une meilleure appréhension du phénomène en leur fournissant des éléments pour nourrir leurs campagnes locales de remunicipalisation.

Satoko KISHIMOTO
avec la contribution de Meera KARUNANANTHAN et de Susan SPRONK
traduit de l'anglais par la Coordination Eau Île-de-France

image Transnational Institute
H2o – mai 2016

 

Qu'est-ce que la remunicipalisation ?

La remunicipalisation correspond au retour au secteur public des services d'approvisionnement en eau et d'assainissement. Plus précisément, la remunicipalisation est le passage de services d'eau privatisés sous n'importe quelle forme – incluant la pleine propriété, l'externalisation des services (affermage, délégation de service public) ainsi que les partenariats public-privé (PPP) – vers une maîtrise publique complète, incluant la propriété, l'administration et le contrôle démocratique.

La majorité des cas de remunicipalisation dans le monde a fait suite à la résiliation de contrats privés avant leur expiration. Dans d'autres cas, les autorités locales ont attendu la date d'expiration du contrat pour mettre fin à la privatisation de l'eau.

Entre le mars 2000 et mars 2015, les chercheurs ont documenté 235 cas de remunicipalisation de l'eau dans 37 pays, concernant une population de plus de 100 millions de personnes ; les villes concernées sont Accra (Ghana), Almaty (Kazakhstan), Antalya (Turquie), Bamako (Mali), Bogota (Colombie), Budapest (Hongrie), Buenos Aires (Argentine), Conakry (Guinée), Dar es Salam (Tanzanie), Jakarta (Indonésie), Johannesburg (Afrique du Sud), Kampala (Ouganda), Kuala Lumpur (Malaisie), La Paz (Bolivie), Maputo (Mozambique) et Rabat (Maroc). Au total, le nombre de remunicipalisations dans les pays à haut revenu a doublé entre 2010 et 2015 (104 cas) comparé à celui entre 2005 et 2009 (55 cas). Les opérateurs publics d'eau joignent leurs forces au sein des pays et à travers les frontières pour faciliter le processus de remunicipalisation.


Pourquoi les villes remunicipalisent-elles ?

La remunicipalisation est souvent une réponse collective à des échecs de la privatisation de l'eau ou à des PPP, incluant le manque d'investissements au niveau des infrastructures, les hausses tarifaires et les manquements dans le domaine environnemental. Ces échecs ont convaincu les collectivités et les décideurs que le secteur public était mieux placé pour fournir aux citoyens un  service de bonne qualité à prix abordable. Les chercheurs ont constaté que certains facteurs conduisant à la remunicipalisation de l'eau sont similaires au niveau mondial, comme : la mauvaise performance (Accra, Dar es Salam, Jakarta) ; le sous-investissement dans les infrastructures (Berlin, Buenos Aires, Latur) ; la mauvaise qualité de l'eau (Rennes, Cameron) ; les conflits sur les coûts opérationnels et les augmentations de tarifs (Almaty, Maputo, Santa Fe) ; les hausses de prix  (Buenos Aires, Jakarta, La Paz, Kuala Lumpur) ; les manquements au niveau de l'environnement (Hamilton) ; les difficultés de suivi (Atlanta, Berlin, Paris, Arenys de Munt) ;  le manque de transparence financière (Grenoble, Paris, Stuttgart) ; les coupes dans les effectifs et les faibles niveaux de service (Antalya, Atlanta).


La privatisation et les PPP ne marchent pas

Un partenariat public-privé est un contrat passé entre une instance publique et une société privée à travers lequel la société assure le financement, la réalisation et l'exploitation d'une partie de service qui normalement relève du service public. Les PPP et la privatisation de l'eau sont une seule et même chose : les deux termes renvoient au transfert du contrôle de la gestion au secteur privé, que ce soit en totalité ou en partie.

La privatisation ou les PPP  sont souvent proposés par les autorités locales dans l'espoir de réduire la dette publique, d'augmenter l'efficacité des services, d'introduire des nouvelles technologies ou pour réaliser de nouveaux investissements en infrastructures. Pourtant, il est de plus en plus évident que la privatisation à travers la mise en place des PPP ne favorise pas l’obtention de ces objectifs. Au contraire, de nombreux exemples montrent comment les PPP se révèlent être plus mauvais à long terme pour les budgets publics, et qu'ils procurent de mauvais services et une perte de la transparence nécessaire à la démocratie.

