H2o Magazine

Lille et ses canaux, du XIe au XIXe siècle

Mots clés : Lille, canaux de Lille, cité médiévale, 1298, Philippe le Bel, château de Courtai, 1603, 1617, enceintes, 1678, Louis XIV, citadelle, 1858, Wazemme, Fives, Esquermes, Moulins. cadastre napoléonien, 1881, Deûle, Becquerel

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LILLE ET SES CANAUX, DU XIe AU XIXe SIÈCLE

 

Associer Lille à la terre est l’aboutissement d’une passion dévorante de la ville et de l’eau ;
[…] Lille et la Deûle forment un couple indissociable aux relations tumultueuses dont la vie commune s’anime par la dialectique de leurs fonctions, compatibles parfois, complémentaires rarement, et contradictoires souvent.

Lille au fil de l'eau
Catherine Monnet, conservatrice du musée de l’Hospice Comtesse

Emmanuelle BOULAY

Divertissements offerts à l’occasion de la naissance de Monseigneur le Dauphin
le 30 septembre 1729
Bibliothèque municipale de Lille, carton 15, 26
h2o – septembre 2013


La ville de Lille était à l’origine prénommée "Isla" (Insula en latin), puis progressivement "Isle" (signifiant "île"). En effet, la cité fut bâtie à partir du Xe siècle le long de la Deûle sur un ensemble d’îlots, entourés de terrains marécageux. Ces îlots où s’établirent progressivement les chefs lieux (le castrum, le forum et l’oppidum) furent dès le XIIe siècle protégés d’une enceinte. Les méandres furent peu à peu canalisés, et les cours d’eau maîtrisés. Le transport fluvial contribuait fortement au commerce des marchandises et ainsi au développement économique de la ville.

La ville connut de nombreux agrandissements, en particulier : en 1298, sous le règne de Philippe le Bel par la construction du château de Courtai ; en 1603 et en 1617, avec la construction des enceintes nord-sud de la ville ; en 1678, sous le règne de Louis XIV, par la construction de la citadelle ; et le dernier agrandissement, celui de 1858 regroupant les communes de Wazemme, Fives, Esquermes et Moulins. La population durant les derniers siècles avait fortement augmenté, accentuant les rejets (eaux usées, industrielles, déchets…) dans les canaux. Au XIXe siècle, l’état des canaux s’était fortement dégradé, ainsi la municipalité entreprit de recouvrir et d'aménager les canaux, donnant ainsi les premiers égouts modernes.

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Plan cadastral parcellaire de la commune de Lille
Plans du cadastre napoléonien, 1881, Archives départementales du Nord

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LES CANAUX DE LA CITÉ MÉDIÉVALE

Le château de Courtrai
Musée de l’Hospice Comtesse

 

La cité médiévale s’étendait selon l’axe sud-nord, depuis la Porte des Malades, actuellement la Porte de Paris, jusqu’à l’actuel Pont-Neuf, de l’avenue du Peuple Belge. L’enceinte de la cité s’étirait le long de l’axe routier méridien, allant de la Belgique (passant par Bruges et Gand) vers la Champagne et Paris. La rue des Malades (actuelle rue de Paris) au Sud et au Nord la rue de la Grande Chaussée constituaient cet axe méridien.

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Plan de Lille au XVIe siècle par Guichardin, exposé au musée de l'Hospice Comtesse, Lille

Lille était au XIe siècle composée de plusieurs îlots où s’établirent le forum, le castrum et l’oppidum. Dès le XIIe siècle, la cité s’agrandit, annexant ainsi le quartier Saint-Maurice (situé entre le canal des Ponts-des-Comines et le canal du Becquerel), le quartier Saint-Sauveur (situé entre le Becquerel et le canal des Hibernois), et le quartier Sainte-Catherine (situé entre le canal de la Baignerie, le fossé du mur d’enceinte, et le canal du Pont-de-Weppes). Au XIVe siècle, Philipe IV le Bel fit construire le château de Courtrai afin de contrôler la route de Courtrai-Gand (au nord de la ville) et protéger la ville des envahisseurs.

La cité médiévale était ainsi traversée par une multitude de canaux dont les eaux provenaient du cours de la Deûle et du Becquerel. À l’entrée de la cité, la Deûle faisait une chute de sept pieds environ et à sa sortie descendait d’une hauteur équivalente. La Deûle prendra successivement les noms de Haute-Deûle, de Moyenne-Deûle et de Basse-Deûle et connaîtra plusieurs aménagements successifs :

En 1245, pour permettre la circulation navale entre la Flandre et la mer, Jeanne comtesse de Flandre et du Hainaut fit aménager la Basse-Deûle. En 1267, la comtesse Maguerite ayant succédé à sa sœur un an plus tôt, donne le droit de pêche et le droit de péage pour toute une partie du cours d’eau qui allait du Pont du Rivage jusqu’à Deulémont (au nord-ouest de Lille, près de la frontière belge). En 1271, le Châtelain de Lille moyennant une somme de 1 500 livres d’Artois (monnaie de Flandre) s’engagea à créer un canal (dont la canalisation de la Haute-Deûle) de la Bassée jusqu’à Lille en passant par Haubourdin.

En 1285, Henri seigneur du Breucq vendit l’étang "le Plash de Fives" à la ville de Lille. De l’étang s’échappait plusieurs petits cours d’eau qui se rejoignant, donnaient le ruisseau du Becquerel dont les eaux étaient d’origines souterraines. Ces eaux ne gelaient jamais en hiver. Le ruisseau était aussi connu sous le nom de Chaude-Rivière. Le Becquerel passait au travers de la ville en passant par la porte de Fives, et prenant successivement les noms de Haut-Becquerel et de Bas-Becquerel. Ce dernier rejoignait le canal de la rue de Paris. Au cours du XVe siècle, le Becquerel subit quelques aménagements, les curages successifs ne suffisaient pas à limiter les inondations. Lors de violents orages, le Becquerel se répandait sur de larges étendues et les eaux entrainaient dans leur sillage des limons, obstruant les conduites souterraines des fontaines publiques. Pour y remédier, le Magistrat fit endiguer la rivière et creuser un canal conduisant le trop-plein du courant à la Basse-Deûle, mettant ainsi fin aux inondations. Les travaux commencèrent en 1515, et furent achevés en 1519, commandités par Charles Quint. Lors de l’agrandissement de la ville en 1617, le canal fut réaménagé, sa jonction directe avec la Basse-Deûle près du château de Courtrai fut supprimée. Le canal fut alors redirigé vers le canal des Sœurs-Noires. Ce canal fut connu sous le nom du canal des Vieux-Hommes.

Avant son entrée dans la ville, la Deûle se divisait en deux bras au niveau du lieu-dit "Le Fourchon". Seule la branche se dirigeant vers le Pont de Canteleu fut canalisée, l’autre appelée "le Fourchon" ou l’"Arbonnoise" traversait Esquermes et Wazemmes vers les murs de la cité médiévale. En 1566, le Magistrat détourna la moitié des eaux du Fourchon par le creusement du canal des Stations mettant en connexion directe la Haute-Deûle et le canal des Hibernois.

Les principaux canaux intérieurs suivant leur cours sont :

  • le canal de la Baignerie, suivi du canal de Weppes, du canal de la Monnaie, et du canal du Cirque. Le canal Saint-Pierre les reliait à la Basse-Deûle près de l’Hospice Comtesse où tournait le moulin Saint-Pierre. Au cœur de la place encerclée par le canal de la Monnaie et du Cirque, se trouve l’actuelle cathédrale de Notre-Dame de la Treille dont la construction date de 1854 ;
  • le canal des Jésuites, le canal des Molfonds, et le canal de la Vieille-Comédie. Ce dernier rejoignait successivement le canal de la Rue de Paris, le canal des Ponts des Comines, et le canal de la rue de la Quennette ; 
  • le canal des Poissonceaux, le canal des Boucheries, passant entre la Grande Place et la rue Saint-Nicolas, ces derniers étant reliés au canal de la Vieille-Comédie. Le canal des Poissonceaux était relié aussi au canal de la Baignerie à quelques mètres en amont du pont de Weppes ;  
  • le canal Saint-Clément et celui de la rue Quénette rejoignaient le canal des Sœurs-Noires, lequel se divisait en deux branches, l’un se dirigeant directement vers la Basse-Deûle et l’autre vers le canal du Pont Saint-Jacques, le canal du Pont de Flandres et le canal des Célestines pour enfin rejoindre la Basse-Deûle ; 
  • le canal des Hibernois rejoignait la Moyenne-Deûle à l’est et le canal des Molfonds à l’ouest. La Riviérette reliait le canal des Hibernois au canal du Becquerel.