La liste grandissante des services remunicipalisés dans le monde démontre que la privatisation et les PPP ne sont durables ni socialement ni financièrement. La Cour portugaise des contrôleurs a révélé que le manque de transparence, intrinsèque aux contrats de PPP entre les municipalités et les compagnies privées,  rend difficile la surveillance par les municipalités de la qualité d'investissements et l'évaluation des implications financières. [Tribunal de Contas. February 27, 2014. Regulação de PPP no Sector das Águas]

Une étude récente de Banque mondiale – pourtant ardent promoteur de la privatisation –  a elle-même listé les résultats déplorables des PPP à travers le monde. En 2014, le Groupe indépendant d'évaluation (IEG) de la Banque a admis que "malgré l'objectif central du groupe, qui est la lutte contre la pauvreté, les effets constatés des PPP sur les pauvres est minime" [World Bank Group. "World Bank Group Support to public-private partnerships", p. 66]. La Banque mondiale a financé 353 projets de PPP entre 2002 et 2012, parmi lesquels 128 projets ont été évalués dans l'étude. Seulement 10 des 128 projets ont montré des résultats en termes d'amélioration de la qualité de service, huit ont montré des améliorations en termes d’efficacité et seulement un projet avait amélioré les résultats financiers. Une amélioration de l'accès aux services pour les pauvres n’a pu être constatée que dans environ 10 % des cas.

Un rapport du Réseau européen sur la dette et le développement (EURODAD) conclut aussi sévèrementque le "PPPs est, la plupart du temps, la méthode la plus chère de financement, car elle augmente de façon significative le coût pour les finances publiques." [José Romero, Maria. "What Lies Beneath? A critical assessment of PPPs and their impact on sustainable development." European Network on Debt and Development, 2015]


Messages pour les décideurs et les autorités locales

  1. Ne pas commencer par privatiser – Les décideurs et les fonctionnaires publics qui envisagent le transfert de gestion de leurs services d'eau au secteur privé devraient prendre en compte les risques et apprendre des erreurs des autres collectivités. La privatisation est souvent plus chère en raison du coût plus élevé du financement privé. La récente Conférence des Nations unies sur le rapport sur le Développement et le Commerce note le niveau étonnamment haut des obligations et du passif encourus par les États à travers l'utilisation des PPP  ; le même rapport indique que les PPP sont généralement plus coûteux que l'acquisition traditionnelle ou la prestation de services par le secteur public du seul fait que les États peuvent emprunter à plus bas prix que le secteur privé [Trade and Development Report, 2015, page 164]. Un rapport du Bureau national d'audit du Royaume-Uni (National Audit Office, 2015) constate de son côté que les accords de financement privé supportent un taux d'intérêt double par rapport à celui de tous les emprunts gouvernementaux [National Audit Office, “The Choice of finance for Capital Investment ”].Cette tendance a été constante au cours du temps. En 2010, le Département britannique des infrastructures avait estimé que le taux d'intérêt pour le financement public était de 3,9 %, comparé à des taux s’élevant jusqu'à 6,9 % pour les entreprises privées opérant sur des marchés régulés (comme les services d'eau ou les services d'électricité). Les États peuvent emprunter de l'argent plus à bas taux que le secteur privé en raison de la sécurité supérieure procurée par la perception de revenus fiscaux. De leur côté, les investisseurs privés doivent non seulement payer des taux d'intérêt plus élevés, mais aussi faire face au risque d’un mauvais retour sur investissements.
  2. Donner un soutien concret à la remunicipalisation – La solidarité, la coopération et les partenariats entre les autorités publiques et les secteurs à but non lucratif, tels que les syndicats et les ONG, peuvent favoriser la mise en place de services à la fois  plus démocratiques, plus inclusifs et durables.Si la privatisation des services d'eau s’avère finalement  sur le long terme excessivement onéreuse pour les autorités locales et leurs gouvernements, malheureusement mettre fin aux contrats avant leur date de résiliation reste difficile à réaliser et particulièrement coûteux en termes de compensation. En Argentine, 9 contrats sur 18 contrats de concession pour l'eau et l'assainissement ont été résiliés entre 1997 et 2008. Six cas ont été portés par les investisseurs au Centre international pour le règlement des différents relatifs aux investissements (CIRDI) de la Banque mondiale. En avril 2015, le CIRDI a ordonné à l'Argentine de payer 405 millions de dollars US à la compagnie française Suez pour les dommages dus aux pertes d'exploitation liées à la résiliation de son contrat de concession pour la gestion des eaux de Buenos Aires en 2006.
  3. Réaliser avec la remunicipalisation les promesses non tenues par la privatisation – Les collectivités souhaitant remunicipaliser et promouvoir  un service public de l’eau de qualité peuvent apprendre beaucoup des quelque 235 villes ayant opéré avec succès ce revirement. La remunicipalisation est l’occasion pour elles de réinventer leurs services publics de l'eau pour les rendre plus efficaces et responsables vis-à-vis de la population. Les opérateurs publics, les associations régionales et nationales sur l'eau, et aussi les organisations citoyennes sont de plus en plus disposés à fournir un soutien concret en faveur de la remunicipalisation.