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VAUBAN ET LA CITADELLE

 

Dans un pays de faible relief, au climat humide, aux cours d’eau faciles, les eaux seront les principales auxiliaires de Vauban.

J. Milot, 1967

Plan d'une partie de Lille, et de sa citadelle, 18e siècle
Bibliothèque nationale de France

 

En 1667, Lille passa sous la domination de la couronne française. La ville ne possédait alors que de vieilles fortifications, à l’exception des enceintes construites lors des agrandissements de 1603 et de 1608. Lille était alors la ville la plus puissante de Flandre, très convoitée, elle occupait une place stratégique commerciale et militaire. Ainsi pour assurer la défense de la ville, une forteresse fut alors construite, aujourd’hui plus connue sous le nom de "Reine des Citadelles". Cette appellation fut pour la première fois exprimée en 1668, lorsque le Marquis de Vauban, père de la Citadelle écrivit à Louvois alors Secrétaire d’État du roi : "Je prétends vous faire tomber d’accord […] que ce sera ici la Reine des Citadelles".

Le 13 novembre 1667, les plans de Vauban furent approuvés par le roi, les travaux commencèrent le mois suivant. La citadelle fut construite aux abords de la ville, à proximité de la porte de la Barre dans les terrains les plus bas et les plus marécageux. Il ne fallut pas moins de quatre cents ouvriers le 28 décembre 1667, pour commençer à creuser les fossés. Le travail en hiver était alors difficile, car le sol était bourbeux et humide. Mille quatre cents paysans furent alors employés fin février 1668 ainsi que les soldats des régiments stationnés en ville afin de finir le creusement des fossés. Le site dont les terrains étaient peu engageants à la construction d’un quelconque édifice était stratégique. Les fossés reliaient les différents ouvrages ainsi que le corps de place, seuls des embarcations, ponts de bois, ou passerelles légères permettaient de circuler entre les différents ouvrages. Les ponts étaient en bois, afin d’être plus facilement détruits lors des invasions ennemies. Les fossés étaient que très rarement à secs et dont les niveaux étaient gérés par un jeu compliqué de vannes et de batardeaux.

En cas de siège, quelques manœuvres permettaient l’inondation du sud et de l’ouest de la place de Lille. Une première manœuvre consistait à fermer l’écluse située dans la région d’Arleux, au sud de Douai. Les eaux de la Sensée refluaient alors vers la Scarpe, dont les eaux se dirigeaient vers Lille de par la fermeture de l’écluse du Fort de Scarpe en aval de Douai. Les eaux circulaient par le canal de la Deûle, creusé par Vauban, et à hauteur de l’écluse de Don, les eaux gonflaient et inondaient progressivement les terrains. Une digue d’environ 1 500 toises permettait d’inonder le sud de la ville, de la porte Notre-Dame au village Haubourdin. La troisième manœuvre consistait à inonder les abords de la citadelle, en faisant passer les eaux contenues au niveau de la porte de la Barre par des coupures ménagées dans le chemin de halage longeant la rive gauche de la Haute-Deûle. Environ mille sept cents hectares étaient en totalité inondés sous une épaisseur moyenne de cinquante centimètres d’eau.

Du fait des terrains marécageux, et facilement inondables, la citadelle ne risquait pas de se faire attaquer de front en passant par la campagne, mais uniquement en passant par la ville. Cela obligeait l’ennemi à mener deux sièges consécutifs dont les pertes et les retards pouvaient être considérables et ainsi conduire à la défaite. En 1699, Vauban mena d’importants travaux au niveau du front de la Madeleine, sur une partie de l’enceinte de la ville. 

La citadelle était constituée d’un corps de place, où entre deux bastions se trouvait le bloc de commandement. Le corps de place de la citadelle était constitué de cinq bastions royaux liés par des courtines et accompagnés de cinq grandes demi-lunes, environnées de larges fossés profonds et remplis d’eau. Les cinq bastions portaient à l’origine les noms : le Roi, Anjou, la Reine, Turenne, le Dauphin.