Quels ont été les résultats des remunicipalisations ?

Même si chaque cas est différent, de toute évidence la remunicipalisation apporte des bénéfices immédiats en matière de prix, d'efficacité opérationnelle et d’amélioration des 'investissements. Elle permet aussi de toute évidence  d'atteindre des niveaux supérieurs de transparence ; dans beaucoup de cas, la remunicipalisation a été l'occasion de rendre les services  plus responsables et participatifs, et de construire des modèles durables au niveau environnemental. En particulier, la remunicipalisation procure :

  • des économies directes immédiates pour la plupart des municipalités. La remunicipalisation a permis à la ville d'Houston (État du Texas aux États-Unis) d'économiser 2 millions de dollars par an (soit une baisse de prix de 17 %). La ville de  Paris, en France, a économisé 35 millions d'euros dès la première année de remunicipalisation ;
  • des prix plus compétitifs en faisant appel à des fournisseurs locaux, et en contribuant par ce biais à l'économie régionale. En comparaison, les compagnies multinationales ont tendance à utiliser leurs propres succursales qui facturent à prix fort leurs services. Ainsi, à Arenys de Munt, en Espagne, le concessionnaire privé demandait des redevances presque quatre fois plus élevées pour étendre le réseau municipal ;
  • une augmentation des investissements dans les infrastructures. Non soumis à l'obligation de réaliser des profits pour les actionnaires, le secteur public réinvestit naturellement ses bénéfices pour améliorer ses infrastructures comme cela a été le cas à Dar es Salam (Tanzanie), à Berlin (Allemagne) ou à Medina Sidonia (Espagne) ;
  • une vision à long terme pour le développement des infrastructures. Après la remunicipalisation de leurs services, les villes ont été à même d’établir des plans à long terme pour réduire la pollution dans les fleuves et les voies navigables, en construisant et en modernisant leurs stations d'épuration et leurs réseaux d'égout. De tels plans ont été établis à Hamilton (Canada), mais aussi dans plusieurs grandes villes des États-Unis (Santa Fe, Gladewater, Reidsville) et à Buenos Aires, en Argentine. Ces programmes d'investissement sont souvent coordonnés et financés avec des contributions des autorités régionales ;
  • un accès amélioré à l’eau aux ménages à bas revenu. La restructuration des tarifs permet de garantir un accès équitable à l'eau pour les ménages à faible revenu. Cela a été  le cas à Arenys de Munt et à Buenos Aires ;
  • une plus grande responsabilité et transparence. À Paris et Grenoble (France), les nouveaux opérateurs publics d'eau ont développé des formes de large participation publique ;
  • une meilleure coordination au sein des secteurs et des juridictions. La remunicipalisation fournit aux collectivités une nouvelle capacité pour s'engager sur de nouveaux échelons sectoriels, juridictionnels ou administratifs, par exemple dans des programmes de gestion de bassin versant ou d'adaptation au changement climatique.


Quels sont les risques de la remunicipalisation ?

Les municipalités cherchant à reconquérir leurs services d’eau et d'assainissement doivent toutefois considérer un certain nombre de risques.

Les litiges – Si le contrat est résilié avant la date, les opérateurs privés peuvent obtenir compensation pour les profits totaux prévus dans le cadre du marché. Si les municipalités argumentent une rupture dans les obligations contractuelles, il y a fort à parier que cet argument sera contesté en justice par les opérateurs privés. La ville de Castres (France) a ainsi été contrainte de payer 30 millions d'euros à Suez pour compenser des investissements ; les juges n’ont dans cette décision pas tenu compte du fait que le contrat avait été illégalement signé par l'ancien maire, sans consultation préalable du conseil municipal.

Les conflits Investisseur-État – Le mécanisme de Règlement des différents Investisseur-État (en anglais Investor-State Dispute settlement, ISDS) prévu dans les accords commerciaux permet aux entreprises multinationales de poursuivre des États en justice sur les politiques, les lois ou les règlements qui empiètent sur leurs profits, indépendamment de savoir si ces mesures répondent à l'intérêt public. Les clauses d'ISDS sont insérées dans de nombreux traités bilatéraux d'investissement et seront probablement prévues dans le traité de Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP), dans le traité d'Association transpacifique (TPP), dans l'Accord économique et commercial Canada-Union  européenne  (CETA) ainsi que dans l'Accord sur le commerce des services (TiSA). Les multinationales de l'eau ont déjà utilisé des mécanismes d'ISDS pour réclamer des montants significatifs en compensation de contrats de gestion de service annulés, et cela même en dépit du défaut de réalisation de leurs propres obligations contractuelles. En Argentine, Tucuman et Buenos Aires se sont retrouvées chacune dans ce cas de figure.

La dégradation du capital – Si le processus de remunicipalisation prend une longue période, les actifs risquent de se dégrader par manque d’entretien des opérateurs privés, comme ce fut le cas à Buenos Aires.

La difficulté d’accès aux informations – Dans beaucoup de cas, les entreprises privées rechignent à donner les informations opérationnelles essentielles à la nouvelle structure publique ou à la collectivité locale. Ainsi Eau de Paris n’a pu récupérer les logiciels propriétaires utilisés pour gérer la facturation, la collecte de données de consommation et le contrôle des travaux de maintenance.

La mobilisation citoyenne – Nombre de remunicipalisations réussies n'auraient pu être réalisées sans une longue mobilisation des citoyens. Parmi les types d’action engagée, nous citerons :

L’action juridique – À Jakarta, en dépit d’un accès limité aux informations, les citoyens ont étudié ont réalisé une étude exhaustive de tous les problèmes posés par la privatisation ; l’initiative a permis une action en justice.

Le référendum – Les Berlinois ont dû organiser un référendum pour demander que les contrats de délégation de service public au privé, gardés confidentiels, soient révélés. Un référendum demandant la fin au niveau national des privatisations a été organisé en Uruguay, conduisant à la remunicipalisation des services d'eau et d'assainissement.

La pression publique sur les autorités locales – La pression des citoyens a influencé la position des autorités locales tant à Hamilton (Canada), Stockton (États-Unis) et Buenos Aires qu’à Arenys de Munt  (Espagne) ou à Stuttgart (Allemagne), ainsi, en France, qu’à Grenoble,  Rennes  et Montpellier. Cette mobilisation citoyenne montre que la remunicipalisation  est finalement plus qu’un simple changement de gestion.

Les protestations – Dans certains cas, la protestation est descendue dans la rue. En 2000, c’est à la suite d’une vague de manifestations ayant mobilisé plusieurs dizaines de milliers des personnes que le gouvernement bolivien a annulé son contrat avec une filiale de Bechtel concernant les services d'eau de Cochabamba.

Si les citoyens sont prêts à se battre contre la privatisation et pour la remunicipalisation, c'est parce qu'ils sont convaincus que le secteur public est mieux à même de répondre aux objectifs sociaux et environnementaux auxquels ils aspirent. Ils estiment que le secteur public est en meilleure position pour traiter des questions fondamentales que sont l'accès à l’eau et à l’assainissement pour tous et l'équité,  la préservation des ressources et la protection des écosystèmes, l'adaptation au changement climatique, au contraire des entreprises privées, axées sur le profit.


Les enseignements tirés des partenariats public-public

Des partenariats avec d'autres autorités locales et avec des opérateurs publics peuvent générer des économies d'échelle. Ces partenariats public-public (acronyme anglais PuPs) peuvent renforcer la capacité des opérateurs à résoudre les multiples problèmes auxquels ils peuvent être confrontés. Des associations nationales d'opérateurs nationaux et régionaux de l'eau (par exemple en France Eau Publique ou, en Allemagne, le DWA mais aussi Aqua Publica Europea) partagent également les connaissances et réalisent un soutien "peer-to-peer" (de pair à pair) pour faciliter la remunicipalisation.