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Plan de la Citadelle (modifié), 1709
The Hebrew University of Jerusalem & The Jewish National & University Library

Vauban, connaissait l’importance de ne pas manquer de ressource en particulier en période de siège. Il fit ainsi construire neuf puits, dont cinq, dans le bâtiment de l’État-major. L’Hôtel du Gouverneur disposait de deux fontaines. Quelques fontaines alimentées par des aqueducs souterrains permettaient le lavage corporel ainsi que le lavage du linge. Deux ou trois abreuvoirs, dont un situé dans le bâtiment de l’État-major, étaient destinés aux quatre-vingts chevaux. Le principal aqueduc permettant d’acheminer les eaux vers la place forte était le canal Vauban de deux mètres environ de diamètre. Le canal traversait le grand corps de place jusqu’à l’esplanade pour ressortir entre la rue Dauphine (aujourd’hui la rue de Jemmapes) et la rue d’Anjou et ainsi regagnait la Basse-Deûle. 

Afin d’assurer les vivres, la citadelle disposait d’un moulin à eau (dont l’emplacement de la roue pouvait encore être observé jusqu’en 1965) qui pouvait moudre deux cents quintaux de blé par jour, soit dix-huit mille rations journalières.

La construction de la citadelle fut terminée au moyen de fonds importants et à l’aide de nombreux travailleurs (paysans, soldats "les remueurs de terre", maçons, etc.) en 1670. En dix ans, le roi Louis XIV ne visita pas moins de six fois la citadelle. La citadelle faisait alors partie de l’une des nombreuses places fortes, délimitant le "Pré-carré" conçu par Vauban comportant les vingt-huit villes fortifiées.

Bien que l’édifice fût conçu pour résister à d’éventuelles attaques, ce fut à la suite de quatre longs mois de siège en 1708 lors de la Guerre de Succession d’Espagne que les défenseurs de la ville finirent par capituler. Pendant cinq ans, Lille vécut sous l’occupation hollandaise.

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Plan de Lille, 1715, Bibliothèque nationale de France



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DES ÉGOUTS À CIEL OUVERT

Assainissement et utilisation de l’ancien port de la Basse-Deûle
carton 33,7, Bibliothèque municipale de Lille

 

Entre 1800 et 1850, l’industrie lilloise connut un essor fulgurant. Son activité textile était alors très reconnue, et d’autres filières telles que la métallurgie de transformation. Celle-ci eut une importance économique considérable pour la ville de Lille. Cet essor industriel eut pour conséquence l’augmentation de la population lilloise et des banlieues proches. L’augmentation de la population et du nombre d’industries eut des effets néfastes sur l’état des canaux. Ces derniers servaient d’exutoire aux déchets à la fois industriels (textile, boucherie) et domestiques (ordures ménagères, latrines publiques et privées…). Les canaux peu profonds et tortueux, où la circulation des eaux se faisait difficilement, devenaient rapidement insalubres et sources d’épidémies. La plus connue est celle du choléra survenue sur le territoire lillois en 1832.

Dès 1819, la municipalité s’était engagée dans une politique d’entretien des canaux, l’arrêté du 25 octobre interdisait de jeter dans les canaux, égouts et aqueducs :

  • aux bouchers : les entrailles, et le sang des animaux abattus,
  • aux marchands de poisson : les rognures et entrailles des poissons,
  • aux tripiers : les eaux dans lesquelles les tripes ont été cuites,
  • aux manufacturiers, marchands ou peigneurs de laine et autres : les eaux avec lesquelles sont nettoyées les laines. Antérieurement, les laines étaient lavées directement dans les canaux. Cet usage fut interdit à la fin du XVIIIe siècle et rappelé dans l’arrêté du 25 octobre 1819,
  • aux teinturiers, foulons, tanneurs, pelletiers, gantiers et salineurs : les bouillons, rognures, ou raclures et autres résidus,
  • aux savonniers : les eaux sales. Ces eaux devaient être mélangées avec des eaux claires pour ensuite être rejetées dans les égouts. En cas de gel, les eaux salles pouvaient être directement rejetées dans les égouts, mais en aucun cas dans les ruisseaux et sur la voie publique
  • à tout particulier : les décombres et les ordures. Le particulier avait l’obligation d’entretenir les puisards construits alors en bois afin de ne pas gêner la circulation des eaux dans les canaux. En cas d’éboulement, les particuliers étaient tenus de reconstruire les puisards en briques dans un délai déterminé par l’injonction. Pour veiller à l’exécution de l’arrêté, deux gardes étaient préposés à la surveillance des canaux.