La remunicipalisation est l'occasion pour les syndicats non seulement d'améliorer les conditions de travail, mais de refonder la gouvernance de l’entreprise et la participation des travailleurs sur un nouveau schéma de valeurs. La mesure de l’efficacité doit aller au-delà des systèmes actuels de "benchmarking", fondés sur la performance financière, pour  prendre en compte les valeurs à la chose publique (Res publicae). De Jakarta à Paris, d’Allemagne aux États-Unis, la remunicipalisation offre la possibilité d’un développement harmonieux et durable des services au niveau tant social qu’environnemental, et au bénéfice tant des générations présentes que futures. ▄

 

PETITE CHECK-LIST DE LA REMUNICIPALISATION
Vérifier le contrat privé, notamment pour y chercher une éventuelle clause de "résiliation pour des raisons de convenance". Cette clause permet aux municipalités de rompre le contrat plus tôt pour une raison quelconque pour autant qu'un préavis suffisant soit donné à l'opérateur privé ; toutefois cette possibilité n’exonère pas les municipalités des frais de résiliation.

Vérifier l'existence de violations sérieuses dans les obligations du contrat. Ces violations justifieront une  "résiliation motivée" pouvant conduire sur une rupture du contrat  sans indemnisation. Toutefois, les municipalités devront probablement recourir à une procédure d’arbitrage. Dans le cas où le pays a conclu un traité d'investissement bilatéral avec le pays d'origine de l'opérateur privé, une attention supplémentaire doit être portée afin d’éviter un procès devant un tribunal d'arbitrage international ISDS (litiges Investisseur-État).

Bien se préparer. Il faut au moins deux ans pour examiner la meilleure façon de clore le contrat et  (re)créer une entreprise publique. Dans le cas de Paris, le processus de remunicipalisation a pris près de sept ans.

Ne pas perdre un temps précieux à renégocier avec l'entreprise privée. La ville de Buenos Aires a passé six ans à essayer de renégocier son contrat, avant de se résoudre  à remunicipaliser, en dernier recours. Jakarta a passé quatre ans en renégociation. Les systèmes d'information sont essentiels à la prestation de services (notamment pour la collecte des données et la facturation) ; il faut donc veiller à leur transfert vers le service public. Les entreprises privées peuvent ne pas coopérer pleinement dans ce transfert d'informations. Arenys de Munt s’est vue remettre des données incomplètes, cryptées et illisibles de la part de l'ancien concessionnaire.

La volonté politique est essentielle pour la réussite de la remunicipalisation. Des conseils municipaux engagés faciliteront la procédure car ils recevront aussi le soutien d'autres municipalités ayant remunicipalisé leurs services. 

Consulter et faire participer les travailleurs et leurs syndicats dès les premières étapes de la remunicipalisation
. Leurs connaissances sur les activités quotidiennes du service et sur le réseau d'eau sont primordiales. L’échange doit aussi conduire à un dialogue sur la façon dont les salaires et les conditions de travail  seront revus dans le cadre d’un accord mutuel.

Le dialogue social peut être étendu pour créer un débat plus large sur le type de société publique d'eau à  (re)construire. La remunicipalisation doit être l’occasion de mieux prendre en compte les connaissances, les engagements et les revendications tant des travailleurs que des utilisateurs du nouveau modèle public. Les services publics peuvent innover en impliquant tous les acteurs dans la prise des décisions  stratégiques. Ce processus rendra la nouvelle société publique transparente et responsable.

Élaborer des indicateurs permettant d'évaluer les résultats du nouveau modèle public. En plus de mesurer la performance financière et l'efficacité opérationnelle, il s’agit de mettre en place des indicateurs de qualité de service à travers le prisme de l'équité et de la durabilité.

Si nécessaire, rechercher des partenaires publics à même de renforcer les capacités de l'opérateur public local. 

 

ReSources
Remunicipalisation : Remettre l'eau dans la main publique
Animation vidéo disponible plusieurs langues – Youtube
 
Notre avenir Public pour l'eau : L'expérience globale de la remunicipalisation

Avril 2015, disponible en anglais, français, catalan et italien – Transnational Institute
 
Ici pour rester : La remunicipalisation comme une tendance mondiale
Novembre 2014, disponible en anglais, allemand, français, portugais, turc, chinois et japonais – Transnational Institute

Répertoire des remunicipalisations à mars 2015 – Transnational Institute
Toutes les études de cas citées dans cet article sont disponibles sur le Water Remunicipalisation Tracker

 

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L'auteur
Satoko Kishimoto coordonne le projet Water Justice du Transnational Institute (TNI), un institut sur la politique internationale basé à Amsterdam. Ce projet vise à promouvoir des alternatives à la privatisation de l’eau, à travers en particulier des réformes progressistes des entreprises publiques de l’eau et des partenariats public-public, conçus comme le seul moyen de concrétiser dans les faits le droit universel à l’eau et à l’assainissement.

Transnational Institute – TNI