Un service de la voirie fut créé, composé d’agents de police "les rois de ribauds" responsables du ramassage des bêtes mortes, des Eauwiers (Oyers) chargés de l’entretien des fontaines, des canaux et des égouts, des Angelots (éboueurs) chargés de répandre les boues dans les bouvacques situés hors de la ville, et de particuliers adjudicateurs chargés de l’enlèvement des ordures aux frais des habitants.

Lille disposait de quatre canaux auparavant navigables (le Trou aux aiguilles, la Rivièrette, le Becquerel, et le Bucquet), mais avec l’état d’insalubrité des canaux, les écluses étaient uniquement utilisées comme effet de chasse pour le désenvasement. Les barques mêmes plates n’avaient alors plus la possibilité de remonter le courant.

Malgré les démarches entreprises par la commune, l’état de canaux ne cessait de se dégrader. En 1820, le canal de la Quenette fut recouvert, et suite aux agrandissements de 1858 et de 1870, la ville décida de recouvrir ces canaux et ainsi d’aménager les premiers égouts modernes. Par ordre chronologique, la municipalité fit voûter de 1860 à 1885, les canaux des Célestines, du Pont de Flandre, de l’Hibernois, et la Rivièrette, en 1864 le canal Saint-Jacques, le canal des Sœurs-Noires, et le canal de la Comédie, en 1875, le canal des Poissonceaux, en 1879, le canal de l’Arc et le canal des Molfonds, en 1912, le canal de la Baignerie, et de 1925 à 1930, la Basse-Deûle, au niveau du Peuple-Belge. Au XXe siècle, l’ensemble de canaux avait disparu, devenant des égouts collecteurs à l’exception de quelques-uns : le quai du Wault, le canal de l’Esplanade et les canaux intérieurs de la citadelle.

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Projet de construction des égouts collecteurs dans l’hypothèse de la conservation du bassin de la Basse-Deûle, carton 33,8, Bibliothèque municipale de Lille



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HISTORIQUE DES CANAUX


Le canal de la Baignerie

Le canal de la Baignerie était une partie du fossé d’enceinte après l’agrandissement de 1280, permettant l’annexion de Ste-Catherine, quartier entourant l’église du même nom. En 1604, la Haute-Deûle passait dans la ville à travers une porte d’eau fermée par une grille, lieu où se faisait le dépôt des marchandises. Celles-ci étaient transportées par chariot et acheminées vers la Basse-Deûle.

Le canal fut remblayé en 1912, les détritus industriels et ménagers déversés en aval favorisaient l’envasement. À proximité du Pont d’Amour (construit en 1604) et d’un abreuvoir situé rue des Bouchers (existant jusqu’en 1815), le canal débouchait sur un lieu surnommé le "Trou peu net".


Les canaux dits de Weppes, de la Monnaie, du Cirque et de Saint-Pierre

Le canal du Weppes passait sous le rang de maisons face à la rue Thiers puis se dirigeait vers la place de la Treille. Au croisement de la rue du Cirque et de la rue de la Molette se trouvait le pont de Roubaix. Le canal se divisait en ce point en deux bras : l’un constituait le canal de la Monnaie et l’autre le canal du Cirque. Ces deux canaux se rejoignant donnaient le canal Saint-Pierre.

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Le canal de Weppes, 1855, Bibliothèque municipale de Lille
Canal de Weppes, Plans du cadastre napoléonien 1881, Section A, feuille 6, Archives départementales du Nord

Le nom du canal de la Monnaie venait du fait que Lille possédait un atelier monétaire qui, à l’époque bourguignonne, fut transféré à Bruges. En 1865, le roi Louis XIV fit rétablir l’établissement, constitué d’un petit bâtiment donnant sur le canal (près de la place aux Oignons) et d’un logement de fonction, rue aux Péterinck et rue de la Monnaie. Ce bâtiment fut à plusieurs reprises au cours des siècles rasé, reconstruit et réaménagé. Aujourd’hui, il accueille la Centrale des Œuvres. Le canal Saint-Pierre franchissait la rue de la Monnaie et actionnait le moulin Saint-Pierre jusqu’à la fin du XIXe siècle. Ce moulin appartenait à l’Hospice-Comtesse.

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Le canal Saint-Pierre, vers la rue Esquermoise, 1902-1907, Archives départementales du Nord
Canaux de la Monnaie, du Cirque et de Saint-Pierre, Plans du cadastre napoléonien 1881, Section A, feuille 5, Archives départementales du Nord

 
Les canaux dits des Poissonceaux, de la Vieille-Comédie, des Boucheries, des Jésuites, des Molfonds, de la rue de Paris, du Pont des Comines, de la Quennette, et de Saint-Clément

Le canal des Poissonceaux servait de fossé d’enceinte entre le canal de la Baignerie et le canal des Molfonds, avant d’être canalisé en 1144. L’agrandissement de 1304 permit à la ville de Lille de s’étendre au-delà du canal des Poissonceaux. Au XIXe siècle, le canal circulait tantôt dans un sens tantôt dans un autre suivant l’utilisation des eaux par le moulin Saint-Pierre et celui du Château situé alors place Louise de Bettignies. En 1875, le canal fut couvert, l’état du canal n’avait cessé de se dégrader, comme le décrit en 1866, F. Roure, inspecteur départemental du service de la salubrité publique du Nord : "[…] ses eaux sont stagnantes ou ont si peu de mobilité que les détritus qu’il charrie, se déposent dans le calme de son lit trop large, et y fermentent […]."

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Canal des Poissonceaux, Plans du cadastre napoléonien 1881, Section I, feuille 3, Archives départementales du Nord

Le canal de la Vieille-Comédie reliait la place Rihour à la rue des Fossés, connecté au canal des Boucheries, ce dernier se dirigeait vers la rue Anatole France. Le canal des Boucheries recevait les eaux salles des boucheries, situées derrière la Halle Échevinale (de 1285 à 1549) et de la Grand-Garde (de 1550 à 1717) et les eaux provenant des marchés aux poissons, situés rue Faidherbe (de 1521 à 1870). En ce point, il prenait le nom de "Trou aux anguilles" puis rejoignait le canal Saint-Clément (rue des Arts) et le canal de la Quennette, puis le canal des Sœurs-Noires.

Le canal des Jésuites permettait l’entrée des eaux véhiculées par les fossés de la ville. Le passage sous les remparts était voûté, une écluse permettait de réguler les débits ou par effet de chasse, de désenvaser les canaux. Le canal des Jésuites traversait le collège des Jésuites à ciel ouvert et fut couvert en 1713. Le canal des Molfonds suivait son cours parallèle à la rue des fossés et la rue Béthune. En aval, le canal recevait le canal des Hibernois et le canal de la Vieille-Comédie. Le canal de la rue de Paris débouchait sur le canal des Ponts des Comines. Ce dernier passait au XVIIIe siècle sous le marché au fil de lin, situé entre la rue de Paris et la rue Schepers. Au-delà, les habitants devaient franchir un pont en bois pour circuler de part en part. La partie entre les rues Schepers et Faidherbe, le canal fut recouvert de 1820 à 1836 aux frais des riverains. Les derniers ponts disparurent en 1846.

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Vue du pont d’Amour, rue des Bouchers, 1902-1907, Archives départementales du Nord
Canal de la Rue de Paris et canal des Boucheries, Plans du cadastre napoléonien 1881, Section I, feuille 6, Archives départementales du Nord

 
Le Becquerel

Les eaux du Becquerel venaient des carrières de Lezennes et des sources du Plach (étang situé au Prieuré de Fives). Ces eaux chaudes réputées alors pour soigner les ophtalmies lui ont donné le nom de Chaude-Rivière.

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Le Becquerel, Plans du cadastre napoléonien 1881, Section I, feuille 6, Archives départementales du Nord

 
Le canal des Hibernois, et la Riviérette

Le nom du canal des Hibernois doit son origine au collège fondé en 1610, pour les catholiques irlandais chassés de leur pays. Le canal entrait dans l’enceinte de la ville, longeait la rue de la Vignette et le jardin des Capucins (de 1515). Au niveau de l’écluse du Pont Bruyant, située alors à l’intersection entre les rue du Plat et du Molinel, le canal des Hibernois (Haut-Hiberbernois) se divisait en deux branches : le Bas-Hibernois et la Rivièrette.


Le canal des Sœurs-Noires, et le canal des Vieux-Hommes

Le canal des Sœurs-Noires devait son nom à la couleur des vêtements des sœurs Augustines (robe noire serrée avec une ceinture en cuir), installées en 1327 entre le boulevard Carnot et la rue de Roubaix. Sous la Révolution, le couvent servit d’abris aux Sans-Culottes de la Société Populaire puis fut vendu en 1797. Le jardin menant au canal disposait d’un élégant débarcadère, qui disparut dans les années 1960. En 1849, le choléra sévit, les riverains pensèrent alors à couvrir le canal ainsi que celui des Vieux-Hommes. En 1864, ces canaux furent entièrement recouverts.

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Canal des Sœurs-Noires, 1850, Bibliothèque municipale de Lille

 
Le canal des Célestines, et le canal du Pont de Flandre

En 1300, Philipe IV le bel fit construire le château de Courtrai pour contrôler la route de Courtrai-Gand et protéger la ville de Lille. Ce qui amena à creuser un fossé donnant naissance au canal des Célestines et au canal du Pont de Flandre. L’agrandissement de 1620 transforma le fossé d’enceinte en simple canal. Le château de Courtrai n’existait alors plus, démantelé à partir de 1578.

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Le Pont des Bateliers Basse-Deûle, 1902-1907, Archives départementales du Nord
Le canal du Magasin à  fourrage et celui de la Basse-Deûle, Plans du cadastre napoléonien 1881, Section A, feuille 13, Archives départementales du Nord

 
Le canal du Magasin à fourrages, et le canal de la Basse-Deûle

Le quai de la Basse-Deûle longeait l’hospice général ouvert en 1743 et le canal du Magasin à fourrages longeait les Haras et le magasin aux fourrages. Ce canal servait de débarcadère pour les matériaux amenés par péniches.

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Le canal de la Basse-Deûle, Plans du cadastre napoléonien 1881, Section A, feuilles 3 & 2, Archives départementales du Nord

 

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Le Palais de Justice, vue prise de la Basse-Deûle, "Souvenir de Lille", Bibliothèque municipale de Lille


La Moyenne-Deûle, et le quai du Wault

Le transfert des marchandises de la Haute-Deûle à la Basse-Deûle se faisait en traversant la ville par chariot, une rupture de charge de trois mètres séparait les deux rives. Le passage de la Deûle à travers l’Esplanade prévu par Vauban fut refusé, car la ville vivait du transbordement des marchandises. Ce fut qu’en 1751, que le canal de l’Esplanade fut creusé reliant la Haute-Deûle à la Basse-Deûle. En 1370, le quai du Wault fut connu sous le nom de "Petit port de la Neuve-Navie", en 1872, sous le nom de "quai Saint-Martin" puis en 1882, sous son nom actuel. Suite aux agrandissements de 1670, le quai du Wault fut intégré dans l’enceinte de la ville. En 1966, le quai du Wault fut isolé de la Deûle ne constituant plus qu’un bassin, l’un des derniers vestiges d’une ville rivière. 

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Le quai du Wault et le canal de l’Arc, Plans du cadastre napoléonien 1881, Section I, feuille 2, Archives départementales du Nord


"Les canaux de Lille, qui suscitent de nos jours un certain nombre de regrets rétrospectifs, font au XIXe siècle l’objet de plaintes unanimes. Leurs émanations fétides et les foyers de putréfaction qu’ils représentent les font condamner sans appel"
, Lille au fil de l’eau, éd. La Voix du Nord.

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Quai de la Basse-Deûle, Lille, 1902-1907, Archives départementales du Nord
Voûte du canal venant de l’Hospice Comtesse en Basse-Deûle, Lille, 1902-1907, Archives départementales du Nord

 

 

ResSources
J. Caniot, Les canaux de Lille (Première partie et Deuxième partie), 2006 et 2007.
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